Sommaire
Editorial - Etre Belge
Je suis Belge. Bien entendu, comme quiconque, je n'ai pas choisi de naître ici plutôt que là. Mais le sort a voulu que je puisse avoir "bonne conscience". Et j'explique ce sentiment.
Lorsqu'il s'agit de rapporter les faits de guerre (au sens le plus large) des anciens combattants de 14-18, de 40-45, de la guerre de Corée ..., l'intention n'est pas de mettre en exergue une action belliqueuse ou d'exalter un militarisme de mauvais aloi (c'est en tout cas l'esprit C.L.H.A.M.).
Nos combattants ont toujours, sous l'autorité du Chef de l'Etat et d'un Gouvernement régulièrement désigné par nos représentants démocratiquement élus, pris les armes pour défendre leur patrimoine national et leurs familles (ce que l'on évite d'appeler, de nos jours, la Patrie).
Nos dirigeants ont essayé par tous les moyens (construction de fortifications, déclaration de neutralité, alliance défensive) d'éviter que nos voisins ne se sentent provoqués, mais aussi qu'ils s'imaginent que la Belgique, est une proie facile. Non par lâcheté, car chaque fois que l'agresseur a franchi nos frontières, il a trouvé nos pacifistes les armes à la main, animés par la plus grande indignation et le plus grand esprit de sacrifice.
Il m'est impossible à moi, Belge de soixante ans, ayant porté l'uniforme pendant une vie active complète, de montrer mes cicatrices, de narrer mes combats. C'est parce que depuis 47 ans, la paix règne en Belgique.
La paix règne grâce à nos Anciens qui ont fait ce qu'il fallait, grâce à l'OTAN dont nous faisons partie depuis sa naissance, grâce à l'esprit de compromis "à la Belge" qui, dés que la première goutte de sang coule, ou menace de couler, ramène les différends nationaux à des accords politiques.
Maintenant que notre armée semble vouée à des opérations humanitaires, à des opérations de maintien ou de restauration de la paix en dehors de nos frontières, je suis encore conforté dans mon "pacifisme armé".
Certains diront ironiquement que je trouve que "tout te monde, il est beau, il est gentil". Qu'importe ! Je trouve que c'est une chance d'être né Belge et, de grâce, que l'on ne trouve ici aucun relent de xénophobie.
P.B.
Retour au sommaire
Michel VIATOUR, Les monuments de la ville de STAVELOT
Lorsqu'on entre dans la belle petite ville de Stavelot, en venant du village de Lodomez, dans la descente de la rue Chemin du Château, face au numéro 15, on remarque une première stèle qui a été posée en mai 1989.
1989, l'année du 45ème anniversaire de la Libération et aussi de la Bataille des Ardennes (du 16 décembre 1944 au 15 janvier 1945).
Après le soulagement et les fêtes de la Libération, ce fut le dur et brusque retour des Allemands dont Stavelot fut l'une des Villes Martyres.
Cette stèle a été coulée en bronze dans les ateliers de l'Ecole Technique Provinciale de Verviers à la mémoire des soldats américains tombés le matin du 18 décembre 1944 pour la défense de Stavelot.
Quelques centaines de mètres plus bas, un autre monument, une stèle et une croix, rappelle la mort de 26 victimes civiles stavelotaines durant l'hiver 44
En franchissant le pont sur l'Amblève, une stèle scellée dans la maçonnerie du parapet rappelle les durs combats pour la défense de ce pont.
Place Saint-Remacle, magnifique ensemble architectural, au pied de la maison portant le n° 31, une borne du T.C.B. (Touring Club de Belgique) est là pour visualiser l'avance extrême des Allemands durant l'hiver 44/45.
Scellée dans le mur de soutènement de la route principale, côté parking, une autre stèle commémore les faits d'armes de la 30ème Division d'Infanterie U.S. et plus particulièrement de son 117ème régiment.
Dans le parc situé entre la route et l'abbaye, le visiteur admirera aussi le magnifique monument communal (14/18 et 40/45) dont la symbolique du renouveau représente les semailles et les blés, le semeur et la femme. Une stèle est scellée sur une des faces de ce monument en hommage à trois Stavelotains, Elise et Constant GRANDPREZ et André GREGOIRE, fusillés par les Allemands le 8 mai 1917 à la Chartreuse (Liège).
Non loin de là, dans une pelouse, une stèle est dédiée aux Alliés tombés pour la Libération de Stavelot en septembre 1944 (celle-ci a été posée lors des cérémonies du 40ème anniversaire de la Libération, le 14 octobre 1984).
Dans ce même parc, il convient aussi de rendre hommage à cet enfant du pays, le général baron JACQUES de DIXMUDE, dont le buste repose fièrement sur un socle de pierre.
Reprenant la route vers le circuit de Francorchamps, le regard ne manquera pas de s'arrêter sur l'imposant monument national aux Démineurs.
Le texte, gravé en français et en néerlandais, rappelle que ce monument est dédié aux quelque 150 démineurs tombés par action de déminage.
Une sculpture, due à A. SEGERS, représente un démineur; d'autres symboles figurent aussi sur ce monument : les écussons des neufs provinces, une hure de sanglier, une bombe, …
Retour au sommaire
Lt Col. B.E.M. Y. DERAYMAEKER, Quelques considérations sur l'historique des combats du 2ème Grenadiers les 10 et 11 mai 1940
La lecture de l'historique du 2ème Grenadiers les 10 et 11 mai 1940 ainsi que celle de l'ouvrage de J.-L. Lhoest "Les paras allemands au Canal Albert" m'ont inspiré un certain nombre de réflexions que je me permets de vous livrer :
1. A propos du choix de l'endroit
La partie du front où les Allemands ont porté leur "Schwerpunkt" était idéalement choisie : le saillant de Maastricht n'était-il pas en effet la seule zone où la Meuse échappait au contrôle des Belges et où la ligne principale de défense, s'appuyant sur le Canal Albert, était pratiquement au contact de la frontière néerlandaise, ne donnant de ce fait aucun recul à nos avant-postes ?
Il en allait tout autrement au nord de cette zone, où les défenseurs contrôlaient les deux lignes d'obstacles, de même que plus au sud, où les quelques dizaines de kilomètres séparant la frontière belgo-allemande du Canal ou de la Meuse permettaient l'exécution d'une manoeuvre retardatrice : dans les deux cas, une percée rapide était difficilement réalisable par l'assaillant.
A noter également ici que les excellentes réactions néerlandaises (tirs de D.C.A. contre les convois de planeurs, destruction des ponts de Maastricht) ne furent pas exploitées comme elles auraient pu l'être, suite au manque de coordination entre Belges et Néerlandais, bien illustré lorsque se posa le problème du recueil d'une compagnie néerlandaise devant les positions du 2 Gr. Que n'avons-nous souffert en 1940 de l'inexistence d'une défense intégrée telle que celle que nous connaissons aujourd'hui grâce à l'OTAN et bientôt peut-être grâce à l'UEO ? Celle-ci aurait permis par exemple à des troupes de couverture belges de se porter dès le premier coup de feu sur la Meuse à Maastricht, donnant ainsi à nos troupes en ligne sur le Canal un répit précieux.
2. A propos de l'alerte
On n'insistera jamais assez sur l'importance du service rendu aux Alliés par le colonel Hans Oster, cet opposant allemand appartenant à "l'Abwehr", qui parvint à prévenir de l'imminence de l'attaque le major Sas, attaché militaire néerlandais à Berlin. Celui-ci en informa aussitôt son collègue belge, le colonel Georges Goethals, qui en avisa Bruxelles par deux fois dans la soirée du 9 mai (avertissement à 19 h, confirmation à 21 h 30).
De ce fait, l'ennemi ne put bénéficier le 10 mai que d'une surprise technique (planeurs, charges creuses), à défaut d'avoir pu obtenir la surprise tactique.
Sans Oster, pas de mise en alerte des troupes belges et néerlandaises, avec des conséquences plus catastrophiques encore à l'aube du 10 mai : positions sur le Canal occupées par les seuls détachements de sûreté, sautage des ponts de Maastricht et de Canne sans doute inopérant !
Comme le signale fort judicieusement Lhoest dans son ouvrage précité, sans ces destructions, c'est 24 heures plus tôt encore que des blindés allemands auraient fait irruption sur nos arrières, compromettant notre repli sur KW et rendant impossible le coup d'arrêt donné par la 1ère Armée française à Gembloux, voire même peut-être le rembarquement franco-britannique de Dunkerque.
3. A propos de la prise des ponts de Vroenhoven et de Veldwezelt
Il est navrant de constater l'absence de mise à feu électrique sur ces deux ouvrages : l'alerte ayant été donnée, il est probable que ceux-ci auraient sauté s'ils avaient pu être mis à feu électriquement : pas question pour le Gefreiter Stenzet d'arracher la mèche déjà allumée à Vroenhoven; et, à Veldwezelt, il est vraisemblable que le caporal Cornée, des Cyclistes-frontière, aurait pu exécuter la mise à feu avant l'irruption des parachutistes allemands.
Dans son ouvrage "Guerre totale, guerre révolutionnaire", le professeur Bernard précise que les mises à feu électriques avaient été supprimées sur ces ouvrages du fait qu'ils ne disposaient pas de détachements de mise à feu du Génie. Terrible décision pour des ouvrages collés, comme on l'a vu plus haut, à la frontière néerlandaise ...
En conclusion, il me semble que nous avons malgré tout bénéficié le 10 mai de deux avantages de taille : la mise en alerte, qui a permis à nos troupes d'occuper leurs positions de combat à temps, et le sautage réussi des ponts sur la Meuse à Maastricht, qui a bloqué les panzers pendant 24 heures.
Par son héroïsme et sa ténacité, le 2 Gr a su tirer le meilleur parti de ce double atout.
Retour au sommaire
Franck VERNIER, Les abris de la Position Fortifiée de Liège en mai 1940 (2)
La Position Fortifiée de Liège 2 au 10 mai 1940
CHAPITRE 3 - LA POSITION FORTIFIEE DE LIEGE 2
A. INTRODUCTION
En 1927, la Commission d'Etudes du Système Fortificatif du Pays proposa, vu l'importance stratégique de la région liégeoise et l'expérience des combats d'août 1914, la création d'une organisation défensive et permanente établie en profondeur. Il fallait donner à toute ligne défensive la plus grande profondeur possible afin d'éviter une rupture brusque en un point.
Cette organisation défensive devra comporter deux lignes :
- la première épousera, sur la rive droite, la ligne des forts Brialmont. La ligne défensive passera derrière le fort d'Embourg pour englober le village de Boncelles et le Val Saint-Lambert entre l'Ourthe et la Meuse. Comme ce tracé présente certains défauts, il est décidé de le corriger en créant des positions permanentes de défense constituées d'abris à Micheroux et à Magnée. Cette première position permanente de défense, ou ligne défensive, sera constituée par des abris pour mitrailleuses avec, comme ossature, les forts Brialmont reconditionnés de la rive droite.
- la seconde ligne de défense constituera une tête de pont sur ta rive droite de la Meuse, de Jupille à Chênée, composée d'une série d'abris de mitrailleuses assurant la continuité des feux. Nous verrons dans le chapitre suivant comment cette ligne d'abris de mitrailleuses sera transformée en une série d'abris contre-irruption.
Nous avons vu dans le chapitre précédent, qu'en 1931, on décida la construction d'une ligne défensive, 8 km en avant des forts Brialmont, qui deviendra la PFL 1.
La ligne défensive construite au niveau des forts Brialmont deviendra la PFL 2, tandis que la tête de pont sur la rive droite de la Meuse formera la PFL 3.
La construction de ta PFL 2 actuelle débuta en 1934. La majorité (environ 50 abris) des 62 abris sera terminée en juillet 1935. Cependant certains d'entre eux, à savoir BM 6, BM 7, devant être construits à proximité de la Meuse, à Cheratte, il fallait attendre la rectification du cours de la Meuse. De la sorte, BM 7 ne sera jamais construit, les travaux pour rectifier le cours du fleuve n'étant pas terminés en 1940.
Fin 1937, début 1938, on procède à l'étude de la transformation des abris avec cloche d'infanterie en postes d'observation de fort. Les projets les plus fous seront étudiés, tel la construction d'un abri au-dessus de la belle-fleur du charbonnage de Cheratte, devant servir d'observatoire extérieur sous abri au profit du fort de Barchon.
"L'aménagement de la belle-fleur par deux abris de coin, installés à la partie inférieure de l'étage et disposant de mâchicoulis pour le lancement de grenades, semble possible à construire ... Le poids de chaque abri est estimé à 175 tonnes, total 350 tonnes. On ne peut surcharger de 350 tonnes une charpente calculée pour supporter 100 tonnes ..." (Dossiers QGT, 1957, CDH à Evere). Ces deux abris ne seront jamais construits et on comprend aisément pourquoi.
Finalement, on procédera à la construction de quelques abris d'observation comme EC 1 bis et FE 2 sur le terril du charbonnage de La Lonnette. Les autres sont les anciens postes d'observation d'infanterie transformés ou parfois même un abri amélioré.
B. L'ABRI TYPE PFL 2
Ce modèle standard diffère totalement des types d'abris standards de la Position Avancée et de la PFL 1 étudiés précédemment. Beaucoup plus gros que les deux premiers standards, il possède deux embrasures pour mitrailleuses ou FM dont les axes de tirs sont parallèles afin d'augmenter la puissance de feu dans un secteur donné. Il a la forme d'un carré de 7 m de côté dont un angle a été tronqué. Il comporte 3 chambres de tir :
- les deux premières possèdent un bac en béton rempli d'argile dans lequel les soldats des intervalles viennent placer la mitrailleuse 08/15 sur son affût de campagne. Elle était en effet amenée par les troupes de campagne, l'abri étant inoccupé en temps de paix, contrairement aux observatoires des forts. L'entretien de l'abri était effectué par les soldats des forts.
- la troisième chambre de tir, beaucoup plus petite que les deux autres, défend le sas d'entrée grâce à une embrasure pour un fusil ou FM et à une goulotte lance-grenades. La sortie de secours, placée sur la même face que l'entrée, était fermée à l'aide d'un mur de briques, un léger recouvrement de ciment la camouflant. En cas de problème, il suffisait de sortir les deux rangées de poutrelles de leurs rainures et de défoncer le mur de briques avec la crosse du fusil. Cette face était, de plus, défendue par une goulotte lance-grenades.
Abri standard PFL 2
A l'intérieur des deux chambres de tir principales, on peut encore voir des étagères, des crochets et la tablette devant supporter la machine à garnir les bandes de tissus pour les cartouches de mitrailleuse. Une porte à persiennes et une porte-grille fermaient l'accès à l'abri, tandis que les deux embrasures étaient camouflées extérieurement par deux volets basculant verticalement afin de dissimuler aux yeux indiscrets le type d'armement.
Photo
C. LES OBSERVATOIRES DE PFL 2
Fin 1937, on décida de créer des observatoires sous abris dépendant des forts de la 2ème ligne (PFL 2). Quoi de plus normal que de réutiliser les 13 abris avec cloches utilisés comme observatoires d'infanterie. D'autres abris seront cependant construits, tels EC 1 bis, sur le Trixhay à Chaudfontaine, et FE 2 sur le terril du charbonnage de La Lonnette situé à Retinne.
Comme en PFL 1, certains PO d'infanterie subiront diverses modifications dont les plus importantes seront :
- la suppression des deux bacs à argile,
- le murage d'une des deux embrasures principales, la chambre de tir devenant alors le local de détente,
- le placement dans l'autre chambre de tir d'un affût Chardome moins encombrant et plus performant que les bacs à argile,
- l'installation d'un ventilateur dans le local de détente.
