Sommaire
Editorial
Le centre de recherches et d'études historiques de la seconde guerre mondiale (*) organise actuellement une vaste collecte d'informations concernant la libération de la Belgique en septembre 1944.
Suite à la demande lui faite par la Ville de Liège, le C.L.H.A.M, apportera sa collaboration à la réalisation de ce projet en collectant les informations touchant l'agglomération liégeoise.
Un appel pressant est lancé à nos membres et sympathisants pour qu'ils contribuent à cette action. Tout apport, si modeste soit-il, sera vivement apprécié. Il s'agit de transmettre, au C.L.H.A.M., toute documentation : textes imprimés ou écrits, affiches, dessins, photos etc. concernant la période envisagée. L'accent est mis sur les faits suivants: départ de l'occupant (qui ? où ? quand ? comment ?), arrivée des unités libératrices, rôle de la Résistance...
Le C.L.H.A.M. souhaite, par ailleurs, recueillir les témoignages verbaux des personnes ayant vécu ces événements. Contact peut être pris à ce sujet au siège du C.L.H.A.M. tous les mardis soir (à partir de 19.00 Hr ), tous les jours non fériés (entre 08.45 Hr et 09.30 Hr).en formant le 041- 23 18 40 ext.298 ou 299, ou en formant, n'importe quand, un des numéros de téléphone renseignés au sommaire de ce bulletin.
Certain de compter sur la collaboration de ses lecteurs, le C.L.H.A.M. publiera une synthèse de cette enquête dans son bulletin périodique (4ème trimestre 1984 ), tout en remplissant la mission qui lui a été confiée.
Pierre ROCOUR
(*) Service du Ministère de l'Education Nationale situé, à B1000 Bruxelles, Place de Louvain 4, Bte 19 et dirigé par Monsieur J. VANWELKENHUYZEN.
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Patrick HOFFSUMMER - Du couvent du Val des Ecoliers à la Caserne Fonck (suite et fin)
Avant-propos
Comme nous l'avons écrit précédemment, les quelques recherches faisant l'objet de cet article ont été effectuées pendant notre service militaire avec comme but essentiel de mieux faire connaître l'intérêt des bâtiments de l'actuel "quartier Fonck". Nos sources se limitent aux publications d'érudits qui, avant nous, ont examiné d'importantes sources d'archives que nous n'avons pas systématiquement reprises dans le cadre limité de ce travail (T. GOBERT, 1889; J. ROCHETTE-RUSSE, 1955; P. MOTTARD, 1972).
La seule originalité de celui-ci est peut-être d'avoir essayé de confronter ces données déjà publiées à une petite enquête sur le terrain jointe au rassemblement de quelques documents iconographiques. L'étude des anciens bâtiments du couvent, et surtout leur chronologie, reste malgré tout, une simple hypothèse de travail qu'il conviendrait peut-être de vérifier à l'aide d'une documentation plus complète, voire de sondages sur le terrain, notamment sous l'actuelle cour devant le "Centre mobilisateur" ou dans le jardinet qui occupe une partie de l'ancien cloître. Enfin la description, anonyme, de la caserne en 1840, livrée au lecteur dans deux numéros précédents de cette revue (*), suggéra peut-être de nouvelles réflexions aux amateurs "d'archéologie militaire du XIXe siècle.
(*) Les chapitres précédents ont paru dans le fascicule 12 du tome I et dans le fascicule 1 du tome II.
1. "Liège, fille de la Meuse et de l'Eglise".
Liège est née autour d'une villa romaine devenue la résidence épiscopale de l'évêque Lambert aux premiers temps du Christianisme. Elle s'est développée grâce au fleuve qui la traverse, moyen de communication et d'échange au Sein de l'Europe médiévale. La Meuse forme un large coude, qui, en recevant l'Ourthe, se ramifie en une multitude de bras d'eau qui ont conditionné l'évolution du tissu urbain liégeois.
Après l'assassinat de Saint Lambert, vers 705, à l'intérieur de sa villa épiscopale, Liège n'est encore qu'un hameau. Mais les successeurs de l'évêque martyr vont la choisir définitivement comme capitale du diocèse de Tongres-Maestricht et élèvent une basilique, puis une cathédrale (Notger : 972-1008) sur les lieux même du crime. Liège s'étend et compte de nombreuses églises autour du domaine épiscopal : sept collégiales, vingt-six paroissiales et le monastère de Saint-Jacques. Notger protège la Cité d'une première enceinte entourant le Palais, la cathédrale, le Publémont, point fort du système fortificatif, et les paroisses avoisinantes à l'exclusion du quartier de l'île, ceinturée du bras d'eau de la Sauvenière.
Outremeuse est alors très peu peuplé. Deux églises paroissiales, Saint-Pholien et Saint-Nicolas, sont néanmoins protégées par la tête fortifiée du Pont des Arches, le seul pont enjambant la Meuse à cette époque. Outremeuse était un véritable archipel. Un large biez, le Barbou, suivait à peu près l'emplacement des boulevards de l'Est et de la Constitution et était relié à la Meuse par un autre bras transversal, le biez de la Gravioule. Ce terme Gravioule ou Graveria désignait à l'origine l'île comprise entre la Meuse et le Barbou en faisant allusion à la nature du sol, un dépôt de grève alluvionnaire, la rue longeant la caserne Fonck au nord conserve ce toponyme. (T.GOBERT, 1889, p. 451). Ce lieu prit ensuite le nom d'Ile-Notre-Dame après la fondation, sous le règne du prince-évêque Jean d'Eppes, peut-être vers 1224, d'une église en l'honneur de la Vierge. En janvier 1251, l'évêque reconnaît l'établissement d'un prieuré de l'ordre de Saint-Augustin dans l'Ile-Notre-Dame de Liège et quelques mois plus tard, la maison est affiliée à l'ordre des chanoines réguliers du Val-des-Ecoliers de France.
2. Le monastère du Val-des-Ecoliers du Moyen âge aux Temps modernes
a. Historique
Comme les autres monastères établis à Liège au XIIIe siècle, le Val-des-Ecoliers s'installa donc "hors les Vieux murs", car après l'expansion démographique du XIIe siècle, l'espace protégé par l'enceinte notgérienne était de plus en plus occupé. La présence du nouveau monastère ainsi que la menace que faisait peser la conquête du duché de Limbourg par le duc de Brabant (1288) ont stimulé l'élargissement des fortifications au-delà de la tête du Pont des Arches.
Le tracé de la nouvelle enceinte, longeant le biez de la Gravioule et le Barbou, se voit encore sur la gravure de J. Blaeu (1649) (fig 2) car il fut conservé tout au long des Temps modernes. En 1572, la fonte des glaces fit s'écrouler les murailles, ensuite relevées. Ce n'est qu'en 1777 que les religieux furent autorisés à les démolir; la ville se réservant toutefois le droit d'exiger leur rétablissement. (T. GOBERT, 1889, p. 451). Les ruines d'un bastion à la rencontre du biez de la Gravioule et de la, Meuse se voyait encore en 1852 (fig. 5). Les terrains vagues laissés entre l'enceinte et le prieuré servirent de longues années à la foire annuelle de Liège, instituée par Englebert de la Marck en 1550.
La vie des religieux du Val-des-Ecoliers, la succession des prieurs et abbés, leur comportement vis-à-vis de Rome et leur attitude face aux diverses réformes de l'Eglise ont fait l'objet d'études antérieures dont nous ne retiendrons que l'essentiel.
L'ordre du Val-des-Ecoliers de France est originaire du diocèse de Langres ou un prieuré avait été fondé, en 1212, dans le Val de Verbriesles, choisi par quatre docteurs de l'Université de Paris pour s'y retirer et observer la règle de saint Augustin. Trente-sept étudiants les accompagnèrent. (J. ROCHETTE-RUSSE, 1955, PP. 527-528; F. MOTTARD, 1972, p. 1). L'ordre s'étendit rapidement hors de France; il comptait notamment le monastère de Géronsart, près de Namur, uni à Langres depuis 1221 et qui reçut le prieuré de Liège sous sa dépendance dix ans plus tard. Le 21 septembre 1251, le pape Grégoire X confirma les premiers revenus du nouvel établissement et à partir de 1257, les chanoines réguliers reçurent la collation de l'église Saint-Pholien.
Les sources archivistiques mettent surtout en lumière l'histoire des Ecoliers de Liège à partir du XVIIe siècle. En 1614, le prieuré est transformé en abbaye grâce aux efforts du prieur Winand Latomé. En 1655, le pape Innocent X réunit tous les couvents de l'ordre à la congrégation de France en introduisant les réformes nécessitées par un relâchement de la discipline. Celle-ci était particulièrement déficiente dans le monastère liégeois qui, de plus, de par ses attaches françaises, subissait l'influence janséniste au point d'inquiéter le prince-évêque. Enquêtes et visites de nonces apostoliques ont laissé de nombreux textes éclairants à ce sujet (F. MOTTARD, 1972).
Avec la révolution française, la sécularisation du monastère en 1790 marque le début de son déclin. L'église, la maison conventuelle, les cours, jardins, vergers et dépendances furent occupés par un hôpital militaire, "l'hospice de l'Egalité" pour y recevoir les "braves libérateurs liégeois". Si en 1790, ces bâtiments furent évalués à 240.000 florins, ils n'en valurent plus que 40.000 en 1795 tant les dégradations étaient grandes et en 1795, la bibliothèque fut pillée par les Autrichiens (J. ROCHETTE-RUSSE, 1955). Puis, en 1805, l'abbaye fut vendue comme bien national et lors de la visite du Premier Consul Bonaparte, elle avait été changée en caserne (T. GOBERT, 1889, P.454).
b. Les vestiges architecturaux
"Le cloître, qui communique à l'église est propre, et solidement voûté. La maison est très bien bâtie; et tous les appartements en sont riants; leur situation ne contribue pas peu à leur donner cet agrément. La Meuse, et l'Ourthe, qui forment de cette Maison une espèce d'Ile, sont deux charmants objets pour ceux qui y font leur séjour. Ils sont, proprement parlé, à la campagne, et à la ville, mais ils voient l'une et l'une et l'autre du même coup d'œil, Les jardins y sont cultivés, avec une propreté, qui se fait souvent désirer ailleurs." (P. DE SAUHERY, 1758, pp. 180-181).
