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La Bataille de SPRIMONT, le 18 septembre 1794. Michel VIATOUR
La "bataille de SPRIMONT, le 18 septembre 1794" est le dernier épisode marquant de la conquête française de la BELGIQUE et du PAYS de LIEGE, assez mal connu, et dont il reste peu de traces visibles; seul un monument sur les hauteurs de REMOUCHAMPS en perpétue le souvenir.
Pour rédiger cet article, je me suis largement inspiré du livre du Docteur Louis THIRY "La Bataille de SPRIMONT" paru en 1936 et aussi de nombreuses autres lectures relatives à cette époque. Le Docteur THIRY était originaire de REMOUCHAMPS.
Avant de raconter cette bataille, faisons un petit retour en arrière et voyons quel était le contexte politique dans cette fin du XVIIIe siècle.
En 1792, les armées du Général DUMOURIEZ avaient déjà envahi les PROVINCES BELGES et le PAYS de LIEGE.
Vainqueur à JEMAPPES, le 6 novembre 1792, DUMOURIEZ avait finalement rejeté les Autrichiens jusqu'à AIX-LA-CHAPELLE.
Mais l'exécution de LOUIS XVI le 21 janvier 1793 avait donné le signal de l'insurrection en VENDEE et simultanément l'EUROPE entière se coalisait contre la jeune République Française qui avait été proclamée le 22 septembre 1792.
L'EUROPE du XVIIIe siècle finissant est très conservatrice et n'a rien compris des idées des philosophes du siècle des Lumières : Voltaire, Diderot, Jean-Jacques Rousseau...
La FRANCE est seule, entourée de monarchies absolues où le souverain détient un pouvoir de droit divin; le peuple est asservi et ne possède aucun droit, même des plus élémentaires; seuls les nobles et quelques riches bourgeois se partagent honneurs et richesses.
Dans l'armée les charges d'officiers s'achètent et ne sont accessibles qu'à ceux qui peuvent justifier un nombre suffisant de quartiers de noblesse. Il en est de même dans les hautes fonctions du clergé, de la magistrature ou des affaires de l'Etat.
La Révolution Française va bouleverser cet ordre des choses bien établi depuis des siècles, tout d'abord en FRANCE, puis les idées de liberté, d'égalité et de fraternité feront taches d'huile... suscitant parmi les monarchies, la crainte, puis l'horreur et, finalement, la haine implacable contre la Révolution Française.
Après la proclamation de la République, l'exaspération des autres nations sera portée à son comble lors de l'exécution du roi LOUIS XVI, monarque déchu, mais restant monarque de droit divin aux yeux de l'EUROPE conservatrice; dès lors, ce régicide porte atteinte aux fondements des états monarchiques absolus et apparaît comme un crime contre Dieu lui-même.
D'un simple coup d'œil à la carte de l'EUROPE on voit l'isolement de la FRANCE, et, de tous ces royaumes, on comptera autant d'ennemis qui ne s'entendent pas toujours :
A l'est : le ROYAUME de PRUSSE, l'ensemble des multiples PRINCIPAUTES GERMANIQUES (Saxe, Wurtemberg, Bavière, Palatinat, ...) et surtout l'EMPIRE AUSTRO-HONGROIS d'où provient la reine MARIE-ANTOINETTE, épouse de LOUIS XVI et archiduchesse d'Autriche; plus loin, aux confins de l'Asie, l'EMPIRE RUSSE.
Au sud : l'ensemble des petites PRINCIPAUTES et des DUCHES ITALIENS (Piémont, Venise, Parme, Modène, ...), les ETATS PONTIFICAUX, symbole du caractère divin des rois, les ROYAUMES d'ESPAGNE et de NAPLES où règnent des BOURBONS descendants de LOUIS XIV.
Au nord et au-delà des mers : l'ANGLETERRE, véritable chef d'orchestre de la croisade anti-républicaine qui, jusqu'aux années 1807-1808, se contentera de financer abondamment les diverses coalitions et d'exciter les uns et les autres contre la FRANCE. Ce n'est qu'à partir de 1808 que l'ANGLETERRE interviendra directement sur le continent (Espagne et Portugal).
Mais ceci nous entraîne loin de notre sujet. Donc fin 1792, le général DUMOURIEZ est à AIX-LA-CHAPELLE, et bientôt il doit battre en retraite; il est défait à NEERWINDEN, près de LOUVAIN, le 18 mars 1793. Les coalisés repoussent les armées françaises au-delà de LILLE, CONDE, MAUBEUGE.
La République Française eut alors un superbe sursaut comme seules en ont la capacité les forces révolutionnaires et, sous l'impulsion de Lazare CARNOT, ministre de la guerre au Comité de Salut Public, et grâce à un emprunt forcé, une armée de 300.000 hommes fut levée et armée.
De STRASBOURG à DUNKERQUE, elle fait face au péril extérieur :
160.000 hommes de DUNKERQUE à MAUBEUGE,
35.000 hommes en ARDENNES,
60.000 hommes sur la MOSELLE,
45.000 hommes au RHIN.
Face à cette armée : les 150.000 hommes du prince prussien de COBOURG, un corps autrichien de 18.000 hommes sous le général baron de BEAULIEU, 65.000 Austro-prussiens à MAYENCE et un corps de 60.000 Autrichiens augmenté d'émigrés français sur le HAUT-RHIN, à BALE.
Donc, en présence, au début de la campagne de 1794, nous trouvons dès forces sensiblement égales en nombre et en disposition.
Les premiers coups sont portés par les Français qui vont attaquer sur un large front, du Nord à la MOSELLE, dès le début du mois de mars 1794.
La bataille décisive se déroule à FLEURUS, en juin 1794, et voit la victoire du général français Jean-Baptiste JOURDAN, futur maréchal d'Empire (en 1804), puis comte et pair de France à la Restauration (après 1815).
Dès lors les événements se précipitent : prise de CHARLEROI le 25 juin; le général KLEBER enlève le camp du ROEULX le 1er juillet; le 10 juillet, JOURDAN fait son entrée à BRUXELLES; LOUVAIN est occupé par KLEBER le 15; le 17, JOURDAN s'empare de NAMUR; et le 17, LANDRECIES est pris par le général SCHERER.
Le général JOURDAN n'entre à LIEGE que le 27 juillet, après de violents combats contre les Autrichiens qui se sont retranchés dans le fort de la CHARTREUSE.
Le faubourg d'AMERCOEUR subira des destructions considérables et ne sera reconstruit qu'après 1803, grâce à des crédits alloués par Napoléon BONAPARTE, 1er Consul, lors de sa première visite à LIEGE.
En août 1794, l'armée française du Nord consolide ses positions et l'armée du Rhin s'empare de TREVES.
Pendant que l'armée du Nord achève la reprise des places fortes du nord : VALENCIENNES, QUESNOY ..., l'armée de Sambre et Meuse, commandée par JOURDAN, va mettre le siège devant MAESTRICHT, principale place forte encore tenue par les coalisés et sur laquelle s'articule tout leur système défensif.
L'armée autrichienne s'est retranchée sur la ligne MEUSE-OURTHE-AMBLEVE.
A la veille de la bataille de SPRIMONT, prélude à la prise de MAESTRICHT, quelles sont les forces en présence ?
1. Du côté français : le gros de l'armée de Sambre et Meuse se trouve entre HASSELT et LIEGE avec de forts détachements à BILSEN sous le général KLEBER, à STREE, près de HUY sous le général MARCEAU.
D'autre part. le corps du général SCHERER, ayant achevé le siège de VALENCIENNES, est disponible pour reprendre l'offensive et c'est ce corps que nous retrouverons à SPRIMONT le 18 septembre 1794.
JOURDAN dispose d'un effectif d'environ 116.000 hommes.
2. Du côté autrichien : le prince de COBOURG cède le 28 août son commandement au général comte François de CLERFAYT de CROY, natif des environs de Binche.
CLERFAYT répartit son armée face aux Français, entre STOCKEM et MONTJOIE avec des détachements face à LIEGE et MAESTRICHT, forts de 20.000 hommes et, dans le secteur ESNEUX-SPRIMONT, 28.000 hommes dans la magnifique position de "SUR LES HEIDS" (REMOUCHAMPS). Il dispose au total de 83.000 hommes.
Donc, en résumé, l'aile droite de l'armée française de Sambre et Meuse est commandée par le. général SCHERER. En face d'elle, l'aile gauche de l'armée autrichienne est commandée par le général de BAILLET, comte de LATOUR, originaire de VIRTON.
Le champ de bataille sur lequel ces deux corps d'armée vont s'affronter est situé dans l'angle nord formé par l'OURTHE, à l'ouest et par l'AMBLEVE au sud. (voir carte)
Il fait partie du plus vaste théâtre d'opérations qui va de VENLOO à DURBUY dans son axe Nord-Sud et de LIEGE à MONTJOIE dans son axe Ouest-Est. Les positions autrichiennes, à l'est de cette ligne, tiennent tous les points culminants de la région : aucun mouvement de troupes ne pouvait leur échapper.
D'autre part, les multiples vallons et les rivières AMBLEVE, OURTHE et VESDRE constituent autant d'obstacles dont la défense est aisée et désavantagent donc une armée attaquante.
Les généraux autrichiens avaient donc, dans l'état de la stratégie du temps, une grande confiance dans l'avantage de leur position. Mais cette confiance était exagérée et surtout le général LATOUR avait sous-évalué la force numérique de son ennemi et espérait que l'attaque française ne se déclencherait pas si rapidement.
