Franck VERNIER, LES 418 ABRIS DE LA POSITION FORTIFIEE DE LIEGE EN MAI 1940
SOMMAIRE
Avant-propos
Introduction - La PFL, une place forte construite en 1888
Chapitre 1 - La Position Avancée
A - les abris
B - les postes d'alerte
C - les postes d'examen et les postes fixes
D - le réseau de destructions, d'obstructions et la zone étanche
Chapitre 2 - La Position Fortifiée de Liège 1
A - introduction : les 179 abris
B - l'abri type PFL 1
C - les observatoires
A paraître ultérieurement
Chapitre 3 - La Position Fortifiée de Liège 2
A - introduction
B - l'abri type PFL 2
C - les observatoires de PFL 2
D - la PFL 2 et ses 62 abris
Chapitre 4 - La Position Fortifiée de Liège 3
A - les abris contre-irruptions et les postes permanents
B - les têtes de pont de Visé et d'Argenteau
Chapitre 5 - La Position Fortifiée de Liège 4
Chapitre 6 - Le réseau téléphonique militaire enterré
Chapitre 7 - La PFL pendant la campagne des 18 jours
A - le IIIe Corps d'armée
B - le plan allemand
C - les combats
Annexes
A - Circuit touristique
B - Cahier des charges
C - Document décrivant l'état de la PFL en 1952
Introduction - La PFL, une place forte construite en 1888
Neutre depuis sa création en 1830, l'Etat belge avait toujours voulu garantir l'intégrité de son territoire. Suite à la défaite française face aux Allemands en 1870, il apparut vite qu'une revanche allait survenir.
L'Armée belge serait-elle encore capable, grâce à sa force, de dissuader les belligérants d'entrer en Belgique ?
C'est dans ce contexte que les parlementaires belges votèrent les budgets pour la création de deux positions fortifiées, l'une à Liège, l'autre à Namur.
La réalisation de celles-ci fut laissée au général Brialmont, le "Vauban belge". Son idée était d'entourer les deux villes d'une ceinture de forts qui mettraient celles-ci à l'abri d'un bombardement ennemi.
Les travaux commencèrent simultanément à Liège et à Namur en 1888. Quatre années plus tard, les travaux étaient terminés.
La Position Fortifiée de Liège se composait de 12 forts en béton simple ceinturant la ville et défendant la vallée de la Meuse. Sur la rive droite du fleuve, les forts de Barchon, d'Evegnée, de Fléron, de Chaudfontaine, d'Embourg et de Boncelles. Sur la rive gauche du fleuve, Pontisse, Liers, Lantin, Loncin, Hollogne et Flémalle. Durant le mois d'août 1914, ces forts et leurs frères de Namur résisteront héroïquement à l'armée allemande.
Pendant les quatre années de guerre, les Allemands occuperont ces forts et y apporteront déjà quelques améliorations. Après leur départ, les forts seront abandonnés pour quelques années.
En 1928, le réarmement de certains d'entre eux est décidé. Les forts de Barchon, d'Evegnée, de Fléron, de Chaudfontaine, d'Embourg, de Boncelles, puis les forts de Pontisse et de Flémalle seront réparés et modernisés afin de remédier aux points faibles apparus durant les combats d'août 1914. Ils seront en outre équipés de canons de récupération.
Les forts de Liège le 10 MAI 1940
Au début des années trente, le fort d'Eben-Emael sera construit.
Suivront, dans l'ordre, les forts de Battice, de Tancrémont et d'Aubin-Neufchâteau (La description et l'étude des forts de Liège n'entrent pas dans le cadre de cet ouvrage). Parallèlement, dès 1933, des abris, tels des champignons, pousseront un peu partout pour former des lignes défensives sur la rive droite du fleuve. Un réseau téléphonique militaire enterré sera installé.
Lorsque les Allemands franchiront la frontière le 10 mai 1940 à l'aube, ils rencontreront la Position Fortifiée de Liège composée de cinq lignes de défense.
La Position Fortifiée de Liège au 10 MAI 1940
- La première ligne de défense ou Position Fortifiée de Liège 1 (PFL 1) formant un arc de cercle de Comblain-au-Pont jusqu'à Visé en passant par Remouchamps, Becco, Theux, Pepinster, Battice, Neufchâteau, comportait 179 abris et 3 forts.
- La deuxième ligne ou Position Fortifiée de Liège 2 (PFL 2) s'appuyait sur la ligne des 6 forts de 1888 de la rive droite. Une ligne d'abris était construite entre chaque fort. La PFL 2 était forte de 62 abris et de 6 forts.
- La troisième ligne ou Position Fortifiée de Liège 3 (PFL 3) était constituée d'une part d'une ligne fortifiée de Jupille à Renory, en passant par Chênée et Colonster, et d'autre part de deux têtes de ponts situées à Visé et à Argenteau. Total de 40 abris.
- La Position de Défense de la Meuse ou Position Fortifiée de Liège 4 (PFL 4) se composait d'une série d'abris construits soit derrière la Meuse, soit dans certains ponts, soit sur l'île Monsin, et parfois même derrière le Canal Albert. Elle débutait à Flémalle et se terminait à Lixhe. Elle comportait 36 abris et les forts de Flémalle et Pontisse.
- Le réseau téléphonique militaire enterré tissait une vaste toile reliant les forts, certains abris et des centraux téléphoniques entre eux. Il comptait 34 centraux téléphoniques fortifiés (CTF).
- En avant de la Position Fortifiée de Liège 1, une ligne d'abris constituant la Position Avancée (PA) peut être incorporée arbitrairement à la PFL. Elle était constituée d abris autour des villages et hameaux de Beusdael, Hombourg, Henri-Chapelle, Grunhault, Dolhain, Jalhay, Hockai, Malmédy et Stavelot, formant de la sorte des centres fortifiés. De Beusdael à Stavelot, cette PA comportait 65 abris.
Le fort d'Eben-Emael ne faisait plus partie de la PFL le 10 mai 1940. Il dépendait en fait du 1er Corps d'Armée, bien que sa garnison fit partie du Régiment de Forteresse de Liège (IIIème C.A.). En conclusion, le 10 mai 40, la Position Fortifiée de Liège était constituée de 11 forts et de 418 abris.
Mais qu'est-ce qu'un abri ?
Dans le cadre de la PFL, un abri (fortin ou bunker) est une construction militaire en béton armé se composant d'une ou de plusieurs pièces et dont l'armement est constitué de mitrailleuse(s) et/ou de canon antichar, parfois même équipée de projecteurs électriques. Les armes tirent sur l'assaillant à travers un orifice pratiqué dans le mur que l'on nomme embrasure. La garnison d'un abri varie de 4 hommes pour les plus petits à 20 hommes pour les plus gros. Certains d'entre eux ont un rôle plus passif, tels les centraux téléphoniques.
CHAPITRE 1 - LA POSITION AVANCEE
A - LES ABRIS
Dès 1933, de petits abris poussent tels des champignons à la frontière st de la province de Liège. Ces abris ont pour but de protéger l'exécution des destructions d'ouvrages tels que les ponts routiers, les ponts ferroviaires, ... prévues sur les axes de pénétration d'un éventuel ennemi venant de l'est et de retarder sa progression dans la mesure du possible.
Ils étaient regroupés autour de certains villages ou hameaux et formaient des centres fortifiés.
Du nord au sud :
- Centre de Beusdael : 3 abris
- Centre de Hombourg : 14 abris
- Centre de Henri-Chapelle : 12 abris
- Centre de Grunhault : 3 abris
- Centre de Dolhain : 12 abris
- Centre de Jalhay : 6 abris
- Centre de Hockai : 2 abris
- Centre de Malmédy : 6 abris
- Centre de Stavelot : 7 abris
Les abris de la Position Avancée
Cette position avancée, constituée de groupes d'abris, sera complétée par la construction d'un réseau de postes surveillant la frontière : les Postes Fixes, Postes d'Examen et Postes d'Alerte, et par un réseau de destructions et d'obstructions.
Pendant la mobilisation, de nombreuses positions de campagne constituées de tranchées, de casemates en rondins, d'emplacements pour canons antichars, ... seront aménagées pour étoffer cette ligne de 65 abris.
Dans une note datant de 1933, le Comité Technique des Fortifications décrit ces abris (Archives QGT/1957, carton 342 CDH à EVERE) :
"Tous les abris seront conçus pour une mitrailleuse avec 4 servants, gradé compris. Ils seront constitués de façon à donner au maximum la protection contre un coup isolé du canon de 77 mm. Ne comportant ni système de ventilation, ni cloche d'observation, ni projecteur, il seront de dimensions réduites, ce qui diminuera leur vulnérabilité et leur visibilité. L'idéal serait de pouvoir les dissimuler dans des couverts ou dans des bâtiments. En cas d'impossibilité, ils seraient camouflés. Le but à poursuivre est de les rendre suffisamment invisibles pour que l'ennemi ne puisse les soumettre à tir observé."
En réalité, ces abris mesurent en général 3,20 m sur 3,20 m, hauteur 2,50 m à partir des fondations. Les dimensions de la seule pièce intérieure ou chambre de tir sont de 2,20 m sur 2,20 m, hauteur 1,70 m. Volume : environ 8 m³.
La construction d'un seul de ces abris nécessitait 17 m³ de béton armé. L'épaisseur des murs variait de 40 cm à 60 cm
Plan de l'abri de la P.A
L'entrée, placée sur la face la moins exposée au tir de l'ennemi, variait en fonction de l'aspect du terrain et était fermée par une porte en acier galvanisé. Celle-ci présentait un vasistas de 10 cm de côté permettant la vue des abords de l'entrée et sa défense.
Porte standard des abris de la P.A
Il est à remarquer qu'il n'y avait aucune goulotte lance-grenades, orifice par lequel on glisse les grenades pour les faire exploser à l'extérieur.
L'embrasure, ouverture permettant le tir de la mitrailleuse, pouvait être fermée par un volet métallique extérieur pivotant latéralement. Grâce à un verrou, on pouvait le fermer de l'intérieur. La fermeture de l'extérieur était possible à l'aide d un cadenas.
A l'intérieur de la chambre de combat ou chambre de tir, était scellé l'affût Chardome - du nom de l'officier des Chasseurs Ardennais qui développa cet affût. Il se composait d'une circulaire d'appui fixée à deux montants encastrés dans le radier sur laquelle reposait une plaque support qui pivotait autour d un axe fileté scellé au milieu de l'embrasure. Sur la plaque support, les soldats fixaient la mitrailleuse Maxim 08/15 montée sur son affût de campagne, dit affût traîneau en raison de sa forme (voir croquis). Cette mitrailleuse, en dotation dans l'armée belge, provenait d'un stock d'armes récupérées en 1918 suite à la défaite allemande.
L'affût Chardonne
Le camouflage des petits abris était réalisé à l'aide de peinture ou d'un parement de briques rouges. Parfois même, une toiture en tuiles les recouvrait. Ils ressemblaient alors souvent à une annexe de ferme. De nos jours, certains ont conservé leurs murs de briques rouges et leur toiture.
En raison de leurs petites dimensions, ces abris de la Position Avancée, appelés parfois abris Devèze - du nom du ministre de la Défense Nationale, partisan de la défense à la frontière - et qui ordonna la construction de cette ligne, sont très difficiles à distinguer pour des yeux non avertis.
Comment se présente aujourd'hui un centre fortifié ?
Destiné à être occupé par les soldats Cyclistes Frontière de la compagnie de la caserne de Henri-Chapelle, le centre fortifié de Henri-Chapelle (12 abris) formait un cercle autour du village, bloquant un ennemi venant de l'est, le repli de nos troupes se faisant par la route de Battice. De nos jours, il ne reste plus que 10 abris visibles. On peut les découvrir plus facilement en s'aidant d'une carte IGN 1/25.000 de la région et du croquis ci-dessous.
Centre fortifié de Henri-Chapelle
Abri A :
Remarquablement camouflé avec un mur de briques rouges et une toiture, il est presque invisible de la route. Il est construit juste derrière une ferme située 100 m en contrebas du côté droit de la route Battice-Aix, en direction de Henri-Chapelle. Pour le voir, il faut prendre le troisième chemin à droite à partir de la borne kilométrique K 27 en direction de la ferme.
