Sommaire
Editorial
Quel périlleux honneur que de rédiger ce premier "avant-propos" de l'année !
Comment dire, en effet, l'essentiel aux deux cents membres du CLHAM, à savoir où nous en sommes et, où nous allons...
Au cours des deux premières années de son existence, notre association a pu se faire connaître et apprécier dans pas mal de milieux et auprès de maintes instances officielles.
Il a, comme on dit, acquis "droit de cité" grâce entre autres à la mise sur pied de l'exposition "Liège - mille ans de fortifications militaires" et à l'édition récente d'une brochure que je vous recommande: "Liège et le royaume des Pays-Bas: une place forte dans un ensemble défensif. 1815-1830".
Des liens ont été forgés avec des associations sœurs: le cercle Menno van Coehoorn" des Pays-Bas, la "Simon Stevinstichting" d'Anvers et, l'ASBL "Les amis de la Citadelle" de Namur. Une revue périodique de bonne tenue vous a été transmise (presque) régulièrement.
Au seuil d'une année nouvelle, posons-nous cependant la question de savoir si c'est bien cela que tout un chacun souhaite.
Une trentaine de membres réunis à l'occasion de notre assemblée générale à la caserne de La Chartreuse a Liège nous ont communiqué pas mal d'idées: visites plus nombreuses, contacts plus fréquents, conférences, lieu de rencontre ...
A vous Amis lecteurs de nous dire le reste...
A. GANY, Président
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Informations générales
Le C.L.H.A.M. en visite à Beverloo le 14 mai 1983.
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
Autres visites:
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Vie du Centre et des cercles associés
Le C.L.H.A.M. a tenu son assemblée générale à La Chartreuse de Liège, le 11 décembre 1982. Il a été pris note des nombreux souhaits exprimés par les membres du C.L.H.A.M.
Pour permettre aux membres de se rencontrer plus facilement, une permanence hebdomadaire est organisée le mardi soir de 19.00 Hr à 21.00 Hr. Bibliothèque et cafétéria seront accessibles. La consultation des documents réservés ne pourra toutefois se faire qu'en prenant rendez-vous.
Par ailleurs, il y sera possible de prendre connaissance d'autres activités auxquelles le C.L.H.A.M. pourrait participer telle une visite prévue pour le 6 mai 83.
Dès fin avril, il sera possible d'obtenir des informations plus précises concernant cette journée réservée à la visite de THEUX. Sous la conduite de Patrick Hoffsummer, Assistant au Centre de Recherches Archéologiques de l'Université de Liège, le C.L.H.A.M., invité par le Commandant du Quartier Fonck, aura la possibilité de visiter l'église fortifiée de THEUX ainsi que le château-fort de Franchimont.
Par ailleurs sont programmées plusieurs activités au siège du C.L.H.A.M.; une circulaire sera diffusée en temps utile.
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Divers
La bibliothèque du C.L.H.A.M. est actuellement en cours d'aménagement. Deux locaux, situés au rez-de-chaussée du bâtiment ont été réservés à cet effet.
Il est fait appel à nos membres, désireux de mettre en commun leur expérience dans l'un ou l'autre domaine, de se faire connaître. Contact peut être pris au siège du C.L.H.A.M. ou de préférence par téléphone avec un des membres cités au sommaire de ce présent bulletin.
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DU COUVENT DU VAL DES ECOLIERS A LA CASERNE FONCK
Le patrimoine architectural de la ville de Liège compte plusieurs monuments de grande valeur historique actuellement utilisés par l'armée; parmi eux, la caserne du Cavalier Fonck, jadis caserne des Ecoliers, du nom de l'ancien couvent du Val des Ecoliers dont elle occupe le site et une partie des bâtiments.