De plus, comme nous le verrons tout à l'heure, LATOUR commit l'erreur de trop disperser ses troupes en un semis de petits postes de NONCEVEUX jusqu'à ESNEUX en passant par SOUGNE-REMOUCHAMPS, ROUVREUX, MARTINRIVE, etc.
Treize petits postes jalonnent les hauteurs entre ROUVREUX et FRAITURE, cinq autres de DOUXFLAMME à CHANXHE et les villages de FRAITURE et DOUXFLAMME sont solidement tenus.
Le plateau de SPRIMONT est accessible par quatre vallons fort encaissés et boisés :
- de REMOUCHAMPS vers SECHEVAL,
- d'AYWAILLE vers FLORZE,
- de HALLEUX vers FRAITURE,
- d'AMBLEVE vers ROUVREUX.
Les Autrichiens avaient établi leurs batteries en conséquence :
- une redoute au nord de SOUGNE (la route porte encore aujourd'hui le nom de côte de la Redoute et est bien connue des coureurs cyclistes de la course Liège-Bastogne-Liège),
- une ou deux batteries à la lisière sud du bois de WARNOUMONT,
- une forte position d'artillerie, sept pièces, au sud-est du village de FLORZE,
- une redoute construite sur le saillant au lieu-dit "Sur les Heids", au nord-est d'AYWAILLE.
- plus d'autres pièces réparties dans tous les intervalles où auraient pu s'infiltrer les Français.
Ces dispositions défendent donc la ligne de l'AMBLEVE et sont toutes disposées au nord de cette rivière.
La rive droite de l'OURTHE offre des voies d'accès multiples vers le plateau dont :
- trois chemins montent de DOUXFLAMME et de RIVAGE vers FRAITURE
- et une longue vallée monte de CHANXHE vers SPRIMONT.
Côté de l'armée française attaquante, l'accès a la vallée de l'AMBLEVE par la rive gauche (sud) est relativement aisé. Mais l'accès à la vallée de l'OURTHE à partir de la rive ouest (gauche) est très difficile à cause de la présence de nombreux escarpements et seulement deux brèches : le moulin d'EMBIERIR et le Ry d'ONEUX.
Les Français disposent de nombreuses batteries d'artillerie sur les hauteurs de l'AMBLEVE et de l'OURTHE aux côtés opposés à ceux tenus par l'armée autrichienne : au plateau de KIN, à AWAN, à ONEUX, à SART-lez-POULSEUR, ...
Pour conclure la première partie de mon exposé, on peut dire, en ce qui concerne les forces en présence, que l'armée française est numériquement supérieure mais que l'avantage du terrain est aux mains des Autrichiens.
Que dire maintenant du moral des troupes en présence ?
Un abîme de mentalité sépare les deux armées :
- les Français sont victorieux, animés par un formidable élan révolutionnaire et pratiquent une tactique nouvelle d'attaque par petits groupes de tirailleurs et non en masses serrées. Les Autrichiens pas plus que leurs alliés n'ont encore trouvé de parade efficace.
- les Autrichiens reculent depuis des mois (mars 94); ils sont physiquement et moralement épuisés et les chefs (tous des nobles) craignent par dessus tout de voir se propager au delà du Rhin les principes d'égalité, de fraternité et de liberté véhiculés par l'armée française.
Après la prise de VALENCIENNES, le général SCHERER rejoint le gros de l'armée de Sambre et Meuse et arrive à DURBUY le 11 septembre 1794, en chasse les Autrichiens qui se replient entre l'OURTHE et l'AMBLEVE, bivouaque peut-être une nuit à MY.
Le 14, CLERFAYT, commandant en chef autrichien, inspecte la position de SPRIMONT et rentre à son quartier général à BOIS-DE-BREUX, assez rassuré, car la ligne de l'AMBLEVE lui semble solide; il prescrit aussi d'observer les mouvements français.
D'autre part, ESNEUX semble également fermement tenu par quatre bataillons d'infanterie et quelques escadrons de hussards.
Les Français ne se pressent pas; ils surévaluent les effectifs autrichiens et SCHERER attend son artillerie.
JOURDAN lui envoie un renfort de neuf bataillons et d'un régiment de cavalerie. De plus, le général MARCEAU quitte son cantonnement de STREE, rejoint avec 12.000 hommes le quartier général de SCHERER par VILLERS-AUX-TOURS et occupe COMBLAIN.
Entre temps, les colonnes de SCHERER, qui se trouvaient à DURBUY, franchissent l'OURTHE à BARVAUX et prennent position à MONTJARDIN (face à REMOUCHAMPS), à KIN, à AWANS (lez-AYWAILLE), à HOYEMONT et à ONEUX.
Le 16 septembre, c'est au tour du général JOURDAN de venir inspecter la position; il vient de CHOCKIER avec 12.000 hommes supplémentaires. Durant ces journées, JOURDAN organise réellement l'incertitude parmi les Autrichiens. Il feint une attaque sur MAESTRICHT tout en provoquant quelques escarmouches autour de SPRIMONT. De plus, les Autrichiens ignorent la présence de certains renforts français sur l'AMBLEVE; aussi, ils dépêchent leurs troupes de réserve qui se trouvaient dans le pays de HERVE vers MAESTRICHT.
Le 17 septembre, la veille de la bataille principale, ordre est donné aux troupes françaises de faire mouvement à l'abri des hauteurs et des bois. Pour retenir l'attention des Autrichiens et pour s'assurer une tête de pont sur la rive droite des deux rivières, un violent engagement a lieu à DOUXFLAMME non loin du confluent OURTHE/AMBLEVE. Des combats acharnés s'y déroulent pendant toute la journée du 17; le village est entièrement détruit et incendié mais les Français ne peuvent s'y maintenir.
Mais l'acharnement dont ont fait preuve les Français trompe le général LATOUR qui fixe son attention sur ce seul point du front. Le gros de l'armée française peut donc prendre position sur la gauche autrichienne sans qu'il s'en aperçoive.
Pendant une grande partie de la nuit, LATOUR fait fortifier une redoute destinée à empêcher les Français d'accéder au village de FRAITURE. Ce travail s'avérera superflu car les attaques du lendemain seront dirigées principalement sur le flanc gauche autrichien.
Le jour se lève sur le 18 septembre 1794 soit, dans le calendrier républicain, le 2e jour complémentaire de l'An II. Les armées sont en place et, peu avant 5 heures du matin, le signal est donné : deux coups de canon sont tirés des hauteurs d'AYWAILLE au centre de la position française. La droite est face à SOUGNE-REMOUCHAMPS et la gauche vers le confluent de l'OURTHE et de l'AMBLEVE.
L'attaque générale est déclenchée de manière désordonnée car certaines unités de la division HAQUIN attaquent trop tôt tandis que d'autres, s'étant égarées pendant la marche d'approche, arrivent un peu plus tard sur le champ de bataille.
L'artillerie appuie rageusement l'infanterie qui, de 5 à 9 heures, reste fixée sur la rive droite de l'AMBLEVE, le dos à la rivière, accrochée dans SOUGNE, les deux armées y subissant des pertes considérables. La moitié des tués et des blessés français durant cette journée le seront dans le village de SOUGNE.
Même résistance furieuse dans AYWAILLE qui prend feu, assez soudainement, semble-t-il. On ne sut jamais qui, des Autrichiens ou des Français, en ont été la cause, bien que la tradition en attribue la responsabilité aux Français.
Le pont sur l'AMBLEVE est pris; les Français traversent la rivière sous le couvert des fumées et commencent à gravir par des sentiers escarpés les rochers de la HEID et parviennent au sommet à la faveur d'un angle mort dans le champ de vision des Autrichiens.
Entretemps, à l'aile gauche, l'armée française, délaissant DOUXFLAMME, progresse vers CHANXHE et, débouchant sur le plateau, prend des postes autrichiens à revers.
Au même moment d'autres unités traversent l'AMBLEVE à MARTINRIVE et ainsi de même en chaque point praticable de la rivière.
Vers 10 heures et demie l'infanterie française s'est infiltrée dans tout le système défensif autrichien.
C'est à ce moment, après de furieux Combats, que SOUGNE est enfin repris par la division du général HAQUIN, et que d'autres détachements qui avaient traversé l'AMBLEVE à NONCEVEUX, arrivent par surprise au hameau de HAUTREGARD, capturent le détachement autrichien qui s'y trouve et coupent par le fait même la ligne de communication de l'armée autrichienne avec ses forces de renfort rassemblées dans le quadrilatère STAVELOT. MALMEDY, SAINT-VITH et VIELSALM.
Sur toute la longueur du front, de REMOUCHAMPS à ESNEUX, la situation des Autrichiens est très critique, particulièrement au centre (AYWAILLE). Les fantassins français traversent en masse la rivière, gravissent la HEID par de multiples sentiers et finalement c'est une ruée de tirailleurs qui débouchent sur le plateau. Ils sont accueillis par les canonniers qui tirent à boulets et à mitraille.
L'infanterie autrichienne lâche rapidement pied; elle est ramenée au feu par ses officiers. Des combats au corps à corps s'engagent mais ce sont surtout les canonniers qui sont visés par les tirailleurs.
Les pièces sont prises et dès lors, l'issue du combat ne fait plus de doute.
La déroute de l'armée autrichienne est totale lorsque la cavalerie du général MARCEAU débouche sur le plateau en venant de PRESSEUX et de LILLE au moment où celle du général BONNET rejoint le champ de bataille en venant de DOLEMBREUX.