Ainsi s'exprimait l'auteur des Délices au Pays de Liège à propos du Monastère aujourd'hui remplacé par une caserne autour de laquelle le tissu urbain s'est resserré. Le milicien qui y vit son service militaire imagine mal comment les bâtiments qu'il parcourt se superposent, voire se confondent à l'ancienne abbaye. Pour comprendre et montrer l'évolution du site, plusieurs documents complètent utilement les observations sur place. Le Service historique de l'armée des archives de Vincennes conserve un plan de l'abbaye transformée en caserne sous le régime français. Ce plan daté du 1er décembre 1809 a été dressé en prévision de la démolition de certaines constructions vétustes, notamment l'église, dont les murs sont représentés en gras. Confronté à la disposition des bâtiments actuels, il nous a servi de base pour composer le plan interprétatif de la figure 17, où nous distinguons les lieux réguliers, les annexes vraisemblablement plus tardives, et les constructions militaires de 1852 - 1857 puis du début de notre siècle qui ont remplacé la plupart des bâtiments abbatiaux.
Le document de 1809 montre deux ensembles de bâtiments qui diffèrent au niveau de l'épaisseur des murs. Des murs larges de près d'un mètre appartiennent au premier groupe de constructions disposées autour du cloître; ce sont les lieux réguliers, conçus suivant le schéma, classique des abbayes médiévales, cisterciennes en particulier. Ses murs plus étroits, (50 à 70 cm) forment deux longues ailes de part et d'autre d'une cour depuis le parvis de l'église jusqu'à la rue devant les Ecoliers où elles sont réunies par un portail décrivant un segment de cercle.
c. Les lieux réguliers
L'église à chevet plat, bien orientée, est construite au nord du cloître. Le bras sud du transept touche l'aile abbatiale comprenant la salle du chapitre aujourd'hui miraculeusement conservée et abritant la salle à manger des officiers. Une aile en retour borde la galerie méridionale du cloître et l'ensemble se referme avec l'aile occidentale. Curieusement, sur le plan de 1809, le cloître ne compte que trois galeries, alors que la gravure de Blaeu (1627) en montre quatre.
Le plan de l'église rappelle nettement celui des cisterciennes. Les bras du transept se subdivisent aux extrémités orientales de façon à aménager deux pièces communiquant avec le chœur à un endroit où l'on a l'habitude de voir des chapelles.
Notons que l'on retrouve exactement le même type d'annexes sur le plan de la collégiale Saint-Paul dressé en 1850 par l'architecte Delsaux avant la malheureuse transformation de l'église (R. FORGEUR, 1969). Aux Ecoliers, le vaisseau est divisé en trois nefs de sept travées. La première de celles-ci devait être occupée par les stalles comme semble l'indiquer la liaison entre les piliers. Trois bases de calcaire (fig. 12) ont été mises au jour, en place, lors de travaux récents devant le "Centre Mobilisateur". Elles appartenaient à une rangée de colonnes de 79 cm de diamètre séparant le collatéral sud de la nef centrale. Elles sont sculptées en demi-tambour; le socle est octogonal et le passage au plan circulaire de la colonne se fait à l'aide de trois tores, le premier dépassant légèrement les pans de l'octogone. Aucun chapiteau de dimension équivalente n'a été découvert. Mais on peut peut-être s'en faire une idée en observant deux autres petits chapiteaux et une base de colonnettes (vestiges d'un triforium ?) trouvés dans les remblais au même emplacement. Le style et le matériau permettent d'établir un lien de parenté entre les colonnes et les colonnettes; pour les bases, il s'agit des même moulurations posées sur le même socle octogonal. Celui de la colonnette devait être fixé sur un stylobate par l'intermédiaire d'une cheville métallique (goujon), toujours scellée dans la pierre. Les deux chapiteaux présentent un décor végétal sur l'abaque et un tailloir octogonal à nouveau tout à fait semblables à ceux des chapiteaux de la nef de Saint-Paul où ce style mosan apparaît au XIIIe s.(Fig.14, 15, 16) (S. BRIGODE, 1944, p. 19). Il est clair que les liens de parenté architecturaux que nous évoquons continuellement entre les deux églises liégeoises, quasi contemporaines, peuvent s'expliquer lorsqu'on apprend que le fondateur de l'église Notre-Dame des Ecoliers serait précisément le Doyen de Saint-Paul, Otton de Geneffe (J. ROCHETTE-RUSSE, p. 327). Si le style des bases est typique des grandes cathédrales et églises françaises (Soissons, Ourchamp, par ex.), la forme des chapiteaux, l'emploi du calcaire de Meuse et la massivité des colonnes rondes sont des caractéristiques du gothique mosan froid et sévère (S. BRIGODE, 1971).
Contre le bras sud du transept venait donc se greffer l'aile conventuelle, conservée après la transformation de l'abbaye en caserne. Extérieurement, le bâtiment est un gros volume à deux étages dont la façade n'est manifestement pas antérieure au XVIIe - XVIIIe siècle comme, à l'intérieur, le majestueux escalier en chêne à volées droites. A l'extérieur, le rez-de-chaussée est entièrement appareillé en calcaire et percé de hautes baies à linteau courbe et clé. Le portail au centre est postérieur aux parements de calcaire; avec un arc en plein cintre et une clé monumentale, il est surmonté d'un fronton courbe néo-classique millésimé "1751". De la même époque date la grille dont la partie fixe est décorée des armoiries de l'abbé Chervin-Rivière (abbé de 1757 à 1742) surmontées de la mitre et de la crosse (J. ROCHETTE-RUSSE, p. 526). Les deux étages aux parements de briques renforcés de chaînes en besace en calcaire aux angles sont éclairées de baies à linteau droit, (fig. 7 et 8). Les seuils du premier étage, les seuils et les linteaux du deuxième se prolongent en cordon (PATRIMOINE MONUMENTAL, p. 67). De nombreux indices, différences de parements, reprises dans la maçonnerie, surtout au niveau des pignons, montrent que ce bâtiment a dû être plusieurs fois remis au goût du jour, notamment par rhabillage. Cela se voit très bien au niveau du pignon septentrional qui, soutenant les deux versants de la toiture, apparaît en retrait par rapport à la chaîne d'angle du rez-de-chaussée et des étages. Le ressaut à la base du pignon correspond en fait au rhabillage en brique et calcaire. Ce pignon est construit en tuffeau de Maestricht et présente des traces de petites ouvertures ogivales (fig. 10) aujourd'hui condamnées. Avec Gobert, nous y voyons un vestige du bras méridional du transept de l'église (T. GOBERT, p. 453).
A l'intérieur, au rez-de-chaussée, on peut encore admirer la salle du chapitre dont les voûtes d'arête en tuffeau sont bien conservées. La pièce, de 10 m x 15 m est divisée en deux galeries de trois travées. Les croisées d'ogive reposent sur deux colonnes centrales et des culots engagés dans les murs. Les nervures des doubleaux rejoignent les fûts des colonnes sans qu'un chapiteau ou une bague ne les interrompe et les clés en disque sont décorées de feuilles de chêne ou autres motifs végétaux. En principe ces caractères stylistiques se rencontrent tardivement au Moyen, âge, vers le XIVe siècle. Lors de l'installation du "mess officiers" dans cette salle, en 1980, on entreprit le percement de son mur occidental, vers l'angle nord-ouest, pour aménager un accès direct à la nouvelle cuisine installée au rez-de-chaussée d'une aile de la caserne construite en 1852. On découvrit alors les vestiges, relativement bien conservés, d'une haute fenêtre gothique donnant jadis vers le cloître, aux piédroits et claveaux en tuffeau mouluré avec colonnettes à chapiteaux. Le décor végétal et le format de ceux-ci sont comparables à ceux du porche nord de Saint-Paul. Si l'ancienne fenêtre de la salle du chapitre des Ecoliers récemment mise au jour sert actuellement de porte après une malheureuse destruction des meneaux, c'est que son appui est à la même hauteur qu'un plancher, récent lui aussi, exhaussant le sol intérieur de la salle. D'après les témoignages recueillis sur place, les bases de colonnes dissimulées sous les planches seraient fort abîmées suite au piétinement des chevaux installés lors de l'affectation de ce rez-de-chaussée en écurie militaire, (fig. 9 et 11).
Rappelons, pour les non initiés quelle était la fonction de ce type de salle dans un monastère. C'est le lieu où se rassemblait la communauté des chanoines, sous l'autorité de leur supérieur, pour prier, terminer l'office par la lecture du "martyrologe", c'est-à-dire l'annonce des saints célébrés le lendemain. C'est aussi dans ce local que se tenait le "chapitre des coulpes" où chaque religieux venait s'accuser spontanément et recevait une pénitence. C'est là que l'abbé consultait la communauté sur les questions concernant le monastère et enfin, c'est au chapitre que se faisait l'élection de l'abbé. En principe, traditionnellement, le siège abbatial était adossé au mur oriental de la salle, avec devant lui le pupitre sur lequel le lecteur posait le martyrologe. Les chanoines siégeaient tout autour, sur des gradins en pierre ou en bois (A. DIMIER et J. PORCHER, 1974, P. 40).
d. Les bâtiments autour de la cour d'entrée
Le plan des bâtiments entourant la longue "cour des Ecoliers" correspond à une étape de construction bien postérieure aux lieux réguliers que nous venons de décrire. L'élévation du portail fermant cet ensemble vers la rue Devant les Ecoliers (fig. 5) est de style baroque avec une clé de voûte qui, comme sur la grille fermant le porche de l'aile conventuelle, porte les armoiries de l'abbé Chervin-Rivière (1757~1742), surmontées de la mitre et de la crosse (1).
A part le plan, on ne connaît pas grand, chose du reste de ces bâtiments, probablement aussi du XVIIIe siècle; aucune représentation n'est connue et les traces archéologiques sont rares, comme cette porte bouchée visible dans un des murs actuels de la caserne (plan de la fig. 17, n° 16).