Abri B :
Construit à l'orée d'un bosquet, sur le côté droit du chemin menant au château de Delden. En partant du centre du village, prendre la rue de Verviers; le premier chemin à droite mène au château.
Abri C :
En venant de Henri-Chapelle, il est situé dans une prairie en retrait de 100 m à gauche de la route de Verviers, juste après une grosse ferme vendant de l'équipement agricole. Non visible de la route, il n'en reste plus qu'un morceau de béton émergeant du sol.
Abri D :
Il est situé dans une prairie, distant de 100 m du côté droit de la rue des Prés (en venant de Henri-Chapelle) en face de la ferme Selderdrie. Visible de la route.
Abri E :
Non visible de la route car il est situé juste derrière une fermette construite au fond du deuxième chemin sur le côté gauche de la rue des Prés (à partir du carrefour avec la rue Saint-Paul). Camouflé avec un mur de briques rouges, il possédait encore une porte lors de ma dernière visite. Longtemps utilisé comme fumoir, tout l'intérieur est recouvert d'une épaisse couche de suie et de goudron.
Abri F :
Complètement inclus dans une remise d'où on pouvait tirer à travers une fenêtre, il est situé au carrefour de la rue Saint-Paul et de la rue du Château de Ruyff. Non visible de la route, il faut entrer dans la remise pour constater qu'elle cachait un abri habilement camouflé.
Abri H :
On distingue à peine cet abri construit dans le fond du val, au milieu d'une prairie située sur la droite de la route de Hombourg (en venant de Henri-Chapelle), juste avant le carrefour avec la route du cimetière U.S. Il battait le fond du vallon. L'abri ne possédait aucun camouflage particulier. Il était certainement recouvert d'une peinture pour le rendre moins visible.
Abri I :
Situé à 2 m du bord de la route de Hombourg sur le côté droit, dans le jardin de la maison n° 12. Des aubépines le dissimulent aux regards.
Abri J :
Cet abri presque complètement recouvert de terre est situé dans une prairie sur la gauche de la route vers Hombourg, à 250 m après le carrefour avec la route menant au parc industriel de Henri-Chapelle.
Abri K :
Situé à 2 Km du centre du village, il prend en enfilade la route d'Aubel à côté de laquelle il est construit, sur le côté droit en direction d'Aubel. Une petite construction en bois y fut adossée pour abriter des vaches. L'abri est toujours visible.
Abri L :
Il n'existe plus. Il était situé sur le côté droit de la route Henri-Chapelle - Battice, juste avant l'ancienne caserne de Henri-Chapelle.
Abri M :
Il a également disparu. Il était situé derrière une grosse ferme blanche sur le côté droit de la route de Henri-Chapelle à Aubel à 1 Km après le carrefour avec la route de Hombourg.
B. LES POSTES D'ALERTE
Pour surveiller de très près la frontière ennemie, la Défense Nationale organisa un réseau de surveillance composé, d'une part, par des militaires, et d'autre part, par des gendarmes. Le personnel était choisi en fonction de sa connaissance du terrain et dépendait du Service de Surveillance et de Renseignement aux Frontières qui relevait, lui, de la Deuxième Section du Grand Quartier Général.
Les Postes d'Alerte ou PA et les Reconnaissances Officiers ou RO dépendaient de l'Armée belge tandis que les Postes Fixes et Postes d'Examen dépendaient de la Gendarmerie.
Les Postes d'Alerte du IIIème C.A
Le poste d'alerte est constitué d'un petit bâtiment construit le long de certaines routes menant en Allemagne et est occupé par un détachement de soldats. Les PA sont de petites constructions en briques rouges munies d'une toiture constituée de plaques ondulées en éternit. Elles comprennent trois pièces : la principale où les soldats dorment et deux annexes servant, d'une part, de réserve à charbon, et d'autre part, de WC (seau hygiénique).
Ces PA étaient occupés en permanence durant la mobilisation par un sergent ou un caporal et quatre soldats dont la mission consistait à signaler la violation du territoire par des troupes ennemies. Pour ce faire, ils disposaient d'un téléphone et d'un poste radio.
Afin d'éviter une destruction des moyens de communication par un tir ennemi direct, le Chef d'Etat-Major Général annonça, en juillet 1939, le renforcement de certains postes d'alerte trop visibles. C'est ainsi qu'un mur de béton fut construit devant le PA 16 à Tulje, devant le PA 17 à Wolfscheide et devant le PA 21 à Meurisse.
Poste d'Alerte n° 16 à Tulje
Dans la zone qui nous intéresse, c'est-à-dire celle dépendant du IIIe Corps d'Armée qui est chargé de la défense de la PFL, on compte 35 postes d'alerte numérotés de 0 à 32, de Visé à Losheimergraben. Il existait aussi des numéros bis tels que PA 25 bis. Les PA de 0 à 11 étaient tenus par les hommes du 2ème Régiment Cyclistes Frontière; les PA de 12 à 27 par le 1er Régiment Cyclistes Frontière et les 5 derniers dépendaient du 1er Régiment de Lanciers.
Le 10 mai 1940, le personnel des postes d'alerte connut des fortunes diverses. Nous reviendront plus en détail sur ce sujet dans le guide détaillé consacré à la Position Avancée.
C. LES POSTES D'EXAMEN ET LES POSTES FIXES
Destinés à compléter le réseau de surveillance constitué par les PA, des postes de surveillance aux frontières occupés par des gendarmes furent créés. Ils étaient classés en deux groupes.
Le premier comprenait les Postes d'Examen, ou PE, dont la mission consistait à surveiller le trafic frontalier là où le passage était autorisé, comme le contrôle des trains traversant la frontière.
Le deuxième groupe constituait les Postes Fixes, ou PF, qui surveillaient les passages interdits, les chemins forestiers, ... et organisaient des rondes de surveillance le long de la frontière.
Le personnel de tous ces postes était constitué de gendarmes et de forces supplétives ou FS (militaires des vieilles classes). Ils logeaient dans des endroits aussi variés que disparates, tels que cabanes, salles de café, hôtels, etc.
Par exemple, la brigade de gendarmerie de Gemmenich avait deux PF : l'un au carrefour de la forge à Sippenaeken, l'autre au tunnel de Botzelaer.
Outre les PA, PE et PF, il existait de petits détachements de militaires sous les ordres d'un officier, chargés de se procurer des renseignements sur l'armée allemande par des contacts directs avec des sentinelles allemandes, en temps de paix, de rechercher d'éventuels agents étrangers, de donner l'alerte en cas de violation du territoire. Il s'agissait des RO ou Reconnaissances Officiers. L'effectif total de chaque RO était de 13 hommes armés du fusil-mitrailleur en plus de l'équipement individuel et disposant de vélos, deux motos, un side-car et une camionnette, ...
Par exempte, dans la zone du IIIème Corps, citons 4 RO : 3 à l'est de Malmédy, dépendant du 1er Lanciers et une dans le secteur du 1er Régiment Cyclistes Frontière. Celle-ci dépendait de la 3ème Division d'Infanterie dont des hommes étaient postés dans la région d'Eynatten.
D. DESTRUCTIONS - OBSTRUCTIONS - ZONE ETANCHE
1. Les destructions
Le 10 mai 1940, lorsque les troupes allemandes envahirent notre province, elles tombèrent nez à nez avec un réseau de destructions/obstructions constitué par une série de destructions de ponts, d'ouvrages d'art, de carrefours, ..., par une série d'obstructions et par la zone étanche. Il convient de décrire cette organisation (Archives CDH, dossiers destructions, EVERE).
Le plan des destructions, tel qu'on le connaît, date de 1936. Il ne subit que de très légères modifications et était basé sur trois grandes catégories de destructions.
- Les destructions du plan initial comportaient des destructions stratégiques sur les voies ferrées et des destructions routières formant un barrage continu s'étendant de Stavelot à Eben-Emael, en passant par Francorchamps, Hockai, Jathay, Dothain, Henri-Chapelle, Hombourg et Visé. Elles étaient chargées dès le temps de paix, c'est-à-dire que l'explosif se trouvait déjà dans les fourneaux de mines. Les destructions étaient regroupées, sous la responsabilité d'un officier de garde, selon leur localisation, en différents groupes, tel que HC pour Henri-Chapelle. Dol pour Dolhain, Gi pour Gileppe.
- Les destructions du barrage de doublement. Il formait une seconde ligne de destructions qui devaient être chargées à ta mobilisation. Elles constituaient un barrage continu depuis Argenteau jusqu'à Beaufays en passant par Richelle, Blégny, Barchon, Retinne, Micheroux, Forêt, Trooz, Embourg, Beaufays. Elles devaient être mises à feu par les 1ère et 2ème Compagnies du 32ème Bataillon de Génie.
- Les destructions complémentaires à l'intérieur de la PFL, dont l'emplacement était reconnu mais pour lesquelles tout était à faire lors de la mobilisation. Elles avaient été confiées aux 3ème, 11ème et 23ème Bataillons de Génie.
Viaduc sur la GUEULE à HERGENRATH : Indicatif Hg/f1
2. Les obstructions
Les obstructions étaient de tous types tels que abattis d'arbres, massifs de terre et/ou de pavés, murs maçonnés bétonnés de grande épaisseur. Le but poursuivi était de retarder le déplacement de l'artillerie ennemie pour l'attaque de la position.
Ces obstructions ont été construites durant la mobilisation par les roupes sur le terrain. Elles étaient établies sur tous les axes menant de la frontière allemande et hollandaise vers la Position Fortifiée de Liège et semblent un peu désuètes.
3. La zone étanche
En 1940, on compléta ce système défensif d'obstructions et de destructions par la création de la zone étanche. Celle-ci n'avait qu'une profondeur de 100 m et constituait un barrage continu et permanent réalisé à l'aide d'abattis, de fossés antichars, ... Son tracé avait été déterminé pour tirer profit au maximum des obstacles naturels tels que rivières, zone marécageuse à l'ouest de Montjoie.
Dans la région de Raeren, Eynatten, Moresnet, l'absence d'obstacles naturels n'avait permis que l'établissement d'une série d'obstacles discontinus et peu profonds. Il n'avait été possible que d'utiliser la petite rivière dénommée "La Gueule", seul obstacle naturel de la région.
4. Mise en oeuvre des destructions et des obstructions
Le dispositif de mise en oeuvre des destructions et obstructions était réalisé par des Unités Frontière (1er et 2ème Régiments Cyclistes Frontière, 1er Lanciers, 4ème Régiment Cyclistes et même le Régiment de Forteresse de Liège), barrage de doublement exclu car à cet endroit le dispositif dépendait des bataillons du Génie du Corps d'Armée (le 23ème Bataillon) et des Divisions d'Infanterie (les 2ème et 3ème) ainsi que par un bataillon du Génie d'Armée (le 32ème).
Les ordres de mise à feu étaient normalement donnés par l'E.M.G.A. (Etat-Major Général de l'Armée) par l'intermédiaire de deux centres de renseignements avancés, ou CRA, installés à Fléron et à Trois-Ponts dans la zone du IIIème Corps. En cas de menace ennemie directe et certaine sur une destruction, le chef de poste de garde devait en réaliser le sautage dans le but de ne pas la laisser tomber intacte aux mains de l'ennemi. En ce qui concerne les destructions complémentaires, sur les axes de repli par exemple, les ordres étaient donnés par le commandant de la PFL.
La transmission des ordres pouvait se faire de deux manières : soit par un réseau téléphonique militaire enterré permettant de contacter tous les postes de garde; soit par un réseau de TSF permettant de prévenir les commandants des Unités Frontière auxquels il revenait alors de donner les ordres voulus aux officiers de garde aux groupes de destructions. En cas d'attaque surprise, les mêmes officiers de garde pouvaient être avertis par les postes d'alerte déployés le long de la frontière.
Les chicanes permettant le passage de certaines obstructions pouvaient être fermées sur ordre de l'autorité supérieure ou d'initiative lors du repli des troupes.
5. Résultats obtenus
"Des quelques 250 destructions mises à feu, au plus une dizaine n'ont-elles pas fonctionné ou sauté imparfaitement. Le système des destructions et obstructions a retardé la marche de l'ennemi de 48 heures dans sa traversée de la province vers la Meuse." (Rapport du 14 avril 1946 du Lt-Col COLSOULLE au Ministre de la Défense Nationale. Archives du CDH – dossiers destructions).