L'objectif de SCHERER était de faire sauter la position de SPRIMONT mais aussi d'empêcher l'armée de LATOUR de rejoindre CLERFAYT à BOIS-DE-BREUX; il fallait donc couper la retraite de LATOUR vers BEAUFAYS et CHENEE, donc le pousser vers VERVIERS par LOUVEIGNE.
La manœuvre rate car les Français se trouvent déjà à LOUVEIGNE mais cela n'aura pas de conséquences graves compte tenu de la panique qui règne dans l'armée autrichienne.
Le général LATOUR se dirige vers TROOZ d'où il rejoint le Q. G. de CLERFAYS.
L'aile droite autrichienne, poursuivie par la cavalerie française, se replie sur BEAUFAYS et, de là, rejoint CHENEE et BOIS-DE-BREUX. La retraite se fait dans un grand désordre et, au passage, les villages de LA REID, BECCO et autres sont pillés.
Le soir. le général en chef CLERFAYS donne l'ordre d'acheminer les troupes vers HERVE puis, dans les jours suivants, vers AIX-LA-CHAPELLE et le 20 septembre, l'armée autrichienne est complètement retirée sur la ROER.
Les pertes de part et d'autre sont difficiles à chiffrer à partir des rapports français et autrichiens car les uns veulent exalter leur victoire tandis que les autres tentent de minimiser leur défaite.
Le général SCHERER parle de 1.100 à 1.200 tués et blessés français, ce qui est sans doute en-deçà de la vérité mais les chiffres de LATOUR, qui donnent 7.000 tués français sont exagérés; la vérité est vraisemblablement aux alentours de 4.000 tués et blessés français.
Il est vraisemblable que les pertes autrichiennes furent inférieures aux pertes française eu égard à la position qu'ils occupaient, plus favorable à la défense qu'à l'attaque.
Les Français firent sans doute quelque 1.800 prisonniers (chiffre difficile à vérifier), 600 selon d'autres sources.
Les résultats de cette bataille furent considérables : MAESTRICHT ne peut plus compter que sur ses seules ressources pour soutenir le siège, les armées autrichiennes étant rejetées sur le RHIN. La conquête de la BELGIQUE et du PAYS de LIEGE est donc quasiment terminée.
Les PROVINCES BELGES et le PAYS de LIEGE, qui, à cette époque, était toujours un état indépendant, seront définitivement rattachées à la FRANCE en 1795 par le décret du 1er octobre 1795 de la CONVENTION NATIONALE.
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Deux documents de 1795 - P. B.
Dans les préliminaires au récit de la bataille de SPRIMONT, M. Viatour mentionne l'entrée des Français, commandés par le général Jourdan, à Liège, en juillet 1794 et les violents combats qui les ont opposés aux Autrichiens retranchés dans le fort de la Chartreuse, combats au cours desquels le faubourg d'Amercœur subit des destructions considérables.
Les documents reproduits ci-après se rapportent à un personnage victime de ces événements.
Il s'agit d'une : "Pétition rédigée et calligraphiée, sans doute, par un écrivain public, adressée en 1795, au Citoyen représentant du Peuple (chef de l'administration d'arrondissement de Liège) par le nommé Paul TISKIN".
Celui-ci informe le haut fonctionnaire républicain du fait qu'ayant été blessé, l'année précédente, au combat d'Amercœur, par une cartouche autrichienne, il est resté infirme et dans l'impossibilité d'exercer sa profession. En conséquence, il sollicite un emploi qu'il pourrait remplir malgré son handicap." Pétition signée par Paul TISQUIN
et d'un : "Extrait du procès-verbal de la séance du Conseil de l'arrondissement de Liège du 9 Thermidor An 3, prenant en considération la pétition de Paul TISKIN et proposant à Léonard DEFRANCE de l'engager comme piqueur (surveillant des maçons et manœeuvres) dans la cathédrale."
Ce dernier document signé L. DEFRANCE ex-président et Th. BOUQUEAU président a.i. évoque un des épisodes les plus tristes de l'histoire liégeoise : la démolition de la célèbre cathédrale Saint-Lambert par les républicains liégeois, entreprise dont le peintre DEFRANCE fut l'un des principaux responsables.
Les ruines de la cathédrale St Lambert
Les textes entre guillemets, ci-dessus, sont copiés d'une lettre rédigée le 29 mars 1972 par Monsieur Paul André, signant pour Monsieur le Directeur du Musée de la Vie Wallonne, au moment où les documents originaux furent versés aux archives du musée.
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Anvers - Le Fort N° 4 à Mortsel
Quand il s'est agi de renforcer la position fortifiée d'Anvers en 1859 suite aux propositions du Ministre de la guerre CHAZAL, et à l'accord des deux Chambres, c'est le plan du Capitaine Brialmont qui fut adopté. Ce plan consistait en la construction d'un retranchement de 15 Km de long protégeant Anvers sur la rive droite de l'Escaut, et d'une ligne d'ouvrages avancés composée de huit forts numérotés de 1 à 8 situés à + ou -4 Km du retranchement et espacés entre eux de + ou - 2 Km.
Le fort No 4 de MORTSEL est l'un de ces ouvrages. Construit suivant le système polygonal, ce fort en maçonnerie de briques pouvait être armé de 70 bouches à feu et abriter une garnison de 888 hommes dont 31 officiers et 41 sous-officiers.
Il est entièrement cerclé de fossés d'eau.
C'est, à l'heure actuelle, le fort le mieux conservé de toute la série.
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Les combats d'Amercoeur 1794
Le 27 juillet de cette année-là, l'armée française entra pour la deuxième fois à Liège avec la ferme intention d'en déloger les Autrichiens.
Ceux-ci, commandés par le prince de Saxe-Cobourg, furent insultés par la populace d'Outre-Meuse que le général Dumouriez dans ses mémoires proclamait "la plus dangereuse peut-être de l'Europe après celle de Londres et de Paris". On raconte que dans sa fureur, elle poussa dans la Meuse des prisonniers et des blessés autrichiens, que des fenêtres de ses étroites rues, elle assommait les fugitifs avec des projectiles de toute espèce. Beaucoup de soldats succombèrent sous les coups.
Devant ce spectacle odieux, la colère des Autrichiens casernés à la Chartreuse ne connut plus de bornes et ils tinrent à venger leurs frères d'armes. Ils n'y réussirent que trop bien.
Voici la narration qu'a faite de cette tragédie un témoin oculaire, le docteur Bovy :
"L'espace compris entre le pont Saint-Julien et le rempart d'enceinte fut d'abord atteint par les obus. La brasserie d'un sieur Peurette fut renversée l'une des premières, mais ces globes incendiaires foudroyèrent surtout le faubourg d'Amercœur. De noirs tourbillons de fumée, précurseurs d'un affreux embrasement, interceptaient la vue de la ville. Les ténèbres de la nuit succédant à ces clartés lugubres, faisaient ressortir les horribles ravages de l'incendie."
"Les flammes s'élevaient dans les airs et dépassaient les sommets du mont Cornillon; les maisons embrasées croulaient et s'affaissaient sur elles-mêmes. De ces fournaises ardentes s'échappaient d'immenses colonnes d'étincelles qui touchaient la nue hideusement colorée et s'y éteignaient. Comme du haut d'un promontoire, nos regards plongeaient dans une mer de feu. Le reflet rougeâtre des flammes donnait à lire sur nos fronts pâles, l'horreur qui dominait nos âmes."
Le faubourg d'Amercoeur en 1804 (Gravure de Léonard JEHOTTE)
"Nos interjections douloureuses étaient couvertes par le bruit de l'obusier et par celui du canon répondant aux batteries françaises placées à la Citadelle et dont les boulets portant trop bas atteignaient les maisons qui n'étaient pas encore envahies par le feu."
"Le long du Quai Saint-Léonard, on voyait fuir des hommes et des enfants se dirigeant vers les coteaux de Herstal pour se mettre à l'abri des projectiles meurtriers. La Meuse, réfléchissant, comme une glace unie, des teintes diversement colorées en rouge, nous apparaissait couverte de bateaux chargés de ballots et d'effets, descendant la rivière de toute la force des rames... Dans l'intervalle des décharges de l'artillerie, les accents de la douleur, du désespoir, de la rage, parvenaient jusqu'à nous."
"Ces scènes d'horreur, si faiblement esquissées et qui ont laissé tant d'amers souvenirs dans nos cœurs, durèrent depuis le 28 juillet jusqu'au 30, jour où le canon cessa, de part et d'autre, de vomir la mort et la dévastation."
Des secours efficaces furent organisés par les autorités locales pour venir en aide aux nombreuses victimes. Une somme assez considérable fut allouée aux incendiés.
En outre, pour faciliter la reconstruction des maisons sinistrées, il fut permis aux habitants du faubourg de s'emparer des pierres de taille de la cathédrale Saint-Lambert que l'on démolissait. On en excepta les pavés et les pierres des colonnes. Une partie des déblais du cimetière de Notre-Dame-aux-Fonts servit à remplir les excavations causées par le bombardement et les inondations.
Le 7 août 1800 parut un plan pour le rétablissement du faubourg. L'année suivante, un autre plan destiné à l'alignement de cette voie fut adopté mais ne fut probablement pas mis à exécution à cette époque.