Tous ces travaux se feront dans le cadre de la transformation des abris observatoires d'infanterie de toute la PFL, c'est-à-dire qu'aux PO de PFL 1 et PFL 2 il faudra ajouter 2 autres abris de la PFL 4 : PL 13 et PL 19.
Les 13 observatoires ont tous une cloche de type guet ou FM (FB 2, FB 3, BE 5, BE 8, EC 1 bis, CF 4, Mg 1, Mg 4, FE 5, EB 2, BM 3, AC 1) sauf l'abri de La Lonnette qui, situé au sommet du terril, devait recevoir une cloche d'observation totalement différente : une cabine blindée d'origine allemande et d'un poids approximatif de 2 tonnes. Son placement ne devait se faire que pendant la mobilisation.
Les 13 observatoires seront occupés le 10 mai 1940.
Leur action durant la campagne sera négligeable sauf EC 1 bis et AC 1 qui firent plus que leur devoir.
Garnison de EC 1 bis : MDL Bodson, Brig Pirson, Sdt Vannieuwenhuysen, Sdt Brevers.
Les forts de PFL 2 et leurs PO
BE 5 Observatoire du Fort de Boncelles
1. Sas – 2. Chambre de tir avec affût Chardome – 3. Local de détente – 4. Puit de la cloche de guet – 5. Sortie de secours
D. LA PFL 2 ET SES 62 ABRIS
En octobre 1939, on projette la construction d'autres abris pour compléter la PFL 2 et lui donner ainsi de la profondeur (un deuxième échelon). Cette seconde ligne sera située en retrait. On prévoit 37 casemates pour canons de 47 mm et pour mitrailleuses. En mai 1940, 8 abris sont construits : CF 4 ter, CF 5 ter. CF 10 ter, FE 2 ter. FE 3 ter, EB 2 ter, EB 3 ter et BM 2 ter.
Ces abris, dont les deux chambres de tir sont pourvues d'un affût Chardome, possèdent des murs protecteurs contre un tir direct de l'ennemi. Ils ne tirent en effet qu'en flanquement, c'est-à-dire sur le flanc de l'attaquant. D'une construction plus tardive, ils présentent une nette évolution au niveau de la conception par rapport à l'abri type de PFL 2.
FE 3 ter
1. Sas - 2. Chambres de tir avec affût Chardome - 3. Sortie de secours
A partir de 1936, un réseau antichar est construit devant toute la position. La première méthode fut le champ de rails formé de 5 rangées de rails sortant alternativement de 80 cm à 1,20 m. Le premier champ de rails fut planté entre les forts de Barchon et d'Evegnée et prolongé jusqu'à la Bure de Soxcluse, soit une dizaine de kilomètres.
Dans chaque rangée, les rails émergent alternativement de 80 cm et 1 m 20
Des brèches pratiquées dans l'obstacle à la traversée des routes devaient être bouchées au moment opportun par des éléments Cointet fixés aux rails par de forts câbles d'acier. Dans la suite, l'obstacle Cointet fut préféré au champ de rails et la défense antichar fut achevée complètement à t'aide de barrières Cointet. Le flanquement de ce réseau antichar était assuré par les abris de la PFL 2.
Obstacle "C" ou Cointet
1. Rouleaux avant – 2. Rouleau arrière – 3. Charnières – 4. Gaine d'amarrage – 5. Etrier d'attache avant – 6. Etrier d'attache arrière – 7. Etrier central – 8. Crochets d'amarrage
Vue de deux éléments "C" assemblés
Les secteurs de la PFL 2.
- Secteur FB (Flémalle-Boncelles)
4 abris : 2 observatoires de fort, FB 2 (à 2 locaux et cloche FM) et FB 3 (à 2 locaux et cloche de guet) au profit du fort de Boncelles; 1 abri observatoire d'infanterie, FB 1, à une cloche FM et 1 abri à 1 étage, FB 2 bis, pour 2 mitrailleuses ou FM.
Le fort de Flémalle ne possédait pas d'observatoire extérieur sous abri.
- Secteur BE (Boncelles-Embourg)
10 abris dont 2 observatoires de fort, BE 5 (à 2 locaux et cloche de guet, dépendant du fort de Boncelles) et BE 8 (à 2 niveaux et cloche de guet, dépendant du fort d'Embourg).
- Secteur EC (Embourg-Chaudfontaine)
5 abris : 1 abri standard PFL 2, EC 1; 1 observatoire du fort d'Embourg, EC 1 bis; 1 abri contre irruption, EC 2 (grosse casemate armée d'un canon antichar de 47 mm et d'une mitrailleuse située le long de la route Chaudfontaine-Liège); 1 abri type PFL 1, EC 3; 1 abri de bombardement passif, EC 4, dépendant du fort de Chaudfontaine, qui servit d'abri à l'équipe Mi CA du fort.
- Secteur CF (Chaudfontaine-Fléron)
12 abris : 1 observatoire, CF 4, à 4 locaux et cloche de guet, dépendant du fort de Chaudfontaine; 3 abris de 2ème ligne, CF 4 ter, CF 5 ter et CF 10 ter; 2 abris d'observation pour infanterie, CF 6 et CF 8 avec cloche de guet (les deux cloches ont été enlevées) et 6 abris type PFL 2.
- Secteur PA Mg (Position avancée de Magnée)
4 abris dont 2 observatoires, Mg 1 à 2 locaux et cloche FM, dépendant du fort de Chaudfontaine et Mg 4 à 2 locaux et cloche FM, dépendant du fort de Fléron et 2 abris type de la PFL 2.
- Secteur PA M1 (Position Avancée de Micheroux)
3 abris Mi 1, Mi 2 et Mi 3.
- Secteur FE (Fléron-Evegnée)
8 abris dont 2 de 2ème ligne FE 2 ter, FE 3 ter et 2 observatoires FE 2 (sur te terril de La Lonnette et dépendant du fort de Fléron) et FE 5 (à 3 locaux et cloche de guet, dépendant du fort d'Evegnée).
- Secteur EB (Evegnée-Barchon)
8 abris, dont 1 observatoire, EB 2 (avec cloche FM, dépendant du fort d'Evegnée) et 2 abris de 2ème ligne EB 2 ter et EB 3 ter.
- Secteur BM (Barchon-Meuse)
8 abris, dont 2 observatoires BM 3 (à 2 locaux et cloche de guet, dépendant du fort de Barchon) et AC 1 (à 2 locaux et cloche FM, dépendant du fort de Barchon), 1 abri contre-irruption avec canon de 47 mm, mitrailleuse, FM et phare, BM 6. 1 abri de 2ème ligne, BM 2 ter.
EC 4 Abri de bombardement du Fort de Chaudfontaine
Abri type PFL 2 construit à Magnée (Mg 3)
ue du sas et de la porte à persiennes de l'abri FE 6 situé à Evegnée
Chambre de tir n° 1 pour mitrailleuse Maxim 08/15 posée sur le bac à argile
Vue de l'embrasure, des étagères et de la sortie de secours (FE 6)
Vue de l'abri FE 2 ter (2e échelon de la PFL 2)
Embrasures modifiées lors de la transformation de l'abri BM 3 en observatoire du Fort de Barchon
Restes du champ de rails antichars près de l'abri CF 4
Les rails émergent alternativement de 80 cm et de 1 m
CHAPITRE 4 - LA POSITION FORTIFIEE DE LIEGE 3
A. LES ABRIS CONTRE-IRRUPTION ET LES POSTES PERMANENTS
Dans le chapitre précédent, nous avons expliqué l'origine de la PFL 2 et de la PFL 3. Rappelons qu'en 1927, la Commission d'Etude du Système Fortificatif du Pays a proposé la création d'une position défensive constituée de deux lignes. La deuxième de ces lignes deviendra plus tard la PFL 3.
Celle-ci, le 10 mai 1940, se compose de 3 têtes de pont. La première, construite très tôt, est constituée d'abris contre-irruption (IR) dont la mission est d'empêcher, par le feu de leurs armes, le passage d'une colonne motorisée ennemie entrant par surprise dans Liège (réédition du 6 août 1914).
Cette tête de pont forme un arc de cercle de Jupille à Renory, via Chênée et Colonster, en s'appuyant sur la Meuse. Elle se compose de 9 abris de type fort (abri contre-irruption), IR 5, IR 6, IR 7, IR 8. IR 9, IR 10, IR 12, IR 13, PP 13 A1, et de 6 abris légers pour canons de campagne de 47 mm (Poste Permanent), PP 5 A. PP 8 A, PP 9 A, PP 9 B, PP 11 A et PP 13 A2. Ils sont occupés en permanence par les troupes occupant le secteur défensif.
Ensuite la tête de pont d'Argenteau est constituée de 10 abris Ag 1 à Ag 10 dont 2 abris contre-irruption Ag 1 et Ag 7.
Enfin, la tête de pont de Visé est formée de 17 abris de Vi 1 à Vi 15, plus Vi 6 bis et Vi 7 bis, dont 4 abris contre-irruption, Vi 2, Vi 6, Vi 7 et Vi 11.
Il existait aussi deux abris contre-irruption construits en PFL 2, EC 2 et BM 6, ainsi que 2 casemates contre-irruption en PFL 1, les casemates Vesdre et Mont.
Les abris de la première tête de pont défendaient les itinéraires routiers principaux que l'ennemi aurait dû emprunter en cas d'attaque surprise. Chaque abri contre l'irruption, du type fort (résistant au tir prolongé d'obus de 150 mm et à quelques coups de 220 mm) est armé d'un canon de 47 mm sur affût de casemate pour agir contre les véhicules, d'une mitrailleuse pour agir contre l'infanterie, d'un projecteur électrique et éventuellement d'une cloche (IR 5). Ces abris sont tous pourvus d'un ventilateur à main pour renouveler l'air dans les chambres de tir lorsque les armes fonctionnent. Ils sont électrifiés; raccordés au réseau civil, ils possèdent un système d'accumulateurs rechargeables qui alimentent en courant le phare lorsque la ligne aérienne électrique est détruite. Ils sont aussi raccordés au réseau téléphonique militaire enterré pour signaler aux autorités supérieures toute tentative d'attaque surprise.
Les 3 premiers abris IR sont situés à Jupille.
Le premier, IR 5, était situé sur le côté droit de la rue de Visé, juste avant le carrefour de la rue de la Forêt, au garage Paisse V.A.G.. Il gardait donc deux routes, celle de Visé à Liège et celle de Barchon à Jupille par Rabozée (Bois des Houtpais). Il était le seul IR à posséder une cloche d'observation. Malheureusement, l'abri a dû faire place à une station essence.
Le deuxième, IR 6, garde la route de Bellaire à Jupille. On peut encore le voir de nos jours. Il est situé rue du Couvent à Jupille, entre les maisons n° 34 et 36.
Le troisième et dernier abri IR de la commune de Jupille, IR 7, garde la route de Beyne-Heusay à Jupille, entre les maisons n° 7 et 9 de la rue de Beyne.
IR 8 était situé au kilomètre 5.600 de la grand-route d'Aix-la-Chapelle à Liège, sur la commune de Beyne-Heusay. A son emplacement, dans le virage, se trouve actuellement une station service ESSO.
La Position Fortifiée de Liège 3 au 10 mai 1940
Situation des PP et IR
Deux abris IR ont été construits à Chênée. Le premier gardait la route de Vaux-Chênée sur la rive droite de la Vesdre; IR 9 se trouve sur le côté gauche de la rue Béchuron, entre les maisons n° 11 et 15. Le second, IR 10, tenait sous ses feux la route Chaudfontaine-Liège par la rive gauche de la Vesdre. On peut encore le voir, il est situé dans le jardin de la maison n° 126 du quai Henri Borguet.
Un abri contre l'irruption gardait la route de Tilff à Liège sur la rive gauche de l'Ourthe. IR 12 est situé près de la borne kilométrique K 3 de la rue de Tilff. L'abri, ouvert, possède encore de très belles inscriptions intérieures (faire attention pour parquer la voiture).
Les deux derniers abris contre l'irruption sont situés à Renory. IR 13 et PP 13 A1 gardaient la route d'Ougrée à Liège. Le premier, situé le long du chemin de fer de la station de Renory est démoli. PP 13 A1 était construit dans le pilier du pont-rail enjambant la Meuse à Renory. Ce PP 13 A1 avait la structure d'un abri contre-irruption mais il reçut le nom d'un poste permanent. Nous le considérerons arbitrairement comme étant un abri contre l'irruption. Bien que le pilier du pont existe toujours, il semblerait que l'abri ait été comblé, après la guerre, afin d'augmenter la résistance du pont lors du passage de trains de plus en plus importants.
L'armement principal des abris IR est le canon antichar de 47 mm monté sur affût de casemate. Celui-ci peut être décrit comme étant un petit chariot sur lequel on a fixé le canon. Ce chariot se déplace sur deux rails scellés dans le sol. Un dispositif de volets intérieurs coulissant dans des cornières verticales en forme de U augmente encore la protection des artilleurs.
En avant de ces abris, des obstructions furent réalisées au moyen de câbles d'acier tendus en travers de la route, remplacés ultérieurement par un barrage formé de barrières Cointet.
C'est pourquoi on peut encore voir de nos jours, en avant de certains IR : IR 5, IR 10, IR 12, par exempte, 2 séries de bornes scellées dans le sol.
Il existe 3 types de bornes, une pour attacher des câbles d'acier tendus en travers de la route, d'où son nom de borne à câbles, une autre ressemblant à un seau renversé et destiné à accrocher les barrières Cointet, d'où son nom de borne C ou Cointet. Enfin un modèle hybride; celui-ci pouvait remplir les fonctions des deux bornes précédentes (exemple à IR 10).
Grâce à ces obstructions, l'abri IR tenait sous le feu de ses armes les véhicules ennemis immobilisés.
L'abri type IR est un gros bloc le plus souvent camouflé en une inoffensive maison des faubourgs liégeois. Il possède deux niveaux :
- au rez-de-chaussée, se trouve la chambre de tir pour le canon de 47 mm, le sas avec la porte d'entrée,
- au premier étage, la chambre de tir pour la mitrailleuse et le phare électrique afin d'éclairer l'obstruction.
Il existe cependant des exceptions :
- IR 13 possédait deux canons de 47 mm,
- IR 8 n'avait pas d'étage,
- IR 5 avait une cloche,
- IR 12 avait deux mitrailleuses en plus,
- PP 13 A1 se trouvait sur la culée d'un pont-rail et possédait un canon de 47 mm sur affût de campagne.
IR 12-1
IR 12-2
Aux 9 abris contre l'irruption, il faut ajouter 6 abris légers construits 2 ou 3 ans plus tard : PP 5 A, PP 8 A, PP 9 A et 9 B, PP 11 A, PP 13 A2.
Ils sont occupés en permanence et appelés pour cette raison Postes Permanents. Construits pour être occupés par une équipe de soldats chargés d'intervenir rapidement en un point du front où l'ennemi aurait brusquement attaqué, l'armement principal était constitué par un canon antichar de 47 mm monté sur son affût de campagne, pouvant être utilisé aussi bien dans l'abri qu'à l'extérieur, et d'un phare électrique similaire au modèle équipant les abris IR, éclairant l'axe routier dont le canon antichar défendait l'accès.
L'abri, relié au réseau électrique civil et au réseau téléphonique militaire enterré, comportait 3 pièces principales : ta chambre pour le canon de 47 mm à l'extrémité droite; au centre, la pièce de repos pour l'équipe; à gauche, le garage prévu pour la chenillette Utitity.
