Sommaire
Le courrier des lecteurs
1. Un lecteur nous écrit concernant l'article "LES CHASSEURS ARDENNAIS", paru dans le bulletin Tome III, fasc. 10, de juin 1988.
"Je suis assez surpris de ne trouver dans cet articte, aucune mention des batteries de 6 pouces, tractées par des camions F. N. Ces deux batteries créées par les soldats en trop des forteresses de Namur ont été attachées en 1940 aux 1er et 2e ChA. Elles ont tirés sur l'Escaut et sur la Lys à Wanneghem Lede (Escaut) et West-Roosebeke (Lys). Les anciens du R.F.N., dont je suis, se souviendront de ces batailles."
2. Un autre lecteur conteste "LES 600 FRANCHIMONTOIS". (Courrier des lecteurs, bulletin Tome III, fasc. 10 de juin 1988 - en 1468, le sac de Liège par Charles le Téméraire).
"A la page 9, rubrique 1468, vous revenez de nouveau sur cette erreur historique : il n'y avait pas de Franchimontois la nuit du 29 au 30 octobre 1468. C'est absolument faux. Il y avait dans ce coup de main des Liégeois dont on ignore le nombre, et aucun de Franchimont. Il y a des preuves redoublées (...). Même le bourgmestre Piercot le savait déjà, puisqu'il a fait débaptiser la rue des 600 Franchimontois en rue des Franchimontois. Il est exact que les Franchimontois ont tendu d'énormes services à la ville de Liège. Ils avaient le droit de tonlieu, des places réservées aux Joyeuses Entrées des Princes, etc... Mais ce jour-là, ils n'étaient pas là. Pour me prouver que cette légende tenace était fausse, j'ai, avec Henri Guillemin, fouillé les archives des Ducs de Bourgogne, à Dijon, les relations de la marche sur Liège. AUCUNE ne parle de ce coup de main qui doit avoir été peu important. Tous racontent que, suite, à leur résistance, les habitants de Juprelle et de Lantin furent enfermés dans leur église en feu (genre Oradour-sur-Glane). Aucune histoire de Belgique n'en fait mention. Dans cette affaire, Ph. de Commines est seul : contre le légat du pape Onofrio, le. père abbé de Saint-Laurent, les victimes toutes liégeoises, la famille de Straihle et Charles le Téméraire qui n'exerça après coup aucune représaille à Franchimont, lorsqu'il poursuivit les Liégeois en fuite. Que l'on cesse, donc de parler des 600 Franchimontois..."
Le rédacteur du COURRIER, après avoir consulté, entre autres références, "La Principauté de Liège" de Jean Lejeune, Eug. Wahle éditeur, 1980, pages 116 et 117, mais ayant connaissance de la controverse, a eu la prudence de mettre les "600 Franchimontois" entre guillemets.
3. Question posée par un troisième lecteur.
Le dessin ci-dessous est celui d'une breloque (insigne de poche pectorale) des Cyclistes-Frontière. A quel moment cet insigne a-t-il été créé et quand l'a-t-on porté ?
4. Un autre lecteur nous suggère de consacrer quelques pages des prochains bulletins à "l'Historique des décorations prestigieuses" et nous adresse, pour commencer, un texte sur la Victoria Cross, célèbre décoration britannique. Ce texte sera publié prochainement.
5. Encore un autre lecteur ne nous a pas transmis la suite de son article "L'artillerie lourde allemande en action contre les forts de Liège en août 1914."
6. L'assassinat du Lieutenant GRAFF
A Liège, sur l'esplanade du Monument au Roi Albert, entre l'héliport et le pont Albert 1er, sur le mur faisant face à la statue équestre du Roi et à la Meuse, sont apposées côte à côte deux plaques commémoratives.
Celle de gauche est dédiée au Régiment de Forteresse de Liège et donne la liste des Forts et Unités qui, d'une part en 1914, sous les ordres du Général Leman, d'autre part en 1940, sous les ordres du Colonel Modard, assurèrent la défense de la Position Fortifiée de Liège.
Celle de droite représente une dame assise, la main droite posée sur un livre ou cahier et tenant un porte-plume, le menton appuyé sur la main gauche; lui font face deux enfants, un garçon et une fille, dans l'attitude manifestement attentive de deux élèves face au professeur.
Entre les personnages, a été gravée dans le bronze l'inscription : "LE LIEUTENANT GRAFF A ETE LACHEMENT ASSASSINE LE 22 MARS 1922 A HAMBORN, ALLEMAGNE OCCUPEE". La partie supérieure de la plaque porte l'inscription "N'OUBLIONS JAMAIS", de part et d'autre de la représentation du profil d'un militaire casqué.
Monsieur J. LEBEAU a consulté les journaux d'avril et mai 1922 où beaucoup d'articles ont été écrits au sujet de l'assassinat du lieutenant GRAFF. Voici comment il nous résume les faits :
"GRAFF est né le 12 décembre 1897. Il s'engage à 16 ans, fait campagne avec son père et ses deux frères. Ils sont tous quatre rentrés indemnes. Son père, Lieutenant-général, prend sa retraite et s'installe à Heusy où il avait tenu garnison.
"Le Lieutenant d'infanterie (depuis le 26 septembre 1918) GRAFF revient de Duisbourg à Walsum où son unité (le 14 Li) est stationnée. Entre Aldenrath et Marxlohe, la porte du tram dans lequel il est assis s’ouvre, une main passe par l'entrebaillement et trois détonnations éclatent. Le Lieutenant GRAFF est touché au côté. Les agresseurs sont trois; ils descendent du tram en marche. Le meurtrier, toujours armé, court à côté de la voiture et contre la vitre, tire encore deux coups sur le Lieutenant qui est tué d'une balle logée au bas de la nuque.
"On a supposé qu'il s'agissait de représailles de la S.I.P.O, (agence nationaliste) car, quelques jours auparavant, un policier allemand avait été abattu par un officier de la Sûreté militaire belge, et le Lieutenant GRAFF aurait eu une certaine ressemblance avec cet officier.
"L'assassin en fuite fut connu : ABICH Franz (Schups 2e Hunderschaft Hamborn) et déserteur depuis le 30 mars 1922.
"Cet attentat fit couler beaucoup d'encre à l'époque, on critiqua les militaires qui n'étaient pas armés en dehors du service. Le père écrivit au Premier Ministre. Le Conseil communal de Verviers refusa des subsides pour ériger un monument..."
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Le musée du souvenir "Ypres Salient 1914-1918"
Halle aux Draps (Lakenhalle), Grote Markt - 8900 YPRES Tél. 057 20 26 33
Le nom d'"YPRES SALIENT" signifie le "saillant d'Ypres" et désigne la "poche" d'environ 25 km sur 15 qui interrompit ici, de 1914 à 1918, le front presque rectiligne qui se prolongeait encore plus loin en France. Dans cette région, tout était en place pour un affrontement sanglant : l'artillerie lourde avait pris position sur les collines des Ardennes flamandes, les troupes allemandes d'élite étaient déterminées à réussir la percée vers la Manche, et les armées alliées tout aussi fermement décidées à leur barrer le passage à n'importe quel prix. Un prix épouvantablement élevé - chaque photo ou objet du musée en témoigne - tant pour les soldats que pour les habitants de la cité et de toute la région.
A l'entrée du musée, une carte didactique, parsemée de petites lampes de couleur, indique les lignes successives du front sur une trentaine de kilomètres. A première vue, c'est une carte ordinaire jusqu'à ce qu'on réalise que la distance entre ces points lumineux ne se mesure pas vraiment en kilomètres, mais plutôt en... vies humaines. Lors de la première bataille d'Ypres, durant les dernières semaines d'octobre 1914, les pertes britanniques, à elles seules se comptèrent par dizaines de milliers. Le deuxième affrontement, en mai 1915. fit dans le même camp tout autant de victimes. Et le carnage ne s'est pas arrêté là : pendant l'accalmie relative de 1915 et 1916, on s'attela à mettre en place toute une infrastructure de béton et d'acier pour l'avant-dernier acte, déclenché lors de l'automne boueux de 1917 (trois mois de pluie ininterrompue), où les Anglais payèrent de 270.000 morts, disparus ou blessés la reconquête d'un maigre territoire en direction de Passendaele.
Le musée émeut surtout par des témoignages muets, très simples : une boîte de nécessaire à coudre, un paquet de cigarettes, la carte postale sur laquelle un soldat écrit à sa mère que tout va bien. Et un peu plus loin, la requête éplorée, mais éconduite, de la mère aux autorités militaires demandant de pouvoir photographier la tombe de son fils. Ne s'oublieront pas non plus ces deux vitrines posées à 5 mètres l'une de l'autre : dans l'une, les pièces d'équipement exhumées de la tombe d'un soldat français; dans l'autre, celles provenant de la tombe d'un soldat allemand. La terre n'a fait aucune différence au moment de les accueillir et le temps a réduit leurs armes à deux amas de rouille fragiles, tout pareils. Une vitrine est consacrée au capitaine GUYNEMER qui, avec son avion, fut abattu en 1917 et dont le monument commémoratif est érigé à Poelkapelle, à 9 km au nord-est d'Ypres.
La campagne environnant Ypres n'est qu'une vaste nécropole : on y trouve plus de 170 cimetières militaires. Un itinéraire jalonné de panneaux hexagonaux "Route 14-18", partant d'Ypres, permet de découvrir les sites et cimetières militaires au nord-est de la ville, tel, par exemple, le TYNE COT MILITARY CEMETARY. Ce cimetière britannique situé au-delà de Zonnebeke est le plus important de la région. Autour de la haute "Croix du Sacrifice", s'alignent 11.856 stèles blanches se détachant sur une pelouse fleurie remarquablement entretenue. Sur le mur en hémicycle fermant le cimetière sont inscrits près de 35.000 noms de soldats disparus après le 16 août 1917.
Remarque : le musée n'est ouvert que d'avril à octobre, de 9 h 45 à 12 h et de 13 h 30 à 18 h.
Sources : CGER Magazine N° 42 de juin-août 1988 et Guide de tourisme Michelin "Vert" - Belgique et Grand-Duché de Luxembourg.
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André ALEXANDRE - Les Cyclistes frontières
10 mai 1940, PREMIERS A FAIRE FACE
Dans les années agitées de l'entre-deux-guerres, la politique internationale provoque de nombreuses inquiétudes dans les petits états neutres. Entre ses grands voisins soumis à d'implacables tensions internes et externes, la Belgique opte pour une position de neutralité renforcée, qui suppose une défense aussi autonome que possible.
Mais, dès 1933, les revendications successives de l'Allemagne d'Adolf Hitler, puis le réarmement allemand, supposent, pour ce type de défense, une forte couverture de la frontière est. Cependant, en dehors de l'aménagement des fortifications, la défense de la frontière est presqu'impossible à réaliser en permanence : il s'agit d'une tâche spécifique, que la courte présence sous les armes des miliciens ayant terminé leur instruction rend fort aléatoire.
Une solution, originale au vu de la structure de l'Armée Belge (1), est alors adoptée : l'engagement de deux mille deux cents volontaires destinés à assurer une garde permanente dans les abris bétonnés construits pour la défense des ponts et des axes routiers conduisant vers l'Allemagne.
(1) La structure de l'Armée Belge prévoyait seulement l'encadrement des miliciens en service actif par un cadre permanent de militaires de carrière, et non la constitution d'unités homogènes de volontaires.
Les recrues sont incorporées au sein de compagnies cyclistes, à Léopoldsburg, où leur instruction commence, le 15 mars 1934.
Une partie des volontaires vont former rapidement, au IIIème Corps d'Armée, des compagnies de cyclistes-frontière pour la protection des provinces de Limbourg et de Liège, puis du Luxembourg.
Ceci explique pourquoi les diverses unités sont aussitôt stationnées dans des garnisons proches de la frontière allemande : Visé, Henri-Chapelle, Hombourg, Eupen, Malmédy, Liège et Verviers. La garde du Canal Albert et des frontières du Limbourg, séparées de l'Allemagne par une mince bande de territoire néerlandais, est confiée en partie au bataillon cycliste-frontière de cette province, stationné à Lanaken, Maaseik et Kaulille. Les UCyFr (abréviation officielle) de la province de Luxembourg sont rattachées finalement aux Chasseurs Ardennais.
Il existe tout d'abord trois bataillons : celui de Visé, à deux compagnies, celui de Verviers, à quatre compagnies (Hombourg, Henri-Chapelle, Verviers, Malmédy), celui de Liège, à trois compagnies. Le 1er octobre 1937, les trois bataillons, jusque là indépendants, deviennent respectivement les IIIème, Iième et IVème bataillons du Régiment Cyclistes Frontière (RCyFr) dont l'Etat-Major et une compagnie se constituent à Liège, et dont le 1er bataillon est formé le 1er avril 1938, à deux compagnies : une nouvelle à Eupen, et celle de Malmédy, enlevée au IIème bataillon. Le régiment reçoit un fanion le 19 mai 1938, à Verviers, où l'on se souvient encore de la remise de l'emblème, par le roi Léopold III, au colonel B.E.M. Jacques, chef de corps.
Le 15 mars 1940, le Régiment se dédouble, formant ainsi, sous le commandement du colonel Tilot, le Deuxième Régiment de Cyclistes-Frontière lequel, faute de temps, ne recevra jamais son fanion.