Le 2 août 1803, Bonaparte, alors Premier Consul, étant venu à Liège, parcourut les ruines de ce quartier. Peu après il accordait un subside de 300.000 francs pour le relèvement du faubourg, dont un tiers fourni par le Trésor public, un autre prélevé sur les octrois de Liège et le dernier tiers sur la valeur du trésor appartenant à la cathédrale Saint-Lambert, lequel se trouvait alors à Hambourg. Ce subside fut surtout réparti entre les petits propriétaires.
(Extrait de "La Vie Liégeoise" d'octobre 1972, le Quartier d'Amercœur, sous les initiales P.V.)
Plaque apposée sur le Pont des Arches à Liège.
Lorsque, venant du centre de la ville, on a franchi le carrefour de la rue Léopold et de la rue Cathédrale, se dirigeant vers Outre-Meuse par le trottoir de droite, on peut voir, sur le mur garde-fou surplombant le quai Sur Meuse, une plaque portant l'inscription : "Pont de la Victoire. Ici les Liégeois ont vu briser leurs fers. Neuf thermidor an II de la République française.".
Le catalogue "Fastes militaires du Pays de Liège" édité pour l'exposition qui s'est tenue au Musée de l'Art wallon du 24 octobre au 29 novembre 1970, donne sous le numéro 536, page 201, l'explication suivante :
Dès l'arrivée de l'avant-garde française au faubourg Sainte-Marguerite, les "patriotes" liégeois se joignirent aux troupes françaises pour refouler les Autrichiens le 9 thermidor an II (27 juillet 1794).
La population s'arma et tirailla sur les Autrichiens qui durent reculer jusqu'à la rue Neuvice, puis s'abriter dans les retranchements construits au pied du Pont des Arches. C'est alors que les habitants d'Outremeuse traversèrent le fleuve en barques, prirent les Autrichiens à revers et les forcèrent à fuir vers la porte d'Amercœur sous les projectiles les plus divers. Selon le docteur Bovy, les blessés autrichiens furent achevés et jetés dans la Meuse, ce qui provoqua en représailles le bombardement des quartiers d'Outremeuse et d'Amercœur par l'artillerie autrichienne tirant à boulets rouges le 28 juillet.".
La plaque fut apposée sur le Pont des Arches en 1796. Une reproduction de cette plaque fut inaugurée en 1937".
Gravure
Cette gravure de Liège, au milieu du XVI le siècle, extraite de J. Blaeu (Toneel der Steden van 's Konings Nederlanden, 1649), bien qu'antérieure d'un siècle et demi, situe les lieux des combats de 1794 : la Chartreuse, dans le coin inférieur droit, Outre-Meuse, au centre, ainsi que la cathédrale Saint-Lambert, dans le milieu supérieur.
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Le Monument interallié de Cointe
Le Monument
La genèse de l'œuvre
La création d'un Mémorial interallié avait été décidée à Liège en 1922, sur un emplacement d'abord fixé dans la vallée, au confluent de la Meuse et de l'Ourthe. Peu de temps après, un comité se constitua pour la fondation d'une grande église régionale sur le plateau de Cointe, à quelques centaines de mètres du dit emplacement. Une entente profitable à tous égards permit de concilier les deux buts, par l'érection simultanée de deux monuments sur le plateau de Cointe : d'abord, un Mémorial interallié composé d'une Tour votive haute de 75 mètres (qui domine donc la Meuse et la ville de Liège, de 135 mètres) et d'une esplanade reliée à la tour par un escalier monumental en hémicycle; ensuite, une Basilique constituant à la fois une grande église régionale et un centre de pèlerinage, et formant avec le mémorial un vaste et superbe ensemble, visible de tous les points de la vallée et des collines environnantes; cette église a 60 mètres de hauteur; elle surplombe donc de 120 mètres la Meuse et la ville.
Les plans furent mis au concours, et la palme fut attribuée au projet de l'éminent architecte Jos. Smolderen, d'Anvers.
Les travaux de fondation.
Le terrain choisi comportait des dénivellations importantes, ainsi que d'anciens travaux miniers plus ou moins remblayés par main d'homme ou comblés par des affaissements naturels. D'où la nécessité d'une étude fort attentive, effectuée dans des puits de prospection par de réputés spécialistes possédant une connaissance parfaite du sous-sol de la région liégeoise. Ces études aboutirent à d'importants travaux de consolidation du sol : déplacement d'environ 13.000 m³ de terres et de remblais, forages et injections de ciment et de mortier sous pression, murs de soutènement formant les gradins de base des monuments et devant recevoir une décoration ultérieure.
Exécution des fondations de la tour du Monument Civil
Le Monument Civil.
Le Monument Civil se compose d'une grande salle découverte, encadrée de pylônes puissants, aménagée sensiblement au niveau de la première esplanade qui lui sert de cour d'honneur. C'est dans cette salle que, par beau temps, se célèbrent les manifestations importantes tant nationales qu'internationales, tandis que la foule nombreuse et recueillie, massée sur l'esplanade, suit aisément le rite harmonieux des cérémonies. Cette grande salle abrite des oeuvres d'art offertes par les nations alliées, associées et amies.
Le grand escalier monumental en hémicycle, qui continue la grande salle, conduit en cortège la foule des invités vers l'élément dominant du Monument : la Tour, et principalement vers sa salle haute dédiée à la Belgique.
Dispositif général de l'ossature en béton armé de la tour
Cette Tour, qui s'élève à environ 75 m au-dessus de la première esplanade constitue le signal de l'ensemble et porte à son sommet, un phare repérant le soir de très loin la butte commémorative.
Elle comporte, outre la Salle haute, située au niveau de la seconde esplanade, une Salle basse avec galerie formant crypte et abritant les monuments commémoratifs des Nations alliées. C'est dans cette salle, dont la Tour que peuvent par temps inclément, se développer les cérémonies prévues dans le cadre plus large et plus impressionnant de l'esplanade et de sa tribune surhaussée : la salle des pylônes. Des ascenseurs permettent aux visiteurs de faire l'ascension de la Tour et de jouir du spectacle unique qu'offre le cirque grandiose qui abrite Liège et ses faubourgs industriels.
La Tour a été élevée sur un radier carré de 11,55 m de côté extérieur avec un évidement central de 5,15 m de côté, affectant par conséquent la forme d'un anneau carré. Ce dispositif réduisait au minimum les terrassements dans le schiste dur, qui s'opposait à une fouille régulière, et permettait la réalisation minutieuse du gabarit.
Les huit colonnes, formant les éléments constructifs principaux de la Tour se trouvent encastrées dans le radier, deux sur chacune des quatre branches de l'anneau carré et dans l'axe de ces branches.
Le Monument Religieux
Le plan du Monument Religieux est du type radioconcentrique : disposition imposée par les nécessités spéciales du programme de cette église commémorative.
Vue plongeante de la Basilique
Image prise de l'étage des cloches de la Tour Votive du Monument Interallié. Dans le bas : deux des quatre petites coupoles d'angle
Il groupe autour d'un espace central trois grandes chapelles (dont une forme le chœur) et le portail suivant les axes principaux orientés sensiblement vers les quatre points cardinaux. Sur les axes diagonaux, alternant chaque fois avec chacun des éléments ci-dessus, sont aménagées des petites chapelles.
L'ensemble repose sur des fondations à larges assises en béton.
Celles-ci sont constituées, pour le corps principal, par huit massifs pleins d'environ 8 x 5 m à la base, qui se continuent par deux piliers pour les massifs traversant l'étage en sous-sol.
La dénivellation du terrain (versant nord-ouest de la butte) a permis de réaliser des locaux situés au-dessous du niveau de l'église. En effet sous la chapelle nord-ouest a été aménagée une chapelle basse qui servira aux offices ordinaires de la paroisse de Cointe. Sous les deux petites chapelles, à gauche et à droite de la grande chapelle basse, se trouvent de spacieuses pièces servant l'une de salle de catéchisme, l'autre de sacristie. Ces différentes salles sont accessibles directement de l'extérieur et reliées avec l'église haute par un escalier intérieur.
Les travaux en élévation, jusqu'à la naissance des coupoles, sont conçus en maçonnerie (briques de Boom) comme élément constructif avec un revêtement extérieur de moellons et pierres de taille de même espèce.
La mise en place du coffrage de la coupole intérieure.
Ce coffrage se compose d'environ cent fermes en forme de segments de cercle.
A part les gîtages de construction courante (poutres en béton armé avec hourdis en béton à nervures) et quelques petits éléments de décharge qui complètent les ouvrages en maçonnerie, la construction en béton armé ne commence réellement qu'au niveau des pénétrations des coupoles latérales, par conséquent à hauteur variable suivant qu'il s'agit des chapelles axiales (grandes chapelles, chœur, le porche et les chapelles diagonales (petites chapelles).
Toutes les coupoles sont réalisées en simple paroi de faible épaisseur (max 10cm) en béton armé, sans aucune nervure raidineuse. Le rayon de la grande coupole est de 13,70 m.
Vue d'ensemble des deux monuments.
A gauche, l'escalier en hémicycle qui relie l'esplanade du Monument Civil à sa Salle haute et, de là, au parvis de l'église
L'ensemble des monuments civils et religieux vu à travers les pylônes de la grande salle ouverte
Les travaux de couverture en cuivre
Toutes les coupoles sont recouverte de feuilles de cuivre laminé et recuit de 5/10 mm, posées sur une couche isolante de feutre asphaltique et fixées, à libre dilatation, par des nervures horizontales qui prêtent à ce mode de couverture un aspect imprévu.