PP 9A
1. Local de garde - 2. Local du canon de 47 mm - 3. Local du phare - 4. Garage de l'Utility - 5. Réserves - 6. Local du bac inodore
La chenillette Utility était le tracteur d'artillerie du canon antichar de 47 mm. Ce blindé, d'origine anglaise, était construit en Belgique sous licence anglaise. Deux versions existaient : le modèle "cavalerie", équipé de 2 sièges à l'arrière et le modèle "infanterie" équipé du seul siège du conducteur à l'avant. De nos jours, on peut encore voir un tracteur Utility type "cavalerie" au Tank Muséum, au Musée Royal de l'Armée à Bruxelles. On peut aussi y voir un T 13 (char belge de 1940), des canons de 47 mm, une tourelle APX-B (identique à celles équipant les 2 abris de Remouchamps).
Bien que défendant un accès secondaire, mais que l'ennemi aurait pu utiliser pour éviter les abris IR, l'équipe du Poste Permanent devait pouvoir se déplacer rapidement : en sortant le canon tracté par la chenillette de l'abri, il allait défendre le secteur menacé.
Construit à côté de IR 13, PP 13 A2 était le corps de garde de cet abri contre irruption.
Les 6 Postes Permanents sont :
- PP 5 A à Jupille,
- PP 8 A situé à Jupille,
- PP 9 A et PP 9 B situés à Chênée (Piedrous),
- PP 11 A à l'entrée de la gare de Chênée,
- PP 13 A2 à Renory.
Pour la localisation de ces PP, reportez-vous aux plans.
Le PP 11 A ne possédait pas d'embrasure pour son canon de 47 mm car il ne défendait pas un accès secondaire. Sa mission était de tenir sous ses feux les deux routes passant en-dessous du pont de chemin de fer de Chênée. Pour ce faire, deux phares fixés sur le tablier du pont éclairaient les routes que l'équipe d'intervention du Poste Permanent surveillait. En cas d'alerte, l'équipe sortait le canon de l'abri pour le mettre en batterie face à l'une ou l'autre route.
Remarquons que la plupart des Postes Permanents étaient construits dans le voisinage immédiat de leur IR correspondant :
- PP 5 A et IR 5,
- PP 8 A et IR 8.
- PP A et PP 9 B et IR 9
Camouflage
Les Postes Permanents et les IR étaient admirablement camouflés (Dossiers QGT 1957. CDH à Evere).
PP 5 A : la peinture de l'abri lui donne l'aspect de la maison de l'éclusier (situé au pont barrage de l'île Monsin), une fausse fenêtre peinte sur la face nord et une sur la face est.
IR 5 : les fausses fenêtres sont peintes avec carreaux noirs et châssis bruns; une fausse porte brune a été peinte en remplacement de la fausse fenêtre sur la face nord.
PP 9 A et 9 B : les peintures sont réalisées afin de leur donner l'aspect d'un bungalow en maçonnerie de briques.
IR 12 : l'abri a été repeint dans un ton plus foncé pour lui donner l'aspect du bois voisin.
B. LES TETES DE PONT DE VISE ET D'ARGENTEAU
Leur construction fut décidée afin d'empêcher l'ennemi d'occuper, par une attaque brusquée et avant leur destruction, les ponts d'Argenteau et de Visé.
1. La Tête de Pont de Visé
Celle-ci se compose de 17 abris dont 4 contre l'irruption. Les travaux débutèrent mi-1934 pour être terminés le 22 août 1935. (Dossiers GDG, boîte 20, colis 26, CDH à Evere).
La tête de pont décrit un arc de cercle. Les 4 axes de pénétration principaux sont défendus par des abris contre l'irruption (Vi 2, Vi 6, Vi 7 et Vi 11), tandis que le reste de la ligne est constitué d'abris légers similaires à ceux de la Position Avancée, ayant en outre des goulottes lance-grenades dans les parois latérales. Des 4 IR de la Tête de Pont de Visé, 2 possédaient une cloche (Vi 2 et Vi 11), tandis qu'un seul ne possédait pas d'embrasure pour mitrailleuse (Vi 7).
Comme ces abris contre l'irruption furent construits quelques années après les abris IR de Liège, ils bénéficièrent d'une conception différente et d'améliorations notoires :
- Les abris n'ont qu'un seul niveau; ils sont beaucoup plus larges, contrairement aux IR de Liège, qui, ayant moins de place à leur disposition, sont construits avec des étages.
- Les abris de ces deux têtes de pont possédaient des affûts FRC pour mitrailleuse ou FM.
- Mais ils ne sont pas reliés au réseau électrique; leur phare sera donc un phare type Magondeaux à arc de décharge et alimenté par un mélange gazeux d'oxygène et d'acétylène.
Les deux abris Vi 6 et Vi 7, construits dans la caserne de Visé, sont soutenus dans leur mission par 2 petits abris (Vi 6 bis et Vi 7 bis) disposés 50 m en avant pour empêcher leur contournement.
Les 4 abris contre l'irruption de la Tête de Pont de Visé interdisent les voies d'accès principales venant de l'est :
- le premier, Vi 2, barre la route de Dalhem à Visé; il est situé le long de la rue de Dalhem, sur les hauteurs de Visé,
- le deuxième, Vi 6 (qui possède un étage), construit dans l'ancienne caserne de Visé, rue de Mons, surveille la route de Bombaye,
- le troisième, Vi 7, situé de l'autre côté de l'ancienne caserne de Visé, rue de Berneau, tient sous ses feux la route venant de Berneau,
- le dernier, Vi 11, est construit en avant du pont de chemin de fer enjambant la rue de Maastricht. Il gardait la route de Mouland.
Les deux voies ferrées qui aboutissent à Visé, venant de Maastricht et de Montzen, sont tenues sous le feu des abris légers.
Il faut également ajouter que Visé, étant le point final de la PFL 1, celle-ci se termine en se noyant dans la Tête de Pont de Visé.
Vi 7
1.Sas - 2.Chambre de tir pour le canon de 47 mm - 3.Chambre pour le phare - 4. Ventilateur - 5. Têtes de câbles.
2. La Tête de Pont d'Argenteau
Cette petite tête de pont située à l'est du village de Richelle comporte 8 abris pour mitrailleuses et 2 abris contre l'irruption.
Ag 1 est construit sur le côté droit de la route allant de Saint-Remy à Argenteau, tandis que Ag 7 est situé sur la gauche de la rue de Berneau, en entrant dans le village de Richelle en venant de Dalhem.
Les 8 autres abris du type Position Avancée, avec goulottes lance-grenades dans les faces latérales, sont disséminés en arc de cercle dans les champs et vergers de Richelle. Ils sont du type identique à ceux de Visé.
Leur mission était de soutenir les abris contre l'irruption, en empêchant les débordements, les infiltrations de l'ennemi. Une fois les mesures d'obstruction prises et les préparatifs de sautage des ponts de Visé et d'Argenteau réalisés, ils devaient être évacués.
Le 10 mai 1940, le 2ème Régiment Cyclistes-Frontière occupait la rive gauche de la Meuse, de Wandre jusqu'à Lixhe et seuls les abris contre l'irruption des têtes de pont de Visé et d'Argenteau étaient occupés.
Abri IR 6
Vue des embrasures pour le C. 47, la mitrailleuse et le phare
L'abri IR 10 possède toujours ses volets d'origine fermant les embrasures
Devant IR 10, le barrage antichar était fermé grâce à des bornes à cables dont une est transformée pour y accrocher les câbles des barrières Cointet
Poste Permanent PP 9 B. Vue de l'embrasure du C. 47 sur affût de campagne
Vue de face du PP 9 B avec les entrées pour les divers locaux
Vue arrière de PP 9 B
Abri contre irruption Vi 6 situé près de l'ancienne caserne de Visé
Vue des volets servant à fermer l'embrasure pour le C. 47 mm sur affût de casemate de Vi 6
Tableau peint sur le mur de l'abri Vi 6 et reprenant les objectifs pour le canon de 47 mm
Affût F.R.C. de l'abri Vi 6
Vue du ventilateur équipant les abris contre irruption de PFL 3. La photo a été prise dans l'abri BM 6 (PFL 2)
Abri Vi 3 de la tête de pont de Visé
A la différence de l'abri type Position Avancée, il possède des goulottes lance-grenades pour la défense rapprochée
(à suivre)
Retour au sommaire
Willy 0. H. FRESON, La pompe à haute pression - Arme secrète allemande V3 (suite et fin)
Renseignements trouvés dans divers rapports concernant la HDP (HOCHDRUCKPUMPE)
Caractéristiques
(Tirées du rapport n° 3689/44 du 17.11.44 du Major von VANGEROW. suite à la présentation de l'engin à MISDROY, le 14.11.44.)
"L'engin ressemble à une conduite de pression d'hydrocentrale; un long tuyau, reposant sur une pente raide, entrecoupé à certains endroits par des croisillons ressemblant à des raccordements, devant recevoir des charges additionnelles".
Tube :
longueur : 45 m,
diamètre extérieur : 25 cm,
épaisseur de la paroi : 5 cm,
diamètre intérieur : 15 cm.
D'après les photos, on constate que le collier de raccordement est percé de 18 trous pour boutons de fixation.
Nombre de croisillons : 12.
Mise en batterie ; de 3 à 4 heures.
Vitesse de tir : de 2 à 3 coups, maximum, par heure.
Dispersion : non encore mesurée, mais évaluée à 5.
La différence V° est de 40 m/seconde.
Projectile :
sous-calibré, stabilisé sur sa trajectoire par des ailettes.
Poids : 7 à 9 kg de charge explosive.
Produit l'effet de deux obus d'obusier lourd de campagne de 150 mm Mod. 1918.
Poids de la charge propulsive : 120 kg.
Affût :
construit d'une manière fixe, sur une pente d'au moins 30 m de longueur, de 30° d'inclinaison. Le tube peut toutefois être décalé d'environ 1° en direction.
Temps de travail pour sa construction : environ 14 jours de travail pour une section de l'O.T.
La bouche du tube doit dépasser la pente sur laquelle l'affût a été construit, sinon des tourbillons de vent se produiraient, qui pourraient influencer la trajectoire.
Recul : absorbé par une plate-forme.
Emploi et mise en action de l'engin
Le tube n'ayant qu'une vie de 300 coups, cet engin ne peut donc être employé que pour battre un seul objectif.
Suite à la vitesse de tir, il faudra trois tubes, à une batterie, pour pouvoir exécuter un tir d'efficacité de deux journées.
Comme on ne construit que deux engins par mois, un groupe d'artillerie ne pourra engager que neuf buts avant que l'ensemble des engins ne soit épuisé. Le renouvellement complet de cette dotation ne serait réalisé qu'après quatre mois et demi.
Vu la dispersion, la surface d'un objectif devrait, au moins, être de 1 Km en largeur sur 5 à 6 Km en profondeur.
Une fois l'engin en batterie, il ne peut battre que des objectifs se trouvant dans la ligne initiale.
La portée est obtenue par le dosage des charges propulsives additionnelles.
Etant donné que le démontage, puis le remontage, demanderaient plusieurs jours, l'engin ne peut venir en ligne de compte pour effectuer des tirs de harcèlement.
Les charges, propulsive et explosive, n'ont aucun rapport entre elles.
L'effet du projectile ne vaut pas la dépense consentie pour l'engin.
L'Obergruppenführer KAMMLER est pourtant d'avis que l'engin doit, malgré tout, être immédiatement mis en action sur le front, car c'est le seul moyen de se rendre compte si l'engin est utilisable ou non.
Normes décidées après la présentation du 14.11.44.
Après cette présentation, des conversations eurent lieu entre l'Office de l'Armement/Groupe Artillerie (Wa. A. Ag. Art), le Bureau Général de l'Artillerie et l'Industrie de Guerre. Les normes suivantes furent décidées :
a) Matériaux et travaux nécessaires pour la construction d'un engin
400 jours de travail (40 hommes pendant 10 jours),
150 à 200 m3 de terrassement,
environ 10 m3 de bois,
3 à 10 tonnes d'acier.
b) Emplacement
Un terrain en pente d'une longueur de 30 à 50 m, dont l'inclinaison doit être de 30°, ou mieux encore 34°.
Comme ce terrain n'est, probablement, pas facile à trouver, et qu'en plus, l'engagement de l'objectif est tributaire de la distance exacte, des troupes de reconnaissance devront être créées le plus tôt possible. Elles devront comprendre des spécialistes en arpentage, particulièrement important. Avec les topographes, ils devront relever immédiatement la direction de tir afin que la mise en batterie soit correctement orientée.
c) Vie du tube
Probablement 300 coups possibles, voire plus; cela dépendra de la servitude. Jusqu'à présent, un tube était usé après 227 coups.
d) Fabrication
2 engins par mois.
Munitions : 700 coups au 13.01.45,
800 coups supplémentaires au 11.02.45.
e) Cadence de tir
2 à 3 coups, au plus, par heure.
f) Effet du tir
Environ la valeur de 2 obus d'obusier lourd de campagne de 15 cm. En tir de crise, le tube peut être usé en environ une semaine.
g) Dispersion
A 60 Km de portée, 3 Km en profondeur sur 800 m en direction, d'où des objectifs de 5 Km en profondeur sur 1 Km en largeur.
h) Tables de tir
Ne seront calculées qu'au début de janvier 1945; actuellement, manque de munitions. Seraient malgré tout calculées si l'engin devait être mis en action à bref délai. Il est possible d'obtenir des portées différentes en agissant sur le nombre de charges additionnelles. Pour parer à de petites erreurs et aux influences des conditions du moment (direction et force du vent, température, etc.), on exige que le tube, malgré ta construction rigide de l'engin, puisse être déplacé de 1°, en plus et en moins, en direction.
Tirs de guerre effectués en opérations, avec des LRK
Suite à des messages échangés entre l'Obergruppenführer KAMMLER et le Commandement Supérieur Ouest (Ob. West), il ressort qu'une batterie de deux tubes était en position, prête à l'action, pour le 15.12.44. KAMMLER voulait que la Div. z. b. V. (abréviation non identifiée) commence immédiatement les tirs.
La batterie était en position à RUWER, près de TREVES et l'objectif était la ville de LUXEMBOURG. K. voulait intervenir à tout prix dans les combats. L'ordre de tir fut reporté de quelques jours afin de ne pas mettre les propres troupes en danger.
Le 28.12.44, à 12 h 15 , K. envoyait un message urgent : "Ouverture du feu, des deux LRK, sur l'objectif prévu, probablement le 30.12.44. - Demande savoir immédiatement si des raisons tactiques existent encore, pouvant imposer des réserves concernant l'ouverture du feu ?"
L'Ob. West répondit : "Actuellement, il n'existe aucune raison tactique".
On ne possède aucun document officiel mais on sait que le bombardement de la ville de LUXEMBOURG a bien eu lieu, ainsi d'ailleurs que celui de la ville d'ANVERS, par une autre batterie.
La troupe
La mise sur pied et l'instruction de la troupe a eu lieu en Allemagne, sur un terrain d'exercice. Elles étaient entre les mains d'un colonel de l'Office d'Armement, qui devint chef de corps du régiment ainsi formé. L'effectif s'élevait de 800 à 1.000 hommes (d'autres sources donnent 1.200).
Dès le début, cette troupe participa aux essais de tir à MISDROY; elle était opérationnelle au moment de la mise en action de l'engin sur le front.
"Unternehmen Wiese" (Opération Prairie)
Au début de l'année 1944, le Heereswaffenamt (Office de l'Armement de la Force Terrestre) donnait l'ordre d'entamer la construction d'une position de tir unique en son genre.
Emplacement
Village de MIMOYECQUES, près de RIXENT, à l'ouest du PAS-DE-CALAIS.
Destination
Prévue pour la mise en batterie d'armes de représailles n° 3 (Hochdruckpumpe - HDP - V3).
Description
Croquis de la position de MIMOYECQUES
1. Entrée ouest de la galerie se trouvant à 30 m de profondeur.
2. Sorties des tubes dans les plaques de béton armé.
3. Bouches d'aération.
4. Système de freinage du recul.
5. Canons superposés.
Construite sous une colline de craie.