Au matin du 10 mai 1940, les 1er et 2ème Régiments, plus le Bataillon du Limbourg, forment ce que l'on pourrait appeler une brigade. Vu leur mission spécifique, ils se trouvent logiquement parmi les premiers, avec d'autres unités d'avant-garde (gendarmerie, génie, ...) au contact de l'ennemi et participent, conformément aux instructions reçues, à la destruction d'une série d'ouvrages d'art. Les unités de CyFr font retraite à partir du 11 mai avec les autres troupes, selon les ordres de décrochage. Ils participeront notamment, avec un grand héroïsme, à un engagement majeur, sur le canal de Willebroek, pendant toute la journée du 17 mai. Les deux Régiments, réduits chacun à deux bataillons, y tiennent un large front, avec l'aide de détachements des Régiments Légers (formés par la Gendarmerie), puis du 2ème Chasseurs à Pied ainsi que des Britanniques.
C'est avec ces hommes que sont engagés pour la première fois les huit chars de l'Armée Belge, pudiquement camouflés sous le nom d'"autos blindées". A partir du 18 mai, c'est la retraite...
Les Cyclistes-Frontière ne disposaient pas d'une compagnie-école (à ne pas confondre avec la compagnie d'instruction), et la formation des sous-officiers était assurée par les Carabiniers Cyclistes. Mais la compagnie d'instruction, où les recrues passaient par les mains de leurs instructeurs avant d'entrer en unité, assimilée à un CRI, n'hésitera pas, sans armes antichars, à engager le combat contre des blindés allemands à Beauquesne (France), le 20 mai 1940. Elle y gagnera la Croix de Guerre française...
Lors de la réorganisation de l'armée, après la guerre, les Cyclistes-Frontière ne seront pas recréés; mais leurs traditions seront reprises par les 1er et 4ème Bataillons de Tanks Lourds, formés respectivement en 1951 et 1952.
Organisation
Sur le plan militaire, l'engagement de volontaires en unités constituées était une excellente mesure, qui entraînait quelques particularités. Les Cyclistes-Frontière se distinguaient des autres corps de l'infanterie par leurs missions particulières. Volontaires de carrière, ils étaient formés à une discipline très rigoureuse et à un esprit de corps renforcé par leur coiffure distinctive, le béret basque bleu de roi orné de la roue, qui leur était propre, à une époque où toute l'armée, Chasseurs Ardennais exceptés, portait le bonnet de police.
Leur engagement, d'une durée renouvelable de trois ans, était assorti de conditions sévères : il fallait avoir 18 ans accomplis et moins de 29 ans révolus, être célibataire, veuf ou divorcé sans enfant, et s'engager à le rester au moins pendant le premier terme de trois ans. En contrepartie, les cyclistes-frontière avaient l'avantage de servir dans leurs régions d'origine. Au début, les appointements étaient élevés, mais ils furent réduits, suite à des restrictions budgétaires.
Les tenues
D'une manière générale, la tenue des cyclistes-frontière s'écarte peu des tenues de l'infanterie. Seules les différences principales sont mentionnées ci-après.
LA CASQUETTE réglementaire est rarement portée; ses insignes distinctifs sont le passepoil bleu de roi, identique à celui de l'infanterie, et l'insigne du bandeau, la roue de vélo.
LE BERET : remplace le bonnet de police et, le plus souvent, la casquette; c'est la grande originalité du Corps. Il est du type basque de 10 pouces, de couleur bleu de roi, orné de la roue cycliste dorée pour les officiers, argentée pour les sous-officiers, bronzée pour la troupe. Il existe cependant des exceptions : par exemple, les aumôniers portent la croix latine, les officiers médecins portent le caducée avec guirlande et le personnel sanitaire, le caducée simple.
LE CASQUE D'ACIER : l'ensemble des cyclistes-frontière porte le casque M31. Cependant, les servants des T13 portent, selon les cas, l'un des deux modèles adaptés des casques de base M 15 et M31 pour les troupes blindées, selon l'exemple français. Dans les deux cas, la partie avant du rebord (visière) est supprimée et remplacée par un bandeau de cuir, ce qui oblige à raccourcir le cimier et à déplacer légèrement le lion. Théoriquement, seul le second modèle, introduit en 1935, aurait dû être utilisé, mais certains documents prouvent le port de l'ancien modèle. L'autre exception est le casque porté par les motocyclistes, et qui est du modèle introduit en 1938. Il s'agit d'un casque protecteur avec bombe et rebord (visière et couvre-nuque) de liège, peint en kaki. Le casque porte au front le traditionnel lion et est muni, comme les modèles civils, de protège-oreilles. Son poids est évidemment plus léger que celui du casque d'acier (plus ou moins 600 grammes).
BOTTINES ET JAMBIERES DE CUIR, BOTTES D'OFFICIER : en cuir brun ou noir selon les grades; une des tolérances envers les volontaires de carrière qu'étaient les cyclistes-frontière est le port, en tenue de sortie, de bottes de cuir noir en lieu et place des bottines avec jambières.
CAPOTE : du modèle prévu pour les cyclistes, à une rangée de boutons; deux poches de devant à ouverture horizontale et patte boutonnée, à la hauteur de la taille; martingale. La capote ne descend que jusqu'aux genoux. Les officiers portent le manteau en tenue de sortie, si le temps l'exige. Une autre tolérance accordée à la troupe est le port du manteau "type officier" en tenue de sortie.
TENUE D'EXERCICE : même coupe que la tenue normale, mais en toile de coton kaki clair.
VESTE DE CUIR, pour les motocyclistes : en cuir brun foncé, deux rangées de cinq boutons frappés au Lion Belgique; peut être portée col ouvert ou fermé; deux poches de poitrine appliquées avec un pli et patte de fermeture avec un bouton; deux poches de hanche avec patte sans bouton; pattes de col du Corps en principe portées; pas de patte d'épaule; système de dissimulation des grades.
PANTALON DE CUIR : coupe de la culotte, jambes fermées par des fermetures-éclair.
COMBINAISON DE TOILE : les équipages des T13 sont théoriquement vêtus, du moins pour l'exercice, de combinaisons de toile kaki d'une seule pièce, type salopette, fermée devant par des boutons, à col rabattu et à ceinture de toile.
INSIGNES :
1. Insignes de grade :
Au béret : les officiers supérieurs portent la barrette verticale de 7 x 35 mm, en métal doré, de part et d'autre de l'insigne central. Sur la veste de cuir : elle est censée porter les pattes de col identiques à la veste et donc, s'il y a lieu, les insignes de grade et de spécialité, de même que les insignes de grade des sous-officiers et de la troupe (aux manches).
2. Insignes de Corps :
a. de 1934 à 1937, les Compagnies Cyclistes, unités indépendantes, sont rattachées à des régiments d'activé dont elles portent les numéros sur les pattes d'épaule; par exemple, les compagnies de Visé et Liège, rattachées au 14ème de Ligne, portent à l'épaule le nombre 14 à la place de la roue cycliste; les compagnies de Henri-Chapelle, Hombourg et Verviers, rattachées au 1er Régiment de Ligne, portent le chiffre 1. Quant aux compagnies de Malmédy et d'Eupen, qui sont rattachées au 2ème Régiment de Carabiniers Cyclistes, elles portent les couleurs de cette unité, c'est-à-dire l'écusson vert à passepoil jonquille (passepoil jonquille à la casquette), la roue cycliste sur l'écusson, couronne et chiffre réglementaire à l'épaule. Pour toutes les autres unités, la patte de col est celle de l'infanterie, rouge vif à passepoil bleu de roi, avec la roue cycliste. Cette même roue, en tant qu'insigne de corps, est portée au centre du bandeau de la casquette et au béret. Contrairement aux Chasseurs Ardennais, les Cyclistes-Frontière ne portent pas de numéro au béret.
b. à partir de 1937, toutes les unités, désormais enrégimentées, portent les pattes de col rouges à passepoil bleu de roi, avec la roue cycliste; aux pattes d'épaule, la couronne royale surmontant la roue cycliste.
Quant au personnel médical, il porte les pattes de col du service de santé : velours amarante et caducée enguirlandé pour les médecins, écusson de tissu amarante bordé d'un passepoil bleu foncé pour les infirmiers et les brancardiers. Ce personnel porte la roue cycliste et la couronne sur les pattes d'épaule; de plus, tous les membres du service de santé portent le brassard médical, blanc à bords verts, avec croix rouge brodée, numéro d'immatriculation et cachet.
3. Insignes de manches :
Les exceptions suivantes concernent les Cyclistes-Frontière :
Facteur (vaguemestre) : losange de drap jaune de 60 x 40 mm, placé horizontalement sur la manche gauche, entre le coude et l'épaule.
Servant de T13 : au bras gauche, entre le coude et l'épaule, l'ancien insigne de béret du Régiment des Chars de Combat, supprimé en 1934 : heaume posé sur deux canons croisés. L'insigne est or, argent ou bronze selon les grades; pour la troupe, il est souvent combiné, sur un fond de tissus d'uniforme, avec le ou les galons d'ancienneté.
L'équipement
D'une manière générale, l'équipement des officiers, des sous-officiers et de la troupe est semblable à celui de l'infanterie. L'exception principale est constituée par le système des cartouchières, qui est du modèle Mills 1908 modifié 1930, non seulement pour les servants de F.M., mais pour l'ensemble des cyclistes. Cependant, deux cartouchières de cuir de plusieurs types furent utilisées pour les exercices; les équipements de toile étaient généralisés pour le harnachement des vélos.
Le harnachement du vélo
L'homme porte sur lui l'arme de poing s'il en est pourvu, sa pelle et sa baïonnette (dans un étui combiné); le reste de l'équipement personnel est porté sur le vélo. Le fusil Mauser 35 est placé en travers du vélo et maintenu par une boîte pour la crosse et une sangle de cuir sur plaque de tôle placée sur le cadre, pour le canon.
Deux besaces sont placées de part et d'autre du porte-bagage; sur ce dernier, une couverture, la capote roulée dans une toile de tente, le casque sanglé sur le tout. Le masque à gaz est attaché sur une des deux besaces, lesquelles contiennent la gourde et tout le reste de l'équipement, qui approche les 40 kilos avec le vélo.
Le matériel roulant
Ce sujet a été développé dans les articles des bulletins précédents consacrés aux Carabiniers Cyclistes et aux Chasseurs Ardennais. Nous y revenons cependant afin d'être complet, tous nos lecteurs n'ayant pas sous la main les bulletins dont il est question.
Les vélos
Les vélos sont de lourds engins, fabriqués spécialement pour l'armée par deux firmes : Bury et Van Howard; ils pèsent 17 kilos et ont un développement de 4,20 m. Les pneus sont de type ballon et sont prévus pour rouler aussi bien sur des routes macadamisées que sur des chemins de terre. Les garde-boue sont très larges et enveloppent très bien les roues, afin d'éviter la formation d'amas de boue.
Le guidon est droit et muni de poignées en caoutchouc et d'une sonnette.
Les poignées de frein sont à tringle, de type anglais. Sur la fourche, se trouve un support qui permet de fixer une lampe à acétylène; sur la branche gauche de la fourche, un boulon et un écrou servent à fixer une plaque militaire, quand le service l'exige. Certains vélos sont munis d'une douille pour placer un fanion; d'autres vélos sont munis d'un porte-bagages à l'avant, pour y placer une bobine de fil téléphonique. Ces vélos sont utilisés par les troupes de transmission.
A l'avant du cadre, une plaque de cuir rectangulaire percée par deux rivets qui y fixent une lanière de cuir, permet d'attacher le fusil. Sur la partie arrière du cadre, une boîte de bois ou de tôle permet de loger la crosse du fusil.
La selle possède de gros ressorts, qui assurent la suspension en terrain très accidenté.
Le porte-bagages est très large et possède des moulures sur sa surface, afin d'éviter que l'équipement ne glisse; sur les côtés, des encoches permettent de passer les sangles de maintien.
Sur le garde-boue arrière sont inscrits le numéro de la compagnie et les renseignements tactiques.
Les motos
Construites pour l'armée, elles sont de différents types et -marques : Solos (FN, Gillet et Saroléa); sidecars de 600 cm³ (FN) et de 1000 cm³ (FN, Gillet et Saroléa), tricars FN de 1000 cm³.
Les camions sont réquisitionnés, ou de types FN et GMC.
Les T13 type III sont des véhicules chenilles, sur châssis Vickers Carden-Lloyd, armés d'un canon de 4,7 cm FRC et d'un F.M. 30. Le 4,7 est monté en semi-tourelle à révolution totale; l'équipage est composé de trois hommes. Le poids est de 5 tonnes, la longueur de 3,65 m, la largeur de 1,87 m, et le blindage a 9 mm. Moteur Vickers 6 cylindres; vitesse sur route 40 km/h; rapport de 5 vitesses.
L'armement
L'armement des Cyclistes-Frontière, T13 excepté, est celui de l'infanterie belge.
Organisation-type d'un régiment
Nous donnons ci-dessous l'organigramme-type d'un régiment de Cyclistes-Frontière, étant bien entendu qu'en pratique, certaines compagnies furent organisées selon des cadres assez différents et bénéficiaient notamment d'un nombre de chefs de peloton supérieur à la moyenne.
RCyFr
Etat-Major : avec notamment le Chef de Corps (colonel), l'adjudant-major, l'officier porte-fanion, l'officier de matériel, le médecin, l'officier-trésorier.