Pour la petite histoire, Gobert rapporte que c'est de cette "cour des Ecoliers" qu'un ballon fut lancé pour la première fois à Liège, le 4 juillet 1784 (T. GOBERT, 1889, P. 455).
(1) Dans H. THUILLIER, s.d., planche 43, on trouvera un relevé précis de ce portail disparu aujourd'hui mais qui était encore debout au XIXe siècle.
Nous reproduisons une deuxième représentation, plus anecdotique, celle de Wuidar (fig. 5).
3. Les constructions militaires
L'utilisation du monastère des Ecoliers à des fins militaires a donc rapidement suivi le départ des ecclésiastiques à la Révolution. Dans un premier temps, les constructions religieuses ont été utilisées telles quelles et ont notamment servi Iors du recrutement des volontaires engagés par Napoléon pour former un régiment de "chevaux légers" sous le nom de "chevaux-Iégers belges" (J. PURAYE, 1970, p. 80).
En 1810, on entreprend la démolition de l'église, adjugée le 21 décembre à un certain Eustache Delhaxhe, au prix de 4.600 francs. Un accident rnortel eut lieu pendant les travaux à la suite de la chute d'un pan de mur.
Par un décret impérial de la même année, la Ville de Liège devient propriétaire de la caserne et est chargée de son entretien et des aménagements suivant la force de la garnison. Cependant, quelques années plus tard, sous le régime hollandais, en 1824, une partie des constructions est rétrocédée au Gouvernement jusqu'en 1832 lorsque le jeune ministre de la guerre restitue les bâtiments à Liège mais dans un état très délabré.
La ville décide alors la rénovation et l'agrandissement de la caserne pour répondre aux besoins de la cavalerie. Ce qui subsiste du couvent est détruit à l'exception de ce qu'on appelait à l'époque "La chapelle", c'est-à-dire l'aile conventionnelle comprenant la salle du chapitre, et de l'aile sud perpendiculaire.
De 1832 date la construction de longues ailes de part et d'autre de l'ancienne "cour des Ecoliers" et de l'emplacement de l'église démolie (fig. 17, n° 10 et 11). Lors de cette campagne de construction, le portail du couvent est réutilisé pour l'entrée de la caserne. Le biez du Barbou n'étant pas encore comblé, il ne le sera qu'un demi-siècle plus trard, la rue devant les Ecoliers demeure l'accès obligé. La même année on élève deux ailes en retour d'équerre, contre le bâtiment longeant la cour d'entrée (fig. 17, n° 12 et 15). Dans ce nouveau complexe, les rez-de-chaussée sont conçus pour abriter les écuries; même la salle du chapitre reçoit cette destination au point d'en obstruer partiellement les grandes fenêtres (fig. 6).
Le 6 septembre 1857,une convention entre le gouvernement et le Collège échevinal prévoit la construction de nouvelles écuries pour 489 chevaux et un manège couvert de 68 x 25 m en plus des bâtiments de 1852. Ainsi l'importance de la caserne s'est-elle considérablement accrue avec l'indépendance de la Belgique. Sous le régime hollandais, en 1830, le 1er Bataillon d'artillerie de milice caserné dans l'ancien couvent comptait 799 hommes (R. DUMOULIN,1970, p. 109).
Après l'indépendance, avant 1857, la cavalerie installée aux Ecoliers comprenait 1048 hommes et 511 chevaux; ces chiffres, après les travaux de 1837, s'élevèrent à 1156 hommes et 873 chevaux (T. GOBERT, 1889, p. 454).
L'architecture de la caserne de cavalerie est simple, austère, fonctionnelle. Tous les bâtiments neufs sont en brique agrémentés de cordons et de soubassements en calcaire de Sprimont dit "petit granit". On remarque encore, le long des façades, une imposante série d'anneaux de fer scellés dans des dés en pierre incorporés dans les murs. Ces vestiges inutilisés aujourd'hui sont un beau témoin de l'affectation des bâtiments à un régiment de cavalerie puisque ces anneaux servaient à attacher les brides des chevaux qui, en été, étaient ferrés dans les cours extérieures.
Pour réduire la massivité du volume architectural du manège, l'architecte a divisé ses façades en différents registre) délimités par une ornementation discrète. Les pignons supportant la toiture en bâtière, aux pentes relativement douées, sont décorés d'un fronton courbe divisé verticalement par deux pilastres en briques (voir le Bulletin du C.L.H.A.M, t. 2, fasc 1, p. 21, fig. 10). La lumière pénétrait à l'intérieur du manège par 30 fenêtres surmontées chacune d'un occulus. Extérieurement ces baies sont inscrites dans des niches en plein cintre reliées les unes aux autres par des cordons en calcaire.
On retrouvait le même schéma architectural pour les portes cochères des écuries bordant la longue cour d'entrée.
La prouesse technique que représente la charpente du manège mérite d'être soulignée : cet espace de 1700 m² est couvert par une charpente d'assemblage en chêne posant uniquement sur les murs extérieurs sans support intermédiaire. A cette époque, la charpente métallique ne connaissait pas encore son plein développement même si quelques ponts en métal furent construits dès 1779 ou que les combles du Théâtre français à Paris (1796) sont déjà en fonte comme ceux de la coupole de la Halle aux blés de 1811. En fait, ce sont les travaux de l'ingénieur Eiffel qui donneront l'impulsion décisive à l'essor de la construction métallique, spécialement suite à l'élévation de sa célèbre tour lors de l'exposition universelle de 1889 (M. RAGON, 1971, p. 133 - 138).
Dans deux précédents numéros de cette revue (1) nous donnions la transcription du premier cahier manuscrit, anonyme, des Renseignements sur les écuries militaires de la place de Liège; Ce document, date de 1842, concernant la caserne des Ecoliers, donne une description très précise des constructions achevées cinq années plus tôt. Se référant-aux traités de Bourgelat (2), il donne un état des lieux critique en soulignant les défauts des écuries pour l'entretien courant et le manque d'hygiène. Toutes les écuries sont examinées les unes après les autres en soulignant leur défauts; manque d'espace, courant d'air dangereux lorsque les chevaux transpirent, volume d'air insuffisant, mauvais écoulement des urines, système d'aération à revoir, état des mangeoires. L'emplacement de la caserne même est critiqué d'une manière qui fait un peu sourire le lecteur d'aujourd'hui; "l'emplacement du Val des Ecoliers était peu convenable pour une caserne de cavalerie. Des localités aussi basses sont trop susceptibles de recevoir les eaux pluviales et par suite de leur stagnation et leur évaporation, des miasmes méphitiques (sic) s'y développent et corrompent l'air qui est moins pur et moins vif que dans des localités plus élevées".
L'auteur poursuit en s'en prenant au milieu urbain :
"D'ailleurs les abords seuls de ce couvent auraient dû faire renoncer au projet d'en faire une caserne de cavalerie; des rues très étroites, mal pavées avec des grès très durs, très glissants, mal joints avec du gravier de Meuse, et un pavé mal entretenu; un quartier très populeux et commerçant où un passage continuel de voitures de toutes espèces empêche la troupe de se rendre dans l'extérieur de la ville, pour aller au magasin de fourrages ou au champs de manœuvres, sans appréhender des accidents imminents"
Des changements ont alors été apportés aux bâtiments durant les années 1843, 1847 et 1848 (T. GOBERT, p. 454).
Le biez du "Barbou" (fig. 4) constituait un handicap évident pour l'agrandissement de la caserne. Son comblement précéda la dernière grande campagne de construction qui donna à la caserne sa physionomie actuelle avec ses bâtiments de 1887 longeant le nouveau boulevard de la Constitution crée grâce au retrait des eaux. C'est par ce côté que désormais on pénètre au milieu des constructions militaires, par un portail flanqué de deux tourelles polygonales d'un style "néo" rappelant les échauguettes des châteaux-forts percées de meurtrières. Ce style éclectique est caractéristique des prisons et casernes construites au XIXe siècle.
Depuis 1885, la, caserne des Ecoliers abritait le 2e Régiment des Lanciers qui, en 1914, comptait le cavalier Antoine-Adolphe Fonck parmi ses hommes. Premier soldat belge tué dans la "Grande guerre" son nom sera désormais attaché à l'ancien monastère transformé en caserne.
(1) Bulletin du C.L.H.A.M., t. I, fasc 12 et t. 2, fasc. 1.
(2) Auteur d'ouvrages sur l'art vétérinaire, notamment : Essai théorique et pratique sur la. ferrure, Paris, 1804; Eléments de l'art vétérinaire, Essai sur les appareils de bandages propres aux quadrupèdes, Paris 1813. Retour au texte
Bibliographie
J.-D. BOUSSART, 1974 : "Saint-Pholien au hasard des rues", dans la vie liégeoise, 6 juin, pp. 3-15.
S. BRIGODE, 1944 : Les églises gothiques de Belgique. Bruxelles.
S. BRIGODE, 1971 : "L'abbaye de Villers et l'architecture cistercienne", dans Revue des archéologues et historiens d'art de Louvain. T.4, pp. 117 ss.
P. DE SAUMERY, 1738 : Les délices du Païs de Liège ou description des monuments sacrés et profanes.T.1, Liège, pp. 180-181.
A. DE SELLIERS DE MORANVILLE, 1971 : "A propos des premiers soldats belges tombés le 4 août 1914, le 1er escadron du 2 Lanciers, d'après les témoignages d'époque" dans Revue belge d'histoire militaire, XIX, 4, décembre, pp. 355-360.
A. DIMIER et J. PORCHER, 1974 : L'art cistercien, s.l. (coll. Zodiaque).
R. DUMOULIN, 1970 : "Faits d'armes liégeois en 1830", dans Fastes militaires du Pays de Liège, catalogue de l'exposition au Musée de l'art wallon, Liège, pp. 109-117.
R. FORGEUR, 1969 : "La construction de la collégiale Saint-Paul à Liège aux temps romans et gothique", dans Bulletin de la Commission royale des monuments et des sites, T. 18, pp. 3-49.