Les nervures, de sections variées et décroissantes vers le haut des coupoles, ont une infrastructure en bois profilés, non résineux, fixés au corps des coupoles par des tire-fonds engagés dans des trous qui avaient été réalisés, lors du bétonnage des coupoles, par l'introduction préalable dans le coffrage de barres métalliques enduites d'huile.
La couverture en cuivre est réalisée à libre dilatation dans les deux sens par un double accrochage des feuilles, à joint horizontal, aux bourrelets.
Toutes les tôles mises en oeuvre ont été laminées par les soins de la Société Anonyme des Usines à Cuivre et à Zinc, à Liège, à partir de cuivre de l'Union lainière du Haut Katanga.
La réalisation de cette couverture n'a pas été une mince affaire.
Songez que 13.000 kilos de feuilles de cuivre, formant une superficie totale de 2.175 m², durent être montés à bras d'hommes à une hauteur considérable, où règne parfois un vent si violent, qu'une feuille de cuivre pesant neuf kilos fut un jour arrachée des mains des ouvriers, et transportée comme un fétu de paille très loin. Jusqu'à la gare de Liège-Guillemins, où elle atterrit bruyamment, mais par grande chance sans blesser personne.
Le cuivre des coupoles et du système collecteur des eaux de pluie a suivi les phases habituelles de la formation de la patine sur le métal rouge soumis à l'action de l'atmosphère. En peu de temps, il s'est couvert d'une patine brune provisoire, qui se modifia ensuite lentement en virant au vert.
Après quelques années le métal avait pris ainsi une nuance uniforme d'un vert jade clair et doux, très agréable aux yeux, et qui gardera une stabilité absolue; c'est cette patine qui permet au cuivre des coupoles de défier les morsures du temps.
Cette teinte d'une grande légèreté se détache délicatement, sans contraste brutal, sur les nuances les plus variées de l'horizon, d'un ciel pur ou nuageux. Elle affirme fort bien, mais sans la moindre dureté, le modelé des masses architecturales, et tout particulièrement les formes courbes des dômes et des coupoles. C'est une des raisons qui ont toujours fait adopter le cuivre comme matériau de couverture.
Matériaux
Ce monument international a été réalisé en grande partie avec des matériaux belges : matériaux de fondation, de construction et de décoration, marbres, etc. Cependant, afin de réaliser un ensemble dont l'aspect clair et rayonnant tranche sur les collines environnantes et le ciel brumeux du pays de Liège, les parements des façades ont été exécutés principalement avec des moellons blancs qui, de cette nature et de cette dimension, n'existent pas en Belgique, ainsi qu'avec des pierres de taille dont la matière première, travaillée sur place par une main-d'œuvre de l'endroit, nous était fournie par la France.
Les pierres de revêtement extérieur (principalement de couverture et de saillie) sont celles dites "Mézangère", et proviennent des environs de Commercy dans le département de la Meuse en France.
Les moellons sont de même nature et de même provenance.
L'ensemble des monuments aura nécessité la mise en oeuvre d'environ 11.000 m³ de maçonneries, pierres de taille et moellons, 3.500 m³ de béton, 450.000 Kg d'acier d'armatures de béton.
La tour du Monument Civil. Face Est dirigée vers la ville : vue prise de la grande esplanade
Parachèvement
L'achèvement des monuments a exigé la réalisation de + ou – 2.500 m² de pavements en marbres et autres, ainsi que d'une décoration riche de centaines de mètres carrés de revêtements divers. En outre, l'aménagement des abords immédiats comporte le revêtement de plus d'un hectare de superficie en esplanades, terrasses, trottoirs et accès.
Le parement des murs de soutènement, qui comporte environ 850 m², et des plantations d'arbres et de fleurs a assuré enfin la toilette définitive de la butte commémorative.
La décoration tant intérieure qu'extérieure des Monuments a été complétée au fur et à mesure des contributions des Nations interalliées ou amies.
Toutefois, une partie de cette décoration définitive est déjà en voie de réalisation.
En effet, la France, l'Italie, l'Espagne et la Roumanie ont doté le Monument Civil d'œuvres sculpturales remarquables, tandis que la Pologne a préparé l'aménagement décoratif et l'ameublement monumental de la petite chapelle ouest dans le Monument Religieux.
L'ensemble des monuments
Epilogue
Inauguré une première fois le mardi 20 juillet 1937 par S.M. le Roi LEOPOLD III, le monument inachevé a connu quelques vicissitudes au cours de la dernière guerre.
Restauré, réaménagé et complété par les soins de l'Administration des Bâtiments, ce magnifique mémorial a été inauguré une deuxième fois le 20 novembre 1968 par S.M. le Roi BAUDOUIN et la Reine FABIOLA.
Il sera accessible au public Liégeois et étranger ce 21 juillet 1985.
VISITEURS, souvenez-vous de ceux-là même auxquels ce monument est dédié. Ces valeureux combattants de 1914-1918 d'abord ! Tous ceux-là ensuite qui firent de même pour une Belgique et une Europe libre : combattants de 1940-1945, anciens résistants et déportés ... TOUS unis pour la même cause.
Ouvrages consultés
Revue "Cuivre et Laiton" N° 186 - 15 novembre 1936
Revue "La Technique des Travaux" novembre 1935
Discours prononcé par Mr Léon LEONARD, Président du Comité d'Entente au cours de la cérémonie de ré-inauguration du Mémorial le 20 Nov 1968
Archives Service Régie Bâtiments de Liège
Collaboration Commandant LEVAUX - C.L.H.A.M.
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Souvenirs de guerre - F. GERSAY (suite)
PRISE D'ARMES
A Sidi-bel Abbés, la vie d'escadron continue, routinière, paisible et calme. Le cortège habituel des exercices, des corvées, des revues de détail se succèdent.
La cavalerie détient un fourniment encombrant et vulnérable très coûteux, qui réclame un entretien fastidieux. Il faut se débrouiller avec trois fois rien, compte tenu de la pénurie générale. Pour les cavaliers, il n'est pas question de faire la sieste comme l'infanterie le fait. Il y a les chevaux à entretenir, les écuries à nettoyer, les armes à fourbir.
Il faut en permanence être prêt pour la parade.
Les ministres de Vichy viennent souvent en Algérie pour y prêcher la bonne parole et s'y refaire une santé. Chaque fois qu'un de ces messieurs se présente, c'est évidemment le tout grand branle-bas. On sort ce qu'il y a de mieux, en son honneur. On lui fait une réception digne de sa haute personnalité.
On attend la visite de Pucheux, ministre d'on ne sait pas très bien quoi. C'est le spécialiste de la collaboration à outrance et il vient sans doute tenter de secouer les enthousiasmes défaillants en Algérie française. Qu'il y parvienne ou pas, n'a pour le plouc nauséabond qu'une importance relative. Ce qui l'intéresse ce sont les corollaires.
Les deux escadrons à cheval de la Légion, sont réquisitionnés pour la parade. Les uniformes sont rendus impeccables, du moins en apparence et on a sorti les épaulettes de circonstance. Les chevaux luisants de santé et d'entretien piaffent d'impatience au bout du boulevard qu'il va falloir remonter en grande pompe tout à l'heure. La clique du 1er REC est présente au grand complet.
Remarquable et remarqué, voilà S..., polonais d'origine, qui s'occupera de la grosse caisse. Ce virtuose, en temps normal spécialiste de la gaudriole à bon marché et affligé d'une soif perpétuelle consternante, s'est hissé sur un cheval calme.
Cet animal, sélectionné et entraîné pour ces circonstances spéciales, transporte, fixée à son encolure par un harnachement enjolivé de rouge et de vert, une énorme caisse de résonnance.
A cette dernière, on a fixé les additifs indispensables à toute musique martiale qui se respecte. On y dénombre un chapeau chinois, des pendentifs métalliques aux fonctions indéfinissables qui se révéleront tout à l'heure.
Ce S... possède l'art indéniable de manipuler ces divers instruments tout en se maintenant en selle. Cette performance qui relève de la gageure, ne saurait s'exercer que sur monture placide, qui n'enverra pas son cavalier dans les bégonias de l'avenue.
Car, il conviendrait de le souligner, ce mélomane bruyant devra collaborer à l'harmonie générale de la clique, en contrôlant sa haridelle avec les genoux et l'éperon. Il fera naturellement usage de ces derniers, avec la circonspection qui s'impose.
On lui a octroyé un système spécifique de bridon, mais en dépit de l'ingéniosité manifestée par le sellier qui l'a conçu, on voit mal ce légionnaire encombré participer à un rodéo public. Bref, pour tout un chacun, la fonction musicale de ce spécialiste soulève l'admiration générale.
L'élément féminin de Sidi-bel-Abbès apprécie hautement la dextérité du personnage quand il se permet la fantaisie de lancer en l'air ses masselottes et de les rattraper comme un saltimbanque de music-hall.
Comme on peut le constater, le soldat de 1ère classe S... est un élément spectaculaire et important des manifestations martiales de la garnison. Il est d'ailleurs unique en son genre; ni les spahis, ni les chasseurs d'Afrique n'ont pu arriver à cette perfection tambourienne.
Mais il serait injuste de ne pas citer le légionnaire de 1ère classe P... détenteur du bombardon, spectaculaire mais moins visible, sinon plus auditif que S...
S... défile en tête de la musique. Yasreg a décidément l'esprit mal tourné. Il trouve qu'il a un peu l'air d'un crottin sur une barre d'écurie. Les mauvaises langues ne manqueront pas de l'accuser -à tort- de jalousie. Il rejette cependant énergiquement cette pensée peu digne d'un cavalier du 1er REC.