1. A 100 m de profondeur, une grande galerie de 100 m de longueur sur le fond de laquelle devaient reposer les culasses et les systèmes de freinage de recul des pièces.
2. Cinq galeries obliques, à inclinaison de 50°, partant de la galerie de 100 m et aboutissant à la surface de la colline.
Elles devaient contenir, chacune, 5 tubes superposés de 142 m de longueur (25 tubes au total) à 96 croisillons. La direction exacte de ces galeries obliques était ordonnée de ta façon suivante :
Les 5 tubes placés dans la galerie oblique du centre étaient exactement pointés sur le London Tower Bridge.
Les 5 tubes des galeries se trouvant immédiatement à gauche et à droite des tubes du centre étaient pointés, respectivement, plus à gauche et plus à droite du Tower Bridge. Les tubes des galeries extérieures étaient encore plus écartés, le tout formant un éventail.
Les endroits où les bouches des canons sortaient de terre étaient renforcés au moyen de fortes plaques en béton armé; seules 5 fois 5 rangées de trous de 15 cm de diamètre étaient visibles à la surface de la coltine. Cette dernière fut conservée, le plus possible, dans son état naturel.
3. Une galerie horizontale creusée à 30 m de profondeur, dite "Galerie des 30 mètres", traversant la colline d'est en ouest, et devant abriter le régiment au complet, avec ses 5 batteries. Cette galerie était si large qu'en plus d'une route carrossable pour les camions, on put construire une ligne de chemin de fer à deux voies. Elle s'évasait, en son centre, en forme de dôme; à cet endroit, on construisit les baraques pour les bureaux et la troupe, ainsi que des dépôts pour les munitions et les pièces de rechange.
Les deux problèmes principaux de cette construction étaient :
a) une aération suffisante, surtout pendant les tirs,
b) les Infiltrations de la nappe aquifère.
Le premier problème semblait relativement facile à résoudre; le deuxième donna de grosses difficultés. Des infiltrations continuelles se faisant jour dans la galerie inférieure, des pompes à eau devaient fonctionner sans interruption. A cet égard, l'emplacement choisi était très défavorable.
Dès que la position, qui ne possédait pas de FLAK, fut attaquée par l'aviation ennemie, on s'aperçut très vite que la résolution de la question de l'aération, prévue au début, devenait un critère de l'opération tout entière. Les petits canaux d'aération de la surface en furent les premières victimes. Ils furent ensevelis plus tôt que prévu.
Notons qu'une bombe "Tallboy" de 5 tonnes détruisit une des galeries obliques en éclatant, en plein dedans, à une quarantaine de mètres de profondeur.
Conclusions
Pas un seul coup n'a été tiré de cette position, qui tomba aux mains des Alliés; ceux-ci la visitèrent, la mesurèrent, puis la firent sauter.
La construction était si stable que seules les plaques de béton armé, qui protégeaient les bouches des canons et tes entrées de la galerie de trente mètres furent démolies.
Le terrain sur lequel la position a été construite appartient actuellement à la famille WASSEUR qui l'a, en partie, remis à la culture. Un ancien soldat allemand, qui avait connu cette famille pendant la guerre, lui a donné l'idée de déblayer les éboulis et de transformer l'ancienne position en musée.
Ci-après, l'adresse de ce musée
Forteresse de MIMOYECQUES,
F 62250 LANDRETHUN de NORD
Notons encore qu'à une trentaine de kilomètres de là, on peut visiter tes restes d'une position de V2, à EPERLECQUES.
Sources
WAFFENREVUE Nr 70 et Nr 73.
Remarques : les rapports repris dans les Waffenrevue ne font pas mention des plaques qui font l'objet de l'article de Monsieur RICHELY dans le bulletin Tome IV, fasc. 11 de septembre 1991. D'autre part, selon ces rapports, cinq puits étaient prévus à Mimoyecques.
Retour au sommaire
G. HUYGEN, Il y a 52 ans. le 10 mai, Georges PIGEON fut fait prisonnier
Dans le courrier des lecteurs du bulletin Tome IV, fasc. 12 de décembre 1991, Monsieur HUYGEN cherchait des renseignements concernant les camps de prisonniers de Fischbeck et d'Eischstatt (Oflag X D et VII B) où se trouvait pendant la guerre son grand-père Georges PIGEON.
Il avait également fait paraître un avis de recherche dans le Journal "Le Prisonnier de Guerre", en février 1992 et il reçut des réponses qu'il nous a communiquées. Nous en extrayons ce qui suit.
- Tout d'abord, le Colonel e.r. Raymond COLLIN, explique pourquoi "Monsieur PIGEON" a été envoyé dans un Oflag, c'est-à-dire un camp pour officiers.
"…"
"J'ai bien connu votre grand-père "Monsieur" Pigeon, notamment à l'Oflag de Fischbeck et Colditz, mais particulièrement à Eischtatt où il logeait comme moi au Bloc A. En fait votre grand-père, pour autant que je m'en souvienne, devait être avant la guerre "Agent technique" des Bâtiments militaires pour la garnison de Liège (Note de la rédaction : Selon d'autre témoignages. Monsieur Pigeon avait le rang de major et nous savons par Monsieur Cailleaux qu'il était en service à Arlon). Pour la période de mobilisation et la guerre, il aura dû être "militarisé" et assimilé au grade d'officier subalterne et à ce titre était donc prisonnier dans un OFLAG et non dans un STALAG.
Le Bloc A d'Eichstatt était occupé en majorité par des officiers en provenance des Forts de Liège et Namur ...
Je conserve un excellent souvenir de votre grand-père toujours très affable et souriant et ayant semble-t-il un moral à toute épreuve. Nous étions d'ailleurs un peu "PAYS", lui provenant de CINEY et moi de MARCHE-en-FAMENNE, ayant le même accent régional ..."
- Découvrons ensuite la lettre de Monsieur Maurice CAILLEAUX qui nous apprend, entre autres, comment Monsieur PIGEON et lui-même furent fait prisonniers par les Allemands dès le 10 mai 1940, tôt dans la matinée.
"…
"J'ai effectué mon service militaire au Corps de transports automobiles à Namur et, le 6 février 1939, j'ai été muté au 1er Chasseurs Ardennais à Arlon en qualité de chauffeur pour le Service des Bâtiments militaires à la caserne Callemeyn. J'y ai fait la connaissance et ai été affecté au service de Monsieur Georges Pigeon (Adjoint technique principal) du S.B.M. d'Arlon ...
"Je suis très heureux de pouvoir rendre service au petit-fils d'un homme que j'ai toujours admiré pour son intégrité et sa gentillesse, c'est grâce à lui que j'ai effectué mon service aussi agréablement ...
"Venons-en au fait :
Le 10 mai 1940 depuis 2 heures du matin, il y avait de nombreux avions (allemands sans doute) qui survolaient Arlon. Vers 4 heures du matin, j'ai reçu l'ordre d'aller appeler "mon chef",. Monsieur Pigeon. Nous sommes rentrés à la caserne Callemeyn (c'est là que se trouvaient les bureaux du S.B.M.).
J'attendais dehors. Vers 5 heures. Monsieur Pigeon est sorti pour me dire qu'il avait eu une communication téléphonique avec Namur et que nous devions rejoindre le plus rapidement possible avec les archives (qui se trouvaient dans la voiture depuis plusieurs jours)".
"Nous sommes donc partis en hâte, car on nous avait avertis que le pont de chemin de fer de Stockem allait sauter (les petites destructions environnantes l'étaient déjà). Quand nous sommes arrivés dans la forêt d'Anlier, il passait tellement d'avions (qui tiraient chacun trois planeurs) que nous nous sommes rangés sur le bord de la route et avons stoppé une des nombreuses voitures qui venaient dans l'autre sens. Le conducteur nous a dit n'avoir rien remarqué sur sa route. Nous nous sommes donc remis en route et après un virage, nous avons dû nous arrêter à la sortie de la forêt d'Anlier, car la route était barrée avec des troncs d'arbres et des mines antichars. (Nous étions prisonniers).
Monsieur Rostenne, qui était parti avec sa voiture un moment après nous, s'est aussi jeté dans le piège ! Et ensuite un autocar de soldats belges qui rejoignaient sans doute leur cantonnement !
Il y avait une cinquantaine de parachutistes allemands armés jusqu'aux dents et qui nous attendaient. Nous avons été alignés sur le bord de la route et visités. Face à nous, il y avait des parachutistes avec leur mitraillette pointée. Votre grand-père m'a dit : "Maurice, maintenant c'est la fin." Les parachutistes ne faisaient pas de prisonniers, nous avait-on dit (dans les journaux). Heureusement cela n'a pas été le cas.
Nous avons été parqués dans la cour d'une ferme à 200 m environ. Nous avons dû attendre quelques heures, car les combats faisaient rage au village de Léglise, situé à 1 ou 2 Km et qui était défendu (je crois) par le 1er Lanciers.
Après quelques heures d'attente, les combats ont cessé. Nous avons dû nous préparer et on nous a chargés d'une bombe antichar et d'un caisse de bandes de cartouches de mitrailleuse. Votre grand-père a refusé dignement, disant "qu'il était officier et qu'il ne porterait pas d'armes ennemies". Nous nous sommes dirigés à travers bois et champs en direction de Fauvillers où nous avons passé notre première nuit de captivité dans l'église du village.
Le lendemain nous nous sommes remis en route direction de Bodange où les Chasseurs ardennais s'étaient battus farouchement et avaient eu de nombreux morts. Sur la route passait un convoi de tanks et de canons, ensuite direction Warnach (sur la route Bastogne-Martelange). Là nous avons passé les fêtes de Pentecôte dans la grange d'une grosse ferme, toujours sous la menace de mitrailleuses et la menace de mort de tout le groupe P.G. en cas d'évasion d'un seul !
Le mardi 14 mai dans la soirée, on nous a embarqués dans un autocar qui avait probablement amené des soldats allemands et sommes partis en direction du Grand Duché, je pense Ettelbruck et Vianden, de là en Allemagne, à Neuerbourg où l'on nous a fait loger dans les ruines du château (voir photo).
Le lendemain, dans la matinée, on nous a conduit à la gare où on (on = les boches) nous a embarqués dans des wagons à bestiaux aux trappes garnies de barbelés. Après un voyage de 32 heures, nous sommes arrivés à Hemer (en Westphalie). Nous y sommes restés quelques jours et c'est là que nos chemins se sont séparés. Monsieur Pigeon en tant qu'officier a été dirigé sans doute vers un Oflag (camp pour officiers) et Monsieur Rostenne et moi avons été dirigés vers le Stalag à Fallingbostel.
Comme personne âgée. Monsieur Rostenne a été libéré assez vite. Quant à moi, j'en ai pris pour 5 années (comme Wallon).
A Arlon, j'avais un oncle qui habitait juste à côté de l'Hôtel de Ville et qui était Pasteur protestant évangéliste. C'est lui qui a fait parvenir la lettre de renseignements à mes parents (voir ci-après).
Je suis très heureux si j'ai pu vous rendre service, surtout à la mémoire de Monsieur Pigeon, votre grand-père, à qui je vouais une très grande affection ..."
M. Cailleaux.
La Ford noire 0123 et son chauffeur, Maurice Cailleaux
L'endroit exact où nous fûmes faits prisonniers le 10 mai 1940 à Rancimont
La ferme dans la cour de laquelle nous fûmes rassemblés à Rancimont
L'église de Fauvillers dans laquelle nous avons passé notre première nuit de captivité
Le château de Neuerburg, où nous passâmes notre 5e nuit avant le grand départ pour Hemer (Westfalie)
Monsieur Pigeon parmi ses collègues officiers prisonniers à l'Oflag VII B à Eischstadt (marqué par une flèche)
(Photos de M. M. Cailleaux)
Retour au sommaire
P. RICHELY et A. NEVE, Les péripéties du site d'HYDREQUENT-RIXENT
Le site d'Hydrequent (A vol d'oiseau, la Carrière de la Vallée Heureuse à Hydrequent se trouve à 4 Km à l'est de la petite ville de Marquise (Pas-de-Calais)) a été rapidement évoqué dans un précédent article (Bulletin du C.L.H.A.M., juillet-septembre 1991. p. 17 2). Initialement, les Allemands y construisent un Dom Bunker abritant un canon sur rail à longue portée (Notamment un K5, canon d'un calibre de 280 mm et d'une portée atteignant 62,4 Km qui lui permet de balayer la côte anglaise 3). Cet ouvrage, raccordé à la ligne de chemin de fer Calais-Boulogne, toute proche, assure au canon protection et grande mobilité.
On observe à proximité et parallèlement au Dom Bunker un local en béton, sans doute la remise à locomotive. Le site est sûrement équipé d'au moins une plaque tournante permettant au canon un tir tous azimuts. Il est vraisemblable qu'à une certaine période deux canons ont été présents dans la carrière (Des témoins prétendent avoir aperçu pendant la guerre deux canons de calibres différents. Outre le K5, il pourrait s'agir d'un K12 dont le calibre était de 210 mm avec une portée maximum de 115 Km. Le K12 était un canon haubané dont les Allemands n'ont guère fait usage. L'usure rapide de son tube a sans doute contribué, entre autres, au retrait de cette arme à allure très réussie. Par ailleurs, selon certains auteurs (D. Corlouer, Magazine Le Mur, n° 11, Août 1991), le site était occupé par deux canons K54).
Ceci explique peut-être le creusement dans la falaise rocheuse, à l'est du Dom Bunker, d'un tunnel long de plus de 100 mètres pourvu d'une voie de chemin de fer à écartement normal. L'entrée de ce tunnel à gabarit rectangulaire est bétonnée sur une courte distance. L'angle intérieur gauche du plafond est encore garni du support de gond de la porte blindée à un seul panneau. L'absence de support du côté droit atteste bien la conception de la porte à battant unique.
En dehors de sa nature, la carrière d'Hydrequent ne se distingue guère des autres sites où stationnèrent des canons sur rails. Les Alliés n'ont apparemment procédé à aucun bombardement significatif. Situation rassurante pour les Allemands : l'installation n'inquiète pas.
UNE EXTENSION DISCRETE
La destination du site évolue à la fin de 1943.
A ce moment, les Allemands comptent beaucoup sur les V2 pour bombarder la Grande-Bretagne : la mise au point de ces engins pose pourtant de difficiles problèmes techniques.
Malgré ces incertitudes, la construction d'un premier site de lancement fixe, dans le Pas-de-Calais, est décidée au début du printemps 1943 (Eperlecques) (Eperlecques est situé également dans le Pas-de-Calais, à proximité de Watten).
Parallèlement, un tel ouvrage est assorti d'installations de production et de stockage d'oxygène liquide dont les fusées V2 sont de voraces consommateurs.
Les sites de stockage ne font pas obligatoirement partie du centre de production. Ils servent de réserve, pour faire face aux grands besoins prévisibles des futurs missiles.
La falaise en roches compactes (marbre) d'Hydrequent-Rinxent, haute de 30 mètres, se prête bien au rôle de stockage de l'oxygène liquide. D'autant mieux que plusieurs tunnels existent déjà : stockage de munitions, refuge pour un canon sur rail dans le tunnel à entrée bétonnée (tunnel n° 1).
Le creusement de locaux dans ce dernier, la liaison avec le tunnel n° 2 sont opérés avec une discrétion qui n'attire guère l'attention de l'aviation anglo-américaine. L'ensemble souterrain ainsi réalisé, complètement isolé des autres tunnels de la falaise, donne à la carrière de la Vallée Heureuse une nouvelle fonction bien différente de sa destination antérieure.
Ceci amène les Allemands à codifier, comme ils en ont l'habitude, l'installation de Rinxent : "Bauvorhaben 1353" (Bauvorhaben = projet).