Cependant, en vertu d'instructions de l'EMGA, ces destructions et obstructions furent laissées sans défense. L'artillerie à action lointaine des forts de Liège devait les bombarder régulièrement pour en empêcher la réparation par l'ennemi.
"Le contact avec les troupes belges occupant la Meuse ne fut réalisé que le 11 mai 1940 à partir de midi, par des éléments ennemis qui débordèrent notre système défensif par le nord. Le IIIème Corps d'Armée a pu décrocher dans la soirée du 11 mai et se replier sans être le moins du monde inquiété par l'ennemi venant de l'est".
On peut se demander si cela est dû uniquement aux destructions. Le plan d'attaque allemand prévoyait le contournement de la PFL.
Quelques exemples de destructions
- Destruction Pb/f1 viaduc de Moresnet :
"Chargée et gardée en permanence, la mise à feu a été effectuée par la Compagnie Cyclistes Frontière de Hombourg. Le rapport d'un officier belge en civil le 16 août 1940 note : "Seules les piles 14 et 19 étaient minées; elles ont sauté, entraînant dans leur chute non seulement les travées (13-14) et (19-20) mais aussi les travées 14 à 19, provoquant des dégradations plus ou moins importantes aux piles intermédiaires. Un matériel d'entrepreneur très important, destiné à relever l'ouvrage, est en voie de montage".( Rapport du 14 avril 1946 du Lt-Col COLSOULLE au Ministre de la Défense Nationale. Archives du CDH – dossiers destructions).
- Destruction Em sur la route Liège-Spa en avant du fort d'Embourg. Elle a été réalisée par le fort d'Embourg. La destruction est réussie comme prévu. La réfection de la route a été achevée au début septembre 1940 sous l'autorité allemande.
- Destruction Sou 3 pont-route de Martinrive. La destruction par le 1er Lanciers a réussi comme prévu. L'ouvrage a été ébranlé jusque dans ses fondations. Il n'a pu être rétabli qu'en 1943.
CHAPITRE 2 - LA POSITION FORTIFIEE DE LIEGE 1
A. INTRODUCTION
Jusqu'en 1931, les projets de défense de la PFL prévoyaient l'aménagement de trois lignes de défense, l'une constituée d'abris au niveau des forts Brialmont de la rive droite, l'autre d'une ligne d'abris à l'entrée de Liège, formant tête de pont, et enfin une série d'abris sur la rive gauche de la Meuse.
Suite à certaines influences politiques, le 18 avril 1931, la Commission d'Etude du Système Fortificatif modifie ses projets concernant la PFL. Elle décide ainsi la création d'une ligne défensive supplémentaire pour la défense de Liège.
Cette nouvelle ligne sera construite 8 Km en avant des forts Brialmont réarmés. Mais le 4 juillet 1932 déjà, pour des raisons d'économies budgétaires, le ministre Crockaert décide de surseoir à toute dépense relative à la construction de cette ligne. Différents projets verront le jour, comme la construction d'une quinzaine de grosses casemates, pour ensuite être modifiés.
C'est ainsi que les premiers vrais travaux pour la majorité des abris commenceront dans la seconde moitié de l'année 1934 pour se terminer fin 1935. En ce qui concerne les forts, les travaux débuteront un peu plus tôt et se termineront plus tard.
Longue de plus de 60 Km, forte de 179 abris et de 3 forts (le fort d'Eben-Emael ne fait pas partie de la PFL), cette première ligne fortifiée, ou PFL 1, décrit un arc de cercle depuis Visé jusqu'à Comblain-au-Pont en passant par les villages d'Aubin, Charneux, Battice, Grand-Rechain, Theux, Becco, Sougné-Remouchamps. Son ossature est assurée par les nouveaux forts construits à Aubin-Neufchâteau, Battice et Tancrémont-Pepinster. Trois autres forts (Comblain, Sougné-Remouchamps et Les Waides) ne pourront renforcer cette ligne; ils ne seront pas construits par manque de crédits.
Les abris, tous conçus pour une mitrailleuse ou un fusil-mitrailleur, sont groupés de façon à former un certain nombre de points d'appui de pelotons placés à des endroits choisis procurant un grand rendement des feux et des vues. Ils sont bétonnés, à une embrasure, et conçus pour résister au tir prolongé du canon de 150 mm.
TABLEAU REPRENANT LES PLANTATIONS DES ABRIS
D'après un document provenant du CDH à EUERE (dossier QGT).
Position Fortifiée de Liège 1
Vu l'étendue du front et l'aspect du terrain, les abris ne se couvraient pas mutuellement. Cependant, il était prévu que l'infanterie occupe aussi des positions de campagne entre ces abris, de manière à former un front continu. Certains abris, particulièrement bien placés au point de vue de l'observation, sont pourvus d'une cloche métallique pour guetteur avec ou sans FM (fusil-mitrailleur) permettant de battre le terrain avoisinant : ce sont les observatoires d'infanterie.
Bien que la majorité des abris soit terminée fin 1935, on procède à partir de 1937 à la modification des abris observatoires, c'est-à-dire possédant une cloche. De plus, dans le secteur de Comblain-Sougné, 4 abris pour canons antichars (de campagne ou sous tourelle) compléteront la PFL 1 en 1939 : CS 14, CS 24, CS 25 et CS 5 A bis.
Chaque abri est nommé de deux lettres (celles du secteur) suivies d'un nombre. Par exemple, SB 8 est le huitième abri du secteur Sougné-Becco, en partant de Sougné vers Becco. Il existe cependant une exception : l'observatoire MM 305. Le nombre 305 représente ici l'altitude.
La PFL 1 se subdivisera en 7 secteurs :
- Secteur CS (Comblain-Sougné)
Ainsi appelé car l'intervalle considéré débutait à Comblain-au-Pont (C) pour se terminer à Sougné (S). Les 31 abris seront construits le long de la rive droite de l'Amblève, parfois un peu en arrière de la rivière, sur les hauteurs.
- 25 abris avec une embrasure,
- 2 abris avec deux embrasures, chacune pour une mitrailleuse ou un FM : CS 21, CS 22,
- 2 abris pour canon antichar (calibre 47 mm) monté sur affût de campagne. Il s'agit du canon antichar en dotation dans l'armée de campagne que l'on entrait dans l'abri par une porte élargie à l'arriére : CS 14, CS 24,
- 2 abris avec une tourelle de char APX-B, encore visibles de nos jours : CS A 5 bis et CS 25. Il s'agit de tourelles de char achetées à la France en 1936. Sur les 25 achetées, 10 seront montées sur le châssis d'un char Renault, les 15 autres seront montées sur des abris (2 dans la PFL et 13 à la Côte belge). Ces tourelles APX-B étaient armées d'un canon anti-char de 47 mm et d'une mitrailleuse Hotchkiss. Une de ces tourelles APX-B est encore visible au Musée de l'Armée à Bruxelles. Ces 3 abris, CS 24 pour canon 47 mm, CS A 5 bis et CS 25 avec tourelle, seront les derniers construits sur la PFL 1.
- Secteur SB (Sougné-Becco)
Ces 19 abris, construits sur les hauteurs de Hautregard-La Reid-Becco faisaient la jonction entre le secteur défensif le long de l'Amblève et l'autre secteur situé le long de la Hoegne.
- 17 abris avec une embrasure,
- 1 abri avec deux embrasures parallèles, SB 8,
- 1 abri avec cloche d'observation, SB 6, destiné au départ à être occupé par les troupes de campagne. Sa cloche de guet lui permettait d'observer toute la région de La Reid. Malheureusement, la cloche a été enlevée.
- Secteur BV (Becco-Vesdre)
25 abris constituent ce secteur défensif sur les hauteurs de la rive gauche de la Hoegne.
- 21 abris avec une embrasure,
- 1 abri avec deux embrasures à axes de tir perpendiculaires, BV 11 bis,
- 1 abri avec cloche d'observation utilisé comme poste d'observation (PO) du fort de Tancrémont, BV 7,
- 1 gros abri appelé casemate Mont, destiné à barrer ta route Theux-Liège à l'aide d'un canon de 47 mm, d'une mitrailleuse et d'un phare; il a été utilisé comme poste d'observation au profit du fort de Tancrémont. Encore visible de nos jours, il est construit sur le côté droit de la côte de Mont, juste avant d'arriver à ce village en venant de Spa.
- 1 gros abri appelé casemate Vesdre, barrant la route de la vallée de la Vesdre. Armé d'un canon de 47 mm, d'une mitrailleuse, d'un FM et d'un phare, il défendait le barrage antichar tendu en travers de la vallée. Il est situé à gauche de l'entrée du tunnel de chemin de fer au lieudit Louhau.
- Secteur VM (Vesdre-Manaihant)
La zone comprise entre le fort de Tancrémont et celui de Battice est divisée en deux secteurs défensifs VM et MM, la fin du premier secteur (Manaihant) étant l'endroit où le fort des Waides (à environ 500 m du village de Manaihant) aurait dû être construit. 34 abris dont :
- 30 avec une embrasure,
- l'abri avec deux embrasures,
- 3 abris avec cloche : 2 PO du fort de Tancrémont, VM 3 et VM 29 ter et 1 PO du fort de Battice, VM 23.
- Secteur MM (Manaihant-Les Margarins)
Ce secteur défensif débutait à Manaihant pour se terminer au nord du fort de Battice. Il était constitué de 20 abris dont :
- 18 avec une embrasure,
- 2 avec cloche d'observation, PO du fort de Battice, MM 305 et MM 12. Le long de la route Petit-Rechain - Battice, on peut voir, à Manaihant, un monument dédié aux soldats du poste d'observation MM 305.
- Secteur MN (Les Margarins-Neufchâteau)
Ce secteur défensif (MN) est constitué de nombreux vallons et de zones non battues par nos mitrailleuses. C'est pourquoi quelques abris furent construits en deuxième ligne pour lutter contre les infiltrations ennemies. L'intervalle MN comportait 31 abris dont :
- 26 pour une mitrailleuse ou un FM,
- 2 avec deux embrasures, MN 1 et MN 22,
- 3 avec cloche d'observation de fort : 2 comme PO du fort d'Aubin-Neufchâteau, à savoir MN 11 et MN 18 et un PO du fort de Battice, MN 29.
- Secteur NV (Neufchâteau-Visé)
Il relie le fort d'Aubin-Neufchâteau à la Tête de Pont de Visé. Il comporte 19 abris dont certains en deuxième ligne.
- 15 avec une embrasure,
- 2 avec deux embrasures, NV 9, NV 19,
- 2 avec cloche d'observation, NV 2 et NV 5, utilisés comme PO du fort d'Aubin-Neufchâteau.
B. L'ABRI TYPE PFL 1
Plus gros que le modèle de la Position Avancée (abris de Henri-Chapelle par exemple, voir chapitre précédent) il est protégé par des murs de 1,30 m d'épaisseur en béton armé formant une chambre de tir de 2,70 m sur 2,00 m intérieur
Abri standard PFL 1
L'accès à la chambre de tir se fait par un sas fermé par deux portes, à savoir :
- une grille fermant le sas à l'extérieur;
- une porte dite "porte à persiennes" fermant la chambre de tir
Une goulotte lance-grenades (voir croquis), placée dans la chambre de tir et débouchant à l'entrée de l'abri, défend l'accès de celui-ci. Le plafond de la chambre est revêtu de tôles ondulées en acier galvanisé, tandis que dans les murs latéraux sont fixés deux étagères ainsi que 4 grands et 4 petits crochets, pour supporter les fusils et l'équipement des soldats. Sur une petite tablette en chêne scellée dans un mur, on fixe un appareil ressemblant à un hachoir à viande de l'époque et destiné à garnir tes bandes en tissus de cartouches de mitrailleuse. Cette machine est apportée par les troupes devant occuper les abris. Ne disposant pas de l'électricité, l'éclairage est assuré par une lampe tempête pendue à un crochet fixé au plafond.
La mitrailleuse ou le FM repose sur un affût Chardome identique à celui dont nous avons parlé dans le premier chapitre.
Certains abris possèdent un autre type d'affût; l'affût FRC, développé par la Fonderie Royale de Canons, à Liège. Il permet une meilleure protection des servants grâce à deux plaques d'acier coulissant dans l'embrasure.