Derrière cet édifice bringuebalant et cliquetant, par 9 de front, voilà les trompettes, hautbois, fifres et autres clarinettes. Le menu fretin, dûment encadré, suivra la clique.
Tous ces valeureux vont devoir, dans la chaleur qui ne cesse de gravir les degrés du thermomètre, emboucher leurs instruments et s'efforcer d'éviter le plus possible les "couacs" impardonnables dans des circonstances aussi graves.
La parade se fait en gants blancs, ceinture bleue, épaulettes et fourragère pour ceux qui y ont droit. Chacun est détenteur d'un "bancal" (sabre à lame courte) bien arrimé dans son fourreau. On a dispensé les musiciens, suffisamment encombrés, du traditionnel mousqueton.
Le plouc malodorant le fixera en bandoulière à l'emplacement ad hoc : il s'agit d'une griffe métallique faisant ressort qui enserre la partie mince de la crosse, pour l'empêcher de battre les reins de son propriétaire.
Bien avant le départ des locaux, on a prié "ceux qui défileront" de passer par la vespasienne. Il faut admettre, en effet, que le moment serait mal choisi pour devoir s'esquiver en pleine cérémonie. On aurait manifestement bonne mine.
Donc cet ordre de vidange formulé selon les règles les plus courtoises, n'a pas rencontré d'opposition même larvée.
D'ailleurs, pour ceux qui ignoreraient les coulisses de l'opération, il convient d'ajouter qu'une fois juché sur sa selle, le cavalier ne peut plus descendre avant d'avoir terminé son rôle et en avoir, bien entendu, reçu l'ordre. En effet, un corvéable, indisponible pour le défilé, a laissé de côté la corvée fumier, pour s'armer d'une brosse à reluire et polir les semelles des godasses.
Il n'est donc plus question de se hasarder à terre avant un certain temps, sauf évidemment, en cas de force majeure : être débarqué par sa monture par exemple ...
Une faune cosmopolite et grégaire s'est agglomérée le long du parcours. On hisse la marmaille sur les épaules, et on tient les clébards en laisse.
Les fatmas voilées en rupture de gourbis s'apprêtent à rêver un peu, face à ces seigneurs rutilants qui ce soir vont déferler sur la ville, armés de leur permission de minuit et d'une soif exaspérée.
Comme d'habitude, la vente continue, mais le service d'ordre empêche manu-militari et à grands coups de pompe aux fesses toute incursion sur l'itinéraire du défilé.
Sur tout cela un soleil, imperturbable comme l'éternité, continue à déverser ses bienfaits et dans la suée générale, on commence à évoquer les mirages de pastis, et les promesses de cuite.
Les mouches bourdonnent, les chevaux gigotent, les tas de crottins s'amoncèlent. On attend toujours le ministre Pucheux qui, on l'espère, sera un peu plus ponctuel que la dernière fois.
Mais, des ordres retentissent. Les échines rectifient la position. Les haridelles, pleines d'espoir, piaffent. Mais il faut que "la reine des batailles" passe d'abord. Il faudra patienter encore et calmer son animal. Et finalement, toute la clique démarre dans le déchaînement des cuivres trop longtemps contenus, les accords plus graves du bombardon et les reprises des trompettes.
Au milieu de cette avalanche de décibels, S... tape sur sa grosse caisse avec une énergie dictée par la nécessité d'être écouté à tout prix. Complètement abrutie mais rendue placide par une habitude bien ancrée, sa haridelle prend les allures hébétées d'un vaisseau du désert qui rejoint son "douar" après six mois de Hoggar.
Mais le succès de la Légion à cheval est toujours assuré. Il est vrai qu'ils sont impressionnants, ces cavaliers astiqués et raidis par l'attente d'en avoir bientôt terminé.
Des vétérans en civil arborent leur "Médaille Militaire". Il y a quelques "you-yous" maghrébins dans le landerneau et aussi les cris d'allégresse des admirateurs pris aux tripes par la belle ordonnance martiale et romantique des troupes qui défilent impeccablement, il faut le dire.
On rencontre aussi les groupements attendrissants et évocateurs des enfants des écoles, qui chantent "Maréchal nous voilà" à tue-tête. Sur ces vocalises empreintes de conviction, on écoute les souhaits de longue vie au Maréchal vieillissant et les souhaits non moins fervents de bonne réussite dans sa défense de ce qui doit être défendu.
Les infirmières du dispensaire sont en grande tenue et elles aussi agitent de petits drapeaux tricolores en papier.
L'euphorie est générale, et on oublierait les mouches si on suait moins.
Les jolies filles sont pleines d'enthousiasme et jettent des regards embués d'admiration au 1er REC et sa clique.
Que demander de plus ...
On espère que le juteux sera félicité et content ...
Yasreg expérimente pour la première fois, les suavités de la parade.
Ah ! voilà la tribune officielle ... avec les personnalités.
Le ministre est en jaquette avec haut de forme, comble du grotesque. On remarque des généraux et des dignitaires locaux en gandourah. Les dames du tout Bel-Abbès ont fait le maximum. A grand renfort de corsets et d'ajoutés suggestives, elles se sont faites belles.
Tout cela est bien agréable à voir, quand on fait son possible pour rectifier l'alignement et que même la mouche la plus insistante et agressive ne peut vous faire dévier d'un pouce.
Tout le monde sue, halète discrètement, stoïquement, héroïquement dans un voile de poussière qui prend son temps pour se déposer. Pourquoi se presser, il n'y a pas un souffle de vent.
Yasreg comme tout le monde, contrôle son canasson, le fidèle l'"Ami". avec la main gauche. De l'autre il maintient dans la position réglementaire, son bancal des grandes occasions. Heureusement l'"Ami" est une brave bête, gorgée au fil des ans de "tape-cul" et de trot allongé, qui reste imperturbable et ne s'effarouche plus de rien. Elle a une tendance de ronfler sur place si on ne lui tient pas les pieds dans le ventre.
Bref, finalement tout se passe à la satisfaction générale.
Le Ministre prononce le discours qu'on attendait de lui. Les personnalités, avec le "OUF" de circonstance, vont se taper l'apéritif avant les agapes officielles et toute la plouquerie nauséabonde et suante regagne ses quartiers pour la soupe.
Oh joie ! les résidents en cabane, certains d'entre eux en tout cas, se voient déclarés sortants.
Bref, l'allégresse est à son comble, et chacun forme des vœux pour que le ministre Pucheux (et son administration) continue encore longtemps la généralisation de ses bienfaits.
MUTATION POUR FES
L'année 1941 tend vers sa fin. Les semaines, les mois ont passé avec leur cortège de petits problèmes ordinaires. La vie d'un soldat en garnison n'a rien d'exaltant. Elle est minutée, organisée dans ses détails, l'imprévu est exceptionnel. La nourriture est décente, suffisante et équilibrée.
Le colonel a sa marotte : elle consiste à faire irruption de façon impromptue dans les cuisines et à goûter l'ordinaire. Bien que le tambour de brousse ait averti les cuistots de serrer les fesses, il est arrivé quand même que le "colon" n'apprécie pas la cuistance et fasse déverser toute l'alchimie culinaire aux poubelles. Dans ce cas, l'air résonne d'engueulades musclées et les corvéables s'affairent avec l'énergie du désespoir.
Yasreg a depuis longtemps déjà assimilé la manière idoine de recueillir les trop-pleins intestinaux des haridelles de l'escadron, avant qu'ils ne s'étalent sur les pavés de l'écurie. Les suavités du pansage, de l'élimination des purins et des crottins, la dextérité au polissoir n'ont plus de secret pour lui. Il s'est définitivement adapté à la routine.
Le soir, quand il a des "ronds", il sort parfois en ville sa vieille compagne dans les quelques endroits qu'il fréquente; les flirts clandestins rompent quelque peu la monotonie, mais il est strictement interdit de fréquenter l'élément féminin de la ville.
Pour ceux que cela intéresse, il y a bien sûr les lupanars. Mais pour se hasarder dans ces temples de la sordidité humaine, il faut faire partie du fond du panier de l'évolution.
Et, pendant ce temps, dans le monde, la guerre continue.
Les communiqués officiels tolérés par la censure font état de localités, d'endroits situés géographiquement dans des pays mystérieux dont personne n'avait jamais entendu parler.
L'armée allemande avance toujours en Russie, mais on distingue un malaise dans les compte-rendus journalistiques. Ils n'osent pas trop dire, mais celui qui utilise son discernement fait des rapprochements qui ne vont pas toujours dans le sens des visions officielles.
C'est ainsi que le 07/12/41, un coup de tonnerre éclate, secoue les béatitudes commodes. De quoi occuper les méninges des stratèges qui siègent en milieu bistrocratique ...
Le Japon vient en effet d'attaquer la flotte américaine à Pearl Harbor. Ce fait énorme, gigantesque dans ses implications et ses retombées, soulève un raz de marée dans les consciences de ceux qui se sentent concernés.
L'espoir, un immense espoir renaît... L'heure de la revanche approche. Il n'en faut pas plus pour déclencher les suppositions les plus saugrenues.
Les théories les plus fantaisistes reprennent les ingrédients cent fois ressassés, pour faire circuler le bruit que la France va reprendre la lutte, que sournoisement le Maréchal est d'accord avec le Général De Gaulle, que l'amiral Darlan a mis le cap sur Dakar.
On va faire rendre gorge aux fridolins.
Maintenant que les Américains sont dans le coup, les événements vont se précipiter.