Archéologue de profession (Centre Interdisciplinaire de Recherches Archéologiques de l'Université de Liège), milicien jusqu'au mois de mai 1985, nous nous proposons, à l'initiative du Major L. Hoffer, du Centre de Regroupement n°5, de retracer brièvement l'historique de l'établissement ecclésiastique et de sa transformation en caserne de cavalerie. Pierre Rocour, du Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires s'est fait un plaisir d'accueillir ces quelques lignes dans sa revue. Il nous a proposé de publier intégralement une pièce justificative inédite: la description de la caserne des Ecoliers au milieu du XIXe siècle. Ce document manuscrit, daté 1842, anonyme, se présente sous la forme d'un cahier in folio de cinquante pages couvertes d'une belle écriture calligraphiée et illustrées de croquis descriptifs; il est conservé au Bureau des domaines de la Direction régionale des Constructions Militaires et nous a été communiqué grâce a l'obligeance de monsieur Gaston Dehousse que nous remercions vivement.
Dans ce numéro de la revue du C.L.H.A.M., le lecteur trouvera la transcription d'une première partie du cahier que nous avons choisi d'arrêter à la fin des descriptions générales des bâtiments. La suite, ainsi que notre historique, suivront lors d'une prochaine édition.
P. HOFFSUMMER
RENSEIGNEMENTS SUR LES ECURIES MILITAIRES DE LA PLACE DE LIEGE
Les bâtiments servant ou ayant servi d'écuries pour les chevaux de la garnison de Liège sont:
1. La caserne des Ecoliers.
2. La caserne de Saint-Laurent.
3. La caserne du pont Maghin.
4. La caserne des Ursulines.
5. La caserne du palais.
6. Les gorges des bastions n°1 et n°2 de la citadelle.
7. Enfin une partie du rez-de-chaussée de la face gauche du fort de la Chartreuse.
CASERNE DES ECOLIERS
NOTICE HISTORIQUE
L'ancien couvent du Val des Ecoliers fut bâti au commencement du 18° siècle dans le quartier d'Outremeuse, entre la Meuse et l'Ourthe; il se composait d'une chapelle et de divers corps de bâtiments servant au logement des religieux et à leurs cérémonies, de jardins et de prairies qui s'étendaient depuis la rue devant les Ecoliers jusqu'au bras de l'Ourthe appelé le Barbou. Lors de la suppression des couvents, celui du val des Ecoliers devint une propriété nationale et fut transformé en caserne d'infanterie; en changeant de destination, ce couvent ne changeait pourtant pas de forme; tous ses bâtiments furent conservés à peu près dans le même état où ils se trouvaient auparavant.
Jusqu'en 1830, le couvent conserva sa destination de caserne d'infanterie et fut entretenu par l'état; il était occupé alors par un bataillon de dépôt. En 1830 il fut remis par l'état à la ville de Liège à condition qu'elle y ferait les réparations nécessaires, qu'elle entretiendrait les bâtiments en bon état et qu'elle ne les ferait servir qu'au logement des troupes.
Comme les dégradations des vieux bâtiments étaient considérables, et que d'ailleurs la ville ne possédait pas d'écuries suffisantes pour la garnison, l'administration communale, aussitôt après être entrée en possession du couvent, fit démolir tous ses bâtiments à l'exeption de la chapelle, d'un bâtiment attenant à la chapelle, dans lequel se trouvent actuellement l'école, les forges et les salles de police et enfin d'un mur contre lequel sont appuyés aujourd'hui les écuries n°14 et n°15. Elle fit construire une caserne de cavalerie sur l'emplacement même de l'ancien couvent, mais en donnant toutefois aux bâtiments de la caserne une disposition plus régulière que n'était celle des vieux bâtiments.
Cette construction terminée en 1832 comprenait tous les bâtiments de l'aile gauche, tels qu'ils se trouvent actuellement et le grand corps de logis de l'aile droite.
Le manège et ses écuries furent construits en 1837, également par les soins de l'administration communale de Liège.
L'écurie n°12 de l'aile droite fut construite en 1838, en retour d'équerre à l'extrémité du premier bâtiment de cette aile, et le pavage des cours fut refait en 1837, de manière que la caserne actuelle se compose:
1. De vieux bâtiments construits au commencement du siècle dernier et qui sont la chapelle et le bâtiment de l'école.
2. De bâtiments neufs construits en 1831 et 1832 comprenant l'aile gauche et l'aile droite à l'exception de l'écurie n°12.