Stocker de l'oxygène liquide exige une infrastructure complexe. Matière éminemment volatile (point d'ébullition : 182,7 °C sous zéro), elle se vaporise rapidement après sa production. Avec une rapidité d'autant plus élevée que les isolants de l'époque réduisent médiocrement le taux d'évaporation.
L'oxygène qui s'échappe des tanks de stockage doit nécessairement être capté et reliquéfié en permanence.
Pareille petite usine comprend une unité de reliquéfaction (compresseur) avec moteur diesel, une centrale électrique appropriée, des tanks de stockage, des magasins de pièces de rechange. L'exécution des locaux, la mise en place du matériel demandent quelques mois.
Ce projet a-t-il été mené à bonne fin ? L'hypothèse d'une réalisation ou d'une quasi-réalisation ne paraît pas invraisemblable.
Lors de notre deuxième visite à Hydrequent, nous nous sommes finalement retrouvés sans guide au milieu de la carrière. Alors que notre voiture se dirigeait en cahotant vers le tunnel à entrée bétonnée, une camionnette de service nous a quasiment pris à l'abordage, son conducteur réclamant notre autorisation d'accès.
Comme tout était en règle, le conducteur - devant notre intérêt pour le site - nous a offert une visite des tunnels 1 et 2. L'aubaine !
Le sot du tunnel n° 2 rongé par des ornières et des "nids de poules" est d'un abord difficile d'autant plus pénible que tous ces trous sont remplis d'eau. La visite en camionnette sous la conduite d'un habitué offre tous les avantages avec, en outre, un confort relatif et surtout l'éclairage puissant des phares, complété par les faisceaux "chercheurs" de nos projecteurs.
Soudain, un mur obstrue la galerie. Il barre l'accès d'un puits où des enfants se sont noyés, il y a plusieurs années. Il faut bifurquer à angle droit et revenir vers la galerie n° 1. Les locaux creusés dans les parois témoignent d'une activité industrielle : bâtis en béton, portique métallique, appareillage électrique.
Le tunnel à entrée bétonnée est particulièrement riche en locaux adjacents. Le premier à gauche à partir de l'extérieur contient de nombreux équipements électriques de marque AEG, datant manifestement de la deuxième guerre mondiale. Certaines pièces feraient certainement la joie de plus d'un responsable de musée.
Dans le troisième local - le plus vaste - toujours du côté gauche, on distingue diverses fondations pouvant servir ou ayant servi de base à des moteurs et compresseurs. La largeur de cette pièce atteint une dizaine de mètres et la longueur bien davantage. De toute évidence, l'ensemble de ce petit complexe n'était pas achevé mais pouvait, en cas d'urgence, devenir rapidement opérationnel.
CROQUIS GENERAL D'HYDREQUENT-RINXENT
A droite, le dépôt d'oxygène liquide (Tunnels 1 et 2)
La situation militaire sur le front de l'ouest amène bien des perturbations dans les projets allemands. Les bombardements intensifs des sites de lancement de V2 et de production d'oxygène liquide rendent ceux-ci inutilisables. Du même coup, les dépôts d'oxygène liquide perdent toute justification (Pour les détails sur l'évolution des ouvrages spéciaux, le lecteur consultera : "Constructions spéciales" par Roland Hautefeuille, 311 pages, Paris, 1985 (Le seul livre bien documenté sur le sujet)).
Vers la mi-juillet 1944, Hitler ordonne l'abandon de l'ouvrage de Rinxent, la destruction ou l'enlèvement de son matériel. La complexité de l'organisation allemande rend cependant fort laborieuse toute prise de décision. L'ouvrage de Mimoyecques, par exempte, a été tellement bombardé qu'il serait malaisé d'envisager l'utilisation de ses canons, d'ailleurs non encore installés en juillet. Finalement, les restes de Mimoyecques, et plus spécialement le tunnel souterrain de chemin de fer, accueilleront en principe deux nouvelles armes dont la fusée à poudre Sol-Sol "Rheinbote".
UNE ORIENTATION INATTENDUE
L'OKW (OKW : Oberkommando der Wehrmacht = Commmandement suprême de la Wehrmacht) - c'est-à-dire Hitler - refuse de renoncer au canon HDP (Les canons de Mimoyecques ont porté diverses dénominations et notamment Hochdruckpumpe (HDP) = Pompe à haute pression) prévu initialement à Mimoyecques; celui-ci sera transféré sur le site de Rinxent qui, du même coup, retrouve une nouvelle fonction au moment même de son abandon.
Le choix de Rinxent repose sur diverses considérations : absence de tout bombardement du site qui apparemment n'a pas inquiété les Alliés, existence de tunnels qui permettent le travail à l'intérieur d'où sécurité quasi assurée, nature du terrain (marbre), situation géographique.
Particularité du nouvel ouvrage : il ne comportera qu'un seul puits incliné. Les travaux démarrent fin juillet-début août par le creusement d'un puits vertical d'extraction à l'intérieur d'un tunnel. Il s'agit précisément du puits situé dans le tunnel n° 2 dont nous avons aperçu la partie murée lors de notre circuit souterrain en voiture. A partir du fond de ce puits vertical, le creusement du puits incliné atteindra très discrètement la surface. L'absence de datte en béton, grâce à la qualité de la roche, associée à un excellent camouflage, réduiront considérablement les risques de repérage aérien.
Qu'en a-t-il été en pratique ?
Réalité plus que vraisemblable : le fonçage d'un puits vertical d'extraction. D'autant plus vraisemblable que des "anciens" de la carrière auraient affirmé, autrefois, avoir aperçu après la guerre une machine d'extraction à proximité du puits. Ce dernier était-il achevé ?
Nous n'avons pu effectuer de sondage. Le murage du puits interdit l'accès et les conditions de notre visite n'ont pas permis de rechercher la possibilité d'autres voies. Quant au puits incliné, il n'en existe aucune trace, à notre connaissance.
Tout porte à croire que le projet allemand était loin du but lors de l'arrivée des troupes canadiennes le 5 septembre 1944. Entre le démarrage de la construction (début août) et le 5 septembre 1944, le délai était vraiment fort étroit pour achever un projet non négligeable, même si les constructeurs possèdent une réputation de grande efficacité. Enfin, last but not least, le canon n'était toujours pas au point à cette date ! (Des essais poursuivis notamment dans une île de la Baltique (Misdroy) près de Peenemünde, ont conduit à la fabrication d'une version réduite du canon HDP (longueur du tube : environ 50 m) à la fin de 1944. Il a été expérimenté contre Luxembourg et Anvers en décembre 1944. La portée (60 Km) et le poids des obus (90 kg avec une charge explosive de 7 à 9 kg) n'entraînaient pas d'avantages décisifs par rapport aux canons classiques.(*)
(*) Note de la rédaction: voir dans le présent bulletin et dans le précédent l'article de Willy O.H. FRESON : "La Pompe à haute pression - Arme secrète allemande V3").
AUJOURD'HUI
Aujourd'hui, le tunnel à entrée bétonnée a disparu (depuis peu de temps d'ailleurs), en raison de la création d'une nouvelle voie d'accès à la carrière. Cela signifie, sans doute, que les locaux adjacents à ce tunnel n'existent plus. Le matériel historique qu'ils contenaient risque d'avoir été dispersé sans précaution.
On souhaiterait, sans trop y croire, qu'un relevé photographique systématique accompagné d'un plan détaillé des locaux ait été opéré avant la destruction.
Peut-on espérer que le matériel ait fait l'objet d'un inventaire et d'un classement pour permettre sa reprise éventuelle par les institutions chargées de diffuser la connaissance historique de la région ?
Une ultime recherche de ces témoins du passé, avec la nécessaire collaboration des propriétaires du site, se justifie pleinement.
DOM BUNKER
La glissière de suspension des portes d'origine est encore en place. Les portes actuelles ont probablement été placées après la guerre et ne modifient guère l'aspect général de la construction. (cliché P. Richely)
REMISE A LOCOMOTIVE
Local - vraisemblablement la remise à locomotive - à proximité du Dom Bunker. L'épaisseur des murs ne dépasse pas quelques dizaines de centimètres. On distingue très bien les discontinuités de la coulée du béton. (cliché A. Nève)
INTERIEUR DU TUNNEL N° 1
Le sas d'entrée du tunnel n° 1 est suivi d'un couloir bétonné de quelques mètres.
Ensuite la roche est à nu sur une centaine de mètres. Divers locaux bordent ce tunnel, notamment du coté gauche : chambre d'appareillages électriques, salle des machines, etc. Au fond, à droite, une galerie permet de rejoindre le tunnel n° 2 à proximité du puits vertical. (cliché A. Nève)
ENTREE BETONNEE DU TUNNEL N° 1
L'entrée bétonnée du tunnel à canon est garnie de la glissière de porte typique des dom Bunker. Une demi-porte d'origine en bois est visible du coté gauche. La porte ferme un sas long de plusieurs mètres et de gabarit rectangulaire. Le fond de ce sas était obturé par une épaisse porte blindée, aujourd'hui disparue, (cliché P. Richely)
EGOND DE PORTE BLINDEE (tunnel n°1)
Au fond du sas, à la partie supérieure gauche, on aperçoit le caisson supportant le gond de la porte blindée. Le diamètre du gond scié lors de l'enlèvement de la porte atteignait sûrement une quinzaine ,de centimètres. La battée de la porte est bien visible. Elle réduit un peu les dimensions du tunnel tant en hauteur qu'en largeur. (cliché P. Richely)
TUNNEL N° 2
Presque parallèle au tunnel n° 1 et situé à sa droite, il s'enfonce d'une centaine de mètres dans la falaise. D'un gabarit inférieur au n° 1 et non bétonné, il se termine par un mur bloquant l'accès au puits d'extraction. (cliché A. Nève)
Retour au sommaire
F. GERSAY. Les Aventuriers (6 de 7)
ENTRAINEMENT AVEC LE WESTLAND LYSANDER
Pour accéder à la formation pour la qualification de chef d'opération, il faut avoir satisfait à tous les stades de la formation générale. Il faut aussi être parachutiste. En ce qui concerne Yasreg, sa formation ARA est toujours en cours, mais on imaginerait mal un échec au point atteint en ce moment. Il est en tout cas parachutiste.
Il doit aussi subir l'entraînement avec le WESTLAND LYSANDER et en connaître les conditions d'emploi.
Pour qu'un LYSANDER puisse atterrir en territoire tenu par l'ennemi, il est évident que des critères draconiens doivent être rencontrés :
1. Le terrain proposé doit se situer dans un endroit isolé et le plus distant possible des garnisons allemandes.
2. II doit se trouver aussi le plus loin possible des centres habités.
3. II doit être de préférence horizontal, mais une pente de plus ou moins 2% peut être tolérée, si cette pente se place dans la direction générale des vents dominants. Ce sont les gens sur place qui déterminent ce qui convient ou non.
4. Ses dimensions diagonales doivent être suffisantes pour permettre l'atterrissage et les manoeuvres d'un LYSANDER : 400 à 600 m, dans plusieurs sens. Ceci a pour avantage important de réduire la longueur d'atterrissage en restant dans les critères de sécurité généraux en aviation : toujours atterrir contre le vent.
5. Si les dimensions sont suffisantes, c'est-à-dire supérieures à celles décrites ci-dessus, on peut envisager l'atterrissage d'un bombardier léger (type Hudson), ou encore un bombardier lourd. Il s'agit alors d'une opération majeure qui doit être préparée de longue date. On peut dans ce cas ravitailler les maquis en armes, munitions et viatique (Préparation du D day).
6. Le terrain préparé doit être délimité le plus exactement possible, mesuré, et situé précisément par des coordonnées sur la carte.
7. Les informations qui précèdent justifieront l'envoi d'un avion à haute attitude qui photographiera la région. Les dénivellations éventuelles devront être précisées, de même que la nature du terrain et les particularités de l'environnement.
Cela fait beaucoup de conditions d'acceptation.
Les candidats devaient donc s'entraîner à situer sur la carte un terrain soumis à l'examen et supposé propice, à la boussole à partir de trois points de repères, à le délimiter et à le mesurer avec le pas humain comme base (+/- 75 cm), dans tous les sens. On organisait alors un exercice sur ce terrain et on était charitablement prévenus qu'on pouvait s'attendre à des surprises.
Le Lysander
Dans le LYSANDER le cockpit était double. Le premier siège regardait vers l'avant et était occupé, comme il se doit, par le pilote. Derrière ce dernier, se trouvait la masse des appareils radio contre lesquels son siège était arrimé. Celui du passager était lui aussi arrimé à cette masse, mais regardait vers l'arrière. Le tout était surmonté d'une sorte de verrière coulissante, déclenchable à l'aide d'une manette en cas de nécessité.
Le passager avait sa vision braquée vers l'horizon arrière. Il avait comme mission, en cours d'opération réelle, de signaler au pilote, par interphone, tout ce qu'il constatait d'anormal. Deux possibilités se présentaient : l'interphone fonctionnait et le pilote, renseigné, agissait au mieux; ou bien l'appareil ne fonctionnait pas et il fallait se rabattre sur le système d'urgence. Ce dernier consistait en deux boutons poussoirs placés, l'un à gauche et l'autre à droite du cockpit, à portée de mains du passager.
En cas d'attaque par la chasse ennemie, si l'appareil attaquant venait de gauche pour s'aligner, on appuyait sur le bouton de gauche. Dans le cas contraire, on appuyait sur le bouton de droite. Dans les deux cas, le pilote était averti par un voyant coloré lumineux. Si l'attaquant était déjà en alignement, il fallait pousser sur les deux boutons à la fois.
C'est ce que Yasreg se vit contraint de faire au cours d'un exercice.
Ce plouc peu doué avait vu dans le lointain un autre Lysander et n'avait pas réalisé immédiatement que cet appareil représentait un chasseur ennemi. Sa réaction avait été un peu lente et, dans la réalité d'une situation de guerre, lui et son pilote auraient probablement perdu la vie.
A titre d'indication, lorsque ceux qui iraient pratiquer leur art au-dessus d'un terrain, en France occupée, auraient à quitter le Lysander pour sauver leur peau, la manoeuvre consistait à déclencher la partie vitrée du cockpit (à condition qu'elle ne soit pas trop récalcitrante) et à sauter de l'appareil, en comptant trois secondes avant d'ouvrir le parachute ventral à manette, qu'on trimbalait. Il était recommandé de ne pas sauter les pieds d'abord mais de basculer en arrière dans le vide, afin d'éviter de se faire couper en deux par les ailerons de l'appareil. Un coup d'oeil sur la photo du LYSANDER fera comprendre cette nécessité. C'était la seule façon d'avoir une modeste chance de s'en sortir. Heureusement, on ne pratiquait pas ce genre d'acrobatie à titre d'exercice et toutes ces savantes et préoccupantes indications ne pouvaient de toute façon avoir une chance de réussite que si le saut en parachute ne se faisait pas à moins de 300 mètres du sol.
Revenons à l'incident
La réaction du pilote à l'injonction des deux boutons poussoirs fut immédiate et spectaculaire. Yasreg sentit ses intestins lui remonter au sternum. L'appareil piqua sur une distance de plus ou moins cent mètres et remonta en chandelle. C'est là que notre homme réalisa la nécessité impérieuse d'être bien arrimé dans le cockpit.
Yasreg s'est efforcé de donner une idée forcément incomplète du genre d'entraînement théorique qu'il a suivi.
Il n'a pas eu l'occasion d'utiliser ses connaissances dans la réalité de la guerre
RETOUR A KILBURN : LA VIE DE BOHEME
La vie ordinaire a changé. Le Home de Christchurch Avenue est totalement détruit. Fini le petit confort douillet du soir et les savates. Il a bien fallu, chacun pour soi, trouver un endroit où se réfugier la nuit. Chose difficile, compte tenu de la crise du logement qui sévit. Comme en outre, on a été une fois de plus remis vestimentairement à neuf, en civil et en militaire, il a bien fallu trouver un coin pour ranger tout cela.