Un cadenas en bronze ferme la porte grille de l'extérieur tandis que l'embrasure est obturée de l'extérieur par un volet métallique pivotant verticalement ou horizontalement.
Autour de l'abri, une clôture en fil de fer barbelé délimite l'emprise militaire. Quatre bornes en pierre de taille ou en béton, marquées du sigle DN (Défense Nationale) et d'un chiffre, sont disposées aux angles du terrain militaire. Une barrière métallique permet le passage de la clôture.
Vu de loin, l'abri est camouflé par une haie vive d'essences de la région (aubépine, sureau, ...) plantée dans la clôture.
L'entrée se situe indifféremment du côté gauche ou du côté droit de l'abri; tout dépend du terrain et de l'axe de tir supposé de l'ennemi. Mais elle est toujours située de manière à protéger au maximum les soldats sortant de l'abri. L'accès à l'entrée se fait le plus souvent de plain-pied. Dans le cas de certains abris, particulièrement bien enterrés, un escalier bétonné d'une quinzaine de marches conduit à la grille, par exemple : MN 29, MN 28, MM 305, MN 18, ...
Que reste-t-il de nos jours ?
Les vestiges varient d'un abri à l'autre, mais la majorité a conservé ses piquets de béton formant clôture, ses bornes DN délimitant l'emprise. Tous les gros objets métalliques ont été récupérés par des ferrailleurs peu scrupuleux. La porte grille, la porte à persiennes, la barrière métallique sont souvent absentes. Il demeure parfois la tige filetée et la circulaire d'appui de l'affût Chardome, le volet fermant la goulotte lance-grenades. Une inscription, emboutie dans une tôle du plafond, indique le nom de certains abris.
C. LES OBSERVATOIRES
Une des lacunes relevées lors des combats de nos forts en août 1914 était l'absence de postes d'observation sous abris. Les observateurs se cachant en effet dans les clochers des églises, au sommet des terrils, dans les fermes, ... étaient très vulnérables.
Ils communiquaient leurs renseignements par lignes téléphoniques volantes, par coureurs, par pigeons. C'est ainsi que beaucoup de forts sont devenus aveugles parce qu'ils avaient perdu leurs observatoires extérieurs.
Lors de la construction de la PFL en 1933, des abris pourvus d'une cloche d'observation d'infanterie furent construits en même temps que les autres abris (BV 7, SB 6, ...)
Destinés au départ à être occupés par des troupes d'intervalles occupant le secteur défensif, ces abris particuliers servaient de postes d'observation d'infanterie et étaient reliés au réseau téléphonique militaire enterré de la PFL. Ainsi, ils fournissaient également aux diverses batteries d'artillerie du IIIème Corps d'Armée les renseignements nécessaires pour contrebattre l'ennemi.
Les cloches sont de deux types; la première, la cloche pour fusil-mitrailleur : sa fonction consistait à observer le terrain par six embrasures réparties sur son pourtour, à intervenir par le feu d'un FM pour la défense, à éclairer le terrain à l'aide de fusées éclairantes envoyées à travers un orifice obturable à son sommet. Le nombre de servants par cloche est de deux, armés d'un seul FM modèle 30. Poids de la cloche, environ 18 tonnes, diamètre intérieur : 1,20 m, épaisseur : 30 cm.
Le second modèle était la cloche pour guetteur. Plus petite que la cloche FM, elle remplissait la même mission à la différence que son diamètre plus petit ne permettait pas à son seul servant d'utiliser un FM pour se défendre. Elle n'avait que 4 embrasures. Poids de la cloche, environ 8 tonnes, diamètre intérieur, 80 cm, épaisseur, 20 cm.
Il existe cependant une exception : l'abri MM 12, situé derrière le fort de Battice, sur la droite de la route Battice-Aubel, possédait un troisième type de cloche. Il s'agissait d'une cloche similaire à celle qui existe toujours actuellement au bloc 2 du fort de Battice, "la cloche S.O.M. (Société d'Optique et de Mécanique). Cette cloche était équipée d'un périscope d'artillerie d'origine française.
Fin 1935, les 14 abris observatoires avec cloche étaient terminés pour les 60 Km de la PFL 1. Il s'agissait de :
- MN 11, MN 18, NV 2, NV 5 et la casemate Mont, avec cloche FM.
- SB 6, BV 7, VM 3, VM 29 ter, VM 23. MM 305, MN 29 et la casemate Vesdre, avec cloche de guet;
- MM 12 avec la cloche S.O.M.
Ces 14 abris furent reliés au réseau téléphonique militaire enterré. Celui-ci reliait tous les forts, tous les abris observatoires, tous les abris contre irruption, ... par des câbles enterrés à une profondeur moyenne de 2 m. Il tissait une énorme toile d'araignée dont la longueur de câbles mis bout à bout atteindrait environ 300 km (Le tracé,repris sur des cartes militaires, a été mesuré par l'auteur). Tous les observatoires indus dans la ligne des abris possédaient une chambre de tir avec un affût Chardome ou FRC.
Seuls deux abris observatoires (MM 305 à Manaihant et MN 29 à Charneux, situés en retrait de la ligne des abris), ne possédaient pas de chambre de tir. Ici l'abri se réduisait à une pièce de 2 m x 2 m x 2 m et au puits d'accès à la cloche. Ces deux abris étaient entièrement enterrés avec escalier d'accès en cave. Seule la cloche émergeait.
Suite à des modifications de la stratégie militaire dans les années 35, alors que la PFL 1 n'était pas encore terminée, il fut décidé de ne plus faire occuper, en cas de guerre, les abris de cette ligne par les troupes du IIIème Corps d'Armée. Cependant, fin 1937, les abris observatoires destinés aux troupes de campagne étaient nécessaires aux forts. Si puissant qu'est un fort, s'il ne dispose pas de postes d'observation lui permettant de voir l'ennemi, il est inoffensif car aveugle.
La Direction des Fortifications décida donc de modifier la majorité des abris avec cloche pour permettre leur occupation par les troupes du Régiment de Forteresse de Liège et d'en faire ainsi des postes d'observation des forts. Ces PO n'étant plus couverts par les abris d'infanterie voisins, car ceux-ci ne seraient plus occupés, il fut décidé de murer l'embrasure et d'y placer une goulotte lance-grenades pour transformer la chambre de tir en un local où 4 soldats pourraient vivre.
Ce local s'appellera "local de détente". Outre la suppression de l'affût qui sera récupéré pour d'autres abris (PL 10 bis en PFL 4 par exempte), la position des étagères et des crochets sera modifiée. Pour assurer une protection contre les gaz qui étaient la grande peur de l'armée belge, le local de détente sera rendu étanche, un ventilateur à main avec filtre sera installé dans le local attenant au puits de la cloche. Il aspire l'air pur ou considéré comme tel dans le puits de la cloche et le refoule dans le local de détente pour ventiler celui-ci et le mettre en légère surpression.
Une modification sera aussi apportée à la cloche de guet : les embrasures seront élargies pour permettre le tir au pistolet G.P. 9 mm.
A titre d'exemple, décrivons le poste d'observation VM 3 situé à Cornesse et dépendant du fort de Tancrémont.
Après avoir franchi le sas, nous voici dans la chambre de tir. A gauche de celle-ci, se situe le local de la cloche avec, à son extrémité, le puits d'accès dans lequel une échelle permet d'accéder à la cloche de guet. Tout ce qui a été dit concernant la clôture, les portes, les étagères, ... reste valable pour les postes d'observation.
Garnison et équipement de l'abri VM 3 :
Garnison de 4 hommes, observateurs au profit du fort de Tancrémont.
Citons ici une partie de l'équipement de l'abri VM 3.
Dans le local de détente :
- deux lits superposés avec paillasses,
- un transatlantique métallique,
- 50 rations de 300 gr de viande en conserve,
- 48 rations de biscuits militaires,
- 96 bouteilles d'eau minérale en casiers de bois,
- une pharmacie,
- une lampe "Coleman",
- un réchaud à essence Pan,
- un bidon d'essence,
- une table rabattable métallique,
- une lampe électrique,
- 12 grenades explosives,
- 10 mines antichars,
- 5 madriers de 2 m de long,
- les fusils, un FM pour la défense des tranchées entourant l'abri, plus l'équipement personnel des soldats.
Dans la cloche du guetteur :
- un téléphone avec appareil serre-tête à deux écoutes et micro-plastron,
- 2 GP 9 mm plus les cartouches,
- un pistolet lance-fusée de 25 mm,
- une caisse pour 80 fusées éclairantes,
- une caisse pour 80 cartouches signaux,
- une lampe "Coleman",
- un bac inodore (seau hygiénique avec couvercle),
- …
Un bidon de chlorure de chaux destiné à neutraliser les gaz de combat se trouvait dans l'entrée.
Photo
Lors de la modification de tous les abris avec cloche de la PFL 1, seuls 13 des 14 abris observatoires avec cloche seront modernisés et transformés en postes d'observation pour fort. L'abri SB 6 ne sera pas réutilisé car le fort de Sougné-Remouchamps dont il aurait dépendu ne sera pas construit.
Les forts et leurs postes d'observation : état actuel
Fort de Tancrémont
- BV 7 : une maison a été construite sur l'abri; il n'y a plus de cloche de guet.
- Casemate Mont : toujours visible, mais elle n'a plus sa cloche FM.
- Casemate Vesdre : toujours visible et possède toujours sa cloche de guet complètement déchaussée. A l'intérieur, on peut encore voir l'affût de casemate du canon de 47 mm AC.
- VM 3 : toujours visible mais sans cloche de guet.
- VM 29 ter : toujours visible, sans cloche de guet.
Fort de Battice
- VM 23 : toujours visible, sans cloche de guet.
- MM 305 : presque recouvert entièrement, plus de cloche de guet.
- MM 12 : toujours visible, sans sa cloche S.O.M.
- MN 29 : visible et visitable facilement; il a toujours sa cloche de guet. Il est situé au pied de la Croix de Charneux.
Fort d'Aubin-Neufchâteau
- MN 11 : toujours visible, avec cloche FM.
- MN 18 : toujours visible, avec cloche FM.
- NV 2 : toujours visible, avec cloche FM.
- NV 5 : toujours visible, avec cloche FM.
Les Allemands ont récupéré certaines de ces cloches pour les réutiliser sur le Mur de l'Atlantique. Celles que l'on peut encore voir sur les abris ont été endommagées lors des combats de mai 40 et rendues de ce fait inutilisables. La cloche de la casemate Vesdre, par contre, a été endommagée lors des travaux faits par les Allemands pour la récupérer. Elle s'y trouve toujours, mais complètement déchaussée.
Les casemates de Mont et de Vesdre
Ces deux casemates, ou gros abris, conçus au départ pour empêcher l'irruption d'engins motorisés ennemis, étaient également des postes d'observation du fort de Tancrémont. Tandis que le premier fermait la route de Theux à Liège, le deuxième défendait la route de la vallée de la Vesdre. Ces deux casemates étaient armées d'un canon de 47 mm sur affût de casemate, d'une mitrailleuse sur affût F.R.C., d'un phare électrique (et d'un FM pour l'abri Vesdre). Ce dernier avait une cloche de guet tandis que Mont avait une cloche FM. Voir le plan de la casemate de Mont ci-contre.
Vu l'objet de ce guide, il n'est pas possible de décrire ici ces deux casemates. Ce sujet, ainsi que la description et le récit des combats de tous les PO seront abordés dans un autre guide qui aura pour sujet la PFL.
Abri CS 25 avec tourelle APX-B (Sougné-Remouchamps)
Abri VM 25 camouflé en bâtiment (Petit-Rechain)
Abri VM 33 à Petit-Rechain
Pont de Butgenbach
Cloche FM de l'abri MN 11 à Gorhé
Porte grille de l'abri CS 3
Affût Chardome avec dispositif de fixation du FM dans un abri construit dans l'écluse de Olen (Canal Albert)
Abri MN 29 avec entrée en cave à la Croix de Charneux
Cloche de guet de l'abri MN 29
Viaduc sur la Gueule après sa destruction
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F. GERSAY - Les Aventuriers (5 de 7)
LE HOME DE KILBURN
Entièrement détruit par les bombes incendiaires de Goering au début de 1944, le Home de Kilburn n'a plus sa place que dans le souvenir de ceux qui, pendant quelque temps, l'ont connu et apprécié. Pour la petite histoire, celle qui ne doit rien à personne, on s'efforcera ici de le faire revivre l'espace d'un minute.