Trois bataillons, comprenant chacun :
- Un Etat-major, avec notamment : un major commandant le bataillon, un officier adjoint, un officier de matériel, un aumônier, un médecin, un officier payeur.
- Deux compagnies, comprenant chacune : un commandant de compagnie, 4 officiers, un sous-officier comptable, 4 trompettes, un service de transmission, du personnel d'observation, un mécanicien à moto, un armurier, 4 moto-cyclistes, 5 chauffeurs de tricars, 5 chauffeurs de camions.
Les véhicules comprennent 5 tricars (dont un de réserve), un camion technique, 2 camions légers, un camion à vivres, un camion à bagages, 4 motos solo, une moto sidecar, 204 vélos.
L'armement d'une compagnie est constitué de 4 mitrailleuses, 12 fusils mitrailleurs, 6 pistolets mitrailleurs, 9 lance-grenades, 171 fusils, 26 pistolets.
La compagnie comprend trois pelotons de fusiliers (46 hommes au lieu des 65 hommes d'un peloton d'infanterie) et un peloton de mitrailleurs.
Le peloton de fusiliers est à deux groupes de combat (15 hommes et 3 armes automatiques : 2 F.M. et 1 P.M.) avec deux sous-officiers chacun, dont l'un est chef de groupe et l'autre chef d'équipe des 2 F.M.
Le troisième groupe de chaque peloton de fusiliers est un groupe de trois lance-grenades DBT.
Le peloton de mitrailleurs comprend deux sections de deux mitrailleuses.
Dans le régiment, la 7ème compagnie de mitrailleurs comprend 12 mitrailleuses lourdes transportées sur side-cars.
La 8ème compagnie comprend 12 T13, véhicules blindés à chenilles portant chacun un canon de 4,7 et un F.M.
Toutes les photos qui illustrent le présent article et qui sont reproduites ci-après font partie des collections de Monsieur André Alexandre.
Création du RcyFr – Remise du drapeau par le Roi à Verviers en mai 1938
Une prise d’armes en 1939. – Le fanion est fixé sur un vélo. – A l’arrière-plan, à gauche, un détachement de Carabiniers Cyclistes reconnaissables aux casques
Différentes tenues des CyFr aparaissent sur la photo, entre autres la veste de cuir du motocycliste
Une équipe de servants de la mitrailleuse Maxim – A remarquer le combiné porte-pelle – porte-baïonnette
Les Cyclistes-Frontière arrivant en 1934 de Bourg Léopold (où ils furent formés) à Visé, leur première garnison
A l’arrière-plan de la photo , deux T13
Les trois dernières photos ci-dessus montrent bien la tenue du CyFr et le harnachement de son vélo avec la fixation du fusil, le sanglage du porte-bagages arrière, le porte-bobine pour les T.S. A remarquer, le pantalon cavalier, les guêtres en cuir, la baïonnette longue portée au ceinturon et la tenue de toil
Un caporal candidat sergent des UcyFr – Il porte la vareuse Mod 28 – Sur la patte d’épaule, le chiffre 2 et la couronne indiquent que sa compagnie est rattachée au 2ème Régiment de Carabiniers Cyclistes – Sur la manche, le lion argenté indique qu’il est candidat sous-officier – les canons croisés indiquent qu’il sert dans les canons de 4,7 – la grenade est l’insigne de l’artillerie de tranchée (mortiers de 7,6)
Le poste d’alerte de Rocherath (Losheimergraben, à la frontière)
Une chambrée de la caserne de Visé
La caserne de Henri-Chapelle, en hiver – La sentinelle et son brasero
Pendant la mobilisation – Deux officiers des CyFr, à Jupille (au pied de la rue de la Forêt, vers La Xhavée) – La flèche inférieure indique la direction de Liège en passant par la brasserie Piedboeuf, l’autre, en suivant la Meuse – A remarquer les barrières Cointet prêtes à être placées
Sur cette photo-ci, prise un peu plus haut que la précédente, vers les Houlpaix, on retrouve le poteau indicateur ainsi qu’un panneau pour l’Exposition de Liège 1939
Les CyFr plaçant des obstacles à flanc de coteau aux Houlpaix – A droite de la photo, se devine le panneau Exposition Liège 1939, tandis qu’à l’arrière-plan, à gauche, a été renforcée la silhouette du fortin qui se trouvait au bord de la Meuse, à l‘endroit appelé à l’époque le pont Bonfond (fortin et pont détruits lors de la construction de l’autoroute)
Aux Houlpaix, à Jupille, des CyFr et leurs chiens de liaison
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Alain LECOMTE - Les fortifications SERE DE RIVIERE et leur modernisation (1873-1914)
1. GENERALITES.
Les armées françaises, vaincues par les forces prussiennes durant la guerre de 1870, durent capituler, et une des clauses du traité de Francfort, (10 mai 1871) fut l'annexion de l'Alsace et d'une grande partie de la Lorraine à l'Empire Allemand.
Immédiatement, les nouveaux occupants commencèrent à fortifier METZ, STRASBOURG, puis THIONVILLE. Le but des ouvrages édifiés n'était pas seulement de compliquer la tâche d'une éventuelle entreprise française de reconquête, mais aussi d'établir une solide base pour assurer le débouché et le ravitaillement d'une nouvelle action offensive possible contre la France.
La menace était donc là, et la nouvelle frontière qui avait été imposée à la France était difficile à défendre :
- Absence d'obstacles naturels (rivières, montagnes);
- Absence de fortifications (la place de METZ, où 4 forts avaient été construits juste avant 1870, était à présent aux mains des Allemands).
- Effectifs squelettiques pouvant être opposés à une éventuelle armée allemande d'invasion.
- Les fortifications bastionnées gardant les autres frontières étaient périmées; la neutralité belge pouvait être violée,
- L'Italie pouvait conclure un pacte militaire avec l'Allemagne.
Il était donc urgent d'édifier des obstacles fortifiés le long de la frontière Nord'Est de la France, mais aussi au Nord (frontière belge) et au Sud-Est (frontière italienne).
Les derniers soldats allemands d'occupation quittèrent le sol français en septembre 1873, mais depuis 2 ans déjà, des études détaillées avaient été entreprises sous la direction du général SERE DE RIVIERE (souvent orthographié "de RIVIERES").
Né en 1815, il avait été influencé par les écrits de ROGNAT et de MAUREILHAN. Avant la guerre de 1870. il avait déjà fait construire quelques forts à NICE, METZ, et BELFORT. Il devint secrétaire du "COMITE DE DEFENSE" en 1872.
2. LE PROJET ORIGINAL
2.1. FRONTIERE ALLEMANDE.
Conçu dès novembre 1871, et pleinement débattu en novembre 1873, le projet original proposait des forts détachés utilisés de 3 manières possibles :
- CAMPS RETRANCHES: Ce sont les points forts du système; ils consistent en la fortification d'une ville de moyenne importance, par construction d'une ceinture de forts, située à quelques Km à la périphérie. Ces camps retranchés sont autonomes (munitions, nourriture, eau, etc...) et peuvent soutenir un siège de plusieurs mois. Les forts sont situés à distance suffisante pour mettre la ville à l'abri d'un bombardement, considérant la portée de l'artillerie rayée moderne.
Ces camps peuvent également servir de base logistique à l'armée de campagne, lors d'une contre attaque de flanc contre un envahisseur.
Sur la frontière Nord-Est, les camps retranchés sont: VERDUN, TOUL, EPINAL, BELFORT, avec comme bases arrières: LANGRES, DIJON, et BESANÇON.
- RIDEAUX DEFENSIFS. Ce sont des lignes de forts joignant deux camps retranchés, distants d'une cinquantaine de Km. Chaque fort est situé de 5 à 10 Km de son voisin. Ces "rideaux" sont construits autant que possible sur les faibles obstacles naturels existants, qu'ils renforcent. Par exemple, en région montagneuse, il s'agit d'interdire les passages obligés, de manière à assurer l'imperméabilité du "rideau".
Entre VERDUN et TOUL, le rideau défensif suit une ligne naturelle de collines : les "côtes de MEUSE".
Entre EPINAL et BELFORT, le rideau renforce une ligne de crêtes des VOSGES : il est connu sous le nom de rideau de HAUTE MOSELLE.
Un troisième rideau avait été proposé entre DIJON et CHAGNY, avec une position arrière à AUTUN, l'ensemble devant constituer la zone fortifiée du MORVAN (non réalisée).
- FORTS D'ARRET. Ils sont destinés à bloquer, pour une durée limitée, des points de passage importants (routes ou lignes de chemin de fer). Par exemple, MANONVILLERS avait mission d'interdire la voie ferrée SAVERNE - PARIS.
2.2. : FRONTIERE BELGE.
Le projet initial, publié en avril 1876, proposait un rideau défensif entre les deux camps retranchés de VALENCIENNE et MAUBEUGE, complété par une position défensive à DUNKERQUE. Plusieurs forts d'arrêt contrôlaient la forêt des Ardennes (forts d'HIRSON, CHARLEMONT, LES AYELLES, MONTMEDY, LONGWY).
En fait, deux seulement étaient des forts nouveaux, les trois autres étant de vieilles places bastionnées, plus ou moins améliorées.
Une seconde ligne était prévue à PERONNE, LA FERE, LAON, REIMS, comme dernier verrou avant la capitale.
En définitive, VALENCIENNE reçut un début d'exécution (3 forts) mais fut remplacée par LILLE, en tant que camp retranché.
LA FERE, REIMS et DUNKERQUE ne furent pas terminés non plus.
Quant à PERONNE, les travaux ne furent même pas commencés.
2.3. FRONTIERE SUISSE.
Située en zone montagneuse, (JURA) cette frontière facile à défendre, ne fut créditée que de quelques forts, dans le projet publié en avril 1877 : les forts du LOMONT, SAINT ANTOINE, RISOUX Des forts plus anciens étaient encore valables, car la fortification vieillit moins vite en zone montagneuse : forts des ROUSSES, de JOUX, de L'ECLUSE, du LARMONT.
2.4. FRONTIERE ITALIENNE.
Dans cette région également montagneuse (ALPES), des camps retranchés avaient été prévus à ALBERTVILLE, CHAMOUSSET, BRIANÇON, et NICE, renforcés par des positions arrières à LYON, GRENOBLE, et TOULON.
Des forts d'arrêt devaient bloquer des passages obligés; certains consisteront en des forts nouveaux (OLIVE, BARNONNET...), alors que d'autres utiliseront des forts anciens (SAINT VINCENT, TOURNOUX, MONT-DAUPHIN...).
2.5. FRONTIERE ESPAGNOLE.
Quelques forts suffiront à imperméabiliser l'excellente barrière naturelle que constituent les PYRENEES : fort du SERRANT D'ENVAQUER (Perpignan) et fort BEAR ( Port-Vendre) sont des forts nouveaux. Les forts anciens sont réutilisés là aussi: MONT-LOUIS, PORTALET, BAYONNE...).
2.6. PARIS.
La capitale disposait toujours de sa ceinture de forts détachés construits par DODE DE LA BRUNERIE en 1842. Ces forts bastionnés, situés trop près de la ville, et dotés en outre de vastes cours non protégées, deviennent des proies faciles pour l'artillerie rayée prussienne, durant le siège de 1871. Il aurait été trop coûteux d'établir une nouvelle ceinture complète de forts polygonaux, situés à une distance suffisante de la ville; le choix fut donc fait de construire seulement 3 rideaux défensifs, les forts extrêmes de chaque rideau étant de grands forts, dotés d'artillerie sous tourelle Mougin. Les intervalles entre ces trois rideaux devaient être tenus par l'armée de campagne.
Ces trois rideaux sont :
- SAINT CYR - PALAISEAU.
- VILLENEUVE - VAUJOURS.
- STAIN - MONTLIGNON.
et sont complétés par trois forts séparés : CORNEILLE, MARLY, VERRIERE.
3. CONCEPTION DES FORTS.
Les forts SERE DE RIVIERE sont essentiellement de grandes batteries, pour 20 ou 30 canons tirant à partir d'emplacements à ciel ouvert. Les forts à "batterie haute" ont leur artillerie juchée sur un cavalier central, ce dernier abritant souvent la caserne principale. Ces forts, coûteux, furent la plupart du temps remplacés à partir de 1877, par des forts à batterie basse, ou les banquettes d'artillerie sont situées à la périphérie du fort, au niveau du sommet du glacis.
A cette époque, l'artillerie tirait seulement sur des objectifs directement visibles; dès que le terrain environnant le fort présentait trop d'angles morts, ceux-ci étaient battus par des batteries construites au voisinage. Certains forts ont jusque 8 batteries annexes; l'ouvrage principal prend alors le nom de "réduit" (réduit de VERRIERE, du TROU D'ENFER, de LUCEY).
Tous les ouvrages sont construits en maçonnerie. Les pierres sont extraites et taillées localement de manière à réduire les coûts. Il sera souvent fait appel à la main d'oeuvre pénitentiaire . Dans le nord de la France, la pierre fut remplacée par la brique.
3.1. DEFENSE RAPPROCHEE.
Ces forts utilisent le système polygonal simplifié, abandonnant le tracé bastionné, ainsi que l'avait proposé MONTALEMBERT un siècle plus tôt.