Bref, chacun dans le sanctuaire de sa conscience, espère, élève des pensées, s'efforce de croire que tout va aller mieux. Mais en attendant, on ressent profondément le sentiment de l'inutilité, du vide moral.
Un train à vapeur fait ce qu'il peut pour progresser dans la nature. On a dépassé Tiemcen sans s'y arrêter. La voie ferrée serpente entre des collines où des moutons hébétés de chaleur regardent passer l'engin...
On approche de la frontière marocaine, mais son passage se fera sans difficultés. Puis on s'arrêtera à Oujda. On y fera le plein d'eau et de combustible. On y trouvera peut-être quelque chose à boire, car la chaleur agglutine les fonds de froc et on sue, misérablement, dans les fumées noires et acres que la locomotive crache avec énergie.
Il n'y a pas un souffle de vent et les bidons sont vides. Certains ont cru intelligent d'enfreindre les instructions et ont rempli leur bidon de pinard de troupe. Ils sont à présent ronds comme des boules, mais ils ont peut-être malgré tout la meilleure part.
Le contingent voyage en wagons à bestiaux. Mais on a pensé au confort du légionnaire et on y a mis de la paille. Ceci au moins permet à ceux qui ont des fesses suffisamment rembourrées de s'allonger et même de ronfler. Les autres, tant pis, n'ont qu'à se contenter de s'asseoir sur leur équipement et à se défendre mollement contre les invasions de mouches.
L'abrutissement incite à la rêverie, mais on a laissé le romantisme, une fois de plus, au vestiaire de Sidi-bel-Abbès.
Yasreg, en ce qui le concerne, laisse pendre les jambes hors du wagon et, complètement amorphe, sombre dans le quasi-néant.
La destination est Fès, on y sera recyclé dans les escadrons actifs puisque l'instruction élémentaire du cavalier est terminée. Il y aura probablement de la joie tout à l'heure ...
L'escale d'Oujda, avec interdiction de s'éloigner du train, permet quand même de se dérouiller les extrémités. Les moutchous sont là, mais contrairement à l'habitude, ils sont reçus avec soulagement. Ils vendent en effet des liquides douteux, qu'on absorbe à ses risques et périls sous l'appellation de"limonades".
Il y a aussi des marchands d'eau. Pittoresques et loqueteux, ils transportent sur leur dos une outre en peau de chèvre et débitent, moyennant paiement, de l'eau salpêtrée à la tasse.
Pour ceux que ça intéresse, il y a des fruits et même des pois chiches cuits au piment. Mais on ne sait comment un débrouillard a dégotté un jambon complet avec son os. Moyennant redevance, ce légionnaire partage cette "trouvaille" avec les amateurs.
Finalement sans se presser, les préposés ont fait le plein d'eau pour la locomotive et les soutes à charbon sont pleines. Il n'y a plus de raison de s'éterniser à Oujda et cahin-caha le tortillard s'étire.
On contemple comme des seigneurs les gourbis crasseux de Taourirt et l'oasis hérissés de figuiers de barbarie de Guercif et finalement on distingue Fès dans le lointain.
La caserne du 1er REC à Fès se situe sur la colline et dispose d'une vue agréable sur la ville. C'est un bâtiment en béton relativement neuf, bien conçu pour le but à atteindre.
Derrière les locaux destinés à la troupe, se situent les écuries, les hangars du charroi et les ateliers de sellerie et autres annexes.
Partout où cela est possible, on a planté des palmiers et des fleurs. Les roses sont magnifiques et les abords soignés et impeccables.
Yasreg se souvient toujours du Camp Bossut et du foyer ... de l'escadron, où, en toute nostalgie, les anciens cosaques, noyés d'alcool et de souvenirs dansaient leurs chansons natales, accroupis et projetant leurs jambes dans tous les sens. On ne disposait ni de musique ni de radio, mais l'ambiance était inoubliable.
Digérés dans la masse et dispersés dans les différents escadrons, les éléments du contingent subissent des destinées diverses. Pour Yasreg, il s'agira d'un changement radical. Les talents de tout un chacun ont été épluchés et mis en évidence. On les utilisera au mieux. Son aptitude au dessin est mise à contribution. Elle l'avait été déjà à Sidi-bel-Abbès. De plus son livret spécifie que du fait de son "instruction", il conviendrait sans doute mieux dans un bureau.
Et notre homme se retrouve donc, du jour au lendemain, bureaucrate à la comptabilité de l'escadron, et en même temps mis à contribution occasionnelle par l'Etat Major. Dans ces cas assez fréquents, on attend de lui des croquis et des dessins techniques.
Voilà le Deuxième classe Yasreg placé dans une situation particulière. Son rôle, normalement confié à un sous-officier, consistera à tenir à jour les feuilles d'effectifs qui fourniront les éléments comptables nécessaires au paiement de la solde.
L'intendance basera également ses achats de vivres sur ces documents. On comprendra sans peine que ce genre de travail ne permet pas la moindre marge d'erreur, puisqu'il s'agit de "sous". Le soin et la ponctualité sont deux éléments essentiels dans l'accomplissement de cette tâche.
Dans un régiment de cavalerie, ce qui s'applique aux hommes est également valable pour les chevaux. Ces derniers, ont aussi leur "livret individuel" qui constitue leur curriculum vitae et les suivra jusqu'à l'équarrissage. Il s'agit d'appliquer les mêmes critères d'exactitude puisqu'il s'agit là aussi de "gros sous". Un cheval coûte de l'argent, a besoin de soins spécifiques et doit être nourri.
Il faut aussi tenir compte des "surnombres" ! Qui sont ces gens ? En bref, ce sont des militaires de carrière qui servent en civil dans les garnisons d'Afrique. La convention d'armistice qui lie la France de Vichy aux Italo-allemands, ne permet qu'une armée de 100.000 hommes. Ces "surnombres" grossissent les effectifs, sans apparemment faire trop crier les commissions d'armistice, puisqu'ils ne figurent pas comme militaires.
Ces employés hybrides, ambigus, créent des problèmes car on ne sait pas toujours très bien sur quel pied danser avec eux. Il est particulièrement gai pour un légionnaire en tenue de s'entendre attribuer des qualificatifs malsonnants par un quidam en civil qu'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Bien sûr, des méprises regrettables ont lieu et des horions se sont échangés à l'occasion ...
La planque de Yasreg a ses bons côtés. Il est mandaté pour sortir du quartier, parfois à cheval, pour se rendre aux services du Commandant de Place de Fès pour y copier le rapport. De plus, gratte-papier affecté à l'Etat-Major de façon vague mais suffisante pour en imposer face aux légionnaires simples et faciles à convaincre, il jouit d'un certain prestige.
Il est par exemple, exempt de corvées. On lui a affecté un cheval, mais il ne s'en occupe pratiquement pas, sauf quand il le sort pour sa randonnée occasionnelle. Il arrive d'ailleurs que cet animal ne soit pas disponible, étant monté par un autre. Comme tous les planqués, il appartient à l'Escadron Hors Rang, qui regroupe tous les infirmiers, cuistots, administratifs, ordonnances de tous poils, ainsi que les hommes de métier cordonniers, selliers, menuisiers ainsi que les préposés au mess.
C'est dans ces conditions, somme toute agréables, que notre homme passe les premiers mois de 1942. Pendant ce temps, dans le monde, des événements se préparent qui ne parviennent à Fès que par le truchement de racontars, de ragots et d'espoirs farfelus.
La fête traditionnelle du 30 avril et ses guindailles sont déjà loin derrière le dos, quand la situation de cet homme privilégié change subitement. C'était trop beau pour durer ...
Yasreg a commis une faute impardonnable. Une aventure sentimentale, toute platonique d'ailleurs, a dressé contre lui un sous-officier influent qui lui voulait du bien. Le règlement impitoyable qui interdisait les entourloupettes de ce genre, lui ordonnait de faire rapport au plus haut niveau. Signalé au colonel, ce légionnaire imprudent, coupable de s'être fait involontairement remarquer, était du jour au lendemain muté à Guercif.
GUERCIF
Bourgade insignifiante, brûlée de soleil sur la ligne de chemin de fer Rabat - Fès - Oujda. Militairement, elle était en 1942, relativement importante, par son point d'eau servant au ravitaillement des locomotives à vapeur. Elle groupait aussi une garnison assez nombreuse. Un ou deux bataillons de tirailleurs marocains et deux escadrons portés du 1er REC.
A proximité coule la Moulaya, rivière en provenance de l'Atlas qui donne vie sur tout son passage. C'est un centre maraîcher, avec aussi des oliviers, des élevages de moutons et de porcs.
A l'horizon au Nord, on distingue les montagnes du Rif. Une grand'route traverse l'agglomération, se dirigeant vers Taourirt, Oujda et l'Algérie.
La population s'agglutine autour du point d'eau au milieu des figuiers de barbarie. Toute l'activité locale gravite autour de la garnison.
L'endroit comporte, à titre de "distractions", deux bistrots sordides et les commodités d'accompagnement des garnisons : un B. M. C. et un dispensaire où les médecins civils et militaires collaborent pour enrayer comme faire se peut, les maladies surtout vénériennes. Bref, c'est un bled déprimant, infesté de mouches, cancrelats et autres joyeusetés de ce genre, les punaises par exemple, ainsi que les scorpions. En résumé un centre d'abrutissement de première grandeur.