3. De bâtiments neufs construits en 1837, comprenant le manège et ses écuries
4. De l'écurie n°12, construite en 1838.
SITUATION
La caserne des Ecoliers est située dans la partie la plus basse de la ville, près de la Meuse, et au bord du bras de l'Ourthe appelé le Barbou, le sol des cours et des écuries est élevé de trois mètres environ au-dessus du niveau des eaux d'été. Cette position n'influe pourtant pas de manière sensible sur l'état hygrométrique des bâtiments qui sont généralement secs. Elle touche au nord à la rue Gravioule et à la rue des jardins, à l'est au Barbou, au sud à des propriétés particulières, au sud ouest à la rue devant les Ecoliers et à l'ouest à des propriétés particulières.
Le niveau des rues et du sol des bâtiments qui l'avoisinent est le même que celui du sol de la caserne.
La rue devant les Ecoliers, la rue Gravioule et généralement toutes les rues dans le voisinage de la caserne des Ecoliers sont étroites, sales et très populeuses (le pavement est très mauvais et mal entretenu. Les pavés sont trop bombés et mal joints). Ces rues contournent un très grand nombre de tanneries et quelques autres établissements industriels, entre autres une fabrique de cendres adjacente à l'écurie n°1 et trois fabriques de draps. La première à 250 m environ au nord, la 2e à 50 mètres au midi et la troisième à 500 mètres au sud-est.
Le Barbou dans la partie qui longe la caserne a en été une largeur de 20 mètres environ et une profondeur de 1 m 50 vers le milieu; il reçoit quelques égouts de la ville et les latrines de la caserne et des habitations environnantes. Son courant est peu rapide et ce cours d'eau aurait pu convenir pour y baigner les chevaux, si on n'avait pas trouvé dans le fond un grand nombre de pierres dont les aspérités pouvaient blesser les pieds des chevaux.
Les propriétés particulières qui touchent à la caserne consistent en maisons, cours et jardins. Les propriétés bâties ne touchent directement aux bâtiments de la caserne que sur deux points; au pignon de l'aile droite et à une face du premier retour de l'aile gauche. Les propriétés n'exercent aucune influence sur la libre circulation de l'air et abritent fort peu les écuries contre les vents dominants et d'autant moins que la caserne n'a aucune issue du côté des cours ou jardins des particuliers.
La rive opposée du Barbou est plantée d'arbres; mais le peu d'élévation de ces arbres et leur trop grande distance de la caserne font qu'ils ne peuvent pas non plus servir d'abri contre les vents.
L'emplacement du couvent du Val des Ecoliers était peu convenable pour une caserne de cavalerie. Des localités aussi basses sont trop susceptibles de recevoir les eaux pluviales et par suite de leur stagnation et leur évaporation des miasmes méphitiques s'y développent et corrompent l'air qui est moins pur et moins vif que dans des localités plus élevées.
D'ailleurs les abords seuls de ce couvent auraient dû faire renoncer au projet d'en faire une caserne de cavalerie; des rues très étroites, mal pavées avec des grès très durs, très glissants, mal joints avec du gravier de Meuse, et un pavé mal entretenu; un quartier très populeux et commerçant où un passage continuel de voitures de toutes espèces empêche la troupe de se rendre dans l'extérieur de la ville, pour aller au magasin de fourrages ou au champs de manœuvres, sans appréhender des accidents imminents.
Le pont des Arches presque toujours obstrué en été et très dangereux en hiver à cause des pentes très rapides qui l'environnent aurait dû être encore un obstacle à la bâtisse de cette caserne.
DESCRIPTION GENERALE
La caserne des Ecoliers se compose de trois grands corps de bâtiments qui portent les noms d'aile gauche, bâtiment du manège et aile droite.