Le fossé, à escarpe et contrescarpe revêtues, est profond (6m) et étroit (8m) afin d'éviter la destruction par obus. La traversée du fossé est interdite par des caponnières basses dont l'armement est, par fossé à battre :
- Un canon revolver HOTCHKISS, ancêtre de la mitrailleuse, consistant en 5 canons de 40 mm montés en barillet, actionné par une manivelle. Chaque canon a un pas de rayures spécifique, l'ensemble fournissant une dispersion suffisante des projectiles pour battre la largeur totale du fossé sans déplacer l'arme, et donc sans viser, facteur de vitesse appréciable lors d'une attaque d'infanterie.
- Un canon de 12 "culasse", résultat de la récupération d'un ancien tube de bronze, coulé vers 1858, et modifié pour permettre un chargement par la culasse. Le but de cette arme est la destruction des moyens de franchissement qui pourraient être mis en place par l'assaillant pour neutraliser le fossé.
L'intérêt de ce canon est que sa faible puissance permet de tirer dans l'axe du fossé sans endommager son revêtement de pierre.
Il est intéressant de remarquer qu'à la même époque, BRIALMONT utilisait une seule et même arme pour accomplir les deux tâches : le canon de 57 à tir rapide, utilisant des boites à balles contre l'infanterie ou des obus explosifs contre les moyens de franchissement.
L'accès principal du fort est protégé par un pont, le plus souvent à effacement latéral ou longitudinal, surveillé par meurtrières et créneaux de pied.
Une caponnière couvre souvent le front de gorge, sauf à Paris, ou le tracé pseudo-bastionné a été utilisé pour ce front.
3.2. ARTILLERIE.
Raison d'être principale des forts avant 1885, l'artillerie consiste en canons de 155, 138, ou 120 mm, établis sur des emplacements à ciel ouvert séparés par des abris maçonnés appelés "TRAVERSES-ABRIS".
Le canon le plus puissant est le 155 long, système "DE BANGE", modèle 1877, tirant un obus de 40 Kg avec une portée de 1OKm.
Un grand fort avait 60 canons de gros calibre, chacun doté d'un approvisionnement de 800 coups. L'ensemble représente environ 300 tonnes de poudre à stocker au sec dans les deux ou trois grandes poudrières du fort. Il s'agissait bien sûr à l'époque, uniquement de poudre noire.
Les forts des camps retranchés, et ceux des rideaux défensifs, fournissaient des feux frontaux et latéraux, alors que les forts d'arrêt, suceptibles d'être encerclés, pouvaient tirer de tous cotés (il n'y avait pas de front de gorge dans ces forts).
3.3. CASEMATES ET TOURELLES CUIRASSEES.
Dès 1874, apparurent les premières réalisations destinées à protéger les canons au moyen de casemates cuirassées; deux modèles furent construits :
- Une grande casemate pour canon de 155 long, dont le blindage était fait de fonte dure. Dix exemplaires furent installés.
- Une casemate plus petite et moins protégée, armée d'un 138 mm
Quatre exemplaires furent installés en zone montagneuse.
Deux ans après, suite aux réalisations de BRIALMONT (1862) et de SCHUMANN (1870), la première tourelle tournante française fut réalisée; proposée par MOUGIN en 1876, son blindage de fonte dure protégeait 2 canons de 155 longs "DE BANGE". 25 exemplaires furent construits, la plupart par CHATILLON-COMMENTRY, certains par SCHNEIDER-LE CREUSOT.
3.4. CASERNES ET MAGASINS.
Les voûtes et piédroits sont en pierre, et ont une épaisseur de 1,4 m. Les casernes et magasins voient leur voûte recouverte d'un "merlon" de terre rapportée, donnant une protection verticale de 7 mètres au dessus de la pierre. Ceci donne souvent l'impression (fausse) que le fort a été excavé, et construit en souterrain.
Les grands forts ont plusieurs casernes, l'ensemble pouvant abriter jusqu'à 1.200 soldats. Deux petites casernes sont réservées aux officiers et aux sous-officiers. Une infirmerie pouvait abriter une centaine de malades ou de blessés.
Plusieurs magasins et poudrières fournissent une surface de stockage de 1.000 mètres carrés pour les vivres et 500 pour les munitions. L'eau était fournie par un ou plusieurs puits, et plusieurs citernes recueillaient l'eau de ruissellement à la face supérieure des voûtes. Tous les forts sont pourvus d'un four à pain réalisé en briques réfractaires.
3.5. TELECOMMUNICATIONS.
Les lignes téléphoniques étant fragiles, et l'usage des pigeons voyageurs aléatoire, une pièce spéciale abritait un poste optique. La communication entre ouvrages fortifiés était ainsi assurée en utilisant soit la lumière solaire captée par un jeu de miroirs, soit une flamme oxy-acétylénique la nuit ou par mauvais temps.
4. AVANCEMENT DES TRAVAUX EN 1885.
La période 1873 - 1885 vit l'érection de 166 forts, 43 ouvrages et 250 batteries, construits selon la conception originale de Séré de Rivière. Cette réalisation s'étend de Dunkerque à Nice (voir carte) et autour de Paris.
A cause de médiocres raisons politiques, Séré de Rivière fut déchargé de ses fonctions en janvier 1880, mais les constructions continuèrent selon son projet.
Cependant, le règne de la poudre noire arrivait à terme; dès 1886, l'apparition des obus à explosif brisant (mélinite) marquait la fin des fortifications maçonnées et de l'artillerie non défilée. Du jour au lendemain, les fortifications Séré de Rivière, dont le ciment achevait juste de sécher, devenaient périmées.
5. MODERNISATIONS REALISEES DE 1886 A 1914.
L'artillerie, concentrée dans les forts, fut enlevée et installée dans des batteries d'intervalle.
Les forts, généralement construits sur des points hauts, devinrent des positions d'infanterie abritant des observatoires. La maçonnerie, incapable d'encaisser le choc des obus torpilles, dût être recouverte d'une couche de 2,5 mètres de béton non armé.
Entre les voûtes originales et le béton, une couche de sable interstitiel de 1 m. environ fut étalée après avoir dégagé les terres. L'avenir enseignera que cette couche de sable s'avérera particulièrement néfaste sous les bombardements de gros calibre (420 mm) : les vibrations de la couche bétonnée, peu endommagée par elle-même, étaient transmises aux voûtes originales de maçonnerie, qui s'effondrèrent souvent sur les défenseurs abrités dans leurs casernes de guerre.
A partir de 1897, seul le béton armé fut utilisé, ce qui permit un relief moindre, et une résistance supérieure, des forts modernes. Pour les besoins de la défense rapprochée et de la défense des intervalles, quelques canons subsistaient dans les forts, protégés dans des tourelles à éclipse conçues pour deux canons de 57 mm NORDENFELD, vite remplacés par des tubes de 75 mm. Dans quelques rares cas, des canons de 155 mm furent également installés dans des tourelles à éclipse, ou bien par paire jumelée (tourelles pour canons longs) ou à l'unité (canons raccourcis).
Des tourelles à éclipse, peu blindées, furent également conçues pour une mitrailleuse GATLING (bientôt remplacée par un jumelage HOTCHKISS). Une tourelle équipée d'un projecteur SAUTER-HARLE de 90 mm fut également fabriquée à 5 exemplaires; cette tourelle émergeait de 2 mètres au dessus du béton, en position de batterie.
Un observatoire BUSSIERE à éclipse fut également expérimenté. Peu avant la guerre, et sous l'influence des conceptions allemandes (FESTEN), les forts commencèrent à être inclus dans des "centres de résistance" beaucoup plus vastes, équipés de tourelles tournantes (non à éclipse) pour un canon court de 155 mm, installé à contre-pente.
Une casemate bétonnée, dite "casemate de BOURGES" fut conçue en 1899 pour assurer la défense des intervalles; équipée à l'origine de tubes de 95 mm, elle fut rapidement armée du tube de 75 à long recul.
Les deux chambres de tir étaient complétées par un observatoire sous béton. Une seule casemate d'action frontale fut réalisée, au fort du JANUS (Alpes), pour 4 canons de 95 mm. L'observation se faisait à la jumelle, sous la protection des petites cloches "DIGOIN", blindées à 25 mm d'acier. En 1916, des cloches "PAMARD" furent réalisées pour abriter des mitrailleuses. Le fossé lui-même fut transformé : l'escarpe de pierre fut supprimée et remplacée par une forte pente en terre gazonnée susceptible d'absorber l'énergie libérée par les obus à la mélinite. Au pied de l'escarpe, et au sommet de la contrescarpe (à présent bétonnée) de fortes grilles pouvaient arrêter l'infanterie, tout en résistant assez bien aux bombardements. Le fond du fossé était recouvert de barbelés. Les caponnières d'escarpe, trop vulnérables, migrèrent de l'autre côté du fossé, et devinrent des coffres de contrescarpe. Leur armement (canon-revolver et canon de 12 culasse) fut conservé, mais il lui fut adjoint un projecteur à acétylène. Les modernisations étaient très coûteuses et seulement 1/3 des forts SERE DE RIVIERE furent renforcés, principalement à VERDUN, TOUL et BELFORT. D'autres forts reçurent des améliorations partielles, mais beaucoup furent laissés en l'état. Peu de temps avant le guerre, quelques forts furent équipés de groupes électrogènes, fournissant l'éclairage, la ventilation, et l'alimentation des monte-charges.
6. L'EPREUVE DU FEU.
Le premier résultat des fortifications françaises fut l'obligation faite au Kaiser de violer la neutralité belge, l'attaque de front sur la zone VERDUN - BELFORT ne pouvant pas donner de percée rapide. Ceci induisit l'entrée en guerre de l'Angleterre au côté de ses alliés. Sous un déluge d'obus (17.000 coups), un fort isolé comme MANONVILLERS dut capituler au bout de quelques jours, en dépit de toutes les modernisations apportées à ce vieux fort. Par contre un fort comme TROYON, resté à l'état originel, résista, car l'encerclement put être évité. En fait la garnison de MANONVILLERS dut se rendre, non pas tant à cause de la destruction du fort, qu'à cause de l'action des gaz délétères produits par l'explosion de tous les obus. Il était prévu que les coupoles MOUGIN ne résistent pas, mais la carence des tourelles GALOPIN à deux canons de 155 fut une surprise (en particulier faiblesse au niveau de la collerette bétonnée, et de l'avant-cuirasse). L'absence de pièces de repos suffisamment enterrées ne permit pas à la garnison de trouver un minimum de repos. Le fait que l'entrée du fort soit située dans la zone de feu, interdisait l'évacuation des blessés, et l'entrée de renforts, de munitions, et de provisions. Des citernes d'eau se fendillèrent, assoiffant les assiégés.
Des améliorations d'urgence, dictées par les circonstances, furent ainsi réalisées durant la guerre, en particulier à VERDUN en 1916 (galeries de mine sous le fort, créneaux de mitrailleuses et entrées éloignées, ventilation, sas anti-gaz, etc...) Le fort le plus bombardé par les 420 mm fut MOULAINVILLE qui reçut 339 obus chargés chacun de 106 kg de tolite (comparé à WAVRE Ste CATHERINE qui reçut, lui, 171 obus de même modèle). MOULAINVILLE ne fut pas pris car, non encerclé, il pouvait être évacué puis réoccupé par les Français, dès la fin des bombardements.
7. CONCLUSIONS.
Avec le recul du temps, il est acquis que les fortifications SERE de RIVIERE modernisées ont largement rempli leur tâche, en dépit d'un renforcement très incomplet, et d'une défaveur de l'état-major au début de la guerre : en effet, ce dernier fut effrayé par la faible résistance des forts BRIALMONT, et des places du nord de la France, en particulier MAUBEUGE; il fut prescrit d'évacuer les forts, et de préparer leur sabordage; les casemates de BOURGES furent même désarmées partiellement. Heureusement, la bonne tenue au feu des forts de VERDUN, mieux modernisés, inversera la tendance. Même périmés, même partiellement désarmés, les forts SERE de RIVIERE contribuèrent largement à la victoire, et la réponse à la question du colonel ROCOLLE (le béton paye-t-il ?) est que ce fut un excellent investissement pour le contribuable français.
Les enseignements du conflit 1914 - 1918, seront par ailleurs largement utilisés après guerre quand la 3ème République, après avoir réalisé les fortifications SERE de RIVIERE, entreprit la réalisation d'une oeuvre d'ampleur analogue : La Ligne Maginot.
CASERNEMENTS DES FORTS SERE DE RIVIERE NON MODERNISES
Fort de MARLY (non modernisé) vu d'avion
A gauche, la poterne d'entrée - Au centre, la caserne - A droite, la crête basse d'artillerie
Modernisations : la caserne maçonnée d'origine (à droite) est doublée par une couche de béton non armé (à gauche)
Poste optique : l'orifice supérieur captait les rayons solaires (miroirs) qui étaient renvoyés (modulés en morse) vers le fort voisin (galerie de droite)
DEFENSES DES FOSSES DANS LES FORTS NON MODERNISES
Grosse caponnière. L'embrassure du canon de 12-culasse est à gauche. Au centre de la photo, un orillon, doté de créneaux horizontaux, de créneaux de pied, et d'une échauguette, protège les embrassures de la caponnière
Petite caponnière
Canon-révolver
ARMEMENT CUIRASSE D'ORIGINE DES FORTS NON MODERNISES
Casemate en fer laminé pour canon de 138
Casemate en fer laminé pour canon de 155L
Tourelle MOUGIN en fonte dure (2 x 155L)
L'ARTILLERIE CUIRASSEE AJOUTEE LORS DES MODERNISATIONS
Tourelle GALOPIN modèle 1894 ( 2 x 155 L)
Tourelle MOUGIN modèle 1907 (1 x 155 raccourci)
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VISITE DE LA VILLE DU QUESNOY. André PIRMEZ
Le samedi 9 avril 1988 était organisée une visite guidée des fortifications de la ville du Quesnoy (France, département du Nord, à 17 kilomètres au Sud-Est de Valenciennes) au profit du C.L.H.A.M. et de la Société Royale d'Histoire et d'Archéologie de Tournai. Une trentaine de membres des deux sociétés y participèrent sous la conduite éclairée de Monsieur André Honorez du Cercle Historique Quercitain.