La chambre que le plouc Yasreg loue contient tout juste ce qu'il faut. On n'est certes pas au Ritz. Il s'y trouve évidemment un lit, propre et net, avec ce qu'il faut pour dormir, une table avec tiroir et une garde-robe qui ferme à clé mais dont les portes se déglinguent. Le chauffage est inexistant et la température est basse en ce mois de janvier 1944. Une ampoule électrique économique - on économise sur tout en temps de guerre - éclaire juste le milieu de la table. Un abat-jour à pendeloques canalise comme il peut les radiations du lumignon là où c'est le plus nécessaire. Les restes d'une antique carpette couvrent le parquet. La garde-robe contient tout ce qui appartient, en principe, à ce plouc frigorifié. Il a en effet reçu deux complets civils tout neufs, un pardessus et un trench-coat à deux usages puisqu'il sert aussi quand on revêt la tenue de gala militaire ... si l'on peut dire. Chemises et chaussettes sont neuves, comme le reste. Les godasses civiles rivalisent d'ampleur avec les croquenots qu'il préférerait porter en tous temps, à cause de la neige et du verglas. Mais là, pas question, il doit se déguiser en civil pour se rendre où le devoir l'appelle. Il détient aussi un battle-dress, tout neuf également et un couvre-chef orné de l'emblème officiel du War Office : le Lion et la Licorne entourant les Deux Roses avec la devise "Honni soit qui mal y pense". Pour les circonstances plus romantiques, il dispose de leggins (guêtrons) et d'un équipement en webbing comportant un étui (vide) à revolver. Les insignes de grades sont rouges.
Le meuble précité a de la peine à contenir tout cela, avec la valise réchappée du désastre.
Tous les jours, la brave vieille qui lui loue sa chambre, Mrs P..., le réveille ponctuellement à 6 heures 30. Elle pénètre sans opposition, la serrure n'est là que pour mémoire, dans le tabernacle où le grand seigneur Yasreg cesse soudain de ronfler et reprend contact avec la réalité et la température ambiante.
Mais, providentiellement, Mrs P... ne vient jamais les mains vides.
Les temps sont durs et le charbon est rare, mais elle apporte maternellement à ce plouc démuni la traditionnelle tasse de thé et y joint généreusement deux petites tranches de pain grillé par ci par là et recouvert de "beurre" fondu.
Le "good morning" se continue par une considération générale sur le temps qu'il fait et sur ce qu'on peut envisager en ce domaine pour la journée. Rien de particulièrement réchauffant. Puis, après une dernière question au sujet de ce qui pourrait manquer à Yasreg, la brave femme va s'occuper de ses chats qui, dit-elle, doivent aussi manger !
Puis, emmitouflé du mieux qu'il peut, Yasreg met le cap sur la station de métro la plus proche, afin de rejoindre, en principe à l'heure, les locaux de Hanschool Knightsbridge. C'est là qu'il profitera subrepticement de l'eau chaude qu'on trouve dans ce lieu pour se raser et se laver. Ne pas le faire serait s'exposer à des remarques mi-figue mi-raisin des instructeurs. Autant faire son possible pour éviter les commentaires.
Après plusieurs heures de rafales de morse, on passe au codage et au décodage. Il faut beaucoup d'entraînement pour arriver à coder et décoder rapidement. On doit d'ailleurs fournir plusieurs fois par semaine des exercices que l'on compose soi-même, comportant la relation d'informations fictives et leur transformation en groupes de cinq lettres, sans signification apparente, qui seront transmis en morse.
Le système très simple de codage utilisé à l'époque est, bien entendu, périmé à l'heure actuelle. Les ordinateurs auraient tôt fait d'en détecter la signification.
Chaque agent ARA avait son code personnel et connaissait celui de son correspondant. Le tout était basé sur l'utilisation d'une phrase clé pour l'un et l'autre. Yasreg avait choisi un ver tronqué de Victor Hugo :
"Au fond des bivouacs désolés, on voyait les clairons à leur poste gelés,
"Rigides, blancs de givre collant leur bouche en pierre ..."
Ce texte compte 20 mots, grosso modo. On en choisit parmi ces derniers un certain nombre qui, écrits sur du papier quadrillé, servent de grille au message à envoyer. Le tout est divisé en groupes de cinq lettres dont la signification sera reconstituée par le destinataire par une opération inverse du décryptage. A ces groupes de lettres s'ajoutent, dans un ordre convenu, des lettres fictives, dites lettres mortes, qui servent à faire identifier l'opérateur qui a transmis le message. Si ce dernier omet de placer ses lettres mortes là où il doit les placer, son identité est sujette à caution. Il peut ainsi faire comprendre qu'il est pris par l'ennemi et transmet des messages sous la contrainte. Les services de renseignements adverses peuvent en arriver ainsi à des jeux de dupes qui, finalement, ne trompent personne, mais font gagner du temps. Ceci peut se révéler parfois très important pour l'agent pris par l'ennemi.
On laissera aux professionnels imaginatifs le soin de décrire à leur manière les assauts d'ingéniosité déployée par chacune des deux parties en ces cas litigieux pour tenter de prendre l'autre pour plus bête que lui.
INDISCRETION
Yasreg a reçu à Hanschool, à titre d'exercice, plusieurs messages à décoder et il doit encoder lui-même des textes qu'il invente. Le tout sera remis pour vérification et correction deux jours plus tard. Il ne peut être question de faire ce genre de choses au vu et au su de n'importe qui. Il est donc recommandé expressément de travailler chez soi dans la discrétion.
Ces exercices sont importants et la pratique est nécessaire pour arriver à la rapidité, la clarté et l'exactitude en la matière. Le temps presse et la collaboration est demandée aux candidats.
Ce plouc est chez lui ce soir-là. Il a disposé ce qu'il lui faut pour remplir sa tâche et s'évertue à déchiffrer les énigmes que l'on soumet à sa sagacité. La pièce n'est pas chauffée. Il s'est enveloppé de sa capote, mais les doigts s'engourdissent.
Yasreg a appris l'importance d'être bref, concis et explicite en la matière. Il remet au net ses colonnes de chiffres et envisage de se faufiler à bref délai entre ses draps de lit glacés. Cependant, il doit encore mettre ses exercices au net. Ses instructeurs n'apprécient pas, mais alors pas du tout de phosphorer sur un travail bâclé. Cela fait, il lui reste les brouillons et les essais erronés, qu'il glisse sans trop réfléchir dans le tiroir de sa table. La façon correcte de procéder serait de les brûler. Mais ce plouc n'a pas d'allumettes et, "Honni soit qui mal y pense", omet de le faire. Après tout, il est chez lui puisqu'il paie un loyer. Qui oserait visiter ses tiroirs ?
La journée se passe dans la routine habituelle. Yasreg a soumis ses travaux à qui de droit. Il recevra les commentaires demain s'il y en a. En paix avec le monde entier, le voilà qui rentre "chez lui". C'est bien sûr le même frigo qui l'accueille et la même lumière chiche qui éclaire sa table.
Il constate d'emblée qu'on a ouvert son tiroir et manipulé les codages d'essai qu'il avait malencontreusement laissés sur place. Un coup d'oeil dans son armoire et il est évident que quelqu'un a fait preuve de curiosité en ce qui le concerne.
La brave dame qui l'héberge s'est probablement posé la question que bon nombre de Britanniques se posent. Dans un pays qui a mobilisé toute sa jeunesse, masculine et féminine, il est rare de rencontrer quelqu'un de bien habillé, et qui semble vivre sans exercer une activité rémunérée. La chose se complique quand, dans son armoire, on trouve un uniforme et un équipement militaires. La perplexité s'installe quand on découvre dans le tiroir de sa table des écrits bizarres qui sentent l'espion à plein nez. Ce locataire énigmatique devrait être soldat comme tous les jeunes hommes de son âge, car "there is a war on !".
Yasreg fait disparaître toutes traces de ce qui intrigue sa logeuse.
Il est réveillé le lendemain comme d'habitude à 6 heures 30, mais, cette fois, ne reçoit pas son thé au lit.
C'est en s'approchant de la station de métro de Kilburn qu'il se voit discrètement aborder par deux solides quidams en civil, qui lui demandent poliment d'exhiber ses papiers et le contenu de sa sacoche. Eux-mêmes montrent leur carte de la Métropotitan Police.
La question est vite réglée. Bien sûr, ce plouc détient des documents en règle signés du War Office. Les deux policiers s'excusent et s'éloignent.
Il n'y a pas là de quoi fouetter un chat, mais voilà Yasreg averti. Il lui faudra changer de local.
WANTAGE - BERCKSHERE-OXFORD (fin mai 1944)
Invitation bizarre
Un train de banlieue poussif à deux wagons s'arrête à Wantage, près d'Oxford. C'est là un simple point d'arrêt en pleine campagne. Il ne s'agit pas d'une gare et on n'y est attendu par personne. Pour atteindre le village proprement dit, il faut de bonnes jambes et un enthousiasme juvénile ... ou presque. En tout cas, il faudra bien, sauf intervention providentielle, se propulser 4 kilomètres dans la nature. On apprécierait la belle journée ensoleillée, si on avait les coudées franches. Hélas, il y a le barda à transporter.
Un renseignement obtenu d'un quidam occupé dans un champ confirme que l'on est sur la bonne voie. On n'a pas à craindre les ennuis de circulation; la route n'est pas large mais suffisante pour le charroi rural. Des deux côtés, des champs cultivés s'étendent jusqu'à l'horizon. Ici et là, isolés dans cette nature, on distingue des bâtiments agricoles, avec dans le fond, un clocher quadrangulaire. Sur tout ce calme bucolique enrobé de silence, une alouette monte parfois au ciel dans un élan de joie. Une impression de paix, de calme, de simple bonheur, monte de cette terre. On se sentirait des ailes, si les impedimenta ne freinaient l'enthousiasme. On ressent, en effet, un sentiment de délivrance, de liberté, associé à la fierté intérieure de la réussite. Car la formation du plouc Yasreg est en principe terminée et réussie. Il a obtenu 8 jours de congé, à passer dans un endroit calme, en dehors de Londres, de préférence. Il en avait médicalement besoin, psychiquement aussi peut-être. Yasreg pouvait choisir l'endroit qu'il voulait, mais la sagesse commandait de prendre avantage de ces quelques jours de répit, avant la grande aventure qui pouvait s'imposer d'un moment à l'autre.
La vie à Londres est fatigante, épuisante, pour celui qui doit tout faire par lui-même. Les agents spéciaux se logent et s'entretiennent grâce à une indemnité suffisante mais guère plantureuse. Comme il est relaté plus haut, le Home de Kilburn est détruit. Où aller ? La solitude dans l'immensité d'une ville étrangère, où on ne connaît personne, a comme conséquence la promiscuité dans des endroits facilement accessibles, ce qu'il faudrait normalement éviter. Les pierres d'achoppement de cette semi-liberté sont l'alcool et les rencontres sans lendemain.
En plus de la dureté des temps, les bombardements aveugles de la Luftwaffe sont remplacés par la chute des missiles V1 et V2, les dernières armes secrètes du Führer. Il vaut donc mieux quitter Londres et récupérer ailleurs.
Comme Yasreg, et pour cause, n'a aucune idée d'où aller, on lui est venu en aide. Il a été gratifié d'un billet de chemin de fer pour Wantage, où il doit en principe trouver l'hospitalité d'une personne qui mettra, gracieusement ou non, le gîte et le couvert à sa disposition. Yasreg n'a aucune idée de qui est cette personne. Son ordre de marche mentionne simplement l'adresse suivante : Mrs S ..., WANTAGE, OXFORDSHIRE.
C'est tout naturellement que ce plouc perplexe perdu dans la nature montre sa destination finale à la conductrice d'une automobile qui suit apparemment le même chemin que lui. Elle lui a demandé où il va. Ce geste de gentillesse simplifie et accélère les choses. Mrs S... est connue de tout le village.
La porte cochère est large, solidement imbriquée dans un mur de briques noircies par le temps. Elle est à deux battants, qui doivent permettre le passage d'un charroi volumineux. Passé cette entrée, on arrive dans une allée pavée de moellons et bordée d'arbres. Des buissons fleuris, des rosiers bien entretenus, remplissent les espaces entre les peupliers.
De l'entrée, la bâtisse principale n'est pas visible. Elle apparaît une bonne vingtaine de mètres plus loin. L'allée se termine en un rond-point relativement spacieux, qui doit permettre au charroi de manoeuvrer et de faire demi-tour. Imposants, les locaux d'habitation ressemblent à ceux qu'on rencontre un peu partout dans la campagne anglaise. Rien n'y manque, pas même le lierre sur les murs.
L'"invité" dépose son barda par terre et jette un coup d'oeil aux alentours. Il constate que quelqu'un, dix mètres plus loin, lui tourne le dos, et ne semble pas s'apercevoir qu'il est là. L'homme est certainement sourd. Il s'agit vraisemblablement d'un jardinier. Il est entouré d'outils et manie une brouette. Il ne semble pas jouir de toutes ses facultés. Paisiblement, il continue à entretenir son bout de terre.
Comme rien ne semble bouger dans la bâtisse, Yasreg se décide à entrer. Le portique passé, il se trouve dans un couloir qui donne accès à plusieurs pièces. C'est alors que quelqu'un passe devant lui sans paraître remarquer sa présence. C'est une petite vieille en tablier, qui, elle non plus, ne semble pas jouir de toutes ses facultés mentales. Cependant, à la question posée en anglais par le nouveau venu, elle répond en un français sans accent que Mrs S... va venir. Il faudra attendre un peu.
Et notre homme est prié de s'asseoir dans une sorte de salon qui paraît destiné à la mise en valeur d'une quantité de souvenirs de la guerre 14-18.
Un Mauser allemand voisine avec un Lüger d'officier. Des insignes, des boutons d'uniforme, des décorations militaires, des casques à pointe de l'époque du Kaiser, sont soigneusement rangés. Des sabres et des lances de Uhlans forment des panoplies qui recouvrent les parois. Plusieurs armoires servant de bibliothèques contiennent des ouvrages en allemand et en russe. Tout le décor intérieur semble soigneusement épousseté et ciré. Les fauteuils en cuir sont recouverts de housses. Aucun bruit ne filtre de nulle part.
Yasreg se pose la question de savoir si Mrs S... a bien été prévenue de son arrivée. Comme son équipement est toujours dehors, l'idée lui vient de le récupérer. Perplexe devant cette réception pour le moins bizarre, voilà en effet un bonne heure qu'il attend, le plouc se sent travaillé par l'envie impérieuse de filer à l'anglaise et de rentrer à Londres toutes affaires cessantes. C'est dans cette intention qu'il se lève et se dirige vers la porte, juste au moment où quelqu'un survient.
Yasreg voit pour la première fois Mrs S..., bien connue de bon nombre de Belges en Grande-Bretagne. Cette personne d'origine roumaine, si les souvenirs sont bons, s'exprime en un français parfait, acquis par des études en Belgique. Elle parle couramment plusieurs langues slaves, dont le russe.
Membre du personnel diplomatique britannique à l'ouverture des hostilités, elle a dû quitter Constantza (Roumanie) et rejoindre l'Angleterre, suite à l'invasion allemande. Mrs S... est une personne charmante, d'une grande beauté et d'une haute intelligence.
Mais Yasreg constate qu'il n'est pas attendu à Wantage. La désinvolture bureaucratique a sans doute joué quelque part. Peut-être quelqu'un a-t-il simplement confondu la demeure de Mrs S... avec un hôtel de campagne ouvert à quiconque peut payer. On n'a pas cru nécessaire de prévenir. La situation est franchement désagréable et, à la limite, humiliante. Evidemment, Yasreg peut payer son séjour, mais l'impression est déprimante pour ce plouc, qui, venant de passer une période d'entraînement très dure, vivant dans une semi-clandestinité imposée par les instructions occultes, strictes et précises, ressent l'impression de solitude viscérale dans laquelle il évolue.