AILE GAUCHE
L'aile gauche est formée d'un corps de logis ayant un pignon sur la rue dont la plus grande longueur est dirigée du sud ouest au nord est; de trois corps de logis en retour d'équerre sur le premier et enfin d'un cinquième corps de logis parallèle au premier et reliant le deuxième retour au troisième.
Le premier corps de logis a dans oeuvre une longueur totale de 154 m 80; sa largeur intérieure varie de la manière suivante:
Une première partie à partir du pignon sur la rue a une largeur de 10 mètres sur une longueur de 47 m 70.
Une deuxième partie à partir de la première a une largeur de 10 m 50 sur une longueur de 10 mètres.
Une troisième partie a une largeur de 10 m sur une longueur de 21 m 90.
Une quatrième partie a une largeur de 10 m 50 sur une longueur de 10m.
Une cinquième a une largeur de 10 m sur une longueur de 55 m.
Enfin une sixième partie a une largeur de 4 m 50 sur une longueur de 10 m 20.
Le corps de logis est divisé en trois parties par deux murs de refend de 54 centimètres d'épaisseur; ces parties sont au rez-de-chaussée à partir de la rue:
1. L'écurie n° 1.
2. L'emplacement de deux corridors d'un escalier et des cuisines.
3. L'écurie n° 2.
Ecurie n° 1
L'écurie n° 1 a dans oeuvre une longueur de 57 m 70; une largeur qui varie comme il vient d'être dit, et une hauteur de 4 m 50; elle est surmontée d'un étage servant au logement des troupes.
Ecurie n° 2
L'écurie n° 2 a dans oeuvre une longueur de 55 m 20, une largeur variant comme il a été dit ci-dessus et une hauteur de 4 m 50; elle est également surmontée d'un étage destiné au logement des troupes.
Ecurie n° 3
Le premier logis en retour d'équerre est situé à l'extrémité de l'écurie n° 1 et communique avec elle; il forme au rez-de-chaussée une seule écurie portant le numéro trois et ayant dans oeuvre une longueur de 58 m 80, une largeur de 10 m près de l'écurie n° 1 et de 14 m au pignon et une hauteur de 4 m 50; elle est aussi surmontée d'un étage employé au logement des troupes.
Ecurie n°1
Le deuxième corps de logis en retour d'équerre est situé au commencement de l'écurie n° 2; il est formé d'une écurie portant le n° 4 et d'un corridor; l'écurie n° 4 a dans oeuvre une longueur de 51 m 20, une largeur de 10 m et une hauteur de 4 m 50; elle est surmontée comme les écuries précédentes d'un étage employé au même usage.
Les écuries n° 1, 3 et 4 n'ayant pour abri que les corps de bâtiment situés au nord est, sont exposées à l'ardeur du soleil, aux intempéries et aux vents impétueux qui viennent des prairies basses de la rive droite du Barbou.
Un courant d'air très vif règne continuellement dans ces écuries à cause de leur longueur excessive, de leur trop peu de largeur et de hauteur et du grand nombre d'issues nécessaires, ce qui les fait ressembler plutôt à des tuyaux d'aérage, placés horizontalement, qu'à des habitations destinées à héberger des chevaux qui reviennent du manège en grande transpiration.
Bourgelat dit qu'il faut 4 mètres par cheval et 2 m 60 de terrain libre pour passer en sûreté derrière les chevaux. Les écuries neuves étant doubles, au lieu de 10 m de largeur, elles devraient en avoir 13 m 20 ou au moins 12 m si l'on ne laisse que les 4 mètres indispensables entre les deux rangées de chevaux. Mais les diverses parties du harnachement étant suspendues à un échafaudage en bois de chêne placé au milieu des écuries, l'espace libre pour le service derrière chaque rang se trouve encore réduit à environ 5 mètres en ne comptant qu'un mètre pour les harnais des deux rangs et 4 mètres par cheval. C'est ce manque d'espace libre qui est cause qu'il est impossible de faire usage de barres dans ces écuries pour éviter les combats à coup de pied, ou de placer la litière au milieu des écuries pour la faire sécher dans des temps pluvieux.