Après les présentations d'usage, le guide amena les visiteurs au siège du Cercle où il exposa avec brio l'évolution au cours des temps de la fortification du Quesnoy, en s'aidant d'une très belle maquette à l'échelle, fruit d'un travail patient et minutieux dirigé par Monsieur Bernard Debrabant, président du Cercle.
Aux yeux de l'amateur d'archéologie militaire, Le Quesnoy possède le rare avantage d'avoir conservé pratiquement intact l'ensemble de son système de défense tel qu'il apparaissait à la fin du siècle dernier. Le déclassement de la ville en tant que place de guerre en 1867, puis comme fort d'arrêt en 1901, n'a pas été suivi de son démantèlement, contrairement à la plupart des anciennes places fortifiées de France et surtout de Belgique.
Dès sa fondation par le comte de Hainaut au XIIe siècle, la ville se trouva déjà entourée de l'enceinte classique de l'époque : un mur flanqué de tours et unfossé.
Au XVIe siècle, lorsqu'elle passa sous la domination espagnole, sa position géographique proche de la frontière avec la France lui conféra un rôle stratégique dont l'importance n'échappa pas à Charles Quint. L'empereur fit renforcer et surtout moderniser les défenses du Quesnoy par la construction de remparts et de bastions. Au siècle suivant, il ajouta vers l'extérieur des ouvrages en terre destinés à mettre la ville à l'abri de l'artillerie.
C'est dans cet état que Turenne trouva la place du Quesnoy lorsqu'il s'en empara sans coup férir, le 6 septembre 1654, au profit de Louis XIV. La paix des Pyrénées, en 1659, en fit une ville française.
Quelques années plus tard, le tandem Louvois-Vauban se mit à l'oeuvre pour mettre les fortifications du Quesnoy au goût du jour. Vauban, au début de sa carrière de bâtisseur, s'inspira déjà ici du principe directeur dont il ne se départira jamais dans la suite : utiliser en les améliorant les constructions existantes tout en exploitant au mieux les ressources du terrain.
En six années, de 1668 à 1673, il fit agrandir trois anciens bastions espagnols dont il garda les orillons et les flancs concaves (les bastions Impérial, Soyer et César) et en construisit quatre nouveaux selon son tracé rectiligne habituel (les bastions Royal, Saint-Martin, du Gard et du Shâteau). Seul le bastion Vert ou Forest fut gardé intact, du moins jusqu'au XVIIIe siècle. La place du Quesnoy acquit ainsi la forme d'un vaste octogone irrégulier d'environ 3.500 mètres de périmètre, flanqué de huit bastions que l'on peut toujours admirer aujourd'hui. Admirer est en effet le terme qui convient quand on songe à la maîtrise de leur art qu'il fallut aux maçons de l'époque pour combiner et ajuster entre eux l'arrondi des orillons, la concavité des flancs et le fruit de la muraille.
Les dehors aussi furent modernisés. Nous remarquons une tenaille bien conservée, la seule construite au Quesnoy, entre les bastions du Gard et Saint-Martin, qui protégeait la poterne et les moulins à eau que Vauban aménagea à cet endroit. De là, nous nous dirigeons vers la tour moyenâgeuse de Bauduin l'Edifieur, l'un des plus anciens ouvrages de la place. Située aujourd'hui au saillant de la demi-lune des Suisses, elle renferme une salle souterraine capable d'abriter une cinquantaine d'hommes. Dans le fossé redessiné de façon géométrique, une série de batardeaux munis d'éclusettes permirent d'en contrôler l'inondation grâce à l'apport d'eau provenant de deux étangs situés au faubourg de Fauroeulx, eux-mêmes alimentés à partir de la forêt de Mormal toute proche.
Dans la partie non inondable, au Nord de la place, il fit construire quelques galeries de contremine, en s'inspirant peut-être du système créé à Tournai par Jean de Mesgrigny, véritable expert en la matière (1).
(1) En plus de leurs relations professionnelles, des liens d'amitié unissaient Vauban et son adjoint Jean de Mesgrigny qui travaillait alors à la transformation de la place de Tournai. Ce dernier était parrain de la fille de Vauban, Jeanne-Françoise. Plus tard, Vauban vint à Tournai au baptême de son filleul Sébastien, fils de l'ingénieur Vincent de Saccardi, directeur des fortifications de Landrecies. La marraine était Madame de Mesgrigny. La cérémonie se passait en l'église Saint-Piat de Tournai, le 15 octobre 1682.
Les XVIIIe et XIXe siècles ne firent au fond que compléter l'oeuvre du grand ingénieur. Il serait fort long de détailler ici tous les travaux qui furent entrepris durant cette période, mais il faut tout de même en signaler quelques-uns des plus significatifs. L'ouvrage à cornes de Fauroeulx par exemple, construit au XVIIIe siècle qui couvrait tout le Sud-Est de la ville, remarquable par sa forme et ses dimensions. La survivance, de nos jours, des ouvrages à cornes est exceptionnelle car l'entrave qu'ils constituaient à l'accroissement des anciennes villes fortifiées après leur déclassement entraîna presque partout leur disparition. D'où l'intérêt accru de la présence d'un tel ouvrage au Quesnoy.
Difficile aussi de passer sous silence l'hôpital de siège aménagé au XVIIIe siècle dans quatre casemates du bastion Vert. Pouvant à l'époque accueillir trois cents malades ou sept cents hommes, il recevait air et lumière indirectement à partir de la surface et par les minces embrasures pratiquées dans l'épaisse muraille. C'est dire les conditions épouvantables d'hygiène qui devaient y régner.
Autre curiosité que notre guide fit découvrir : un poste de télégraphie optique installé dans le cavalier du bastion César, le point le plus haut de la place. Erigé vers les années 1880, il se présente sous la forme d'une petite salle circulaire, voûtée en cul-de-four, comportant trois gaines de visée aujourd'hui bouchées à leur extrémité. Ces gaines permettaient en principe de correspondre à distance avec les places fortes de Cambrai, Douai et Valenciennes, pour cette dernière via le fort de Curgies (toujours existant mais non visitable). Pour émettre des signaux, on utilisait soit l'éclat du soleil, aléatoire dans cette région du Nord, soit la lumière artificielle (gaz, flambeaux, électricité). Au sommet de la salle : deux cheminées. L'une canalisait la lumière solaire, l'autre évacuait les fumées et gaz émanant des sources lumineuses artificielles. La fiabilité limitée du système, grandement tributaire des conditions météorologiques, l'amena à être assez rapidement dépassé par d'autres plus techniquement élaborés.
Pour rester dans le domaine des télécommunications, on retiendra que ce fut du Quesnoy qu'était partie la première dépêche officielle transmise au moyen du télégraphe à bras articulés Chappe. Elle annonçait la reprise de la ville en 1794 (2).
(2) Une reconstitution de cet appareil est visible au musée des télécommunications à Marcq-en-Baroeul, près de Lille. Pour les amateurs éventuels, signalons une autre reconstitution remarquable d'un poste Chappe à proximité du Château du Haut-Barr, dans le département du Bas-Rhin.
Au cours de la promenade le long des fortifications, nous eûmes la surprise de découvrir un épisode insolite de l'histoire du Quesnoy : la reprise de la ville par les troupes néo-zélandaises le 4 novembre 1918. Les soldats débouchèrent dans la cité occupée par les troupes allemandes en escaladant le mur d'escarpe, haut de dix mètres, au moyen d'échelles, comme au Moyen Age. Les Allemands déguerpirent peu après. A l'endroit même où se déroula cet exploit peu banal, un bas-relief apposé sur le mur de la courtine et une porte d'honneur percée après la Grande Guerre dans le bastion du Gard commémorent l'action héroïque de ces hommes.
Schéma établi d'après les comptes-rendus des études faites sur la carte par les chefs du Génie de Valenciennes et de Cambrai le 17 mai 1878
Communications visuelles impossibles........... - Communications visuelles probables_________
Il est difficile, dans les limites de ce modeste article, de faire découvrir tout ce que la ville du Quesnoy peut offrir dans le domaine de l'architecture militaire, celle-ci étant un véritable musée de la fortification en grandeur nature. Comme beaucoup de grands ensembles monumentaux, elle demande plusieurs visites avant que l'on puisse en saisir et apprécier tous les aspects. Il convient aussi de signaler que les responsables locaux s'efforcent de rendre la visite des sites aussi aisée et agréable que possible, par la création notamment de sentiers balisés qui respectent l'aspect et l'atmosphère d'origine. Dans ce domaine, il faut savoir garder un juste milieu. Le Quesnoy y est parvenue.
Aux personnes désireuses d'approfondir leurs connaissances sur l'oeuvre de Vauban au Quesnoy, nous conseillons la lecture de l'ouvrage de Bernard Debrabant, édité par le Cercle Historique Quercitain "La fortification du Quesnoy au XVIIe siècle", principale source d'information de cet article.
Adresse utile : S.I.T.O.A. (Syndicat Intercommunal de Tourisme de l'Ouest Avesnois), Hôtel de Ville, 59530 Le Quesnoy (Tf : 27.49.12.16)
Sont remerciés pour leur aide et/ou les renseignements fournis :
Messieurs S. Debrabant et A. Honorez du Quesnoy,
Monsieur P. Bouillet de Tournai.
Télégraphe optique, vue intérieure - la gaine gauche, plus élévée d'un mètre, regarde vers Cambrai, celle du milieu, vers Douai, celle de droite, vers Valenciennes, via le fort de Curgies
Bastion Impérial agrandi par Vauban - flanc droit concave, orillon, face droite
Bastion Saint-Martin construit par Vauban - face gauche - à droite, la tenaille
Bastion César agrandi par Vauban - face, orillon, flanc gauche concave. Dans le cavalier est installé un poste de télégraphie optique (XIXe S)
Bastion Saint-Martin construit par Vauban - face et flanc gauche, extrémité droite de la tenaille
Etang du Pont Rouge - branche droite de l'ouvrage à cornes de Fauroeulx
La porte Fauroeulx
Monument aux Néo-Zélandais (sculpteur valenciennois Desruelles). Inscription :
"En l'honneur des hommes de la Nouvelle-Zélande grâce à la valeur desquels la ville de Le Quesnoy fut rendue à la France, le 4 novembre 1918"
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LA CONSTRUCTION DU FORT D'EBEN-EMAEL - A. GANY
1. Choix du site.
L'absence d'un fort couvrant la Basse-Meuse en aval de Visé s'était déjà fait cruellement sentir lors de l'offensive allemande d'août 1914. Aussi, en 1929, la Commission des Fortifications proposa-t-elle la construction d'une puissante forteresse, constituant le point d'appui Nord-Est de la position fortifiée de Liège. Le site exact restait cependant à déterminer.
La construction du Canal Albert et plus particulièrement le creusement de la tranchée de CASTER entre Lanaye et Kanne, emporta la décision. Le fort à Eben-Emael serait donc construit en bordure immédiate du Canal, qui en constituait le meilleur fossé antichar qu'il soit possible d'imaginer.
Comme indiqué sur le premier plan, le site occupé par le fort a la forme générale d'un triangle de 1 km de long et 700 m de large, dont la pointe est orientée au Nord. Le Geer et sa plaine inondable le bordent à l'Ouest. L'accès Sud est par contre très aisé. Aussi va-t-on l'interdire par un fossé antichar, avec mur vertical d'escarpe et quatre casemates.
2. La construction.
Les levés topographiques nécessaires à l'acquisition des terrains d'emprise et à l'implantation des divers ouvrages débutent en 1931. Le 21 février 1932, le site est désormais propriété de la Défense Nationale. Entre-temps, le personnel nécessaire à la conduite des entreprises est désigné et mis en place. Il appartiendra au lieutenant du Génie MERCIER de présider au lancement de la première entreprise, le 1er avril 1932. Celle-ci consiste dans le creusement des puits destinés à desservir et à abriter les quatre casemates à trois canons de 75, chargées de couvrir les débouchés de Maastricht et Visé.
Suivront ensuite le creusement des galeries, la construction de la caserne souterraine et les puits pour coupoles et casemates périphériques. Cela se fait sans trop de peine dans d'énormes cavités creusées à même le tuffeau (calcaire tendre) qui constitue le sous-sol d'Eben-Emael.
Les différents travaux sont adjugés suivant la procédure restreinte, c'est-à-dire qu'ils sont confiés aux seules entreprises belges retenues par l'Administration militaire, tant pour leur capacité technique et financière que pour les garanties offertes sur le plan de la sécurité militaire. Les plans et cahiers des charges, classifiés SECRET, sont conservés en permanence dans des coffres blindés. La prévôté fait de fréquents contrôles sur place. Toutes ces précautions permettent de réfuter les assertions de "fuite" ou d'"espionnage" dont il est fait mention dans diverses revues.