Situé Christchurch Avenue à Kilburn, dans la banlieue londonienne, ce fut là l'endroit soigneusement sélectionné et loué par le Gouvernement belge pour l'hébergement discret de ses agents spéciaux ARA/SAS, en cours d'entraînement et de formation, sous la tutelle britannique. Le moins qu'on puisse dire, c'est que c'était mieux, beaucoup mieux qu'un dortoir avec popote.
Le lecteur devra s'imaginer une magnifique maison de maître, dont le propriétaire serait non seulement multimillionnaire mais aussi membre de la gentry et érudit. L'endroit, relativement isolé et discrètement surveillé, est niché dans la verdure. Il est précédé d'un parc peuplé d'arbres vénérables et de futaies bien entretenues, d'un bel aspect. Une haie imposante, renforcée par endroits de barbelés, entoure la construction. On accède à cette dernière par un portique en fer forgé, solidement intégré dans plusieurs piliers de granit. N'y entre pas qui veut !
Celui qui est autorisé à le faire devra parcourir une bonne trentaine de mètres dans le sentier d'accès couvert de grenailles, avant de distinguer le bâtiment et sa tourelle d'angle. Le portique d'entrée est sa prochaine destination. Il est spacieux et étayé de colonnes doriques de petit format.
Le tout donne un peu l'impression, architecturale, d'avoir été conçu par un Grec. Là-dessus se superpose une autre impression, moyenâgeuse celle-là, comme il est souvent de règle dans la campagne anglaise, chez les gens bien nés et qui ont les moyens de se loger selon la tradition.
Le portique franchi, un couloir fait suite. Il est relativement large et on y a ses aises. Avant-guerre, il faisait plutôt figure de galerie d'art. En 1944, l'aspect est plus nu, depuis qu'on a mis les oeuvres d'art en sécurité. Mais toute l'armature murale est encastrée dans le même bois rouge sombre, sculpté par endroits et soigneusement astiqué. Cela se continue en longeant les murs et participe à l'édification d'une bibliothèque de rêve.
Des centaines, voire des milliers de bouquins, rédigés en plusieurs langues et reliés dans le même style, montrent sans contestation possible que les gens qui vivent ici, en temps normal, sont des personnes qui n'ont pas regardé à la dépense pour s'assurer un intérieur digne d'eux et à leur goût.
Pour le menu fretin, invité par les circonstances à admirer cette splendeur, cette ambiance fait son effet : on se sent un peu gêné aux entournures. Hélas pour les amateurs curieux, tout est solidement bouclé : aucun accès possible aux ouvrages, et cela se comprend !
Les vastes installations de cuisine feraient rêver bien des ménagères. Elles sont accotées à de grandes caves qui devaient conserver dans le calme et la pénombre les vénérables crûs importés de France ou d'ailleurs. Tout cela n'est visible qu'à la sauvette et non touchable.
Le salon de réception est, lui aussi, spacieux à souhait. Entre deux salamalecs et trois ronds de jambes, les invités gratinés peuvent s'y congratuler. L'ameublement est conforme aux exigences du lieu et aux fonctions qu'il devra assumer pour le plus grand confort des résidents et de leurs invités. Il y a des lustres au plafond; ils sont recouverts de housses. On ne les allume qu'exceptionnellement. On regrette, bien sûr, pour la bonne marche des choses, l'absence justifiée du personnel de service. C'est la guerre ! Hélas !
Mais une installation moins prestigieuse et moins importante, quoique imbriquée elle aussi dans le bois rouge, accueille chaque soir les "gens du voyage" qui se sont gonflé les neurones de ce qu'il faut savoir pour être autorisés finalement à participer aux sinistres égrégores (*) de haine déclenchés sur l'Europe. Car il convient de s'en rendre compte, les résidents d'ici sont destinés finalement, quand les conditions seront réunies, à être parachutés quelque part pour y faire ce qui doit être fait.
(*) Le mot "égrégore" est un terme ésotérique, c'est-à-dire réservé à des initiés. Un égrégore, bon ou mauvais, se crée quand un nombre suffisamment important de personnes pensent fortement de la même manière et, de ce fait, créent une force psychique. Si la concentration de ces pensées collectives est suffisamment puissante, on en arrive à des explosions de haine qui se développent de plus en plus dans l'espace et le temps, telles que l'égrégore nazi, la haine collective séculaire entre Juifs et Arabes, entre catholiques et protestants irlandais, les haines raciales d'extensions et d'origines diverses. On pourrait concevoir aussi des égrégores de bonté, d'altruisme, de générosité, si l'être humain était suffisamment évolué moralement pour les créer.
Madame C..., secondée par ses deux jolies filles, est belge. Elle administre tout le côté économat du home et mijote les petits plats qui lui ont fait une réputation méritée de cordon bleu. Car ces dames, en dépit des restrictions, s'ingénient à présenter une cuisine digne d'une époque moins difficile.
On mange bien au Home de Kilburn et sa réputation ne s'est pas confinée dans la place. Elle a pour corollaire les visites assez fréquentes de sommités anglaises officielles, militaires et civiles, qui, dirait-on de nos jours, en avaient ras-le-bol du porridge et des patates aux choux.
Madame C... est par la force des choses au courant de multiples détails. La discrétion chez elle est de rigueur. Personne ne se connaît sous son vrai nom. C'est Madame C... qui sait la première quand un des résidents va quitter définitivement le home pour participer à quelque chose de gratiné. En ce cas, au petit déjeuner, l'homme sélectionné trouve devant lui sur son assiette les deux oeufs sur le plat (denrée rare) qui lui font savoir qu'il déjeune au home pour la dernière fois. C'est là le signe avant-coureur de sa disparition. Il va être pris en charge par un engrenage qui ne le lâchera plus qu'à la verticale du territoire ennemi.
UN PERSONNAGE : MA TANTCHÊ
C'est un samedi, d'ordinaire jour de repos et de gaudriole relative parmi les futurs héros. Plusieurs nouveaux venus ont reçu leur bienvenue au home il y a quelques jours. Tous ont droit à des félicitations officielles mais discrètes. L'un d'eux. Bruxellois des Marelles d'origine, mérite peut-être en passant un petit commentaire. En conformité avec la règle, on ne nommera pas la personne en cause. C'est un postier bruxellois, truculent, sans complexes et plus ou moins bilingue. Il est doté d'un culot qu'on aurait peine à imaginer. C'est le héros sans chiqué qui a rempli dans son milieu, avec des moyens personnels dérisoires, une tâche peu ordinaire et dangereuse dans le domaine du renseignement. Il est douteux, compte tenu de sa simplicité sans falbala, qu'il ait mesuré l'importance de ce qu'il faisait.
Sa réputation d'"agent de renseignement sans numéro ni pseudonyme" avait percé jusqu'à Londres. L'I.S. acceptait avec reconnaissance cette mine de renseignements, pour ainsi dire anonymes, qui s'avéraient toujours exacts.
D'où tenait-il ces renseignements ? Ma Tantchê est un petit homme qui transporte sur sa bicyclette plusieurs sacs de courrier. Il est gai, grossier, cynique et parle l'allemand sans problème. Il est reçu partout. On l'aime bien parce qu'il est souvent rond, ou du moins en a l'air. Il accepte avec reconnaissance le schnaps aussi bien que la gueuze. Il a toujours une blague bien grasse à étaler ... et les Fritz aiment bien ça !
Mais il y a une fin à tout. Ma Tantchê est sorti de ses sacs postaux et, avec l'accord de son administration et un long voyage, il se retrouve à présent au Home de Kilburn.
CE JOUR-LA
Ce samedi-là, personne n'est de sortie au Home de Kilburn. Tout le monde est réquisitionné. On a de la visite. Il appartient à chacun de faire bonne figure. En effet, des personnalités dont un ministre du Gouvernement belge de Londres, celui de la Justice, si la mémoire est bonne, viennent faire connaissance avec les ARA/SAS belges à l'entraînement. Cet honneur est justifié par l'appréciation élogieuse des autorités militaires britanniques pour les agents belges de renseignements et d'action et les remarquables résultats qu'ils obtiennent sur le terrain en territoire occupé. Le ministre est accompagné du Colonel britannique P..., qui apportera, avec ses encouragements et ses félicitations, une valise pleine de bouteilles de whisky et de cigarettes. C'est cet officier du M.1.5 (Room 400, Whitehall) qui dirige de son bureau toutes les opérations d'expédition et de récupération des agents en mission. Cet homme impressionnant parle plusieurs langues, dont le français sans accent. Il est paré d'une sorte d'auréole romantique. Il connaît manifestement beaucoup de choses dont il ne dira rien.
Pour la première fois, Yasreg voit l'homme qui, le moment venu, lui prescrira ce qu'il devra faire et l'expédiera ...
Le Colonel P... est accompagné de son adjoint, qui lui, parle le néerlandais comme un natif de Haarlem et le français sans accent. En dehors du service et des réalités peu sentimentales de la guerre, ces gens sont de joyeux vivants, dans la discrétion, comme il convient dans un milieu où l'on n'est jamais très sûrs d'où l'on se trouvera le lendemain.
Les tables recouvertes de nappes en papier assurent la répartition ordonnée des assiettes, verres, couverts et accessoires. Chaque convive a sa place désignée par une petite étiquette. Le hasard a désigné Ma Tantchê comme voisin de table de Yasreg.
Et on en vient aux discours. Chaque personnalité a quelque chose d'élogieux à dire et le dit bien. Chez les Britanniques, on semble s'être convaincus que les ARA belges sont particulièrement doués pour la clandestinité.
Monsieur le Ministre est éloquent en se faisant l'interprète du Gouvernement belge à l'égard de ces valeureux serviteurs de la Patrie. Le Colonel P... a lui aussi son mot à dire. Après cela, chacun se sent confirmé dans sa détermination à faire encore mieux. On observe une minute de silence pour ceux qui ne rentreront plus de mission. C'est aussi le moment de penser en passant à ceux qui reviendront peut-être.
Quelque part dans la coulisse, un piano manipulé par Renée, fille de Madame C..., ébauche successivement le "God save the King" et la "Brabançonne". Entre-temps, dans tous les estomacs, la fringale gagne du terrain.
Et chacun prend place à table, là où son étiquette figure. Les plats circulent, les conversations s'animent, le pinard aidant. Car il est bon, le pinard, probablement sorti d'une valise diplomatique. Chacun fait de son mieux pour paraître le plus digne possible. On y réussit avec des succès divers.
A côté de Yasreg, Ma Tantchê fait largement honneur au menu et au vin. L'homme est bavard. Il fait part à ses voisins de table de l'ennui que lui cause cette invitation du samedi qui l'empêche de rencontrer sa Tantchê londonienne. En Belgique, il en avait, paraît-il, une autre, qui lui servait souvent d'alibi quand il n'était pas là où il aurait dû être.
Mais les bonnes choses ont une fin. L'euphorie reste, épaulée par le café et le pousse-café, la rincette et la sur-rincette. Entretemps, on a placé sur la table des paquets de cigarettes difficilement trouvables dans le commerce ordinaire. Chacun y a bien entendu accès. Les convives se servent. La fumée monte en volutes bleutées vers les solives du plafond.
Mais hélas. Ma Tantchê a, en cours de résistance et de marché noir en Belgique, contracté de mauvaises habitudes, devenues une seconde nature. Mine de rien, l'oeil candide, il fait disparaître subrepticement un paquet de "Players" dans sa poche. Ce geste, exécuté avec précision et la rapidité de l'éclair, semble être passé inaperçu parmi les convives occupés à revivre leurs souvenirs de guerre ou à faire part à leurs voisins de leur opinion sur ce qu'il faudra faire des Hitlériens, après la victoire finale. Les plaisanteries plus ou moins lourdes et les rigolades véhémentes qu'elles provoquent expriment le soulagement de gens qui, une fois en passant, peuvent se déboutonner en bonne compagnie.