Le War Office dont il dépend l'a dirigé sur Wantage parce que l'on est certain que là, il a peu de chance de rencontrer des gens à éviter de préférence ...
Gêné, Yasreg présente ses excuses et ses regrets de se trouver chez cette dame sans invitation. Il lui fait part de son intention de rentrer à Londres par le premier train et lui explique qu'il n'y a aucun problème pour lui à réintégrer l'appartement qui l'attend à Londres.
Mrs S... sourit, lui tend la main et lui demande de s'asseoir. Sa demeure, lui dit-elle est ouverte à tous les employés du War Office. C'est un honneur et un plaisir de leur fournir l'hospitalité. Un contretemps est intervenu mais, de toute façon, le dîner sera servi dans quelques minutes et ce sera l'occasion pour ce plouc honoré de faire la connaissance du major S..., chef des services vétérinaires des forces britanniques aux Indes, quand on utilisait encore les chevaux dans la cavalerie et les services du charroi.
Toujours souriante, avec un grain d'humour, elle se déclare convaincue que cet officier retraité se fera un plaisir, au cours du séjour auquel il est invité, de lui faire connaître son écurie de courses et ses jockeys. Elle-même s'excuse de la réception quelque peu cavalière dont il a été l'objet à son arrivée. Le jardinier que Yasreg a vu est, en effet, sourd, muet et déficient mental. La petite vieille est la gouvernante française qui, depuis de nombreuses années, vit en famille chez elle.
Mrs S... explique qu'elle était absente à son arrivée car, comme toute ménagère qui se respecte, elle a dû se rendre au village pour y faire l'achat de ce qu'on ne peut produire chez elle. Elle ajoute que la vie à Wantage est parfois monotone et qu'elle est toujours très heureuse de recevoir un invité, surtout lorsque ce dernier lui est recommandé.
Et c'est ainsi que Yasreg passa à Wantage huit jours de vie de château, dans un calme et une gentillesse inoubliable.
Le major S..., d'origine irlandaise, avait conservé l'allure et les méthodes militaires dans l'organisation de son domaine, en dépit de son âge. C'était le type traditionnel du "landlord". Ses passions étaient la terre et les chevaux. Il possédait une magnifique écurie de course et ses six jockeys portaient ses couleurs dans les compétitions.
Peu loquace, cet homme solide et énergique aimait arpenter ses terres et prenait plaisir à inviter "Horsy", surnom qu'il avait donné à Yasreg, à des randonnées dans la campagne. Il lui présentait alors un stick et les deux hommes marchaient plusieurs kilomètres dans la paix totale. Yasreg pouvait ainsi apprécier le charme bucolique d'une vie rurale comblée.
Au village, les hommes soulevaient respectueusement leur casquette quand le "landlord" passait. Souvent, le major, qui avait un faible pour le whisky, en offrait une timbale à Yasreg au "pub" du village. A Wantage comme ailleurs, entre 11 et 13 heures, on pouvait se rafraîchir. Des ouvriers agricoles qui travaillaient sur ses terres venaient lui rendre compte de ce qui s'était passé en cours de journée.
La conversation ne se limitait évidemment pas à l'agriculture. On parlait de la guerre, des bombardements sur Londres par les V1 et V2. Tout le monde attendait les événements décisifs qui semblaient se précipiter dans le monde.
Précisément, le soir avant le rapport de la BBC, brouillé comme d'habitude par les services de Goebbels, le major faisait l'appel de son personnel.
Ce dernier, suivant les règles, se présentait quelques minutes avant la relation des événements. Toute la domesticité mâle se mettait au garde-à-vous pour entendre le "God Save the King" préalable aux nouvelles.
Ce fut à Wantage, dans cette propriété cossue enrobée de tradition pour ainsi dire médiévale que le plouc Yasreg reçut comme tout le monde la nouvelle cruciale que tout le monde attendait : les Alliés avaient débarqué en Normandie.
Ses vacances étaient terminées !
FIN AOUT 1944 - LA MISSION
Un beau matin, Yasreg constata la présence dans son assiette de deux oeufs sur le plat. Les choses sérieuses commençaient pour lui.
On vient d'introduire Yasreg dans l'antre du dragon.
Le bureau du colonel P... est spacieux mais sobre. Seul le centre est occupé par une lourde table en mahogany noir. Un fauteuil et deux sièges flanquent une bibliothèque bourrée de dossiers, de livres et de documents.
Une petite centrale téléphonique militaire est à portée. Le seul ornement, si l'on peut dire, consiste en un simple cadre en bois noir fixé au mur. Il attire d'emblée l'oeil du visiteur. On ne peut le manquer. Deux phrases calligraphiées en lettres gothiques s'y lisent :
"La Ruse n'est qu'un moyen ...!"
"La Droiture est une puissance ...!"
Réussite psychologique ! Voilà de toute évidence, un remarquable sujet de méditation pour ce plouc qui vient ici recevoir ses dernières instructions avant la minute de vérité.
Le colonel P... est en civil. Il est flanqué de son adjoint inséparable, la capitaine C... C'est armé d'un large sourire jovial que le patron va expliciter au bénéfice de Yasreg ce qu'il devra en principe faire et surtout ne pas faire. On aura droit au préalable à une esquisse sommaire sur la carte de la situation géographique en laquelle on va devoir évoluer. Entre temps et discrètement, quelqu'un a apporté, des cigarettes, un pot de café et des tasses.
Il ne reste que des souvenirs fragmentaires de cette conversation. "La guerre tire à sa fin", déclare le colonel. "Vous le savez bien ! Tout le monde le sait ! Les troupes allemandes battent en retraite partout. Cependant, si on approche du but, il ne faudrait pas commettre l'erreur de sous-estimer les possibilités de durée de l'armée allemande. Il reste encore beaucoup à faire. On n'est jamais sûrs de rien. Donc la mission que vous allez accomplir est importante. Si elle ne l'était pas, on ne vous enverrait pas."
"Votre rôle sera en priorité le renseignement et la transmission. Je ne peux vous conseiller que des généralités. Subsidiairement, vous amènerez sur place plusieurs containers. Il s'agira de matériel radio, d'armement, de vivres et surtout, d'argent."
"Vous n'avez strictement rien à voir avec les activités de sabotage. Vous ne devez participer à rien de ce genre. J'attire une fois de plus votre attention sur ce point. Les imprudences sont souvent responsables de l'échec d'une mission et de ses conséquences. Restez dans votre tour d'ivoire ! Vous n'êtes pas la pour jouer au héros, mais pour transmettre les messages !"
"Au point où en sont les choses, votre mission sera probablement la dernière envisagée pour la Belgique. Vous ferez partie du Service Bayard, très important pour les renseignements qu'il fournit. Vous ferez sans doute connaissance avec le docteur H..., de Comblain-au-Pont, lors de votre arrivée. Il sera votre chef de réseau. Un comité de réception est prévu. Il se chargera de vous amener où vous devez aller. Ne vous occupez pas des containers, ce n'est pas votre travail !"
"Autre chose, que vous n'avez jamais pratiqué : des pigeons voyageurs seront parachutés en même temps que vous. Vous ne vous en occuperez pas, en principe. Les gens en place leur fixeront aux pattes des tubes contenant des messages importants. Ils signaleront aussi votre bonne arrivée. Ne les effrayez pas ! Ils ne s'envoleront pas dans l'obscurité. Ils se mettront en route d'eux-mêmes au petit jour."
Vous serez porteur d'une grosse somme en dollars. Vous en serez responsable. Vous la remettrez au docteur H... ou éventuellement à la personne qui le remplacerait. Des changements sont toujours susceptibles de se produire, surtout en ce moment. Soyez cependant circonspect. Ces fonds sont indispensables pour assurer la transition. Vous les porterez constamment sur vous dans une ceinture spéciale. Nous vous demandons de considérer que la remise de ces fonds est la partie la plus importante de votre mission, compte tenu des opérations en cours à l'heure actuelle."
"Mon cher Hempen (Nous avons déjà rencontré Hempen-Sand (nom sous lequel Yasreg est connu chez les ARA/SAS). Dans le bulletin Tome II, fasc. 7 de septembre 1984, sous le titre "LIEGE SE SOUVIENT", Yasreg commence ainsi ses souvenirs de la Libération de Liège : "Pour l'opérateur radio ARA/SAS Hempen-Sand, la clandestinité tire à sa fin"), je suis heureux de vous voir en si bonne forme.
Le congé que vous avez passé dans le calme vous a fait beaucoup de bien !"
"Good bye, good luck, and thank you !"
LE 2 SEPTEMBRE 1944
Il fait clair de lune, en ce 2 septembre 1944. Il ne fait pas chaud non plus !
On a décollé de Ringway vers 1 heure du matin. Un clair de lune livide a présidé au départ. Quelques nuages traînent encore sur l'Angleterre, mais une visibilité indulgente permet de voir approcher le Channel qu'on devine dans la brume. L'appareil est un Hudson, bombardier léger bimoteur. Sa carlingue a été aménagée pour les buts poursuivis. Une glissière métallique émaillée facilitera la sortie des "aventuriers". On est lourdement chargé - en plus du parachute, on coltine dans le bas du dos un assemblage de plusieurs mitraillettes Sten et des munitions. En outre deux kit-bags chargés d'on ne sait trop bien quoi précéderont le sauteur et lui tiendront les jambes bien raides. Pas question de gesticuler dans le vide. Ce ne sera plus une simple chute mais une dégringolade accélérée. Plusieurs containers seront de la partie. Des caissons d'osier contenant des pigeons seront balancés dehors aussi.
Le temps passe. La tension nerveuse s'accroît. Une faible lueur filtre à travers les rideaux des hublots. L'oeil a eu le temps de s'adapter à la pénombre. En écartant légèrement les rideaux fixes, on distingue dans le clair de lune, des éclatements noirs. On a passé la côte belge ou française.
La Flak a réagi. Puis les couches de nuages s'étirent, mais perméables, permettent par ci par là la vision du fond noir. On fait des signaux à partir du sol. A qui s'adressent-ils ? On n'en sait rien !
Une lampe électrique s'allume derrière le cockpit du pilote. Elle est rouge et fait apparaître la figure casquée du dispatcher, chargé de libérer la trappe de sortie quand le moment sera venu. Le signal rouge annonce qu'il faut se tenir prêts. On est trois candidats à la sortie (Yasreg ignore l'identité et la mission de ses collègues. Secret oblige ! ). Chacun prend place dans la glissière polie, vérifie son chargement, si tout est en place.
Le coeur en prend un grand coup. La tension est palpable, son intensité fait mal. On a revêtu une combinaison de toile spéciale, fermée devant par un zip. Les bras et les jambes sont dégageables par des zips séparés. Dans la manche gauche, un poche spéciale contient un couteau de commando acéré et tranchant. Il doit servir à couper éventuellement les cordes du parachute, en cas de problèmes. Ces cordes sont en soie et capables de soutenir un poids énorme, trois tonnes, paraît-il ! On porte un casque rond en caoutchouc.
Pris aux tripes par la trouille, on attend que la lampe vire au vert pour s'évader ... On ressent aussi intensément la fatigue, le froid, l'abrutissement résultant du bruit des moteurs. Ce sont les dernières impressions avant la dégringolade.
Yasreg est le deuxième à sauter.
L'ampoule verte s'allume et reste allumée. La trappe s'ouvre. C'est le plongeon. Impossible de ralentir la sortie compte tenu de ce qu'on coltine. En une fraction de seconde, on se retrouve dans l'espace, suspendu comme un fétu au bout d'un fil. On baigne dans une lumière argentée qui enrobe tout ce qui est visible.
La lucidité refait surface; le contrôle de soi-même est rétabli.
Dans les tréfonds du décor, une ampoule électrique clignote on ne sait quel signal.
BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN !
Un bref résumé clôturera les "exploits" de l'aventurier Yasreg.
Induit en erreur par les signaux optiques d'une formation F.I. de l'Armée Secrète, le pilote australien du Hudson lâcha ses passagers et ses colis, y compris les pigeons, aux environs de Prayon-Trooz. Il avait confondu l'Amblève et l'Ourthe ou le contraire. Le résultat était de toute façon le même. Il avait aussi confondu la lettre B (_... en morse) avec D ( _.. ) qu'il aurait dû recevoir. Au lieu de se retrouver sur les hauteurs de Comblain-au-Pont, comme prévu, on se découvrait à Prayon-Trooz, dans un arbre.
De ce fait, la dernière mission belge de parachutage déboucha sur un échec. Le matériel amené fut embarqué par des gens à qui il n'était pas destiné. En outre un des sauteurs s'était foulé la cheville.
Les difficultés, pour ne pas dire l'impossibilité de contact entre formations de "résistance" antagonistes et d'options politiques contradictoires réduisaient les possibilités de récupération du matériel radio à zéro.
Les problèmes qui s'ensuivirent et les expériences décevantes qui en découlèrent ne seront pas abordés. Ils ne présentent aucun intérêt pour la petite histoire, ni pour le lecteur. Seul subsistera dans tout ce fatras gesticulatoire inutile, pour les acteurs de cette sinistre farce, un sentiment de dérision et de déception.
Honni soit qui mal y pense !
(suite et fin dans le prochain bulletin)
Retour au sommaire
Jules LEBEAU, La marine de guerre impériale allemande
Le 19ème siècle voit une véritable révolution s'accomplir dans les marines de guerre en ce qui concerne tant la propulsion que la construction et l'armement des navires.
La propulsion par hélice apparaît, la voile est abandonnée progressivement et les moteurs se perfectionnent sans cesse (vapeur puis diesel au début du 20ème siècle).
Le bois fait place à l'acier dans la construction, ce qui permet les puissants blindages des bâtiments de ligne.
Parallèlement, l'artillerie voit augmenter sa portée et sa puissance par l'introduction des canons rayés.
L'apparition de la mine et de la torpille donne des moyens d'action supplémentaires tandis que la T.S.F., au début de ce siècle, accroît la portée et la sécurité des transmissions.
Ces puissantes transformations rendent les marines solidaires de la puissance industrielle des nations et la suprématie navale de l'Angleterre se voit sérieusement concurrencée par celle du 2e Reich qui possède des colonies.
Dès 1898, à Dantzig, l'empereur Guillaume II, qui veut étendre l'empire germanique à l'extérieur, proclame : "Notre avenir est sur l'eau", et confie le soin de réaliser ce projet à l'amiral von Tirpitz, ministre de la Marine, qui, en quelques années, fait de l'Allemagne la deuxième puissance navale du monde.
Le canal de Suez est ouvert en 1869, Kiel en 1895 et Panama en août 1914.
En 1914, la marine impériale se compose de : 14 cuirassés, 35 croiseurs, une centaine de torpilleurs et 30 sous-marins.
Le 1er novembre 1914, la flotte allemande du Pacifique (cuirassés Scharnhorst et Gneisenau, croiseurs Nürnberg, Leipzig et Dresden), commandée par l'amiral von Spee, livre combat à l'escadre britannique de l'amiral Cradock qui perd 2 croiseurs (le Good Hope et le Monmouth). Cette bataille se déroule au large du cap Coronet (Chili). L'escadre allemande passe alors dans l'Atlantique pour tenter de rejoindre l'Allemagne et arrive en vue des îles Falkland le 8 décembre 1914, pour y rencontrer une force navale britannique commandée par l'amiral Sturdee.