T. GOBERT, 1889 : Les rues de Liège, anciennes et modernes. Liège, 2e édition, T. 1, pp. 450-455.
J. LEJEUNE, 1967 : Liège, de la principauté à la métropole, Anvers.
Fig 1 - Extrait du Plan de la ville de Liège levé par le R.P. Christophe Maire publié en cartouche sur la Carte de la Principauté de Liège et de la Comté de Namur, par le R.P. Nicolas le Clerc, 1747
Fig 2 - Détail agrandi de la vue de Liège éditée par J. Blaeu dans le Novum ac magnum theatrum urbium Belgicae regiae ad presentis temporis faciem expressum 1649 et conservée à la bibliothèque de l'abbaye du Val-Dieu
Fig. 3 - "Gravioule en 1852". Le biez de la Gravioule, aujourd'hui rue Curtius, reliait le Barbou à la Meuse que l'on voit à droite. Document du Musée de la Vie Wallonne
Fig. 4 - "Le Barbou et la caserne des Ecoliers en 1858". Vue prise depuis la "grille de l'hôpital de Bavière". A droite, derrière les arbres, on distingue le manège de la caserne. Document du Musée de la Vie Wallonne
Fig 5 - Vue du portail de l'abbaye transformée en caserne, depuis la rue Devant les Ecoliers. Reproduction d'une gravure de Wuidar. Document du Musée de la Vie Wallonne
Fig. 6 - Dimensions des fenêtres à demi obstruées de la salle du chapitre lors de sa transformation en écurie. Dessin tiré des Renseignements sur les Ecuries militaires de la place de Liège, cahier n°1, conservé dans les archives de la 3KDR de la caserne Fonck. Voir notre reproduction de ce document dans le Bulletin du C.L.H.A.M., T.II, fasc.1, p. 8
Fig. 7 - Vue de la façade de l'aile conventuelle. Photo, P.H., 1983.
Fig. 8 - Emplacement du cloître. Photo, P.H., 1983
Fig. 9 - L'ancienne salle du chapitre. Photo, P.H., 1983
Fig. 10 - Détail du pignon septentrional de l'aile conventuelle. Photo, P.H., 1983
Fig. 11 - Détail des colonnettes d'une des fenêtres de la salle du chapitre. Photo, P.H., 1983.1
Fig. 12 - Les bases de colonnes de l'église. Photo, P.H., 1983
Fig. 13 - Les bases de colonnes de l'église. Photo, P.H., 1983.
Fig. 14 - Eléments de colonnettes trouvés à l'emplacement de l'église en 1980. Photo, P.H., 1983.
Fig. 15 - Eléments de colonnettes trouvés à l'emplacement de l'église en 1980. Photo, P.H., 1983.
Fig. 16 - Eléments de colonnettes trouvés à l'emplacement de l'église en 1980. Photo, P.H., 1983.
Fig. 17 - Plan interprétatif de l'évolution architecturale de l'abbaye transformée en caserne. Hypothèse de travail. P. H., F. Tilkin, 1983.
- Murs représentés en gras = lieux réguliers de l'abbaye médiévale autour du cloître.
- Murs représentés par un double trait = bâtiments du monastère vraisemblablement construits aux Temps modernes.
- Bâtiments représentés par un contour rempli d'une trame grise = caserne construite de 1832 à 1838.
- Bâtiments représentés par un simple contour = caserne postérieure à 1838.
1. Poste de garde actuel construit en 1887 à l'emplacement de l'ancien biez de la Meuse "le Sarbou".
2. Entrée du monastère, puis de la caserne, par la rue Devant les Ecoliers. Portail baroque du XVIIIe siècle, détruit à la fin du XIXe siècle (?).
3. "Cour des Ecoliers".
4. Eglise abbatiale détruite en 1809.
5. Cloître de l'abbaye.
6. Salle du chapitre de l'abbaye, aujourd'hui salle à manger des officiers.
7. Salle des chanoines, aujourd'hui bar des officiers.
8. Mur figurant sur le plan de 1809 conservé aux Archives de Vincennes et divisant l'ancienne salle des chanoines. Aujourd'hui, ce mur est démoli.
9. Aile méridionale de l'abbaye, aujourd'hui salle à manger des sous-officiers.
10. Aile construite en 1832. Ecuries au rez-de-chaussée, logement des troupes à l'étage.
11. 12, 15. Idem que 10.
14. Ecuries construites en 1838.
15. Manège construit en 1837.
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André GANY Les forteresses préhistoriques
1. Introduction
Dans la dernière phase de la préhistoire, dès le 4e millénaire avant J.C., plusieurs milliers d'habitats répartis sur toute l'Europe (2.200 pour la seule France selon l'inventaire de 1906 - 1925) ont été entourés de talus et de fossés d'une taille parfois considérable pour assurer la défense d'un groupe humain ou simplement pour indiquer sa puissance.
Face aux autres vestiges que nous a légués cette époque et aux moyens techniques dont elle disposait, le volume des matériaux déplacés pour ériger ces forteresses et la taille qu'elles atteignent nous paraissent gigantesques.
Seules des populations sédentarisées et organisées étaient capables de se mobiliser pour des projets aussi complexes et d'en assurer l'entretien.
Dans les pages qui suivent, nous allons raconter l'histoire de ces fortifications des temps passés.
2. Un mot sur la chronologie
Ce sont les archéologues qui nous ont fait connaître toutes ces cicatrices guerrières qui rident la face de notre terre. Eux aussi qui grâce aux objets trouvés lors des fouilles ont établi une chronologie approximative des fortifications de la préhistoire. Les méthodes physiques de datation à partir d'isotopes radioactifs (carbone 14, uranium 238...) ou par thermoluminescence ainsi que les méthodes de datation biochimiques (acides aminés) et bio stratigraphiques (succession des espèces animales) ont permis de préciser cette chronologie.
3. Les premières fortifications
C'est vers 7000 avant notre ère qu'eu lieu ce qu'il est convenu d'appeler "la révolution néolithique".
Certaines communautés vivant dans les steppes du Moyen-Orient commencèrent à produire elles-mêmes une partie de leur nourriture par la pratique de l'agriculture et de l'élevage. Ce nouveau mode de vie se répandit progressivement et atteignit l'Europe entre 5000 et 4000 avant notre ère. C'est également l'époque où apparaissent les premières fortifications.
Le plus ancien village néolithique connu à ce jour est JERICHO.
C'est là que vivait il y a 9 millénaires, une population d'agriculteurs et d'éleveurs de chèvres.
Pour se prémunir contre les attaques de voisins avides ils avaient entouré leur village d'un fossé large de 9 m et profond de 3 m creusé dans le roc, et d'une enceinte massive en pierres de 3 m d'épaisseur munie de place en place de tours rondes de 8 m d'épaisseur.
Il s'agit-là d'un dispositif défensif impressionnant qui laisse supposer que les habitants de JERICHO avaient à se défendre contre une ou plusieurs tribus rivales.
En Europe, la fortification de sites habités va également de pair avec la sédentarisation des populations. Il est d'ailleurs symptomatique que les premières peintures rupestres avec scènes de guerre remontent à cette même époque.
Dès le milieu du 4e millénaire av. J.C. le Camp de CHASSEY en Saône-et-Loire a été fortifié mais il s'agit-là d'un cas exceptionnellement précoce pour nos régions. C'est en effet beaucoup plus tard au temps de la civilisation de MICHELSBERG - Site de la région du Bade-Wurtemberg - (3e millénaire) et de la civilisation des Champs-d'urnes (Age du bronze ± 1500 av. J.C.) que les fortifications vont devenir de plus en plus nombreuses, fortifications de plaine ou de colline consistant en murailles de pierres brutes, palissades en bois ou levées de terre...
Dès l'âge du fer et en particulier à l'époque de la Têne - site préhistorique près de Neufchâtel (- 500 / Conquête des Gaules par Jules César), l'emploi de fortifications est généralisé. C'est la grande époque de l'oppidum.
4. Les talus en terre à parois obliques
Dans les régions de plaine dépourvues de rochers et de forêts c'est évidemment la fortification en terre qui s'impose. Encore faut-il choisir un site adéquat.
Pour survivre aux dangers qui le menacent l'homme préhistorique devait d'abord pouvoir déceler l'approche de ses ennemis assez tôt pour se mettre en état de se défendre dans les meilleures conditions. L'emplacement le plus favorable pour ce faire était sans conteste le sommet d'une colline. Cette situation offrait de plus l'avantage de fatiguer l'adversaire pendant la phase d'escalade ce qui le plaçait en état d'infériorité par rapport à l'assiégé frais et dispos.
L'idée de compliquer davantage encore cette escalade vint sans doute très vite. D'où l'exécution de tranchées ou fossés creusés autour du sommet de la colline en épousant les irrégularités du relief. Les déblais résultant du creusement étaient entassés en arrière des fossés pour former le rempart. Une palissade venait le cas échéant surmonter et compléter le rempart. Fossés, remparts et palissade étaient toujours interrompus à l'emplacement des portes (généralement deux).
Ce point faible de la fortification devait évidemment être particulièrement soigné sur le plan défensif : obstacles amovibles (troncs d'arbre, blocs de rocher ...), pont amovible sur le fossé, passage en chicane .....
A moins que les défenseurs les plus robustes ne fassent rempart de leur corps....
Il faut noter par ailleurs que les positions généralement choisies présentaient de sérieux inconvénients en ce qui concerne l'habitat et les nécessités de la vie quotidienne; elles se trouvaient éloignées des pâturages et l'eau devait souvent y être apportée de très loin. C'est pourquoi elles étaient considérées plutôt comme des lieux de refuge que comme des habitats permanents.
Le Sud de l'Angleterre est riche en fortifications de terre; Badbury Rings, Hambledon Hill-Fort, Windmill Hill, Old Sarum, Maiden Castle témoignent de l'extraordinaire floraison de sites fortifiés par remparts en terre.
Nous allons en visiter l'une ou l'autre :
- Maiden Castle d'abord ! C'est la plus importante des forteresses préhistoriques anglaises
Vues aériennes de Maiden Castle, dans le Dorsetshire. Ses 18 ha sont entourés d'une triple ceinture de fossés et de remparts
- Il s'agit d'une colline ovale de ± 800 m de long sur 200 m de large ceinturée de levées de terre. Occupée dès le 3e millénaire, elle a été réoccupée à l'âge du fer par des immigrants celtes. Ceux-ci l'ont entourée d'une triple ceinture de fossés et levées de terre qui atteignent actuellement encore une hauteur totale de 27 m.