Le sol des écuries étant de niveau avec les cours et les rues environnantes, les eaux et les urines séjournent continuellement et s'infiltrent dans les interstices des pavés, ce qui cause que des miasmes s'y développent et sont d'autant plus dangereux qu'il n'y a ni rigole en pierre, ni égout souterrain, ni aqueduc, qui auraient pu obvier à l'inconvénient du trop peu de pente donnée au pavé, sur lequel les chevaux se trouvent, si toutes les pentes des cours et des écuries avaient été bien calculées préalablement.
Comme il n'y a pas de hangar dans la caserne on est obligé de ferrer les chevaux dans le corridor qui sépare les cours n° 3 et 4; mais il y règne sans cesse un courant d'air dont la vivacité occasionne des arrêts de transpiration par un refroidissement trop brusque.
Les écuries n° 8 et 9 n'étant abritées que par le manège ont tous les défauts dont nous avons parlé précédemment, et elles ont en outre l'inconvénient de ne pas être surmontée d'un étage ou d'un grenier aux fourrages, d'être couverte en zinc et de ressembler à des serres, surtout en été.
Chapelle
Le troisième logis en retour d'équerre est situé à l'extrémité de l'écurie n° 2; c'est l'ancienne chapelle du couvent des Ecoliers; sa longueur totale est de 34 m 40; il est divisé par trois murs de refend perpendiculairement à sa longueur en quatre parties qui à partir de l'écurie n° 2 sont: l'écurie n° 5, un corridor, l'écurie n° 6 et l'écurie n° 7.
Ecurie n° 5
L'écurie n° 5 a dans oeuvre une longueur de 15 m 40 avec largeur de 9 m 80 et une hauteur de 5 m. Elle est surmontée de deux étages et d'un grenier. Le premier étage est employé pour loger des troupes, le deuxième et le grenier servent de magasin.
Ecurie n° 6
L'écurie n° 6 a dans oeuvre une longueur de 11 m 50, une largeur de 9 m 80 et une hauteur de 5 m 50.
Ecurie n° 7
L'écurie n° 7 a dans oeuvre une longueur de 5 m 70, une largeur de 9 m 80 et une hauteur de 5 m 50; sa largeur est divisée en deux parties égales par un mur de refend de 50 centimètres d'épaisseur. Les écuries n° 6 et 7 sont comme l'écurie n° 5 surmontées de deux étages et d'un grenier employés aux mêmes usages.
Le corps de logis qui relie le deuxième retour au troisième ne contient pas d'écurie; c'est dans ce corps de logis que se trouvent les salles de police, la forge, l'école et les salles de théorie.
BATIMENTS DU MANEGE
Le bâtiment du manège comprend le manège, la pharmacie et les écuries n° 8, 9, 10 et 11; ce bâtiment a extérieurement la forme d'un trapèze dont le grand coté dirigé du sud est au nord ouest et faisant face à la chapelle et à l'extrémité de l'aile droite a une longueur de 127 m 20; le coté opposé à celui-ci et donnant sur la rue des Jardins a une longueur de 114 m 70; le côté dirigé du sud ouest au nord est et faisant face au Barbou à 37 m 50 et le côté opposé à celui-ci et oblique par rapport aux autres, donne sur la rue Gravioule.
Manège
Le manège est un grand rectangle ayant dans oeuvre 65 m 10 de longueur et 25 m 50 de largeur; un de ses grands côtés donne sur la rue des Jardins; au coté opposé est adossé l'écurie n° 9, qui règne sur toute la longueur du manège.
Ecurie n° 8
L'écurie n° 8 a la forme d'un fer à cheval; elle est située au sud est du manège et de l'écurie n° 9; ses extrémités sont séparées par deux vestibules ayant chacun 5 m 20 de largeur; au milieu se trouve une cour rectangulaire qui a 23 m 50 de longueur et 15 m 50 de largeur; l'écurie est disposée autour de cette cour; elle a partout 10 m de largeur dans oeuvre; la partie parallèle au Barbou a une longueur dans oeuvre de 36 m 30 et chaque retour une longueur de 18 m 15; la hauteur de l'écurie est de 5 m 50 moyennement.