Les Britanniques alignent les croiseurs de bataille Invincible et Inflexible ainsi que 5 croiseurs cuirassés ou légers. Les uns et les autres sont surpris. Les Allemands tentent de fuir mais sont aussitôt poursuivis par les Britanniques qui coulent au canon le Scharnhorst et le Gneisenau, ainsi que les croiseurs Nürnberg et Leipzig. Seul, le Dresden s'échappe, pour être coulé le 14 mars 1915 près de l'île chilienne de Juan Fernandez, dans le Pacifique.
L'amiral von Spee coula avec son navire et on se souviendra de son nom dans l'Atlantique Sud en 1939 (le 19 décembre, le cuirassé de poche Admiral Graf von Spee se saborde à l'embouchure du Rio de la Plata, en Uruguay, après un combat avec 3 croiseurs anglais). Les Falklands aussi se sont rappelées à notre souvenir en juin 1982.
Depuis la perte de son escadre du Pacifique, la marine allemande reste dans ses ports. En mai 1916, la flotte de haute mer aux ordres de l'amiral von Scheer tente de tromper la surveillance anglaise. L'amiral Jellicoe, commandant la Grand Fleet, prévenu de cette sortie, appareille avec toutes ses forces et croise en mer du Nord.
Son avant-garde (amiral Beatty) tombe le 31 mai vers 14 heures sur l'avant-garde de von Scheer, commandée par l'amiral Hipper, qui se replie au sud, poursuivie par les Anglais. Ainsi commence la bataille du Jutland.
Vers 16.30 h, les Anglais arrivent en vue du gros de la flotte allemande.
A 18.00 h, c'est le contact des 2 escadres.
Les Anglais alignent : 28 cuirassés contre 22, 6 croiseurs de bataille contre 5, 33 croiseurs contre 13, 80 destroyers contre un nombre analogue. (Les croiseurs de bataille ont un armement supérieur aux croiseurs légers. Le blindage des croiseurs est faible, voire nul, comparé à celui des cuirassés).
Une canonnade confuse s'engage par une très mauvaise visibilité et les Allemands décrochent habilement pour retraiter vers leurs ports où ils arrivent le 1er juin.
Les Anglais sont maîtres du champ de bataille mais ont perdu 6 croiseurs, 8 torpilleurs, 6.000 marins. (Quelques noms : HMS Queen Mary, Black Prince, Warrior, Defence, Indefatigable, Invincible, ...)
Les pertes allemandes se chiffrent par : 1 cuirassé, 5 croiseurs, 6 torpilleurs, 2.500 marins (SMS Blucher, Pommern, Wiesbaden, Frauenlob, ...)
Tactiquement, c'est un succès pour la marine allemande (tir plus précis, bateaux plus solides), mais au point de vue stratégique, les Anglais restent maîtres de la mer.
Les cuirassés allemands ne tenteront plus qu'une sortie le 19 août 1916 pour faire demi-tour dès que la flotte anglaise eut été signalée.
Le lendemain de la bataille du Jutland, l'amiral von Scheer avait écrit à son empereur : "Une fin victorieuse de la guerre ne peut être obtenue que par la ruine de la vie économique anglaise, donc par l'emploi intensif des sous-marins contre le commerce anglais".
L'emploi de l'arme sous-marine s'intensifia suite au blocus allié, ce qui amena finalement l'entrée en guerre des Etats-Unis. Le torpillage du Lusitania, le 9 mai 1915, avait soulevé l'opinion américaine contre les procédés de guerre allemands.
Partis en guerre avec 30 sous-marins, les Allemands en construisent 343 et en perdent 185. A la fin des hostilités, 88 sous-marins passent chez les Alliés.
Pour détruire le commerce anglais, des bateaux corsaires sont également utilisés avec un succès momentané car une chasse impitoyable leur est faite.
Pour mémoire, citons le voilier Seeadler, le navire marchand Möwe, le paquebot Kaiser Willem des Grosse.
Le 11 novembre 1918, un armistice est signé avec l'Allemagne pour une durée de 36 jours avec faculté de prolongation et de dénonciation pour insuffisance d'exécution des clauses dans les délais voulus.
Quelles sont les clauses navales de cet armistice ?
Article 22 : Livraison aux Alliés et aux Etats-Unis de tous les sous-marins (y compris tous les croiseurs sous-marins et les mouilleurs de mines) actuellement existants, avec leur armement et équipement complet, dans les ports désignés par les Alliés et les Etats-Unis. Ceux qui ne peuvent pas prendre la mer seront désarmés de personnel et de matériel et ils devront rester sous la surveillance des Alliés et des Etats-Unis. Les sous-marins qui sont prêts pour la mer seront préparés à quitter les ports allemands aussitôt que des ordres seront reçus par T.S.F, pour leur voyage au port désigné de la livraison et le reste le plus tôt possible.
Les conditions de cet article seront réalisées dans un délai de 14 jours après la signature de l'armistice.
Article 23 : Les navires de guerre de surface allemands, qui seront désignés par les Alliés et les Etats-Unis, seront immédiatement désarmés puis internés dans des ports neutres ou, à leur défaut, dans des ports alliés désignés par les Alliés et les Etats-Unis.
Ils y demeureront sous la surveillance des Alliés et des Etats-Unis, des détachements de garde étant seuls laissés à bord.
La désignation des Alliés portera sur : 6 croiseurs de bataille, 10 cuirassés d'escadre, 8 croiseurs légers (dont 2 mouilleurs de mines), 50 destroyers des types les plus récents (Par destroyer, on entend un bâtiment de guerre de moyen tonnage, peu protégé, très rapide, armé d'artillerie de moyen calibre et de tubes lance-torpilles. A l'époque, ces bâtiments sont essentiellement destinés à détruire les torpilleurs, d'où leur nom).
Tous les autres navires de guerre de surface (y compris ceux de rivière) devront être réunis et complètement désarmés dans les bases navales allemandes désignées par les Alliés et les Etats-Unis, et y être placés sous la surveillance des Alliés et des Etats-Unis.
L'armement militaire de tous les navires de la flotte auxiliaire sera débarqué.
Tous les vaisseaux désignés pour être internés seront prêts à quitter les ports allemands, 7 jours après la signature de l'armistice.
On donnera par T.S.F, les directions pour le voyage.
Application de ces clauses navales.
Le 21 novembre 1918, à 9.40 h, la flotte livrée par les Allemands est au rendez-vous face à l'entrée de l'immense baie du Firth of Forth (Ecosse).
Cette flotte se composant de 9 cuirassés, 5 croiseurs de bataille, 7 croiseurs légers et 49 destroyers est aussitôt encadrée par près de 300 bâtiments britanniques, 3 américains et 3 français qui les escortent pour se rendre au mouillage face à la ville d'Edimbourg. Des mesures de sécurité sont prises, les Britanniques craignant un acte de traîtrise. La flotte impériale, quasi inerte depuis la bataille du Jutland, est prisonnière.
Le 21 novembre, dans la matinée, l'amiral Beatty notifie à la flotte ennemie l'ordre suivant : "Au coucher du soleil, le pavillon allemand sera amené, pour ne plus être hissé sans permission". Cette consigne est ponctuellement exécutée à 15.57 h. On voit descendre de la corne du "Friedrich der Grosse" le pavillon allemand. Il en est de même, au même instant, sur les 69 autres navires.
Cette flotte ne reste pas longtemps à cet endroit qu'elle quitte pour arriver à Scapa Flow (archipel des Orcades, au nord de l'Ecosse), le 23 novembre, où elle est internée.
Le 21 juin 1919, peu avant midi, le cuirassé "Friedrich der Grosse" réarbore pour la première fois depuis 7 mois le pavillon allemand, au-dessous duquel flotte un drapeau rouge. C'est le signal du sabordage donné par l'amiral von Reuter à tous les autres bâtiments de l'escadre internée. Sauf un, le Frankfurt, tous s'y conforment et peu de temps après, ils commencent à couler, plongeant par l'avant ou par l'arriére, ou chavirant et ne montrant bientôt plus que leur quille.
Pendant que se consomme le désastre, les équipages tentent de gagner le rivage sur des chaloupes en échappant aux navires anglais de surveillance.
Ainsi se suicide la flotte de haute mer allemande, juste avant la signature du Traité de Paix, le 28 juin, à Versailles.
La flotte française accomplira le même acte en novembre 1942, à Toulon.
Mais elle, elle n'était pas prisonnière.
Reddition des sous-marins
Elle est stipulée à l'article 22 des causes de l'armistice et suit de près la reddition de la flotte de haute mer.
Le 24 novembre 1918, sous la surveillance d'avions, de dirigeables et de destroyers, les sous-marins se rendent dans le port de Harwich devenu leur prison.
Une exception cependant, le "Deutschland" immatriculé U-155 est interné à Londres en amont de "Tower Bridge", rive droite. Ce sous-marin, appelé "Handels U-Boote", ou sous-marin cargo, a par deux fois traversé l'Atlantique.
Il est muni de deux soutes à fret promises au stockage de 350 tonnes de marchandises. C'est pour faire face au blocus des côtes allemandes par la Royal Navy.
Quelques noms de navires internés à Scapa Flow :
Tableau
Frankfurt : était à la bataille du Jutland. Il n'a pas été sabordé car la Royal Navy le récupéra à temps. Il passa finalement aux Américains et fut détruit à l'occasion d'essais de bombardement aériens entrepris par "Billy Mitchell" (Billy Mitchell est ce général américain qui a soutenu que des forces importantes de bombardiers peuvent à elles seules gagner une guerre. La firme américaine North American a mis au point un bombardier d'attaque, le B-25 Mitchell, qui fut le plus utilisé et engagé sur un plus grand nombre de théâtres d'opérations qu'aucun autre appareil allié durant la seconde guerre mondiale. 9.816 B-25, toutes versions confondues, ont été construits.
Il est intéressant de signaler que c'est dans la baie de Scapa Flow, le 14 octobre 1939, que fut torpillé le cuirassé britannique "Royal Oak", entraînant 833 marins dans la mort. Cet exploit audacieux, imaginé par l'amiral Dönitz, fut réalisé par le commandant Günther Prien à bord du sous-marin de type VII B et immatriculé U-47. En 13 minutes, une épave anglaise rejoignit celles de la "Hochseeflotte" gisant depuis 1919 quelque distance plus à l'ouest.
Scapa Flow a perdu son importance et l'Amirauté britannique a décidé son démantèlement en 1956.
Au début de la seconde guerre mondiale (septembre 1939), un autre sous-marin allemand, le U-21, dépose des mines dans le Firth of Forth, dont une endommage le croiseur anglais Belfast. Le Belfast, entré en service le 5 août 1939, fut par après sévèrement endommagé par une mine magnétique le 21 novembre 1940 et immobilisé pour réparations jusqu'au mois de novembre 1942. Le Belfast est actuellement amarré côté rive droite, en amont du Tower Bridge, où il est entretenu et gardé comme musée flottant. Coïncidence !
C'est là, presqu'au même endroit, qu'était interné l'U-155 en 1918.
Bibliographie
Encyclopédie "Le panorama de la guerre". Publication hebdomadaire d'époque "Le Miroir". Encyclopédie des armes Editions Atten
Grand Larousse encyclopédique.
Retour au sommaire
Louis FREUVILLE, Pluie de V1 sur LIEGE et ANVERS
En 1944/1945, Londres, Anvers et Liège subirent une offensive de V1 et de V2 dont la charge explosive minimale était d'une tonne. En ce qui concerne Liège, les statistiques officielles se présentent comme suit :
Tableau
Ceci, malgré que 80 % des V1 aient été abattus par la DCA !
Personnellement, je n'ai pas subi toute la période de bombardement.
Peu après le 16 décembre 1944 (offensive dite de von Rundstedt), j'accompagnais les Seaforth de la 51 Hightand Division (Ecossais sauvages et admirables), fraîchement descendus du front des Pays-Bas pour renforcer les G.I.'s.
J'obtins quelques heures de permission pour me rendre à Ans où ma tante et mon cousin étaient morts, ensevelis sous les ruines de leur maison démolie par un V1; ma cousine était aveugle suite aux éclats de verre qui lui avaient crevé les yeux; mon oncle était en Silésie depuis fin mai 1940 ...
Je me souviendrai toute ma vie de Noël 44. Je quittai Ans en empruntant le tram 12 qui devait me ramener à Liège-Centre. Le tram s'étant arrêté huit fois suite aux alertes V1, je décidai de continuer à pied (ça allait plus vite). Avant de rejoindre mon unité, j'avais envie d'embrasser ma mère, calfeutrée dans sa cave à Ougrée. Et allez donc, gauche, droite, une, deux, ...
Après tout, il n'y qu'une douzaine de kilomètres.
Il n'y avait pas que des bombes volantes qui dégringolaient : la nuit, elle aussi, était tombée, et ceux qui se souviennent de l'aspect de Liège, dans la pénombre occultée, où, par endroits, il fallait trouver son chemin dans les ruines ... C'était d'un gai !
Arrivé à Fragnée, à proximité du pont de chemin de fer du Val-Benoît, qui, depuis 1939, avait pris l'habitude de sauter ou d'être bombardé, je fus pris dans une rafale d'une douzaine de V1 et ne trouvai mon salut qu'en me collant entre un de ces superbes poteaux en béton rosé de la STIL et le mur de soutènement du pont. Pour la petite histoire, je suis retourné ultérieurement à cet endroit mal famé : il n'y avait pas 20 centimètres entre le mur et le poteau. Bien sûr, à Noël 44, j'avais 19 ans et. après 55 mois de misère et de privations, j'affichais une sveltesse que beaucoup de jeunes femmes m'envieraient aujourd'hui, mais quand même, VINGT centimètres ! Ou bien, entre temps, le mur avait cédé, ou bien, ce qui est beaucoup plus probable, j'étais entré dans le proverbial trou de souris.
A la longue, je parvins quand même à rejoindre Ougrée et la cave maternelle où, parmi la dizaine de voisins qui s'y étaient retranchés, je fis la connaissance d'un soldat américain qui, heureux homme, avait été envoyé en mission à Liège. Il attendait avec impatience la jeep qui devait le reconduire à Elsenborn et émit l'opinion que le front était moins dangereux et moins déprimant que la grande cité mosane. J'aurais eu tendance à abonder dans le même sens ...
Pour les Liégeois, tout cela faisait partie du train-train quotidien.
Ils ont, de tout temps, été habitués aux trous et autres cratères : glissements miniers. Grosse Bertha en 14, Stukas en 40, RAF et USAAF de 40 à 44, V1 et V2 en 44/45, place Saint-Lambert dans les années 80/90. Les trous, ils connaissent !
Anvers n'était pas logé à meilleure enseigne. Le port, sous les rafales, travaillait au huitième de son potentiel. Un V1 avait éclaté sur la scène du cinéma REX, faisant des dizaines de victimes, soldats britanniques pour la plupart. Comme, dans tout drame, il faut un élément comique, un V1 quelque peu égaré était tombé sur les latrines de la caserne de St-Niklaas-Waas où étaient à l'entraînement quelques centaines de V.G. 44, renfort de la Brigade Piron.
Les circonstances permirent aux candidats héros, sous prétexte de faire "leur grosse commission", de fréquenter les nombreux établissements à lanterne rouge. A la même époque, ce qui nous irritait par dessus tout était de lire dans le journal Le Soir la publicité de certains restaurants bruxellois qui annonçaient des réveillons au Champagne avec poulardes, entrecôtes, dames blanches, café et liqueurs. Pendant ce temps-là, les Liégeois étaient tout heureux de consommer les oeufs en poudre et le papier hygiénique, butin de la mission Kronacker aux USA.
C'est depuis lors que :
- je ne crois plus à la solidarité nationale,
- j'éprouve beaucoup de sympathie pour les Anversois(es),
- je toise d'un oeil torve et biscornu une certaine bourgeoisie bruxelloise !
Un V1 est tombé quelque part sans exploser
Photo
Retour au sommaire
RETOUR AUX PERIODIQUES
i
© CHLAM 2019 - Tous droits réservés