Les levées de terre étaient renforcées d'un parement de pierre et surmontées de palissades.
L'accès Ouest de la forteresse consistait en une série de chicanes particulièrement soignées empêchant les agresseurs de se présenter à plusieurs de front.
Cette fortification qui couvre 18 Ha devait exiger un nombre considérable de défenseurs pour sa sauvegarde.
Ces défenses remarquables n'ont pas suffit cependant pour arrêter les légionnaires de Vespasien en 44 après J.C. Les ossements des défenseurs massacrés par milliers ont été retrouvés au pied des remparts au siècle dernier.
- La visite de l'enceinte fortifiée de Old Sarum (plan page 48 ) est, elle aussi, passionnante. Cette fortification de 16 Ha comporte une double rangée de remparts de terre encore en parfait état et une belle entrée en chicane par où passe une route moderne.
Cette cité de l'âge de fer a survécu aux Romains et ensuite aux Normands. Elle a été occupée jusqu'au 12e siècle. Il y avait alors trop de monde à loger. Et puis là-haut comme le dit une chronique de l'époque, il y avait trop de vent et trop peu d'herbe et d'eau...., c'est pourquoi ils ont fondé Salisbury.
Ainsi donc dès l'aube de la fortification les fossés et remparts de terre ont joué un rôle primordial et au fil des siècles sous l'une ou l'autre forme : fossés d'eau des châteaux du Moyen-âge, parapets d'artillerie fossés secs des forts Brialmont, fossés anti-char des guerres modernes, ils conserveront leur importance.
5. Les remparts à poutrage interne - Les oppidas
Le dernier millénaire avant notre ère qui comprend entièrement l'âge du fer voit naître et prospérer une forteresse d'un type bien particulier qui sera baptisé, beaucoup plus tard du nom d'"Oppidum".
Ce terme désigne une fortification dont l'élément essentiel consiste en un rempart à poutrage interne dont l'exemple le plus connu est le "murus gallicus".
César en donne la description complète dans un texte de la "Guerre des Gaules" resté célèbre.
Ils placent parallèlement à terre de longues poutres, distantes l'une de l'autre de deux pieds. Ils les lient ensemble intérieurement, et les consolident en jetant des terres dans le vide qui se trouve entre elles. Au dehors, le même vide est rempli de grosses pierres.
Cette première assise solidement établie, on en ajoute une seconde, une troisième et successivement d'autres, jusqu'à ce que l'ouvrage s'élève à la hauteur que l'on veut lui donner. Les perches et les pierres sont séparées par des intervalles égaux. Ces rangs réguliers de matériaux différents, ces poutres, ces pierres disposées en échiquier et diversement colorées, offrent un coup d'œil agréable. De pareils ouvrages contribuent singulièrement à la défense des places. Les pierres garantissent de l'incendie, et les poutres résistent à l'effort du bélier".
Outre cette caractéristique essentielle il faut encore signaler que la toile des oppida est généralement démesurée par rapport aux agglomérations à protéger.
De plus dans bon nombre de remparts du type "murus gallicus" les armatures en bois ont été assemblées à l'aide de fiches (clous) en fer.
Cette manière de faire appelle deux observations; elle suppose tout d'abord la possibilité de recueillir et de forger une quantité considérable de minerai;nous y voyons la manifestation des importants progrès technologiques qui ont marqué le Ile siècle avant J.C.
Il faut noter, d'autre part, que l'effort déployé pour forger et fixer ces clous est démesuré par rapport au surcroît de résistance qu'ils apportent à la construction : quitte à soigner l'armature du rempart, une cheville de bois aurait aussi bien fait l'affaire.
Il faut donc en déduire que ces fiches ont été placées là pour des raisons de prestige ou pour symboliser une fonction juridique ou politique peu compréhensible pour nous.
Il existe un grand nombre de types de remparts à poutrage interne.
Tous cependant appartiennent à deux grandes familles. Dans la première, les poutres horizontales entrecroisées assurent par leur propre poids la stabilité du rempart (le bois est donc le constituant essentiel, à côté de la terre de remplissage et des pierres de parement). Dans la deuxième, seul le parement vertical externe (frontal) est constitué de poutres en bois et de lattes; cette "palissade" est contrebutée par un massif en terre.
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6. La notion de coût/efficacité appliquée aux forteresses préhistoriques
Dans quelle mesure les forteresses préhistoriques ont-elles joué le rôle que l'on en attendait ? Pour le savoir, nous allons cerner d'abord le travail requis pour les construire; nous jugerons ensuite de leur efficacité.
a. Cernons d'abord la notion de travail
- Pour l'époque en question, entrent surtout en ligne de compte les efforts qu'il a fallu déployer pour construire ces fortifications et les maintenir en état, et NON la valeur intrinsèque des matériaux mis en oeuvre.
- Quelques exemples nous aiderons à mieux comprendre ce que représente la construction des fortifications antiques pour les populations de ce temps.
- A MYARD près de Vitteaux en Côte-d'Or (France) une avancée naturelle a été aménagée pour servir d'habitat vers 3000 Av. J.C. Un rempart de 180 m de long barre l'éperon du côté le plus accessible. Ce rempart de 4 m de haut et de 2,5 m de large était constitué de pierres brutes extraites à l'avant même de la muraille. Quel effort ce travail d'extraction de 1800 m3 de roche n'a-t-il pas représenté pour des hommes équipés d'outils aussi rudimentaires que des pics en bois de cerf ?
- La forteresse de MANCHING en Haute-Bavière, d'une superficie de 380 Ha est entourée d'une ligne fossé/talus de 7 Km de longueur. Les fossés de l'époque ont couramment 3 m de largeur au fond pour une profondeur de 3 m., ce qui, avec une pente de talus 1/1 (45°) nous donne une largeur au niveau du sol de 9 m. Le volume de terre en place à creuser et à déplacer pour former le talus s'élève donc à [(9+3)/2)x3=18 m²] x 7.000 m = 126.000 m³
Le rendement d'un homme équipé d'outils modernes (bêche, pelle, pioche) est de 1 m/Hr. Si nous estimons le rendement de l'homme préhistorique au 1/4 de ce chiffre compte tenu de l'inexistence d'outils adéquats et du temps perdu au transport latéral et à l'édification du talus, nous arrivons en ce qui concerne le temps de travail nécessaire à un total de 126.000 x 4 = 500.000 homme/heure soit pour prendre des chiffres plus frappants, le travail de 500 hommes travaillant pendant 1.000 heures !
Ceci n'est pas une tâche insurmontable dans la mesure où la main d'œuvre ne manque pas et ne coûte rien. De plus ces forteresses sont faites pour durer... et elles durent.
Une fois construites, ces fortifications doivent encore être maintenues constamment en état. Le bois des remparts armés et des palissades pourrit après quelques années; la pluie et le bétail érodent les talus de terre. Il faut remédier à cet état de fait et si possible même prévenir les détériorations. Ce critère de résistance vis-à-vis des conditions atmosphériques défavorables influence donc le choix du type de fortifications (talus ou rempart à parement vertical) et aussi le choix des matériaux (pierre de préférence).
L'herbe maintenue en vie sur les pentes des talus favorise le développement de fortification par talus en terre dans les régions à climat humide et tempéré; le triple talus de Maiden Castle est intact depuis deux millénaires.
D'autres éléments que le volume de matériaux à mettre en oeuvre ou la difficulté même d'extraire et de manipuler ces matériaux peuvent intervenir dans la mesure de la charge de travail que représente l'exécution; Ce sont ceux liés au choix même du type à adopter.
Il s'agit, par exemple des problèmes d'implantation (tracé et place nécessaire à l'emprise, problèmes d'organisation de chantier et de travail en équipe, problèmes de haute direction et surveillance des travaux, problèmes d'entrettien ultérieur...
- Terminons par une comparaison rapide entre les deux grandes familles de fortification.
Le talus de terre ou de pierre peut être édifié rapidement avec un personnel peu spécialisé : la construction peut progresser sur plusieurs points à la fois, sans poser des problèmes de jonction difficiles à résoudre quand l'architecture est plus complexe. Il résiste bien au feu, qui ne peut mettre en péril que la porte, et au bélier, puisque César ne parvient pas, avec ses machines, à entamer le rempart du Noviodunum des Suessions. L'érosion naturelle ne l'entame pas si la pente est bien calculée et le matériau judicieusement choisi. Mais il présente l'inconvénient d'avoir une très grande emprise au sol quand sa hauteur augmente, alors que c'est précisément celle-ci qui garantit son invulnérabilité.
En revanche, si la fortification présente à l'assaillant une paroi verticale qui dépasse seulement quatre mètres, le franchissement de l'obstacle exige l'emploi de cordes ou d'échelles. On préfère généralement provoquer l'écroulement du mur de pierres sèches à l'aide d'un bélier, ou mettre le feu quand le rempart est en bois. Pour parer ces deux éventualités, les hommes ont cherché à combiner le bois, la pierre et la terre. L'originalité de l'architecture protohistorique s'exprime pleinement dans ces fortifications à armature de bois qui caractérisent l'Europe tempérée durant toute la protohistoire.
b. Venons-en a la notion "d'efficacité", de valeur de ces fortifications face à la menace représentée par les assaillants de l'époque.
Considérations générales
La force d'impact d'un corps de troupe en rang serré, comme c'était le cas pour l'infanterie de l'époque, c'est son énergie cinétique.
Comme la formule E = MV² l'indique, cette énergie cinétique est fonction de la masse (nombre de combattants, cohésion et densité du groupe) et de la vitesse à laquelle les combattants progressent.
Pour diminuer la force d'impact d'une armée à l'assaut il faut donc agir par les deux facteurs "cohésion" et "vitesse".
Pour rompre la cohésion du groupe et sa vitesse de propagation, on peut tout d'abord agir par le tir c.à.d. à l'époque par l'intervention le plus loin possible d'armes de jet (javelots) de pierres lancées par catapulte ou fronde.... ou de flèches.