Dans l'esprit de beaucoup, il y a confusion entre la construction du fort et le creusement du canal Albert, en bordure du fort; ces derniers travaux étaient en effet confiés à un consortium groupant des firmes belges et allemandes.
3. Description du fort.
Le fort consiste essentiellement en blocs de combat à action lointaine ou rapprochée affleurant au sommet et au bord de la colline, et aux divers organes d'appui au combat (dépôt de munitions - PC - e.a.) et viabilités (caserne souterraine - centrale électrique - filtration d'air - etc.) bien abrités sous une épaisse couche de tuffeau (20 à 60 m). Le détail des galeries et des divers ouvrages figure sur le deuxième plan.
Remarquons que tout l'armement lourd provient de la Fonderie Royale des Canons (actuellement Arsenal de Recourt). Cet organisme a également assuré la mise en place, le contrôle et les tirs d'essai de toute l'artillerie du fort.
Les affûts de casemate ont été livrés par la firme ACEC. Quant aux coupoles, elles proviennent des Ateliers de Construction de la Meuse à Sclessin.
4. Considérations sur la valeur technique et militaire.
Tous les ouvrages extérieurs sont réalisés en béton fortement armé d'excellente qualité, capable de résister à l'impact d'une bombe de 500 kg, la plus puissante de l'époque. Ils sont sur ce plan comparables à ceux de la ligne MAGINOT. Le bétonnage s'effectue en continu et donne lieu à de fréquents contrôles de qualité.
Bien disposées sur le terrain et parfaitement camouflées, ces casemates peuvent espérer échapper à l'observation de l'ennemi. On peut cependant déplorer l'absence de fossés "diamant" (fossés anti-personnel).
L'armement est d'excellente qualité. Les canons antichars de 60 mm équipant les blocs périphériques pour la défense rapprochée sont parmi les meilleurs du monde (vitesse initiale à la bouche supérieure à 1000 m/seconde, meilleure performance mondiale à l'époque).
On peut par contre s'étonner de voir construire un fort d'aussi grandes dimensions pour abriter un nombre aussi restreint de pièces à action lointaine : 18 au total. Les artilleurs de l'époque estiment cependant que pour d'évidentes raisons de stabilité, de constance de la température, de préréglage des tirs et de confort du personnel, une pièce d'artillerie de forteresse vaut quatre pièces équivalentes d'artillerie de campagne.
Le défense antiaérienne, quoique préconisée par certains officiers clairvoyants de l'Etat-Major Général, apparaît comme singulièrement négligée. Seulement quatre mitrailleuses antiaériennes sur le massif ! Il faut bien reconnaître qu'à cette époque la troisième dimension n'est pas encore entrée dans les moeurs militaires.
Le fort était-il imprenable comme on se plaisait à le déclarer ? Disons qu'il était entièrement bien conçu pour résister à une attaque terrestre mais, l'expérience le démontrera, pas du tout adapté à une menace aéroportée, totalement imprévisible au moment des faits.
Eben-Emael
Sources.
Doc. Service de l'Historique des Forces Armées, EVERE.
Interview Col e.r. DUBUISSON,
Conducteur principal LECLERC.
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Jules LEBEAU - Terminologie de la fortification
De la lecture d'un "Dictionnaire Militaire Portatif" paru au début du siècle dernier, ont été repris les termes de fortification en usage avec la définition y donnée.
L'orthographe de l'époque étant respectée, puisse ce répertoire alphabétique aider nos lecteurs dans la compréhension du langage fortificatif.
ABATIS - Arbres entiers avec leurs branches, dont on aiguise les plus fortes. On tourne la tête de l'arbre vers l'ennemi; le pied est arrêté par de forts piquets, ou bien on l'enterre obliquement; ces arbres doivent être rapprochés les uns des autres de manière à entrelacer leurs branches. Si l'on dispose plusieurs rangées d'abatis, il faut les séparer assez pour que le feu ne puisse pas se communiquer de la première à la seconde, dans le cas où l'ennemi serait parvenu à l'incendier.
ANGLES RENTRANS - Dans un retranchement, ils ont l'avantage de produire des feux croisés. Les deux côtés de l'angle se protègent mutuellement par leur feu. Les angles de défense sont formés par deux lignes qui se flanquent; l'angle droit est le meilleur angle de défense; il faut s'en écarter le moins possible.
APPROCHES - Travaux de tranchée pour approcher d'une place assiégée.
AVANT-FOSSE - Deuxième fossé creusé à la queue du glacis. Profondeur, 4 pieds; largeur, 6 à 7 pieds. La terre qui en provient doit être répandue autour de l'ouvrage.
BANQUETTE - Elévation derrière le parapet sur laquelle le soldat monte pour tirer; elle doit être de 4 pieds à 4 pieds 1 pouce moins élevé que le parapet.
BASTION - Ouvrage composé de deux faces et de deux flancs.
BERME - Bande de terrain naturel, large de 2 pieds, qu'on réserve entre le pied du talus extérieur du parapet et le sommet de l'escarpe.
BLANC D'EAU (Le) - Est une inondation qui a peu de profondeur et qui a lieu ordinairement par épanchement sur les terrains proches de la place. Pour les produire, on fait de petites saignées sur le bord des avant-fossés.
BLOCKHAUS. Réduits isolés - Ils sont ordinairement de forme carrée et à angle droit. Les parois sont formées d'un ou deux rangs de poutres jointives de 0 mètre 32 d'équarrissage, et percées de créneaux; la couverture est en poutres semblables chargées de terre et de fumier. Si l'infanterie seule doit occuper le blockhaus, la largeur intérieure est de 4 à 5 mètres; hauteur intérieure, 3 mètres. On peut faire sur le pourtour intérieur un lit de camp qui sert de banquette. S'il y a de l'artillerie, on donne 8 mètres de largeur intérieure; hauteur intérieure, 3 mètres. S'il y a un lit de camp, la hauteur intérieure est de 2 mètres 50. On peut ajouter de la force au blockhaus en l'entourant d'un fossé et d'un glacis.
BONNET DE PRETRE - Se compose de deux flancs et d'un front brisé en dedans; la tenaille doit former un angle de 60° au moins.
CAPONNIERE - Galeries parallèles à la directrice et qui occupent le fond des fossés; elles sont construites avec des palissades de 9 pieds de longueur, de 6 à 8 pouces d•équarrissage, et qui entrent en terre de 3 pieds; on les assemble en haut par des linteaux cloués horizontalement.
CASEMATES - Souterrains voûtés, creusés dans le massif des remparts, et percés d'embrasures pour l'artillerie. Le mur de tête est appuyé au revêtement de l'escarpe.
CAVALIERS - On appelle cavaliers une masse de terre élevée dans l'intérieur du bastion dont ils ont la forme; ils sont environnés d'un fossé, dont la contrescarpe se trace parallèlement à 6 ou 7 toises du parapet du bastion.
CHATEAU - Les châteaux, et, en général, les édifices composés de plusieurs parties détachées, doivent être fortifiés en prenant le principal corps de bâtiment pour réduit.
CHEMINEMENT - Opération par laquelle on pousse la tranchée sur la capitale d'un ouvrage, en se défilant.
COMMANDEMENT - On entend par commandement d'un ouvrage, la hauteur de la crête de son parapet au-dessus du sol, et par le commandement d'un ouvrage sur un autre ouvrage, la différence de hauteur entre leurs crêtes.
CONTRE-APPROCHES - Pour communiquer aux batteries élevées hors de la place assiégée, on établit des boyaux qui partent du chemin couvert et qui prennent le nom de ligne de contre-approches.
CONTREFORTS - Piliers dont le plan est un trapèze et qui sont adossés aux faces intérieures des revêtements de fortification, des murs d'écluses, des digues, pour retenir la poussée des terres.
CONTRE-GARDES - On les appelle aussi couvre-faces. Ce sont des ouvrages séparés de la place par un fossé et placés devant les points les plus exposés.
CONTRESCARPE - Talus extérieur. Talus du fossé dont l'arête supérieure touche au glacis ou au chemin couvert.
COURONNEMENT - On appelle ainsi un logement préparé par les travaux des assiégeants sur la crête du glacis pour s'emparer du chemin couvert, ou sur le sommet d'une brèche pour s'y maintenir.
COURONNE (OUVRAGE) - Lorsqu'au lieu d'être terminés latéralement par des branches droites, les fronts qui composent la couronne se raccordent avec le corps de la place, cet ouvrage prend le nom de couronné.
COURTINE - Ouvrage en ligne droite qui joint deux bastions.
CREMAILLERE - Un ouvrage est à crémaillère, lorsque le parapet est intérieurement taillé en dents de scie. On place les fusiliers dans les coupures, pour obtenir des feux croisés.
CRENEAU - Ouverture ou meurtrière pratiquée dans une muraille ou dans un ouvrage pour tirer sur l'ennemi.
CUNETTE - Petite fosse creusée au milieu du fossé d'un ouvrage de fortification.
DEBLAI - On entend par déblai, les terres enlevées d'une excavation.
DEFENSE - Emploi des préparatifs nécessaires à la résistance d'une place assiégée.
DEFILEMENT - L'art du défilement consiste à trouver un tracé horizontal et un relief, tels que toutes les parties intérieures d'un ouvrage soient soustraites à la vue et au feu de l'ennemi.
DEMI-LUNE - Un redan originairement de forme circulaire, a pris le nom de demi-lune; elle se place devant les fronts de la place, et principalement devant les portes.
DEMI-PLACES D'ARMES - Tranchées courbes, pratiquées de chaque côté du cheminement.
DEVERSOIRS - Sont des batardeaux par dessus lesquels l'eau passe, lorsque 1'innondation a atteint une certaine hauteur.
DIGUE - Est une forte levée de terre de forme prismatique et dirigée perpendiculairement au cours de l'eau.
EPAULEMENT - Est un ouvrage qui a pour tracé une droite brisée en arrière par deux flancs; quelquefois c'est une simple élévation pour couvrir une batterie ou un poste.
EPI - Est une digue construite à la surface de l'eau, composée alternativement d'une couche de fascines de 0 mètre 50 d'épaisseur, et de rangées de clayonnages de 0 mètre 30 de hauteur, entre lesquelles on met de la terre ou du gravier; elle prend le nom d'épi noyé, quand l'eau passe par-dessus. Cette construction est employée pour barrer un bras de rivière, pour servir de fondation à un retranchement.
ESCARPE - Est le talus du fossé dont l'arête supérieure touche à la berme.
ESTACADE FLOTTANTE - Est un obstacle placé en amont d'un pont, pour arrêter les corps flottants qui pourraient le détruire; une estacade flottante est composée de pièces liées ensemble par des chaînes; chaque pièce est formée de un ou plusieurs arbres; l'estacade est tendue d'une rive à l'autre obliquement.
FACE DE BASTION - Portion de parapet qui joint le saillant au flanc d'un bastion.
FASCINE - Fagot de branches minces et droites; longueur 10 pieds; diamètre 1 pied; est lié par 5 ou 6 harts. On le dresse sur des piquets ou chevalets fixés en terre. Les fascines sont un moyen fort expéditif et assez solide de revêtir un retranchement.
FLANC - Portion de parapet qui joint la courtine à la face d'un bastion.
FLANQUEMENT - Défense qu'une portion d'ouvrage reçoit d'une autre par ses feux de flanc ou de revers.
FORTIFICATION - Est l'art d'élever sur la position que l'on veut défendre, des obstacles propres à les renforcer, et en arrière desquels les défenseurs puissent faire usage de leurs armes de la manière la plus avantageuse.
FORTIN - Les redoutes construites sur des pentagones, des hexagones, et généralement les redoutes les plus fortes et d'une forme plus compliquée, prennent le nom de fortin.
FOSSE - Excavation creusée en avant du parapet; autant que la nature du terrain peut le permettre, il faut lui donner 7 pieds de largeur et 8 pieds de profondeur dans les ouvrages de campagne.
FRAISES - Assemblage de pièces de bois de 6 pieds de long, aiguisées par un bout et clouées à l'autre extrémité sur un liteau à 3 ou 4 pouces d'intervalle; un second liteau nommé coussinet les assemble par le milieu. Les fraises se placent dans le corps du parapet avant qu'il soit terminé, à 2 pieds au-dessus de la berme; elle sont inclinées à 45 degrés et fixées dans le remblai avec des piquets.
GLACIS - Pente de terrain à partir de la contrescarpe ou de la crête du chemin couvert, qui s'étend vers la campagne en suivant l'inclinaison de la plongée du parapet.
INONDATION - Elle doit avoir au moins 1 mètre 60 centimètres de hauteur d'eau; elle se produit en barrant des cours d'eau par des digues.
LARDER UN SAUCISSON - C'est unir deux saucissons en enfonçant la tête de l'un dans la tête de l'autre.
LIGNE COUVRANTE OU LIGNE DE FEU - On nomme ainsi la crête intérieure du parapet
LIGNES DE CIRCONVALLATION ET DE CONTREVALLATION - L'armée assiégeante campe autour de la place assiégée, hors de portée de canon; et pour être en sûreté contre les troupes ennemies qui tenteraient de faire lever le siège, elle s'entoure d'une ligne de circonvallation faisant face au dehors; du côté de la place assiégée, on trace une ligne de contrevallation pour s'opposer aux sorties de la garnison. Ces lignes sont construites en terre.
LUNETTE - Lorsqu'un redan est brisé intérieurement et qu'il présente deux faces et deux flancs, il prend le nom de lunette ou de redan flanqué.