C'est alors que Ma Tantchê juge le moment opportun pour rééditer le coup du paquet de cigarettes. Il fait main basse sur son deuxième paquet mais un major britannique moustachu et pisse-vinaigre - peut-être n'a-t-il pas bien digéré son steak-frites ? - lui tend un troisième paquet en disant : "Do you want this one too ?" (Voulez-vous celui-ci aussi ?).
Quelques invités se sentent des moiteurs sous les bras, des fronts s'empourprent, on scrute le plafond. Mais Ma Tantchê en a vu d'autres et continue à siroter son whisky comme si de rien n'était. Simple incident de parcours !
JANVIER 1944
Les fêtes de fin d'année. Christmas et Nouvel-An, se sont passées dans la morosité solitaire. Un hiver glacial s'est abattu sur Londres et sa banlieue. Le gel a durci la neige partout où on ne la dégageait pas. Le verglas sévit dans un brouillard givrant cafardeux. Le charroi fait de son mieux pour remplir son rôle, au milieu des embouteillages et des tonnes de gravats non déblayés. La vie ordinaire, déjà difficile, se complique encore. Car il faut bien que la machine de guerre tourne, que les trains roulent, que les navires et l'aviation soient approvisionnés en carburant. Les Forces Armées ont la priorité sur tout. Pour la masse des gens, les activités de tous les jours sont là, impératives et incontournables. Il faut tout accomplir, même si les membres grelottent sous ce qui reste des vêtements d'avant-guerre.
C'est la ruée aux heures de pointe. Les masses mobiles du trafic urbain circulent. Les bistrots ouvrent leurs portes aux heures permises. Les journaux paraissent. L'humour noir sévit. Les cinémas se rendent accessibles entre deux alertes. La nuit, les métros se remplissent de gens qui cherchent la sécurité pour y dormir. Le soir, les hétaïres sont là, plus ou moins tolérées, groupées autour des gares, des public houses, avec l'air abattu des faméliques illégaux. Dans les bistrots chichement chauffés, des assoiffés sans moyens se muent en garçons bénévoles et ramènent au comptoir les verres après avoir bu ce qui reste dedans.
Au Home de Kilburn, les futurs "aventuriers" vaquent à leurs occupations. Yasreg est pour le moment à l'entraînement radio à Hanschoot. La journée est longue, épuisante souvent, et on réintègre le home avec satisfaction, le soir, pour le souper. Il y fait calme, bien chauffé; le lit est confortable. On a créé une ambiance. Une tradition s'est édifiée toute seule. La radio fournit les nouvelles du jour avec les commentaires. Chaque soir, un représentant du Gouvernement belge adresse à la Métropole des souhaits de bon courage et promet qu'on finira par avoir les Boches.
Il est vrai que les choses vont mieux fin 1943 pour la cause alliée, mais le bout du tunnel n'est toujours pas visible.
Le gérant du home, nouveau venu, mais ARA lui-même, paraît-il, vient d'arriver de Lisbonne. Il note soigneusement les messages personnels que la BBC lance sur les ondes à destination des résistances en France et en Belgique. La satyre et l'humour noir se donnent libre cours. Les chansons et les poèmes brocardent les dictateurs et ceux qui les suivent encore. En voici un échantillon :
"Collaborateur, mon petit homme !
"T'as pas bonne mine, t'as pas l'air bien.
"C'est ton avenir qui te préoccupe !
"Ça se comprend mais faut pas te frapper.
"Tranquillise-toi, on s'en occupe
"et on ne te laissera pas tomber.
"On te soutiendra bien au contraire.
"avec une corde réglementaire.
"Tu as la trouille, tu as les foies !
"Ça se tient là dans l'estomac.
"Tu as la trouille, tu as les foies.
"Ca te tiens, ça ne te lâchera pas.
"Tu as joué la carte boche.
"Tu as perdu, va falloir payer.
"Evidemment, c'est plutôt moche,
"c'est pas ce que t'avais espéré ....
"On n'a pas envie de rire tous les jours mais on garde le moral."
LA VALISE EN CUIR
Quelqu'un a trouvé ses deux oeufs sur le plat au petit déjeuner. Tout le monde sait déjà ce que cela veut dire. Ce sera bientôt sa fête. On lui serre la main, silencieusement. Après tout, c'est à chacun son tour. Cela fait néanmoins quelque chose.
Il n'est plus là au souper. Il était hébergé au home depuis plusieurs semaines déjà. Son entraînement terminé, il se trouvait disponible. Son départ va provoquer dans le landerneau des perturbations mineures, des réajustements. Sa chambre devient libre. C'est normalement Yasreg qui doit l'occuper : il est le plus ancien. Elle n'a qu'un seul lit. Cela permettra à ce plouc admis à plus de confort à l'ancienneté, de se réserver quelques minutes de méditation solitaire occasionnelle.
C'est ce qu'il croit et savoure d'avance. En tout cas. pour éviter la piraterie toujours possible, toutes affaires cessantes, il y a amené ce qu'il possède. Ce n'est pas bien lourd, bien sûr. Il y a ses vêtements civils, son linge, un battle-dress et son équipement militaire. Mais il possède quand même une chose rare : une valise en cuir ... du luxe ! Cette dernière est l'objet d'une certaine convoitise; ce genre d'article est rarissime à Londres en guerre ... pensez donc ... toute en cuir.
Mais si on n'est pas chez Staline, on vit quand même en état de collectivité. Ce qui appartient soi-disant à l'un, appartient en fait aux autres aussi. Yasreg s'aperçoit que sa valise n'est plus là. Comme tout le monde a quitté le home pour vaquer à ses occupations, il est inutile de chercher à se renseigner ...
L'INCENDIE DU HOME DE KILBURN
Réveillé en pleine nuit par une luminosité anormale et des vagues de chaleur tout aussi imprévues en plein hiver, Yasreg constate que des flammes passent et repassent devant sa fenêtre. Ses vitres volent en éclats. Il faut bien se rendre à l'évidence, le Home de Kilburn brûle. On saura quelques minutes plus tard qu'un des Poméraniens de Goering a lâché tout un chapelet de bombes au phosphore sur le quartier de Christchurch Avenue. Il est temps de disparaître si on veut sauver sa peau du désastre, car ç'en est un. La splendide bibliothèque décrite plus haut constitue une proie idéale pour ce genre de bombes. Tout flambe comme une allumette.
Seul Rik B... est blessé et a dû être évacué d'urgence sur l'hôpital. Il est la seule victime sur le plan physique. Les services d'incendie sont sur place et font leur possible. On arrose ce qu'on peut avec ce qu'on a. Ce sont des volontaires féminines dotées d'un appareillage désuet et inefficace. Elles ne disposent que de quelques seaux de sable et de gravillons.
En l'espace d'une demi-heure, la splendide propriété et ses annexes ne sont plus qu'un amas de ruines fumantes, au milieu desquelles les pathétiques silhouettes des pans de murs se dressent vers un ciel sillonné de brindilles incandescentes mêlées à des flocons de neige, car il neige et il gèle.
Yasreg s'est retrouvé précipitamment dehors dans l'allée d'accès. Il n'a plus que ce qu'il porte sur lui : un pyjama, une paire de savates anonymes et une capote militaire qu'il a prélevée dans le hall avant de sortir. Elle ne lui appartient même pas. Bref, l'ancien clochard revit son passé. Il ne possède plus ni documents d'identité, ni numéraire.
Mais la nuit n'est pas finie et le Home de Kilburn n'est pas le seul bâtiment détruit. Beaucoup de civils sont dans la rue. Ils ont également tout perdu. On les a amenés et réconfortés au centre d'accueil de la Croix-Rouge où les ARA/SAS ont été eux aussi mis au chaud. Il s'agit d'une école ordinaire où les volontaires bénévoles servent des tasses de thé chaud et de quoi manger aux rescapés de la nuit.
Dès le lever du jour, un camion militaire amène de quoi transformer Yasreg en un "private" britannique tout neuf, parfumé à la naphtaline. On n'ira pas à Hanschool aujourd'hui. On est excusé. En revanche, on va faire le tour des magasins pour remplacer les vêtements civils disparus dans la tourmente. On sera une fois de plus remis à neuf.
Yasreg n'a pas joui longtemps de sa chambre particulière.
Mais une surprise l'attend quand même, il retrouve sa valise de cuir, qu'il croyait réduite en cendres. Quelqu'un la lui avait empruntée, sans lui demander son avis, pour porter au cordonnier de l'endroit une cargaison de souliers à réparer. La valise était chez ce dernier alors que le home se transformait en lumière et en chaleur.
On le voit, ce satané Yasreg n'avait quand même pas tout perdu.
LE RENSEIGNEMENT
Les gouvernements exilés à Londres s'efforçaient d'obtenir tous les renseignements possibles sur ce qui se passait chez eux. Dans ce but, ils tentaient de créer, souvent à partir de rien, un service secret de renseignements, d'espionnage si l'on veut, qui collaborait avec le pays qui leur offrait l'hospitalité : la Grande-Bretagne.
Ces renseignements sur tous les sujets et en provenance de partout parvenaient à Londres par des cheminements variés. On utilisait tous les moyens disponibles. Des services spécialisés complexes digéraient un fatras quotidien, souvent d'une importance dramatique.
Des agents spécialement formés en Grande-Bretagne étaient envoyés par des systèmes divers sur place pour que cette mission vitale pour la conduite de la guerre ne tarisse pas. Il fallait organiser des filières secrètes qui franchissaient clandestinement les frontières suisses et espagnoles, pays neutres ou presque.
Toutes ces activités se déroulaient dans des conditions extrêmement dangereuses. Un tissu d'informateurs, souvent de haut niveau, exerçaient une surveillance attentive et lucide sur tout ce que faisait ouvertement l'ennemi et cherchaient à percer ses secrets les mieux gardés.
Les communications radio étaient rapides et efficaces mais les goniomètres allemands les repéraient dès le premier signal transmis. Une émission supérieure à 10 minutes équivalait à un réel danger pour l'opérateur. Dans ces conditions, on réservait ce moyen à ce qui devait être signalé à bref délai, sous peine d'inutilité; exemple : départ d'un sous-marin ou d'un navire de guerre.
Le reste du courrier, c'est-à-dire les plans, photos, documents écrits, cartes, croquis d'installations, documents techniques, devaient parvenir aussi à bon port. Pour que cela puisse se faire, il fallait bien effectuer des expéditions spéciales assurées par un personnel spécialisé et supérieurement formé. Ces moyens permettaient littéralement la "prise à domicile" de tout ce qui était pondérable.
Il fallait aussi, quand la chose était possible, faire rentrer à Londres les agents brûlés, c'est-à-dire connus de l'Abwehr ou de la Gestapo et recherchés. Ces agents, devenus dangereux, continuaient souvent des activités qu'ils auraient dû cesser et mettaient en péril les organismes clandestins qui acheminaient le courrier.
C'est ici qu'entre en scène le Westland Lysander.
LE WESTLAND LYSANDER
Cet avion est particulier. Non armé et très lent quand il le faut, il est aussi très maniable. On l'a mis à toutes les sauces en ce qui concerne les opérations secrètes, menées à bien ou non en territoire occupé. L'engin était doté d'un moteur très puissant qui le sortait de toutes les fantaisies acrobatiques imposées par le pilote à son appareil, pour s'extirper d'une situation délicate.
En fait, la chasse allemande, beaucoup trop rapide, ne pouvait l'abattre que si son pilote commettait une erreur presqu'impensable. On l'alignait difficilement dans un collimateur.
A côté des qualités particulières qu'il déployait en vol, il présentait un avantage unique en son genre pour un appareil de son gabarit : il atterrissait sur une très courte distance.
Il n'empêche que le genre d'exploits qu'il accomplissait régulièrement réclamait de son pilote des nerfs d'acier et une vision de chat.
A basse altitude, pour éviter les radars, sur des itinéraires soigneusement sélectionnés et qu'on n'utilisait en principe qu'une fois, ils évitaient de survoler ce qui était défendu par la "Flak".
A partir d'une certaine distance du terrain où ils étaient attendus, ils mettaient en marche ce qu'on appelait "l'Eureka-Rebecca". Il s'agissait d'un émetteur-radio pour les gens au sol, et d'un récepteur à bord du Lysander attendu. C'était somme toute un radio-phare non directionnel de faible puissance sur lequel le pilote faisait du homing et qui l'amenait à la verticale de l'émetteur, donc du terrain où il devait se poser. Ce système fonctionnait assez bien et était considéré comme secret. L'émetteur et le récepteur comportaient d'ailleurs chacun un dispositif d'auto-destruction à déclencher au cas où l'ennemi aurait une chance de s'en emparer.