Ecurie n° 9
L'écurie n° 9 a dans oeuvre une longueur de 66 m 20, une largeur de 10 et une hauteur moyenne de 5 m 50.
Ecurie n° 10
L'écurie n° 10 est située dans le prolongement de l'écurie n° 9 dont elle est séparée par un corridor de 5 m 20 de largeur; elle a dans oeuvre une largeur de 10 m, une longueur de 19 m 40 sur un coté, de 16 m 30 sur l'autre, et une hauteur moyenne de 5 m 50.
Ecurie n° 11
L'écurie n° 11 parallèle à la précédente a dans oeuvre une largeur de 10, une longueur de 11 m 70 sur un côté, de 8 m 60 de l'autre et une hauteur moyenne de 5 m 60; elle est séparée du manège par la pharmacie qui a 5 m 20 de largeur et de l'écurie n° 10 par une cour de 15 m 50 de largeur.
AILE DROITE
L'aile droite se compose d'un grand corps de logis ayant dans œuvre une longueur totale de 117 m 50 qui à son plus grand coté est dirigé à peu près parallèlement au grand côté de l'aile gauche, dont il est séparé par une cour pavée, et d'un second corps de logis en retour d'équerre à l'extrémité du premier et dont le grand coté vers le manège se trouve dans le prolongement du grand côté de la chapelle, la largeur du premier corps de logis varie de la même manière que celle du grand corps de logis de l'aile gauche; les largeurs sont égales dans ces deux bâtiments à des distances égales de leur extrémité, à l'exception cependant que le bâtiment de l'aile droite ne subit pas la diminution de largeur qu'on trouve dans l'aile gauche à hauteur de la chapelle.
Ecurie n° 12
Le retour comprend une seule écurie qui a dans oeuvre une longueur de 39 m 40, une largeur de 10 m et une hauteur de 4 m 50. Cette écurie porte le n° 12; elle est surmontée d'un étage servant au logement des troupes. Le grand corps de logis est divisé par 6 murs de refend perpendiculaires à sa longueur en 7 parties qui sont à partir du retour l'écurie n° 13, un corridor et les écuries n° 14, 15, 16, 17 et 18.
Ecurie n° 13
L'écurie n° 13 a dans oeuvre 55 m 20 de longueur, 4 m 50 de hauteur, 10 m 50 de largeur sur une longueur de 10 m et 10 m de largeur sur le reste de la longueur. Le corridor contient l'escalier qui conduit à l'étage et a 4 m 80 de largeur.
Ecurie n° 14
L'écurie n° 14 a 32 m 50 de longueur, une largeur de 10 m 50 sur 10 m de longueur et une 10 m sur le reste de la longueur; sa hauteur est de 4 m 50. Les écuries n° 13 et 14 sont surmontées d'un étage employé au logement des troupes.
l'Aile droite et le manège
Ecuries n° 15, 16 et 17
Les écuries n° 15, 16 et 17 ont chacune 10 m de longueur, 4 m 90 de largeur et 4 m 50 de hauteur.
Les écuries n° 15, 16, 17 et 18 sont surmontées d'un étage servant de magasin à-fourrages.
Ecurie n° 18
L'écurie n° 18 a dans oeuvre 10 m de longueur. 8 m 20 de largeur et 4 m 50 de hauteur.
Entre l'écurie n° 18 et la rue devant les Ecoliers se trouve le corps de garde de police et le logement des adjudants sous-officiers.
Les écuries n° 12, 13 et 14 réunissent les mêmes défauts de construction que celles n° 1, 2, 3 et 4 et ont en outre l'inconvénient de n'avoir de croisée que du côté de la cour. Etant adossées à des jardins plus élevés que leur sol, le mur extérieur est très humide et particulièrement dans l'écurie n° 14.
C'est surtout dans les écuries de l'aile droite que le grand besoin de barbacanes se fait sentir.