MAGISTRALE - Ligne qui parcourt la crête intérieure du parapet; elle s'appelle aussi ligne couvrante ou ligne de feu, parce que c'est immédiatement derrière elle que se rangent les fusiliers.
PALANQUES - Se composent de grosses palissades ou corps d'arbres jointifs de 0 mètre 20 ou plus de diamètre. On fait un créneau de mètre en mètre, en entaillant deux pièces jointives à 2 mètres au-dessus du sol, avec une banquette dans l'intérieur; ou à 1 mètre 30 avec un fossé en dehors. Elles servent à former la gorge des ouvrages ou à protéger les communications.
PALISSADES - Pièce de bois de 6 à 8 pouces d'équarrissage et de 6 pouces de long. Un des bouts est aiguisé en pointe; l'autre est durci au feu; elles doivent être plantées en terre, droites ou inclinées. Les pièces de bois, espacées entre elles de 2 pouces, sont liées par 2 liteaux cloués intérieurement, l'un à raz terre, l'autre vers la moitié de la hauteur saillante de terre. On les place sur le berme ou au fond du fossé.
PARALLELE - Tranchée circulaire qui embrasse le front d'attaque. Son profil se compose, vers la place, d'un parapet, une banquette; vers le camp se termine en talus. La première parallèle est creusée à 300 toises de la place.
PARAPET - Masse de terre provenant du déblai, derrière laquelle les troupes sont abritées pendant l'action. L'épaisseur du parapet dépend de deux circonstances principales : la nature du terrain formant le remblai et l'espèce d'arme qu'on présume devoir être employée à l'attaque. La fortification passagère n'étant que rarement attaquée par du gros calibre, on doit prendre un terme moyen, et donner 10 à 15 pieds d'épaisseur au parapet, pour résister au canon, et 6 à 8 pieds pour résister à la fusillade.
PAS-DE-SOURIS - On appelle ainsi des escaliers en pierre de 3 pieds de large servant à communiquer du chemin couvert au fossé.
PLACE D'ARMES - L'espace compris entre les saillants du chemin couvert et l'arrondissement du fossé qui est à leur gorge, constitue les places d'armes saillantes. Une place d'armes rentrante, est l'agrandissement du chemin couvert ménagé au rentrant formé par la contrescarpe de la demi-lune et la contrescarpe du corps de place.
PLONGEE - Plan supérieur du parapet incliné à l'horizon de manière que le soldat puisse découvrir tout ce qui se présente en avant, à partir du bord extérieur du fossé; doit être de 12 à 15 pouces pour toise d'épaisseur.
QUEUE DE LA TRANCHEE - Naissance de la tranchée devant une place assiégée; point fixe dont on s'éloigne en poussant les travaux dont la tête se rapproche sans cesse de l'ennemi.
RAVELIN - Ancien ouvrage perfectionné, et qui alors reçu le nom de demi-lune.
REDAN - Lorsque les faces d'une flèche ont plus de 18 toises, l'ouvrage prend le nom de redan.
REDOUTE - Est un ouvrage fermé dont la magistrale est un polygone.
REDUIT - Construction élevée sur le terre-plein des ouvrages, pour augmenter la défense et garantir des feux de revers et d'écharpe; les réduits ont ordinairement la forme carrée; ils sont composés d'un fossé, d'un parapet et d'une banquette.
RELIEF - On nomme relief le sens vertical de la fortification.
REMBLAI - Terres qui servent à exhausser certaines parties du terrain.
REMPART (LE) - Se compose d'un parapet et d'un terre-plein.
RETRANCHEMENT - On nomme ainsi les ouvrages élevés pour fortifier un poste ou une position. Diverses parties d'un retranchement : Contrescarpe - Fond du fossé - Escarpe – Berme - Talus extérieur - Plongée ou talus de plongée – Talus intérieur du parapet - Le dessus de la banquette - Le talus de la banquette - Le terrain naturel ou le terre-plein - Crête intérieure du parapet ou magistrale - Crête extérieure du parapet
SAC A TERRE - Est fait en toile forte; il a 2 pieds de long sur 1 pied de diamètre; est rempli de terre empierrée.
SAUCISSON - Fascine de 1 pied de diamètre sur 18 à 20 pieds de longueur; composée de branches droites liées à 8 pouces d'intervalle avec des harts.
SIEGE - Série d'opérations et de travaux qui ont pour but de forcer une place de guerre à se rendre ou à subir l'assaut.
SYSTEMES DE FORTIFICATION - On appelle ainsi les différentes méthodes de fortification. Voici les systèmes inventés ou modifiés par les ingénieurs les plus célèbres : le système d'Errard le duc, plaçait les flancs perpendiculaires aux faces; il avait le défaut de battre la courtine et de ne défendre le fossé que fort obliquement; les bastions, très étranglés, ne laissaient point à l'artillerie un espace suffisant; à la même époque on vit paraître le système du chevalier Deville; il fit connaître l'usage de l'orillon, traverse extérieure qui déborde le flanc et masque une pièce de canon; puis Marolais inventa la fausse braie; le comte de Pagan présenta un système dans lequel les flancs sont perpendiculaires aux lignes de défense : son orillon est carré; il construisit de petits bastions dans les grands, et changea le ravelin en demi-lune; Coehorn, ingénieur hollandais, présenta un système plus savant, plus compliqué que les précédons; il convient surtout aux places où l'on peut faire des manœuvres d'eau, il combine les fossés secs et inondés, les ouvrages revêtus, les ouvrages en terre et les batteries casematées; il ordonne le terre-plein de son chemin couvert et celui des fossés secs; de manière qu'on ne puisse y creuser à la moindre profondeur sans rencontrer l'eau; l'illustre Vauban vint donner à l'art de la défense et de l'attaque, le plus haut degré de perfection; il inventa les parallèles, et la tenaille pour remplacer les fausses braies; il inventa la manière de tirer à ricochet, etc...; enfin son génie lui suggéra des combinaisons différentes pour toutes les positions, pour tous les terrains; son vaste et savant système se refuse à une analyse succincte. Le système de Cormontaigne repose sur celui de Pagan et de Vauban; il est remarquable par la grande saillie des demi-lunes, par les réduits aux places d'armes du chemin couvert et par les coupures et retranchements intérieurs joints aux bastions.
TALUS EXTERIEUR DU PARAPET - Inclinaison des terres qui le forment vers la campagne. Le talus doit se régler selon la nature des terres; son inclinaison est de 45° dans les terres ordinaires.
TALUS INTERIEUR DU PARAPET - Inclinaison des terres qui le forment vers l'intérieur de la place. La base du talus intérieur est du quart au tiers de la hauteur d'appui.
TAMBOUR - Système de palissades et de charpentes enfoncées en terre de 3 pieds, et en sortant d'environ 8 pieds. Les pièces de bois sont taillées à l'avance, de manière qu'étant placées jointivement les entailles forment créneaux.
TENAILLE - Ouvrage accessoire construit dans le fossé entre deux bastions sur la direction des lignes de défense : est composé de deux faces et d'une courtine parallèle à celle du corps de place.
TERRE-PLEIN - Surface du terrain en arrière du parapet.
TETE DE TRANCHEE - Partie de la tranchée qui se rapproche le plus de la place assiégée.
TRACE - On entend par tracé le développement d'une fortification sur le terrain.
TRANCHEE - Chemin creux en zigzag pour approcher d'une place sans être exposé à son feu. Chaque partie de ces zigzag s'appelle boyau de tranchée.
TROU DE LOUP OU PUITS MILITAIRE - Fossé conique plus étroit au fond qu'au bord, au milieu duquel on plante un piquet pointu. Profondeur, 6 à 8 pieds; diamètre supérieur, 6 pieds, diamètre inférieur, 1 pied; longueur du piquet hors de terre, 3 pieds.
TABLE DE CONVERSION DES MESURES.
1 ligne est égale à 0,002 mètre.
1 pouce est égal à 0,027 mètre.
1 pied est égal à 0,325 mètre.
1 toise est égale à 1,949 mètre.
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G. SALLE - Le Fort d'EMBOURG (suite)
Les installations sont encore renforcées des deux côtés par des abris armés d'importance moyenne.
Armement : (suivant renseignements du 20 août 1939, douteux, devant être vérifiés).
- 6 canons calibre 75 mm
- ? canons calibre 50 mm
- ? canons calibre 150 mm "s.F.H."
- ? canons calibre 220 mm "s.F.H."
- 1 canon calibre 280 mm "s.F.H."
- ? canons calibre 105 mm (mortiers de tranchée).
La force de l'équipage en personnel d'artillerie de forteresse est de 450 hommes.
b) Secteur central
Au centre, le groupe de Battice, avec les installations de combat qui s'y rattachent des deux côtés, a comme mission de couvrir le front à l'Est de Liège et de bloquer le plateau de Herve contre une attaque venant de l'Est. Ce groupe domine plus spécialement les routes Aachen-Liège et Eupen-Liège.
Le groupe Battice comprend des installations de combat ultra-modernes ci-après, reliées entre elles par des voies souterraines.
Près de l'entrée, il y a des casernes et un abri armé, camouflé en maison, pour la défense de l'accès.
Au milieu du groupe, il y a deux coupoles blindées de 6 mètres de diamètre chacune; en outre on trouve :
- 4 coupoles blindées de 3,50 mètres de diamètre chacune
- 12 coupoles blindées de 2,50 mètres de diamètre chacune ( 5 se trouvent à l'extérieur de l'ouvrage, 7 sur des postes antichars qui ont été prévus, en partie pour couvrir les fossés latéraux, en partie pour couvrir le côté extérieur Nord)
- 2 coupoles blindées de 2 mètres de diamètre chacune
- 2 poste antichars sans coupole blindée (un pour la défense de l'accès et un pour couvrir le fossé latéral Sud).
Des côtés Ouest, Est et Sud, l'ouvrage est entouré d'un fossé anti-chars (largeur au fond 6 à 12 mètres; largeur au niveau du sol 17 à 30 mètres; épaisseur de la paroi côté extérieur : 2 à 3 mètres de béton; paroi côté interne : talus de terre incliné à 45°). Un mur entoure de tous les côtés le fort. L'ensemble des installations est abrité derrière un rideau de fil de fer barbelé et protégé par une batterie d'artillerie anti-aérienne.
Un second accès se trouve à environ 800 mètres au Sud-Ouest du groupe et porte 3 coupoles blindées de 2 mètres de diamètre chacune. Les installations sont encore renforcées par de nombreux postes armés qui s'y rattachent des deux côtés.
Armement : (suivant renseignements du 20 août 1939; douteux, devant encore être vérifiés)
- 8 canons calibre 75 mm
- 8 canons calibre 105 mm
- 4 canons calibre 150 mm "s.F.H."
- 4 canons calibre 220 mm
- 1 canon calibre 280 mm
- 3 canons calibre 105 mm (mortiers de tranchée).
La force de l'équipage en personnel d'artillerie de forteresse est de 750 hommes.
c) Secteur Sud
Le secteur Sud de cette ligne, comprenant le groupe de Tancrémont avec les installations de combat adjacentes des deux côtés, a comme mission de couvrir le front Sud-Est de Liège et de bloquer les routes qui, par les vallées, arrivent de Spa et de Verviers.
Le groupe de Tancrémont comprend les installations de combat ultra-modernes ci-après, reliées entre elles par des voies souterraines.
A l'Ouest, des casernes et un abri armé, camouflé en maison et destiné à la défense de l'accès.
Au milieu des installations, il y a une coupole en béton de 20 mètres de diamètre comportant 3 brèches, chacune large de 5 mètres (tir à la verticale). Ensuite, on trouve trois coupoles blindées de 5 mètres de diamètre : une au milieu sur la coupole en béton, les deux autres se trouvant chacune sur un ouvrage en béton pourvu de 2 brèches pour des pièces d'artillerie. Il existe trois coupoles blindées de 3 mètres de diamètre chacune, dont 2 au-dessus de l'entrée et une à l'extérieur au Sud de l'ouvrage.
Neuf coupoles de 2 mètres de diamètre (dont 2 au-dessus de la coupole en béton dans le milieu de l'ouvrage et 2 en dehors, groupées en une installation de combat indépendante. 5 postes anti-chars (dont un au Nord-Ouest et les quatre autres prévus pour arroser (d'obus) les quatre fossés latéraux. Le groupe est entouré d'un fossé anti-chars (largeur au fond plus ou moins 10 mètres, au niveau du sol environ 20 mètres) et d'un obstacle en fil de fer barbelé. On ne peut pas déterminer avec certitude s'il y a une protection anti-aérienne. La position est encore renforcée par de nombreux abris armés d'importance moyenne construits de part et d'autre.
A environ 1.500 mètres au Sud-Est de la position on remarque une autre installation comportant 3 coupoles blindées de 6 mètres de diamètre chacune et de 2 à 3 mètres (peut-être une entrée ?).
Armement : (suivant renseignements du 20 août 1939; douteux, devant être encore vérifiés).
- 6 canons calibre 75 mm
- 8 canons calibre 105 mm
- 4 canons calibre 150 mm "s.F.H."
- 2 canons calibre 220 mm
- 1 canon calibre 280 mm
- 3 canons calibre 105 mm (mortiers de tranchée)
La force de l'équipage en personnel d'artillerie de forteresse est d'environ 500 hommes.
Mode de combat de la ligne "Groupe de fortifications".