L'appareil en vol, arrivé à la verticale du terrain où il était attendu, émettait alors, grâce à une ampoule électrique fixée sous la carlingue, un signal en morse convenu d'avance et recevait du sol un signal différent qui confirmait l'autorisation de continuer l'approche en vue d'atterrir.
Un comité de réception, composé de membres de la Résistance et d'officiers ARA, le guidait au sol par le truchement de torches électriques spéciales à faisceaux directionnels. On ne voyait la lumière émise que de face et elle était braquée dans la direction du cockpit du pilote. Quand ce dernier se présentait en finale, les trois agents en place baissaient leur luminaire graduellement jusqu'au ras du sol. Si le pilote ne recevait pas de signaux en atteignant la limite de perception, ou si ces derniers cessaient d'être émis en cours d'approche, le pilote n'insistait pas, reprenait de l'altitude et rentrait à la base, du moins en principe.
Ces opérations avaient toujours lieu par clair de lune.
A l'arrêt, le moteur continuait à tourner au ralenti, pendant qu'on sortait ce qui devait sortir. Ceci exécuté, on enfournait dans le cockpit arrière tout ce qui devait partir pour l'Angleterre. Il existait un ordre de priorité appliqué par le chef de mission. En ce qui concerne les passagers éventuels (3 maximum), une priorité imposée par décision du chef de groupe d'opération (seul juge) était appliquée. Les agents en danger avaient la priorité.
Ces passagers s'entassaient le mieux qu'ils pouvaient sur le courrier qui emplissait la carlingue, dans l'espace disponible. On laissait, bien entendu, le confort au vestiaire.
Aussitôt rempli, le Lysander décollait et mettait le cap sur sa destination. Le comité de réception disparaissait dans la nature.
Prise de courrier à domicile
Le courrier à enlever ne nécessitait pas nécessairement l'atterrissage du LYSANDER. Il s'agissait dans ce cas d'un aller depuis la base de départ, du survol à très basse altitude du terrain, de l'accrochage du courrier et du retour de l'appareil, avec son chargement, à son point de départ ou éventuellement celui qui lui était communiqué par radio au cours du retour.
En général, l'avion était amené au-dessus du terrain par la méthode décrite ci-dessus, les trois agents du comité de réception éclairant finalement au moment opportun l'installation de "prise à domicile" du courrier.
Décrivons cette installation et voyons comment, en théorie, les choses doivent se passer.
On fixe solidement les sacs de courrier ensemble et on les arrime au bout d'un filin métallique très solide et très souple. De part et d'autre de cette réunion de sacs, deux assemblages de tubes métalliques emboîtables et amovibles sont dressés en faisceaux. Cela donne grosso modo à chacun la forme de l'armature d'un wigwam de Peaux-Rouges. Leur hauteur est de 5 à 6 mètres et ils se situent chacun à une distance approximative de 10 mètres du tas de courrier. Ces deux supports soutiennent le filin cité plus haut, qui forme une boucle fermée, largement étirée, dont les deux extrémités reposent simplement, du fait de leur poids, sur les deux supports métalliques.
Tout l'édifice constitue donc une structure fragile, qui n'opposera aucune résistance quand le LYSANDER, survolant le tout, agrippera le filin à l'aide d'un crochet spécial et emportera le courrier avant de reprendre de l'altitude et de disparaître.
Ce type d'avion est en effet, dans ce cas, équipé d'un crochet et d'un treuil destiné à hisser à bord tout ce qui doit partir. Cela nécessite la présence aux commandes d'un pilote très expérimenté, entraîné à ce genre d'opérations et doué d'un système nerveux de tout premier ordre. Il serait accompagné d'un dispatcher dans le cas qu'on évoque.
Si l'opération échoue au premier essai, il est possible de la recommencer, avec, bien entendu, le risque accru d'être repéré.
(à suivre)
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Col Hre Léon VERBOIS - Les parachutages
La plupart des récits de guerre et de résistance foisonnent de surprenants hasards heureux ou malheureux.
Léon VERBOIS, sous-lieutenant-élève à l'Ecole Royale Militaire en 1940, a vécu des heures exaltantes dans la Résistance et le Maquis, alors que la plupart de ses camarades de promotion étaient soit "prisonniers de guerre", soit "officiers volontaires" en Grande Bretagne.
Il lui a été demandé une évocation de cette période, qu'il a vécue intensément, du maquis et des parachutages. Ce modeste récit sera limité aux parachutages.
Résistants de la première heure, la "Légion Belge" (devenue par la suite "Armée Secrète") nous demanda de recruter des fidèles, de préférence taiseux et non buveurs. Il fallait les armer.
La solution des parachutages a été la seule préconisée pour mener à bien l'équipement en armes et en matériel des maquis qui se formaient.
Dès 1942, l'ordre fut transmis de rechercher des refuges éventuels pour la mobilisation ainsi que des plaines de parachutage. Des endroits propices, situés à la lisière des forêts et suffisamment éloignés des agglomérations, furent repérés; leurs coordonnées relevées avec précision sur des cartes militaires furent transmises à Londres.
Un souvenir m'est resté particulièrement agréable : j'ai pu transmettre plan, coordonnées et même photos prises d'avion d'une plaine à SOMME-LEUUZE (BONSIN), ce qui nous a valu rapidement des félicitations.
Les plaines ont été baptisées d'une lettre de l'alphabet ou d'un nom d'animal, de fleur, d'oiseau, de soldat. Dans la région de Gedinne, la plaine de refuge de BOURSEIGNE-NEUVE s'appellera "BUFFLE" (134.300 x 77.000) et la plaine de parachutage de RIENNE s'appellera "GRENADIER" (187.600 x 75.500)
Dans le maquis de GEDINNE, 350 maquisards étaient rassemblés en 1944, sous les ordres du lieutenant de réserve Louis BARTHELEMY (ancien du 13e Régiment de Ligne). Ils formaient le Groupe C du Secteur 5 de la Zone 5 de l'A.S. (Armée Secrète). Cet important groupe de résistants était réparti en plusieurs cantonnements en plein bois : E.M. - Liaison - Sabotage – Prévôté - la compagnie de GEDINNE sous les ordres de M. VINCENT - la compagnie de BEAURAING sous les ordres du lieutenant de réserve J. QUESTIAUX, également ancien du 13e Régiment de Ligne.
Le sous-lieutenant VERBOIS avait été chargé, sans se laisser distraire de cette mission, de la Section Matériel. Sa mission : les parachutages (préparation - organisation - mise en place - réception), le camouflage des armes et explosifs, ultérieurement le décamouflage, le déprocessing, la distribution et l'initiation à l'utilisation. En effet, beaucoup de maquisards n'avaient jamais vu d'armes ou d'explosifs et la documentation jointe était le plus souvent rédigée en anglais.
Après une longue attente, pendant des mois et des mois, le premier parachutage sur la plaine "BUFFLE" nous procura entre autres, le 3 mars 1944, des postes récepteurs à piles sèches, qui nous permirent d'écouter aisément les messages de la BBC, et cela, en plein bois.
Le 11 avril 1944, lors d'un second parachutage, sur la plaine "GRENADIER" cette fois, nous eûmes une surprise agréable en découvrant dans les colis expédiés un "S"phone, nous permettant de communiquer avec l'opérateur d'un avion et, comble du raffinement, un vélo nous permettant de recharger éventuellement ses batteries, ainsi qu'une instruction nous décrivant la procédure d'utilisation. Bien entendu, dans les jours suivants, on étudia sérieusement cette procédure.
Chaque soir, à 19.15 h, nous attendions avec impatience que la BBC nous transmette un message commençant par la lettre "G". C'est ainsi que passa sur les ondes "Le Géranium est à la base de tous les parfums". C'était le soir du lundi 5 juin.
Tout 1e monde doit se tenir prêt à réceptionner pendant la nuit. Dans le plus grand secret, l'équipe réceptionnaire, aussitôt prévenue, à l'endroit indiqué. Un autre groupe surveille et défend les abords.
Trois jalonneurs, porteurs de lampes torches donnant une lumière rouge (plus tard, des phares d'auto reliés à une batterie) se placent à 100 mètres de distance (B, C, D du croquis) sur un alignement parallèle à la direction du vent, tandis que je me place, en tant que chef de plaine, porteur d'une lampe à lumière blanche, en A, perpendiculairement à la ligne des jalonneurs, à environ 50 mètres.
Il est 23 h et j ai le temps de relire ce qui devrait être la procédure normale :
- L'opérateur de l'avion appelle : "Hello TONY" (c'est le mot de passe convenu).
- Je fais allumer les feux de balisage et j'envoie la lettre "G" de reconnaissance (en morse), à l'aide du feu blanc et je donne la réponse convenue : "Hello JACK, TONY answering, can you hear me ?"
- Et, quand tout va bien : "Hello JACK, can you see my lights ?"
- ... et puis tout un tas de recommandations pour les "imprévus" ...
Je jette un dernier coup d'oeil au "S"phone. Cet appareil émetteur-récepteur comporte un casque muni d'écouteurs et d'un micro, une petite antenne et une série de petits accumulateurs qui se portent à la ceinture.
L'attente est longue ... Combien nous la vivons dans l'impatience ...
Et subitement, le 6 juin à 02.30 h, nous percevons le ronronnement d'un avion. Il tourne autour de notre plaine ... Il nous semble reconnaître un britannique ... Les lampes s'allument ... L'aviateur ne me répond pas ... mais quelques instants plus tard, l'avion suit l'alignement de nos lampes ...
Entre B et C, à une altitude de 300 mètres, il lâche sa cargaison, qui s'éparpille entre C et D. Les corolles peuvent alors s'ouvrir les unes après les autres dans le ciel encore obscur (les parachutages se font souvent pendant les nuits de pleine lune). Quel magnifique spectacle dans le ciel de cette vaillante Ardenne ... !
L'avion a ordre de quitter le terrain aussitôt l'opération terminée, car le risque de détection (par gonio) est grand pour l'avion en vol. Nous ne devons donc pas le pousser à parler trop longtemps, malgré le faible risque pour nous de repérage au sol. A-t-il tancé : "Opération compteted" ? Nous n'en savons rien, car aussitôt le largage terminé, c'est la ruée de l'équipe pour récupérer les colis et les containers, détacher les parachutes, les rouler et les camoufler.
Quand le soleil se lèvera, tout sera remis en ordre ... Les villageois, parfois trop bavards, auront entendu un avion volant bas et se seront doutés qu'il se passait un petit événement.
Les Allemands eux aussi ont eu vent de quelque chose et, le lendemain matin, enverront un avion de reconnaissance, mais ils ne découvriront pas notre repaire.
La nuit suivante, les parachutes sont acheminés jusqu'à l'église de Rienne où ils sont entreposés dans la partie inaccessible du canal à air chaud de la chaufferie. (Merci, Monsieur l'abbé ARNOULD).
Les containers seront enterrés dans une sapinière et, comme ce sera le cas pour les opérations suivantes, de jeunes arbustes reprendront goût à la vie sur la terre recouvrant les fûts. Le plus rapidement possible, armes, munitions, explosifs seront dénombrés et l'inventaire sera transmis à Londres, par la voie hiérarchique.
Ce jour-là, la BBC annonçait le débarquement en Normandie.
Les fûts métalliques pèsent entre 150 et 175 Kg; ils ont un diamètre de 38 cm et une longueur de 1,40 m (voir photo). Ils sont munis de poignées pour faciliter le transport à l'endroit désigné. Ils sont d'une seule pièce (type C) ou composés de cinq éléments assemblés (L. 28 cm – type H).