Ensuite par la création d'obstacles verticaux (fossés, talus, fortes pentes, palissades, murs verticaux...) horizontaux (chicanes), ou par des chausse-trappes.
Enfin par l'intervention de défenseurs nombreux, résolus et bien armés pour le combat Corps à Corps.
Il faut noter par ailleurs que les obstacles dressés contre l'infanterie conviennent aussi contre la cavalerie ! C'est particulièrement le cas des fossés (souvenez-vous du chemin creux d'Ohain où si l'on en croit V. Hugo, la cavalerie française s'est embourbée au soir de Waterloo !).
En doublant ou en triplant les obstacles on augmente évidemment le pouvoir d'arrêt de la fortification. Il n'est pas inutile cependant de rappeler qu'un obstacle n'a de valeur que dans la mesure ou des défenseurs décidés l'occupent. C'est ici qu'interviennent d'autres éléments liés intrinsèquement à la fortification. Et tout d'abord l'emplacement des obstacles. Ils doivent pouvoir être battu par les projectiles amis. C'est bien le cas des remparts et talus préhistoriques.
La forme du contour ensuite. Ce contour sera circulaire de préférence car c'est la forme qui donne une surface intérieure maximum pour un périmètre minimum. Cette forme permet, le mieux de centrer les réserves et de les actionner rapidement vers les zones menacées.
Encore faut-il que ces réserves et autres oeuvres vives de la forteresse soient, elles, hors de portée et protégées des tirs et des vues. C'est le 3e rôle du rempart.
Ce rempart définit enfin la ligne de résistance principale, celle qu'il faut défendre à tout prix sous peine de perdre la place. Ainsi donc à l'aube de la fortification apparaissent déjà les composantes essentielles et "éternelles" de tout ouvrage défensif. Le rempart de terre oublié au Moyen-Age réapparaîtra à l'avènement du canon, le mur vertical vivra jusqu'à la 2e guerre mondiale et le fossé antichar est toujours d'actualité.
c. Comportement des fortifications dans la bataille – Application à deux cas historiques
1. La défaite de César devant GERGOVIE
L'investissement - Au printemps de 52 avant J.C., César marche sur l'Auvergne, avec six légions (environ 20.000 hommes).
Vercingétorix s'est réfugié à Gergovie, dont la position est défendue par un rempart en pierres sèches haut de 6 m et, à mi-pente, par un mur moins élevé. Du haut de ce plateau de basalte, parfaitement isolé, il domine les Romains établis au Sud-Est vers Orcet. Toutefois, César peut s'emparer de la colline de la Roche-Blanche, où il établit un petit camp qu'il relie au premier par deux tranchées parallèles.
L'attaque - César feint une attaque dirigée à la faveur de la nuit vers le col des Goules. Les Gaulois se portent en masse vers ce point faible pour en compléter les défenses; mais, dès le lendemain, le gros des troupes romaines se lance à l'assaut par le Sud, depuis le petit camp de la Roche Blanche. La première enceinte est franchie et les soldats de César montent à l'assaut du second rempart. A leur vue, les femmes poussent des cris de terreur et jettent de l'argent et des étoffes aux assaillants pour les arrêter.
Retour des Gaulois - Attirés par les cris et détrompés de leur erreur, les Gaulois reviennent en hâte au vrai lieu de la bataille.
Fatigués par l'effort fourni au cours de leur montée rapide, les Romains se désunissent et bientôt se débandent. Pour leur malheur, ils prennent les Eduens, leurs alliés, qui viennent à leur secours, pour une aide gauloise et se retirent en désordre. 46 centurions et 700 légionnaires ont trouvé la mort sous les remparts de Gergovie.
Sagement, Vercingétorix arrête ses troupes dans la plaine et César lève le siège quelques jours plus tard.
2. La prise d'ALESIA
ALESIA était la place forte la plus connue de la Gaule. Capitale des Maudubiens, cette ville avait une grande importance religieuse.
Sa prise par J. César en 52 Av. J.C. décida de l'issue de la Guerre des Gaules.
Après la défaite de sa cavalerie à Dijon, Vercingétorix vint s'enfermer dans l'oppidum d'Alésia. Il garda avec lui 80.000 hommes d'élite et se munit de vivres pour 30 jours mais renvoya sa cavalerie devenue inutile, chargeant ses chefs d'organiser une levée en masse parmi tous les peuples de la Gaule. César se souvenant de Gergovie renonce à prendre la place d'assaut. Il entreprend de construire une double ligne de fortification autour de la position, l'une (la contrevallation) d'un périmètre de 15 Km contre les assiégés, l'autre (la circonvallation) de 20 Km contre les secours gaulois attendus du dehors. Ces deux lignes laissent entre elles un espace de manœuvre d'environ 400 m de profondeur. Ces travaux qui furent sans doute le chef-d'œuvre de l'art du siège dans l'antiquité occupèrent nuit et jour 10 légions et furent achevés en l'espace de 5 semaines.
Quand l'armée de secours apparut devant Alésia, les assiégés avaient déjà épuisé leurs vivres. Cette armée mal organisée fut mise en déroute après trois essais infructueux contre les défenses romaines. Poursuivie par les cavaliers romains, elle se dispersa vers l'intérieur de la Gaule. Définitivement abandonné, Vercingétorix dut se rendre.
3. En guise de conclusion.....
L'étude attentive de ces deux batailles permet de conclure que les fortifications ont bien tenu le rôle que l'on attendait d'elles, permettant dans le cas de GERGOVIE le freinage de l'offensive des Romains jusqu'à ce que les Gaulois réagissent, et, dans le cas d'ALESiA dissuadant Jules César d'entreprendre un assaut direct voué à l'échec. Et si César remporte la victoire finale, il le doit encore pour une grande part à l'emploi judicieux de dispositifs fortificatifs élaborés.
Conclusions
Comme nous l'avons vu, c'est à l'époque néolithique peu après la sédentarisation des nomades qu'apparaissent les premières fortifications.
Dès le départ, les grandes lignes directrices qui procèdent à l'implantation et à l'organisation des forteresses sont présentes.
Certes, aucune des fortifications de la Gaule ne restera inviolée... et il en sera de même au cours des siècles suivants pour tous les ouvrages défensifs.
La conception et la réalisation d'un ouvrage fortifié résulte en effet d'un pari dialectique sur les aspects offensifs et défensifs de l'art de la guerre.
Et, in fine le meilleur système défensif est vain si les troupes qui l'occupent n'ont pas la volonté inébranlable de remplir leurs missions ni l'intelligence de comprendre les limites d'un dispositif défensif éminemment statique.
"Les remparts de la cité sont les hommes et non les murs" (Thucidite)
Ouvrages consultés
"La préhistoire de l'Europe" - S.J. DE LAET
"La France d'avant la France" - Jean GUILAINE
"ARCHEOLOGIA" (N° 154 - Mai 81)
"Revue Archéologique" (1/81)
"Alésia - Archéologie et histoire" - J. LE GALL
Le schéma ci-après reprend les plus connus parmi les différents types de rempart :
1. ROSTBAU (à grilles)
2. KASTENBAU (à caissons)
3. EHRANG
4. MURUS GALLICUS
5. BOX REMPART
6. PREIST-ALTKÖNIG
7. HOD-HILL
8. KELHEIM
9. Mixte
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Freddy GERSAY Souvenirs de guerre - Aventures de jeunesse - Deuxième partie: Yasreg Légionnaire
C'est fait. Le contrat de cinq ans est signé. Yasreg est légionnaire.
Ou du moins il le croit. En échange de sa liberté mitigée, de l'épée de Damoclès suspendue sur sa tête. il a revêtu l'uniforme, l'anonymat.
A présent sa sécurité et son nécessaire sont assurés. Pourtant le cœur est lourd.
Yasreg n'a rien d'un poète, mais il se rappelle bien des choses. Des bribes de Musset se mêlent à toutes sortes de réminiscences. Il est vrai que, chose qui ne lui était plus arrivée depuis longtemps, il se regarde dans un miroir. Ce n'est là ni coquetterie ni narcissisme. Il se contemple parce qu'il se rase. Il le fait avec curiosité, comme s'il regardait un autre homme. Est-ce vraiment lui, ce type maigre, sec, pas très attrayant, qui vient tout juste de passer sous la tondeuse réglementaire ? Ce nouveau venu, vêtu de kaki, impeccablement propre, flambant neuf, avec en poche une somme d'argent qu'il pourrait utiliser en principe comme il l'entendrait, n'était il y a quelques jours qu'une cloche. Quel luxe !
Puis soudain, est-ce l'imagination ou l'influence de Musset, Yasreg réalise qu'il n'est pas seul. A ses côtés, sa vieille compagne de toujours, celle qui l'a accompagné tout au long de son existence, celle qui ira un jour s'asseoir sur sa tombe, est là. silencieuse et mélancolique. C'est elle qui partageait sa couche, s'installait à ses côtés pour le regarder se nourrir. C'est elle encore qui lui tenait compagnie au milieu de la foule indifférente, quand il s'efforçait de distinguer malgré tout l'aspect comique des choses et des hommes.
Euphorie amère, teintée de grotesque, mais parfois agrémentée d'une touche d'humour de bon aloi, c'était là le refuge où il retrouvait sa vieille garce de maîtresse qui avait fini par s'identifier avec sa conscience. Yasreg en était arrivé à l'aimer, l'habitude aidant.
"L'humour", disait Mark Twain,"a été donné aux hommes pour les consoler de ce qu'ils sont, alors que l'imagination leur a été donnée pour les dédommager de ce qu'ils ne sont pas".
Yasreg fait finalement le point. Il entreprend mentalement un retour en arrière; tout n'est pas négatif pour lui dans cette introspection.