Dès onze heures du matin, la chaleur est telle qu'il est interdit de se hasarder en dehors des baraquements sans casque colonial. On écrase les mouches à même son corps dans la sueur grasse qui dégouline. La sieste est de règle, mais la fournaise est telle qu'on ne peut que s'allonger sur sa paillasse.
On finit par s'habituer à l'odeur d'humanité qui fait tout ce qu'elle peut pour ne pas puer, mais n'y réussit qu'imparfaitement. On voit que, comme villégiature, c'est réussi ...
Voilà l'endroit oublié des dieux où Yasreg débarqua, après s'être tapé 3 kilomètres à pied, dans la chaleur montante et sous un ciel bleu plombé.
Le camp du 1er REC s'étale, vaste, désolé avec ses baraquements sans verdure, son sol calcaire ... friable et poussiéreux. On a l'impression de pénétrer dans un pénitencier. La réception au corps de garde, dans le bourdonnement des mouches, et les relents scatologiques n'a rien d'un cérémonial.
Le sous-officier examine son ordre de mission et avec un sourire acide, lui demande s'il est tombé sur la tête de quitter une planque comme l'Etat Major de Fès, pour venir "baver des plaques de chaudron" à Guercif. C'est bien entendu retourner le fer dans la plaie, mais le pauvre diable n'a pas le courage de répondre. Comme personne ne l'attend, le sous-officier ne sait qu'en faire et l'envoie à la baraque la plus proche en attendant une affectation. Il prévient charitablement Yasreg "qu'ici, c'est le bordel".!
En effet, une réception soignée attend le nouvel arrivant, qui tombe comme un chien dans un jeu de quilles au milieu d'une revue de détail. Sans coup férir, le voilà prié de participer à cette joyeuse exhibition, en extrayant de son sac les misérables hardes qui composent son fourniment. Le 1er Chef .... personnage d'une lumineuse intelligence et, de surcroît, en apparence du moins, nanti des pleins pouvoirs sur la faune qu'il contrôle, est occupé à sévir. Tout le monde sait ce qui se passe quand on confie à un soûlard imbibé le droit de faire ce qui lui plait.
Dialogue : Bref mais explicite !
"Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ?"
"Légionnaire Yasreg, Premier Chef ! je viens de Fès par mutation ... !"
"Ah ! de Fès, fini la planque ... déballez votre paquetage ... ici, tout de suite ... revue de détail pour tout le monde ... même pour vous"."
Avant de même savoir où il en est, Yasreg se voit proposé pour 8 jours de "gnouf". Le motif est incertain, mais ce brillant sous-officier a dû découvrir ou inventer quelque chose d'anormal dans le fa.
Sans même savoir où il va loger, cet indésirable est transféré à grands renforts de grossièretés a la cuisine comme corvéable, sans même lui laisser le temps de remettre son paquetage en ordre.
Après le graillon, vient le reste, latrines et ratissage des "allées". En principe, par décision de ce personnage dont il ignore le nom et la fonction, il est promu tôlard d'office avant de passer au rapport de l'adjudant...
Yasreg n'en croit pas ses oreilles ... Il n'y a donc aucun officier à Guercif pour laisser toute la troupe aux mains d'une équipe de soûlards galonnés, qui punissent de leur propre initiative sans en référer à qui que ce soit ? Qu'est-ce que c'est que cela pour une boîte ?
Puis, subitement, sans qu'on sache ni pourquoi ni comment, Yasreg est interrompu en plein récurage et prié de se présenter illico et en tenue à l'adjudant J... surnommé Touf-Touf. Ce dernier est imbibé, mais n'a pas atteint encore sa pleine capacité d'absorption. Il semble comprendre grosso-modo que Yasreg ignore toujours où il est affecté et où il doit loger. Mais pour Touf-Touf, la cause est d'ores et déjà entendue et Yasreg passera tout simplement la nuit au corps de garde avec les tôlards.
Cette décision énergique est communiquée à l'intéressé, qui constatant l'atmosphère du lieu ne formule aucune réponse. Il est bien forcé de constater que, le fait de venir de Fès, est suffisant pour entrer en cabane sans explication et sans autre motif. Il n'a toujours vu aucun officier, et ignore même le nom du Commandant de l'unité. Mais le voilà renseigné sur sa destination immédiate : le corps de garde.
Le reste de la cérémonie prend peu de temps, elle consiste à l'abandon des lacets de soulier . du képi et de la ceinture soutenant le froc. Dans cet accoutrement, Yasreg passe sa première nuit au corps de garde à même le sol.
Recru de fatigue, le pauvre diable s'endort comme une masse pour être réveillé à trois heures du matin pour allumer les feux de la cuisine. La journée commence bien.
Invité ensuite à déposer son paquetage à l'endroit où, en principe, il sera affecté quand il sortira de tôle, il fait la connaissance du brigadier chef Y... d'origine slave aussi incertaine que son français. Ce dernier l'examine et d'emblée le prend en grippe. Yasreg ne lui paraît pas le type idoine de légionnaire prêt à lui respirer le froc. Comme les autres gradés que Yasreg a rencontré jusqu'alors, il pue l'alcool. La cuite quotidienne semble commencer tôt pour tout le monde à Guercif. Le nouvel arrivant passe de surprise en surprise. Il a l'impression de vivre un cauchemar à la Kafka. Tout semble incohérent et empreint d'éthylisme.
Soudain, le brigadier chef Y... hurle son indignation. Les parois de la baraque en résonnent. C'est que le personnage a de la voix.! Que s'est-il passé pour susciter cette explosion de mécontentement de la part de ce gradé outré ? Cette manifestation verbale d'exaspération culmine jusqu'aux grossièretés d'usage.
L'attitude de cet homme, profondément heurté en apparence, résulte sans aucun doute d'une faute exceptionnellement grave du sieur Yasreg. On aurait pu croire un moment qu'il n'hésiterait pas à cogner ... Mais voilà, les paroles sont une chose, les actes en sont une autre. Confronté à l'impression que lui fait Yasreg, le personnage décide de foncer tout droit chez Touf-Touf.
En attendant les résultats de cette entrevue, empreinte de la largeur d'idées, qui ne peut manquer de s'exercer chez cet adjudant, il conviendrait de connaître le motif de l'exaspération incontrôlable du brigadier chef Y... La faute est en effet de taille et regrettable. Yasreg avait "camouflé" semble-t-il un objet personnel sous sa paillasse. On s'imagine les conséquences dramatiques qu'aurait pu provoquer ce manquement inadmissible au bon ordre du paquetage.
Dialogue : Avec Touf-Touf.
"A la légion on nage en surface ! Or vous essayez de nager entre deux eaux... Eh bien MOI !!! je vais vous couler à pic ... Ah ! le Colonel vous a muté ici; il avait sans doute de bonnes raisons ... Il va avoir de vos nouvelles avant peu, le Colonel ... Je ne vous flanque que huit jours de tôle parce que je ne peux pas vous donner plus ... mais je vous propose pour une ajoute et je vous garantis qu'elle sera de taille. Vous êtes déjà en tenue de corvée, cela hâtera les choses. Comptez sur moi pour m'occuper spécialement de vous ! Avez-vous quelque chose à dire, c'est le moment !"
Yasreg, face à cet énergumène ivre, ne prend même pas la peine de répondre. Cette attitude était de nature à aggraver son cas devant cet homme manifestement incapable de la moindre cohérence dans les idées. Touf-Touf allait le lui démontrer une fois de plus le soir même.
…
Toutes les corvées de la journée se firent en solitaire, hormis la présence d'un pauvre type honteux, chargé de le garder baïonnette au canon, comble du grotesque. Au cours de ces activités réjouissantes et empreintes d'euphorie, Yasreg se posait toujours la question de savoir pourquoi un simple adjudant tenait en mains tout l'escadron sans passer par le Commandant d'unité. Il y avait dans toute la garnison du 1er REC de Guercif un laisser-aller et une incohérence à laquelle Yasreg n'avait pas été habitué.
Mais, évidemment, le malheureux ne pouvait que subir ... il n'avait pas le choix.
Yasreg n'était pas seul pour passer la nuit au corps de garde. Trois autres, inconnus de lui, étaient logés, c'est le cas de le dire, à la même enseigne. Les tôlards se voyaient placés sous la houlette du chef de poste, qui était, semble-t-il, libre de les utiliser à n'importe quoi, même la nuit. Heureusement, tous les sous-officiers à Guercif n'étaient pas des Touf-Touf et évitaient d'en rajouter. Ils fichaient la paix aux pauvres diables qu'ils avaient sous leur juridiction momentanée. Mais ils étaient eux-mêmes soumis à la hiérarchie.
Soudain Touf-Touf fait irruption au corps de garde. Il est totalement ivre. L'œil injecté par l'alcool, secoué de fureur, il hurle ses ordres au chef de poste et aux hommes de garde. Des ordres imbéciles et incohérents d'ailleurs. Puis ...
"Tous les tôlards dehors ! Pas de gymnastique ..."
Les quatre pauvres diables se lèvent, se mettent au garde-à-vous et sortent ...
"Face au mur, garde-à-vous, demi-tour, couchés, debout, roulez, au coup de sifflet, couchés, debout, roulez". Le temps passe, l'adjudant Touf-Touf bafouille, semble sur le point de vomir le trop plein de son pinard. Titubant il planque tout sur place et s'en va. Yasreg saigne des coudes, mais ce n'est pas la première fois. Ses compagnons d'infortune sont dans le même état. Ecrasés d'humiliation et de désarroi chacun dans son coin se rend compte qu'il représente bien peu de chose."
( A suivre )
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