Dans cette ligne, seules des troupes de forteresse seront probablement mises en opération, plus particulièrement des parties des unités d'artillerie et de mitrailleuses. Comme, assez curieusement, on n'a constaté depuis le début de la guerre, aucune trace de travaux de terrassement, on peut supposer que la mise en oeuvre des grandes unités des forces de guerre de Liège n'est pas envisagée au niveau de cette ligne. Il est donc probable que les groupes de fortifications participeront au combat d'artillerie pour la possession de l'avant terrain et que lors de l'attaque proprement dite, ils seront livrés à eux-mêmes pour se défendre.
Contrairement à la situation en 1914, les groupes de fortifications peuvent livrer combat sur tous les fronts.
De toute façon, l'attaquant est obligé d'éliminer les groupes de fortifications avant de s'en prendre au front Est de l'ancienne ligne des forts.
3. Achèvement des différents secteurs de l’ancienne ligne de forts autour de Liège
a) Front Est (région Meuse-Vesdre)
(1) Description du terrain
A cause de ses coupures, de la densité des habitants et de la présence de forêts, le terrain entre la Vesdre et le fort de Fléron peut difficilement être observé. Les profondes vallées et les ravins situés en deçà du front peuvent être contrôlés, sous conduite adroite, au moyen de tirs flanquants. Les hauteurs devant le village de Magnée sont très désagréables, parce qu'elles offrent à l'ennemi, et notamment à son artillerie, de sérieux avantages. Un meilleur champ de tir, une vue plus large et des conditions plus favorables pour la défense sont offertes par le terrain entre le fort de Fléron et la Meuse inférieure. Les habitations, les cultures et le terrain permettent en général la mise en place et la mutation, sous couvert, des réserves.
(2) Achèvement
La ligne des forts a été renforcée par une série de postes anti-chars et de mitrailleuses échelonnées en profondeur. A l'intérieur de la ligne des forts,court depuis la Meuse jusqu'à Magnée, un obstacle anti-char continu (obstacle de rails d'environ 4 mètres de large) et de Magnée jusqu'à la Vesdre un fossé anti-chars (détails ignorés) suivi d'un obstacle anti-infanterie. Entre la route Bellaire-Herve et le fort de Fléron, il y a, derrière l'obstacle anti-chars, un obstacle anti-infanterie large de 2,50 mètres. Il faut s'attendre à ce que cet obstacle soit prolongé sur toute l'étendue du front.
Entre la Meuse et le fort de Fléron, il existe quelques fortifications de campagne peu profondes; des installations du même genre, mais plus importantes, existent entre le fort de Fléron et la Vesdre : ici on atteint également une profondeur plus grande (environ 800 mètres).
Entre Beyne-Heusay et Chênée se dessine une seconde position profonde approximativement de 1 kilomètre; à l'arrière, la présence de plusieurs postes d'artillerie de campagne et anti-aérienne a été constatée.
Il faut s'attendre à rencontrer de nombreux barrages (même minés) devant, dans et derrière l'ancienne ligne des forts.
(3) Dans ce secteur se trouvent les forts : Barchon, Evegnée, Fléron, Chaudfontaine.
Manière de fonctionner
Fort de Barchon
Le champ de tir et la vue sont faibles. Le terrain avant n'est sous le feu que sur une distance de maximum 300 mètres; la vallée plate du ruisseau Ways-Bacsac peut être observée dans sa partie Nord; à quelques mètres à l'Est de la route Barchon-Housse, la descente vers la vallée se soustrait à la vue; la crête entre Blégny et Trembleur limite le champ visuel au Nord-Est : au Nord, le village de Housse limite la vue. A l'Ouest la profonde vallée du ruisseau Saive (Julienne) peu observable avec ses pentes raides grouillant de végétation permet une approche couverte jusque tout près de la gorge du fort. La vue vers le Sud est rendue difficile par la présence des localités de Barchon et de Chefneux, composées de bâtiments massifs. De la route d'Etat Wandre (sur Meuse)-Blégny, on ne peut voir qu'un petit morceau à Rabosée et à Chefneux, ainsi que la montée vers Trois Fontaines.
Le fort de Barchon peut donc être contourné des deux côtés. Le fort d'Evegnée (à 3.400 mètres) est visible; il est possible que celui de Pontisse (4.200 mètres) le soit aussi : c'est douteux !
Situation en 1914 : Grand fort triangulaire pourvu de :
- 2 coupoles blindées tournantes pour canons calibre 12 cm
- 1 coupole blindée tournante pour canons calibre 15 cm
- 2 coupoles blindées tournantes pour canons calibre 21 cm
- 1 coupole blindée d'observation, et
- 4 coupoles blindées descendantes pour canon calibre 5,7 cm.
Situation actuelle : Près de l'entrée, il y a des casernes nouvellement construites, avec un abri armé en vue de la défense de l'entrée (mitrailleuse et canon anti-char). Au fort 4 nouvelles coupoles blindées (diamètre environ 2 mètres); dans l'ouvrage principal 5 coupoles (une d'environ 5 mètres de diamètre; 4 d'environ 3 mètres de diamètre) et 1 nouvelle d'observation.
Le fort est entouré d'un fossé sec,large de 8 mètres et profond de 5 à 6 mètres et protégé par un obstacle de fil de fer étalé en surface.
Armement en 1914 :
- 4 canons calibre 12 cm portée maximum 8.000 mètres
- 2 canons calibre 15 cm portée maximum 10.400 mètres
- 2 obusiers calibre 21 cm portée maximum 6.900 mètres
- 15 ou 16 canons à tir rapide, calibre 5,7 cm portée maximum 3.600 mètres.
Armement actuel : voir annexes 3 et 4
Equipage actuel en personnel d'artillerie : 7 officiers, 412 sous-officiers et hommes de troupe.
Fort d'Evegnée
Vers le Nord et l'Est, la vue est limitée : plusieurs vallées ne peuvent être observées; au Sud-Est, on domine le terrain jusqu'au chemin de fer. Devant la gorge du fort, le champ de tir est réduit à 100 mètres à cause des vergers d'Evegnée. Le paysage entre le fort de Barchon et celui d'Evegnée, grâce à ses nombreux ravins fortement couverts de constructions sur leurs pentes près de Heuseux, Frumhy et Tignée, permet à l'assaillant une approche aisée jusque tout contre la gorge.
Le fort de Barchon (à 3.400 mètres) de celui de Fléron (à 3.500 mètres) sont visibles.
Situation en 1914 : Petit fort triangulaire pourvu de :
- 2 coupoles blindées tournantes pour canons calibre 12 cm
- 1 coupole blindée tournante pour canons calibre 15 cm
- 1 coupole blindée tournante pour canons calibre 21 cm
- 1 coupole blindée d'observation, et
- 3 coupoles blindées descendantes pour canons calibre 5,7 cm
Situation actuelle :
Près de l'entrée, des casernes nouvellement construites. Un abri armé pour la défense de l'entrée. Dans le fort, 3 nouvelles coupoles blindées (diamètre environ 2 mètres); dans le noyau central 4 coupoles blindées (une d'un diamètre de plus ou moins 3,50 m et 3 d'un diamètre de plus ou moins 3 mètres chacune) et une coupole blindée d'observation.
Le fort est entouré d'un fossé sec large de 8 mètres et profond de 5 à 6 mètres et protégé par un obstacle en fil de fer étalé en surface.
Armement en 1914 :
- 2 canons calibre 12 cm portée maximum 8.000 mètres
- 2 canons calibre 15 cm portée maximum 10.400 mètres
- 1 obusier calibre 21 cm portée maximum 6.900 mètres
- 14 à 15 canons à tir rapide calibre 5,7 cm portée maximum 3.600 mètres.
Armement actuel : voir annexes 3 et 4.
Equipage actuel en personnel d'artillerie : 7 officiers, 378 sous-officiers et hommes de troupe.
Fort de Fléron
Le terrain à proximité immédiate ne peut être bien observé qu'en direction Nord-Est. Pour le reste, la vue est gênée par des bâtiments massifs élevés tout près du point gauche de la gorge et devant le flanc droit le long de la chaussée, ainsi que par des bâtiments industriels se trouvant derrière la gorge et par les déversements d'une mine à charbon. Ceux-ci ne peuvent être enlevés en quelques jours. Vers le Nord-Est, le terrain ondulé peut en général, être très bien observé jusqu'au fort d'Evegnëe, qui, lui, est caché et jusqu'au village de Melen. Le chemin qui conduit de Sur Fossé (près de Retinne) au chemin de fer en passant par la Baraque est souvent creux et donc soustrait à la vue.
La chaussée qui va vers Herve par Micheroux ne peut être observée que sur les 1.400 premiers mètres depuis le fort. Plus loin, des fermes obstruent la vue. Ces fermes, le village de Micheroux et le Parc des Trois Chênes empêchent l'observation du terrain au Sud de la dite chaussée.
Au Sud-Est, la vue est bloquée par les hauteurs d'Ayeneux. La chaussée n'est visible (et partiellement seulement) que jusqu'à Ayeneux. La vallée du ruisseau de Soumagne a des pentes plates depuis Reneubois (au Sud de Fléron) jusqu'au Sud du coude de la chaussée situé au Sud-Est d'Ayeneux (N.d.T. : II s'agit de la chaussée allant à Herve en passant par Soumagne et non de celle passant par Micheroux. Erreur de l'auteur ?).
La pente Nord-Ouest et le fond de la vallée sont couverts vis-à-vis du fort de Fléron; la pente Sud-Est peut être observée. Au départ de la pente Nord-Ouest, quelques profondes dépressions permettent l'approche du fort sous couvert. A partir du coude de la chaussée cité plus haut, la vallée de la Soumagne se trouve complètement dans un angle mort jusqu'à la Vesdre.
Au Sud, la dépression du Ruisseau des Carrières (Est de Magnée) peut être observé du côté de La Clef. Le chemin conduisant de La Clef par Hoteux jusqu'à Prayon (sur la Vesdre) ne peut être tenu sous feu qu'indirectement. Le village de Forêt, son château et l'altitude 255 (à 1 kilomètre au Nord-Est de Forêt) sont clairement visibles du fort de Fléron. Le paysage situé au Sud de ces points et qui descend en pente douce, est totalement soustrait à la vue. La plus grande partie de la vallée qui descend en direction Nord-Ouest vers Jupille se trouve presque complètement dans un angle mort.
Depuis le Nord, le fort de Fléron peut être contourné jusque tout près de la gorge, parce que les dépressions à l'Ouest du fort d'Evegnée et la route de village Evegnée-Retinne-Fléron ne peuvent être observées par aucun des deux forts. On ne peut voir ni le fort d'Evegnée (3.500 mètres) ni celui de Chaudfontaine (4.600 mètres). Les cavités du fort souffrent beaucoup de l'eau de fond qui y pénétre. Celle-ci est dirigée vers des citernes, qu'on vide de temps en temps. En outre, une installation de drainage entoure le fort afin de dévier plus facilement les eaux de pluie vers un ruisseau tout proche.
Situation en 1914 : Grand fort triangulaire pourvu de :
- 2 coupoles blindées tournantes pour calibre 12 cm
- 1 coupole blindée tournante pour calibre 15 cm
- 2 coupoles blindées tournantes pour calibre 21 cm
- 1 coupole blindée d'observation, et
- 4 coupoles blindées descendantes pour calibre 5,7 cm
Situation actuelle :
Près de l'entrée, casernes nouvellement construites, un abri armé pour la défense de l'entrée; dans le fort 4 nouvelles coupoles blindées (environ 2 mètres de diamètre); dans le noyau central 5 coupoles blindées (une de plus ou moins 3,50 mètres et 4 de plus ou moins 3 mètres de diamètre) et une coupole blindée d'observation.
Le fort est entouré d'un fossé sec large de 8 mètres et profond de 5 à 6 mètres et protégé par un obstacle de fil de fer étalé en surface.
Armement en 1914 :
- 4 canons calibre 12 cm portée maximale 8.000 mètres
- 2 canons calibre 15 cm portée maximale 10.400 mètres
- 2 obusiers calibre 21 cm portée maximale 6.900 mètres
- 15 ou 16 canons à tir rapide calibre 5,7 cm portée maximale 3.600 mètres.
Armement actuel : voir annexes 3 et 4
Equipage actuel en personnel d'artillerie : 7 officiers, 412 sous-officiers et hommes de troupe.
Fort de Chaudfontaine
Ce fort bloque la vallée de la Vesdre ainsi que le chemin de fer Aachen-Liège. Afin de permettre une meilleure vue sur la vallée de Vesdre, le fort a été avancé jusqu'au bord de la pente. La ligne de feu se trouve environ 10 mètres plus bas que le sommet (altitude 230) situé au Nord-Est et qui cache également le fort de Fléron.
Sont visibles depuis le fort, le pont de chemin de fer et celui dessus de la route. L'entrée du tunnel à l'Est de la gare de Chaudfontaine, un petit bout de la route entre La Rochette et Prayon, la gare de Trooz avec son pont de chemin de fer et l'entrée du tunnel.
Au Nord-Est, la vallée de Bouny, invisible aussi bien du fort de Fléron que de celui de Chaudfontaine permet à l'assaillant une approche à couvert.
Vers le Nord et le Nord-Ouest, la visibilité est meilleure et s'étend par Petites Bruyères jusqu'à la route Liège-Fléron, la Chartreuse et la Montagne des Critchons. Le rocher abrupt qui s'avance du côté Nord et qui porte la Chapelle de Chêvremont, n'entrave que peu la vue.
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