Mais il se sent soudain vieilli face au miroir. L'humour n'est pas tout, et en dépit de son sens inné de ce qui est caricatural, il réalise subitement, lucidement ce qu'il est si difficile de réaliser pour la majorité des gens. Il a oublié, ou plutôt n'a jamais connu, ce qui fait la joie des jeunes de son âge. Confronté au drame immense qui se joue dans le monde entier, Yasreg se fait l'effet d'un simple robot téléguidé. De quoi demain sera-t-il fait ? Il se rend bien volontiers à l'évidence que son ignorance est épaisse, qu'il a tout à apprendre et à expérimenter. Tout cela s'amplifie encore du fait qu'il est bourré de préjugés et de conceptions fausses mais qu'il tient mordicus comme vraies. Il n'y a rien dans tout cela qui soit détenteur d'optimisme, rien que l'inconnu et sa compagne habituelle : la solitude.
Pourtant, pragmatiquement, il n'est pas seul. Sorti de son rêve éveillé, il doit constater la présence des autres. Ce sont les nouveaux engagés. Dans sa chambrée, il y en a une vingtaine, fraîchement issus comme lui du magasin d'habillement. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'ils ont le physique de l'emploi.
D'abord, il convient pour les recrues de s'inspirer de l'idée qu'on n'est pas bombardé "légionnaire" en signant le contrat d'engagement. Le képi blanc traditionnel ne s'obtient qu'après un entraînement sérieux et très dur. Les mauviettes se transforment ou capitulent. Il est impératif aussi de s'adapter à la mentalité spéciale qui prévaut à la Légion. Ce corps n'est pas constitué par des soldats français, même s'ils servent la France.
C'est sans doute la raison de leur accoutrement. On les a coiffés d'un bonnet de police à pointes avant et arrière : un peu comme un bonnet d'âne placé de travers. Ils ont enroulé des bandes de drap kaki sur leurs mollets. Cela donne des effets divers selon les individus. Si Yasreg n'est pas bancal du côté cérébral, il l'est plus ou moins aux extrémités; de quoi édifier des complexes. Les brodequins cloutés tout neufs, un peu vastes pour lui, lui donnent l'impression de patiner dans le confort. On a revêtu le pantalon d'infanterie, la veste réglementaire à boutons bronzés sans insignes, bien sûr, puisqu'on n'a pas d'affectation. Chacun dispose aussi d'une vaste capote en drap, laquelle, dans les circonstances idoines, peut, par sa coupe étudiée, servir de couverture. Bref, à défaut d'élégance, on est tenu bien au chaud.
Si l'on dispose de deux chemises, la numéro un pour les grandes occasions, la numéro deux pour les moins grandes, on pète dans le pantalon pur. L'Intendance n'a, en effet, fourni aucun linge de corps.
Par contre, on a été doté d'une musette en toile, d'un bidon à pipette, d'une gamelle avec couvercle et couvert ainsi que d'un nécessaire à coudre. On a touché un tiers de la prime d'engagement, du savon réglementaire, du caporal de troupe (tabac) et on a droit à l'atmosphère réconfortante et euphorique du foyer du Camp Sainte Marthe, avec son pinard et ses sandwiches au lard cru.
Mais comme il est de tradition à la Légion, la nourriture est bonne et les cuisines propres. Bref, si l'on s'en tient à des concepts purement matériels, on peut constater que tout n'est pas noir, si tout n'est pas blanc. Bien sûr, il va falloir s'adapter, s'habituer à la promiscuité, de gens sans complexes. S'efforcer aussi de quitter les rêveries philosophico-spirituelles pour se mettre au diapason de l'ambiance. C'est impératif mais... difficile.
Ensuite, il y a les agréments de la vie journalière en garnison. On "pluche", on récure les locaux tant bien que mal, on ratisse les allées en éliminant les mégots, on "plonge" à la cuisine, on s'initie aux suavités de la scatologie pratique, etc... Bref, le moins dégourdi sent ses côtelettes se redresser toutes seules et les petits délicats qui se sont fourvoyés dans le lanterneau sont invités à faire des bonds.
Accessoirement à ces joyeusetés, Yasreg se rappelle les millions de fourmis, attirées par tout ce qui est sucré, et qu'on retrouve partout, dans son lit, ses vêtements et même sa gamelle. Mais finalement, l'habitude aidant, on en arrive à accepter placidement ces suppléments de nutrition qui d'ailleurs assez souvent, font bon ménage avec les "charançons".
EMBARQUEMENT, NON POUR "CYTHERE", MAIS POUR ORAN
Le cargo, énorme, est à quai. Les passerelles sont jetées. Tout est prêt pour embarquer le contingent de recrues destiné à étoffer les effectifs Nord-Africains. Il y a de tout là-dedans : des Goumiers algériens et marocains, quelques Sénégalais, des Chasseurs d'Afrique, des Spahis et autres Zouaves et Turcos. En plus, bien sûr, le groupe de recrues destinées à la Légion.
A proximité des passerelles d'accès au navire on a placé deux tables qui font office de bureau. Des officiers allemands et italiens vont vérifier chaque recrue, la questionner s'ils le désirent et éventuellement empêcher l'embarquement de ceux qui ne leur plaisent pas. Deux par deux, un pour chaque table, les candidats au voyage s'approchent, subissent les formalités et embarquent avec leur baluchon. La Légion forme le dernier groupement. Tout le monde est "en place, repos".
Discrètement un ordre circule, de bouche en bouche : les nommés Yasreg, XYZ, etc. doivent quitter le gros du peloton et se rassembler derrière un hangar. Là, Yasreg se trouve devant un escalier de pierre descendant à l'intérieur de la jetée. C'est un sous-officier de marine qui conduit tout le monde, après avoir attiré l'attention sur la nécessité du silence et de la rapidité d'exécution au moment décisif. L'escalier débouche face au cargo. Une passerelle légère, simple planche nantie d'une corde comme garde-fou, relie le quai au navire : distance environ trois mètres. Ce moyen d'accès amène à une ouverture étroite et basse dans le flanc du cargo. Des précisions chuchotées circulent sur ce qu'il conviendra de faire et de ne pas faire. Il faut éviter tout accroc. La passerelle improvisée se situe à environ quinze mètres en-dessous de celle contrôlée par les Fritz. Pendant que l'embarquement continue en haut, les cinq légionnaires sélectionnés, vont passer un à un à bord du navire, au signal donné par un robuste matelot placé à l'entrée de l'écoutille comme guetteur, lorsqu'il le jugera opportun. Il s'agira alors de bondir, faire trois pas sur la planche et s'engouffrer dans l'ouverture, après avoir empoigné la main du marin. On voit clairement ce que cela donnerait si quelqu'un loupait la planche après avoir raté la main tendue. Le malheureux se retrouverait dans un graillon noirâtre où surnagent dans l'huile crasseuse, toutes les ordures que des générations de navires peuvent produire.
Cette situation, pour le moins ennuyeuse, deviendrait délicate dans ses implications. En effet, ce micmac ne pourrait manquer de faire du bruit. Il serait vain de ne pas croire à la sagacité des Italo-Fridolins et de supposer que les choses en resteraient là. On peut, en bonne logique, imaginer qu'ils empêcheront d'abord le départ du navire et ensuite le videront de ses occupants et procéderont à un ratissage au peigne fin. Les conséquences pourraient en être dramatiques pour Yasreg et sans doute pour ses compagnons. On peut imaginer que si ces cinq légionnaires ont été sortis du tas, il y a des raisons bien précises pour le faire. La Légion n'abandonne jamais ceux dont elle assure la sécurité chez elle, mais les circonstances auraient été telles que cette belle tradition n'aurait pu s'exercer efficacement.
Cela explique les préoccupations de Yasreg quand, avec autant de grâce que d'élégance, il fit le bond qui lui faisait quitter de quelques centimètres le sol français. La planche était instable, simplement coincée entre les jambes du marin. La corde n'avait qu'un rôle psychologique et seul la poigne de fer du colosse sauva la situation.
Finalement, tout alla bien. La planche réintégra discrètement sa place dans la cale, l'écoutille se ferma pudiquement et chacun, dans l'obscurité complice, s'abandonna à ses méditations personnelles en attendant que le bateau s'en aille vers d'autres cieux, qu'on souhaitait plus cléments.
EN MER
Marseille a disparu depuis longtemps. Tout autour du navire, c'est l'immensité bleue de la Méditerranée écrasée de soleil, par moments, une brise légère s'infiltre, contourne les écoutilles, le matériel du pont, pénètre les recoins où chacun, dans son désœuvrement, s'efforce de supporter la chaleur. Le cap est plein Sud, destination Oran. La consigne est stricte : seul l'équipage a accès à l'avant du navire.
Sur le pont, deux énormes camions destiné au transsaharien sont amarrés avec de grosses chaînes. Tout le reste de l'espace disponible a été soigneusement réparti. Les caisses s'empilent entre les amoncellements de sacs. Il ne reste que peu de place pour circuler et s'installer. Chacun fait ce qu'il peut pour se planquer tant bien que mal dans un coin. Et finalement, on parvient quand même à récupérer vaille que vaille un peu d'espace vital.
Entre les deux camions, quelques débrouillards ont profité d'un trou et se sont installés pour une partie de cartes. La paix règne.
Yasreg n'a fraternisé avec personne encore. Il s'agit de connaître son monde. Des personnages à mine patibulaire en font partie. Il faut du temps pour jauger le milieu et se faire une idée de comment manœuvrer. Certains membres de la nouvelle confrérie semble s'être connus depuis toujours. D'autres, taciturnes et perdus dans leurs pensées, recherchent les coins isolés pour y digérer leurs problèmes.
Yasreg a le cœur lourd. II ne laisse pas grand monde derrière lui. Personne ne s'intéressera réellement à ce qu'il adviendra de sa personne. L'avenir, c'est l'inconnu. Vraisemblablement une sorte de servitude, d'école d'abrutissement et d'humiliation où sa personnalité devra lutter pour ne pas se diluer dans l'ambiance générale. Déjà, les quelques contacts subis avec "ceux qui commandent" font entrevoir que tout ne sera pas rose et qu'il faudra se barder contre la mesquinerie. Il est clair qu'il s'agira là d'une épreuve morale de première grandeur et qu'il faudra en sortir victorieux. Il faudra assimiler la force d'inertie, s'assouplir l'échine, ne compter que sur ses propres ressources, identifier sa volonté avec sa conscience et ne pas déchoir.