Voici, à titre documentaire, le contenu d'un fût "H3" et d'un fût "C1"
Container "H3" :
- Cellule A : 31,5 Kg
- Mitraillettes "Sten" et accessoires: 3
- Magasins vides: 15
- Munitions: 900
- Chargeurs: 3
- Cellule B : 29 Kg
- Grenades Mills: 30
- Détonateurs: 36
- Sachets de pansement: 6
- Cellule C : 24 Kg
- Idem A mais deux Stens
- Cellule D : 22,5 kg
- Revolvers américains: 5
- P 45: 250
- Sachets de pansement: 6
- Grenades Mills "75": 10
- Détonateurs: 12
- Cellule E : 18,5 Kg
- Grenades 82 (Gammon): 8
- Explosif plastic: 8 Kg
- Mèche Bickford: 8 m
- Allumeurs: 2 boîtes
- Ruban adhésif: 1 rouleau
Container C1 : 136,5 Kg
- Fusils mitrailleurs "BREN" complets: 2
- Magasins: 16
- Coups: 2.000
Panier
Un panier peut contenir, par exemple :
- 2 bombes PIAT
- 1 tente + 80 litres d'essence
- Chocolat, cigarettes, rations.
La plupart de ces engins nous étaient parfaitement inconnus.
A défaut d'instructeurs, l'expéditeur procurait une documentation, souvent imprimée en anglais, qui donnait la composition des containers de type standard et le mode d'emploi succinct des articles que l'on pouvait y découvrir. Pour l'arme collective principale dont nous disposions, le "BREN gun", la brochure y relative était plus détaillée.
Les armes seront décamouflées et dégraissées pour être remises aux maquisards des deux compagnies mobilisées les 11 et 13 juin. 350 hommes seront largement pourvus. Un grand merci à toute l'équipe "Matériel" qui m'a tant aidé.
Les saboteurs utiliseront efficacement les explosifs. 300 kg d'explosifs et 19 Stens seront d'ailleurs livrées au Commandant de Secteur.
Le 7 septembre 1944, Brens, carabines américaines, Stens et des munitions seront livrés aux héroïques maquisards d'Anvers.
En octobre 1944, les armes seront évacuées via le Commandant de Secteur.
Le 2 août, j'attendrai un parachutage mais l'avion ne viendra pas.
D'autres parachutages suivront et notre plus beau souvenir sera, certes, celui du parachutage du capitaine BLUNT, l'actuel colonel BLONDEEL, et de 7 S.A.S. (Spécial Air Service), le 29 août à 02.25 h, et leur première nuit dans le petit village de Rienne. Le grand capitaine tombe vraiment à mes pieds, se débarrasse de son parachute et est prêt au combat. Je le rassure en lui disant qu'il est entouré de 350 maquisards. Et mes hommes le conduisent dans la hutte qu'ils m'ont fabriquée (cloisons en sapin et toit en carton bitumé). Après avoir dégusté une tasse de café bien chaud, le capitaine s'étend sur mon petit lit de fer, et je le retrouve, dormant du sommeil du juste, ses grandes jambes passant à travers les barreaux. Le matériel reçu avait été rangé entre-temps (3 containers pour les S.A.S. et cinq pour nous, ainsi qu'un veto).
Il était frappé par l'efficacité déployée par l'organisation.
Le lendemain, nous le conduirons au P.C. du commandant BARTHELEMY.
J'apprendrai plus tard qu'il y fut accueilli ... au Bourgogne, avant de continuer à remplir sa mission de harcèlement.
Le 1er septembre, nous recevons le capitaine DEBEFVE et 15 S.A.S., ainsi que 19 containers et 3 paniers. Un homme, accroché dans un sapin, est blessé.
Mais, de cette date, nous gardons un souvenir amer, car, ce jour-là, la sous-section 2 commandée par le sous-lieutenant de réserve R. HUSTIN, des Chasseurs Ardennais, est encerclée dans les bois de Graide, et ... 17 jeunes gens y seront massacrés. Nous honorons leur mémoire chaque premier dimanche de septembre au pied du monument de Graide.
Notre plus beau spectacle eut lieu dans la nuit du 5 au 6 septembre 1944. Je ne me souviens plus du message : "Gordits est un laboureur qui devient roi", ou bien "Le grenadier est un soldat, il recevra 2 x 12 fusils". Toujours est-il que nos 350 hommes gardent la plaine de Bourseigne-Neuve. A minuit, un premier avion "Stirling" nous largue 4 hommes, dont 1Lt-médecin LIMBOSCH et 1er "padre" JOURDAIN, ainsi que 22 containers et 3 paniers, dont malheureusement quelques-uns s'écraseront au sol.
Mais notre ébahissement n'est pas terminé : à 02.30 h, deux avions tournoient et on ne sait plus où récolter ... 2 jeeps, 12 containers, 4 paniers et 4 hommes dont deux chauffeurs. Incroyable ... ! A nos yeux éberlués, les dispositifs amortisseurs des jeeps, pesant 300 kg environ, sont démontés, les mitrailleuses parachutées par containers sont récupérées et montées sur jeeps et les moteurs tournent ... Cela a duré 15 minutes ... et les S.A.S. voguent vers de nouvelles reconnaissances.
Quelle apothéose ...! Quel boulot ...! Mais quel immense plaisir et quel merveilleux souvenir ...! Merci à tous mes camarades maquisards ...!
Le 6 septembre 1944, les troupes américaines entrent à Rienne. C'est la délivrance et la joie ...!
Merci à Sa Majesté Britannique, qui, le 24 décembre 1947, a bien voulu me décerner la "King's Medal for courage in the cause of Freedom".
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LECLERCQ - Un témoignage concernant la construction du fort d'Eben-Emael
Suite à une demande de renseignements que lui avait adressée notre Président, Monsieur Rodolphe LECLERCQ, aujourd'hui décédé, avait répondu ce qui suit.
"J'ai été envoyé comme surveillant de travaux (3 D Gn F) le 16 mars 1934 au fort d'EBEN-EMAEL, et le 16 août 1934, j'ai été appelé comme adjoint technique pour la construction des abris d'intervalle entre LANAYE-BREE-TURNHOUT sur le canal de jonction MEUSE-ESCAUT et pour les abris le long du canal ALBERT entre VELDWEZELT et QWAADMECHELEN, avec résidence à HASSELT, jusqu'en mai 1940."
"A mon arrivée à EBEN, les travaux étaient déjà bien avancés. C'est ainsi que pendant les six mois que j'y ai passés, j'ai été affecté au bétonnage de galeries dont les terrassements dans le tuffeau étaient déjà exécutés. Ces travaux de construction des galeries ont été exécutés par la firme "LIMERE frères". En même temps, s'exécutait la construction du gros bâtiment d'entrée et des fossés contournant la partie ouest entre ce bâtiment et la tranchée de CASTER. Gros bâtiment et fossés avaient été confiés à l'entrepreneur de WERGIFOSSE."
"Vu mon court séjour au fort et dans les galeries par pauses de 12 heures, j'ai eu rarement l'occasion de me trouver dans les bureaux de la D. Gn. F. qui étaient installés sur le massif central et dirigés à cette époque par le lieutenant MERCIER."
"Il ne m'est donc pas possible de vous donner une idée de la succession, du nom et de l'objet des grandes entreprises déjà exécutées, à l'exception des deux firmes citées ci-avant."
"En ce qui concerne le bétonnage des galeries, la fabrication et la mise en oeuvre du béton s'exécutaient sans désemparer, par tronçons et pendant plusieurs jours d'affilée."
"La centrale de bétonnage des galeries se trouvait sur le massif central et le béton était descendu par goulottes dans un puits central situé plus ou moins au point de convergence des différentes galeries. Le béton était reçu dans des wagonnets circulant sur rails Decauville vers les chantiers de bétonnage, déversé sur place et remalaxé à la pelle avant mise en oeuvre."
"Le coffrage extérieur des parois et voûtes des galeries était le tuffeau lui-même. Le coffrage intérieur était charpenté par des ossatures métalliques en forme de demi lune et reliées entre elles par des voliges en bois. Cette liaison se faisait à partir du radier et au fur et à mesure de l'élévation du béton dans les parois et dans la voûte. Le béton était pelleté dans les parois de part et d'autre puis dans la partie voûtée. Inutile de vous dire que ce béton était damé manuellement et réglementairement c'est-à-dire par autant de dameurs en rapport avec le nombre de m³/heure fourni par la centrale. Les dames étaient rectangulaires, montées sur tige métallique, avec poignée, et d'un poids déterminé. Le damage par vibration était interdit. Les reprises de bétonnage après le week-end devaient être précédées d'un apport de laitance de ciment sur le béton à continuer."
"Quant à la composition du béton (pour autant que je m'en rappelle), elle devait être la suivante (par m³ de béton fourni) : 400 litres de pierrailles 20/40 mm, 350 litres de pierrailles 5/20, 300 litres de sable de Rhin 0/5 mm et 450 kg de ciment Portland, le tout amalgamé avec une quantité d'eau déterminée, de façon à donner un produit final mou dont on prélevait au départ des échantillons qui étaient moulés en cubes de 15 x 15 x 15 cm. Ces cubes étaient soumis à des essais de traction et compression après 8 jours et 21 jours de la fabrication. Le contrôle de la fabrication du béton était continu, de même que la mise en oeuvre."
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Réponse à une question difficile
D'où proviennent ces morceaux de fer et de quoi s'agit-il ?
Où peut-on les trouver actuellement ?
Nous n'avons reçu que peu de réponses à la question posée dans le bulletin précédent : "d'où proviennent ces morceaux de fer et de quoi s'agit-il ?".
Et elles sont incomplètes car personne ne nous a dit où ces objets se trouvent actuellement.
Il s'agit de morceaux de rails du chemin de fer, datant de 1808, qui traversait la cour de la Fonderie Royale des Canons, quai St-Léonard à Liège.
Théodore Gobert (Liège à travers les Ages - Les rues de Liège - Tome VII, page 251 de l'édition de 1976) attribue à Monsieur PETIT et ensuite au Capitaine d'artillerie de la marine JURE, directeurs successifs de la Fonderie, l'établissement du premier chemin de fer qu'ait vu notre pays.
Le bulletin d'information du C.L.H.A.M. Tome II, fasc. 2 de juin 1983, dans l'article "La Fonderie Royale des Canons à Liège" dit que des morceaux de ces rails ont été déposés au Musée de la Vie wallonne. Actuellement, ils peuvent être vus dans la salle des Médailles du Musée d'Armes.
Si la "question difficile" était illustrée d'une couronne, c'était pour mettre les chercheurs sur la voie. Il s'agit de la couronne qui surmontait l'entrée de la Fonderie, quai St-Léonard, avant sa destruction en 1962 et qui se trouve actuellement à l'Arsenal MECA à Rocourt.
Ci-dessous, le plan de la Fonderie Royale de Canons montre l'emplacement de ce chemin de fer traversant la cour et allant de la fonderie à la forerie.
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Les héros de l'ANNA et de l'ATLAS V
Joseph ZILLIOX est un Alsacien d'Offendorf, ancien batelier, enrôlé malgré lui dans l'armée allemande, qui, en 1916, est envoyé au bureau allemand du port de Liège. Attaché à la France et à la cause des Alliés, le 4 décembre 1916, il s'empare d'un petit remorqueur allemand, TANNA, et transporte en Hollande 42 passagers. Malgré le danger, ZILLIOX, déserteur de l'armée allemande, acceptera de revenir à Liège sous un déguisement pour une mission spéciale mais il sera arrêté et condamné à mort. Il sera exécuté à la Chartreuse le 23 juillet 1917.
Jules HENTJENS avait aidé ZILLIOX dans ses préparatifs. A son tour, il projette de forcer les défenses de la frontière avec son remorqueur réquisitionné. Son expédition, réussie, est relatée sur le marbre apposé sur le garde-fou du pont qui relie, à Liège, le quartier de Droixhe au quartier Saint-Léonard, auquel on a donné le nom de "Pont de l'ATLAS V" :
"De cette rive, sous l'occupation ennemie, le 3 janvier 1917, à minuit, profitant d'une crue des eaux, partit l'ATLAS V remorqueur commandé par son capitaine Jules HENTJENS, promoteur de cette expédition qui emportait vers la Hollande, outre son équipage, 103 passagers dont 94 recrues pour le front."
"Signalé dès Argenteau, poursuivi par un auto-canon qui sombra dans son sillage, l'ATLAS V éventra le pont-rails de service sous Visé, arracha la chaîne et les fils électrisés formant barrière, coula un ponton monté et armé de mitrailleuses, échappa à une intense fusillade et aborda victorieusement à Eysden (Hollande) à une heure."
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