Le bateau tangue un peu, change légèrement de cap. Les remous de l'hélice projettent en tous sens les déchets de cuisine éjectés par les cuistots. Les marsouins en profitent, font des exhibitions de souplesse, se rendent intéressants. Faute de mieux, on les regarde et on sourit de leurs cabrioles. Rien n'est visible à l'horizon si ce n'est le bleu profond de la mer qui fusionne à la limite avec la brume lointaine et le bleu du ciel. Seul le ronronnement monotone des machines berce la torpeur générale.
PREMIERE BAGARRE.
Un groupe de joueurs de cartes assis à même le pont. Autour de ceux qui misent, il y a les spectateurs intéressés. Une sorte de "suspense" s'est installée. L'ambiance devient tendue.
Méki perd solidement. Tout le monde le regarde : va-t-il continuer ? En face, son adversaire, ancien membre des Brigades Républicaines d'Espagne est consciencieusement occupé à lui rafler une bonne partie de sa prime d'engagement. L'atmosphère se survolte, on en oublie la chaleur, il y a de la bagarre dans l'air. Méki est Français, natif de Lyon. Yasreg apprendra plus tard la raison de son engagement. C'est un colosse simple, une sorte de cariatide humaine. Ses épaules font penser à l'Hercule de Farnèse. Il possède des poings énormes dont il a tendance à trop faire usage quand il a bu, ce qui lui arrive plus souvent qu'à son tour. Les problèmes moraux de Méki se cantonnent dans des limites rudimentaires. Pour lui, il y a des "choses qu'on fait" et des "choses qu'on ne fait pas".
Mais si son cheminement cérébral n'est pas des plus rapides, ce costaud a acquis, grâce à des expériences nombreuses en milieu carcéral surtout, un solide bon sens et un discernement qu'il est dangereux de tenter de prendre en défaut. Méki, à tort ou à raison, s'est persuadé que Diego Gonzalès triche et le prend pour un imbécile. Le rouge lui monte à la face. Lentement, comme tout ce qu'il fait d'ailleurs, Méki se lève. La raison de cette lenteur, ce n'est pas l'ankylose. II a jeté ses cartes dans la figure de l'Espagnol et d'un même mouvement, il l'a saisi par le col de sa chemise et il le met debout en même temps que lui. Tout cela d'un seul geste. L'"hidalgo" n'est pourtant pas un poids léger. Méki étouffe de fureur. Il ne trouve pas de mots pour exprimer son opinion sur Gonzalès. Et il le secoue comme un prunier. Cette manifestation de mauvaise humeur n'aurait peut-être pas eu de suite plus grave, car Méki n'est pas méchant au fond, si le secoué n'avait poussé le souci de défendre sa dignité compromise face à plusieurs compatriotes, en essayant d'envoyer à Méki un coup de pied dans les parties vitales.
C'était là une maladresse psychologique dont l'Espagnol allait sur le champ subir les conséquences douloureuses. Le poing droit du costaud lui écrasa tout simplement la figure. Son poing gauche projeté avec une force irrésistible l'atteignit presque en même temps, l'expédiant comme un paquet déglingué sous un camion amarré. Le crâne du malheureux évita de justesse le pare-choc en acier de l'engin, qui l'aurait sans doute achevé. Comme un pantin disloqué, le pauvre diable gisait sous les roues du camion : un problème pour l'en sortir.
Personne n'avait touché aux mises déposées sur le pont. Personne n'avait osé intervenir. Tout le monde s'était mis debout. Le silence régnait. Méki réalisa soudain ce qu'il venait de faire. Il s'immobilisa, parut se tasser sur lui-même, grimaça, puis regarda autour de lui. Constatant que personne ne prenait la relève de son adversaire, il sembla se calmer. Vite entouré d'une demi-douzaine de marins solides mais peu rassurés, le colosse n'offrit aucune résistance. La traversée se termina pour lui à fond de cale, aux fers, en attendant le Conseil de Guerre. Admis à l'infirmerie, Gonzalès termina sa traversée sur une civière. Personne ne fut autorisé à l*approcher. De toutes façons, il n'intéressait personne.
MEME DECOR : BRUITS QUI CIRCULENT
Une nouvelle fantastique, considérée d'abord, par bon nombre comme un bobard, se répand : l'Allemagne a attaqué la Russie.
On se pose la question : pourquoi ?, puisqu'ils étaient pratiquement alliés. Mais des recoupements se font par-ci par-là parmi les opinions et la stratégie facile des bien-renseigné fait faire surface aux espoirs les plus nébuleux. Certains s'imaginent même que la France s'est ressaisie et vient de déclarer la guerre aux Anglais. La conséquence est simple, il fallait y penser : le cargo sera arraisonné par la marine de guerre anglaise et amené dans un port neutre. On parle même d'un soulèvement probable d'une partie de l'équipage et de sa prise en main par des officiers gaullistes. D'autres prétendent qu'on a déjà mis le cap sur Gibraltar. Bref, l'imagination délirante suscitée par l'exaltation surchauffe les esprits.
Mais le commandant du cargo fait réunir tout le monde sur le pont, pour remettre de l'ordre dans les méninges. Yasreg se rappelle grosso-modo son allocution :
"Marins français, soldats français, des bruits intéressés circulent parmi vous. On prétend que nous allons être arraisonnés par la Flotte anglaise et que des éléments séditieux envisageraient de saisir le navire sur lequel vous vous trouvez. Nous connaissons l'origine de ces fantaisies dangereuses et ceux qui les ont propagées ne perdent rien pour attendre. J'avertis chacun d'entre vous que toute insubordination sera réprimée au besoin par la force des armes. La nouvelle disant que la France a repris les hostilités contre l'Angleterre et contre la Russie à côté de l'Allemagne est dénuée de tout fondement. Je vous invite à vous abstenir de toute manifestation, quelle qu'elle soit. Je ferai appliquer les règles de discipline en vigueur dans la marine de guerre, selon les pouvoirs qui me sont conférés par l'Etat Français. Vous pouvez disposer."
Yasreg voyage sur un navire de commerce. Mais les circonstances spéciales dans lesquelles évoluent le système économique français et en particulier la Marine, exigent une protection efficace contre toute ingérence indésirable. On voit donc paraître des sous-officiers et marins militaires français en des endroits stratégiques. Il n'est nullement nécessaire de sortir de l'Ecole de Guerre pour constater que plusieurs mitrailleuses lourdes sont à leur disposition.
Ces précisions quant aux intentions de l'Autorité maritime refroidissent illico les velléités trop prononcées d*indépendance dans les idées, et les cantonnent dans le domaine des chuchotements confidentiels.
NDLR: Le texte de F. GERSAY est également publié dans la Revue "LEGIO PATRIA NOSTRA" éditée par la Fraternelle des Anciens de la Légion Etrangère de Belgique.
Les croquis qui illustrent le récit sont également dus à la plume de F. GERSAY.
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La destruction de nos ponts en 1940
Le Pont de Coronmeuse
Cartes-vues prêtées par le Colonel e.r. GOCHEL
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Qui le savait ? (Photos de Jules LEBEAU)
Sous la rampe du Pont des Arches, côté quai de la Ribuée - Quai de la Goffe, se voient encore les embrasures de l'abri pour 2 mitrailleuses d'avant 1940.
Ici aussi se trouve encore un abri pour 2 mitrailleuses. Si vous ne reconnaissez pas l'endroit, voyez ci-après.
L'abri pour mitrailleuse du bas de la page 4 se trouve dans la culée du pont Atlas V côté quai Saint Léonard, à l'endroit indiqué par la flèche.
Et ici, reconnaissez-vous l'entrée du Canal Albert à Coronmeuse. Au centre de la photo, un abri pour mitrailleuse situé derrière la statue du Roi couvrant la Meuse, direction Visé.
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Le Camp de Vogelsang
Ci-dessous quelques données concernant le Camp de Vogelsang :
Superficie du camp : 4.500 Ha dont 250 de lac et 1.500 de bois.
Périmètre : 40 Km.
Routes et chemins : 75 Km.
Contenance du lac : 45.000.000 m³
Champs de tir : 17.
Points lumineux : 6.504
Bâtiments :
Toitures : 57 570 m².
Gouttières : 10.793 Km.
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Bibliographie
Intereressengemeinschaft fur Befestigungsanlagen beider Weltkriege
Edité par Kurt Grasser à Nürnberg, le bulletin intitulé "I.B.A. Informationen" s'intéresse aux fortifications de l'histoire contemporaine : 1860-1945, ligne Maginot, Atlantikwall, Westwall (ou ligne Siegfried). Outre le bulletin semestriel, paraissent aussi quelques publications traitant plus particulièrement de l'un ou l'autre de ces sujets.
Le bulletin semestriel, réalisé au format A5, comprend 40 à 50 pages illustrées (coût 6 DM).
Deutsche Geselschaft für Festungforschung e. V.
Fondée le 18.7.1981, cette société présidée par le Dr. Volker Schmidtchen, historien à Dortmund, édite le bulletin intitulé "Festungsjournal". Cette publication paraît d'une façon non périodique et est centrée sur la région de Wesel.
Le premier fascicule comporte 18 pages consacrées à divers types de fortifications allemandes envisagées sur le plan architectural. On y trouve plusieurs communications concernant des ouvrages érigés depuis le XVIIème siècle.
Toute information peut être obtenue au siège de la société : C/0 Volkmar Braun, Pelikanweg 38, 4230 Wesel, R.F.A.
Centre belge d'histoire rurale
La publication N° 76 du centre est réservée aux travaux de géographie historique entrepris par le professeur Joseph Ruwet, décédé le 10 décembre 1980, et continués par son successeur Monsieur Claude Bruneel. Pour réaliser l'atlas de géographie historique concernant le duché de Luxembourg à la fin de l'ancien régime, les auteurs se sont basés sur une étude très rigoureuse des sources à leur disposition. Par ailleurs, annexés aux cartes, les fascicules reprennent minutieusement les justifications des tracés.
L'ouvrage comprend 3 fascicules et 13 cartes. Il peut être acquis a l'U.C.L., FLTR, section d'histoire, Collège Erasme, Place Blaise Pascal, 1, 1348 Louvain-la-Neuve.
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