COURS ET TERRAINS COUVERTS
Cour n°1
Les cours sont au nombre de huit, savoir: 1° Une grande cour pavée entre l'aile droite et l'aile gauche, ayant toute la longueur des ailes et une largeur moyenne de 17 m 30; elle communique avec la rue devant les Ecoliers par une grande porte qui est la partie principale de la caserne.
Cour n° 2
Une cour pavée dans l'angle formé par le grand corps de logis de l'aile gauche et le premier retour; elle est terminée par un mur de clôture du coté de la rue, par un mur de clôture parallèle au grand corps de logis de l'aile gauche et qui est distant de 6 m 40 et par des constructions particulières; elle a sur le retour une longueur de 16 m et une largeur moyenne de 3 m 80.
Cour n° 3
Une cour pavée entre le premier et le deuxième retour de l'aile gauche; elle a 20 m de largeur et 36 m de longueur moyenne; elle se termine au Barbou et est soutenue de ce côté par un mur.
Cour n° 4
Une cour pavée entre l'écurie n° 2 et le bâtiment de l'école, qui a 31 m 70 de longueur et 9 m 90 de largeur moyenne.
Cour n° 5
Une cour non pavée entre le bâtiment de l'école et le Barbou qui a 32 m de longueur et 12 m de largeur moyenne, la différence de niveau entre cette cour et la rivière est rachetée par un talus.
Cour n° 6
Une grande cour entre le bâtiment du manège et les deux ailes; elle a toute la longueur du bâtiment du manège et une largeur de 40 m 40; elle se termine au bâtiment du manège, au Barbou, à la chapelle, à la cour n° 1, au retour de l'aile droite et enfin à un mur de clôture qui la sépare de jardins appartenant à des particuliers; elle est pavée seulement sur une largeur de 3 m 50 le long des bâtiments; du coté du Barbou les terres sont soutenues par un talus, et dans ce talus est pratiquée une rampe de 7 m de largeur.
Cour n° 7
Une cour pavée entre le manège et l'écurie n° 8; elle est rectangulaire, sa longueur est de 23 m 50 et sa largeur de 13 m 50.
Cour n° 8
Enfin une cour pavée entre le manège, l'écurie n° 10, la rue Gravioule, l'écurie n° 11 et la pharmacie; elle a 15 m 50 de largeur et 20 m 20 de longueur moyenne. Elle est fermée du côté de la rue par un mur dans lequel est pratiqué une porte.
Toutes les cours devraient être pavées et particulièrement celle n°. En été il y a une poussière insupportable à cause du vent continu qui vient du côté du Barbou et des jardins adjacents, et en hiver il y a une boue épouvantable à cause que les eaux y séjournent et que cette cour n'a pas de pente suffisante.
Ces inconvénients sont d'autant plus grands qu'il est impossible de revenir du manège dans toutes les écuries occupées, sans devoir traverser cette cour.
(à suivre)
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Monsieur F. GERSAY raconte :
Dans le fascicule 11 de juillet-septembre 1982, nous avons pu lire le récit d'un affrontement entre une unité de la Légion Etrangère et des troupes de Rommel.
A partir d'aujourd'hui, sous un pseudonyme facilement identifiable, notre ancien Légionnaire nous conte son odyssée par le menu.
SOUVENIRS DE GUERRE - AVENTURES DE JEUNESSE
INTRODUCTION
Je m'imagine, un peu naïvement peut-être, que tout le monde est comme moi. Quand on commence à envisager à moyen terme la fin du périple terrestre, on éprouve le besoin de fouiller les recoins les plus poussiéreux de ses centres cérébraux. Bien sur, cela se manifeste à des degrés divers chez les individus. Il s'agit, somme toute, de dresser le bilan de sa vie, d'élaguer de la conscience ce qui peut l'être, de tirer les conclusions.
Des faits que l'on croyait oubliés, des souvenirs estompés par les années, refont surface, deviennent insistants, des visages reparaissent, nébuleux d'abord, plus précis ensuite. Cette ronde des souvenirs, non exempte de mélancolie parfois, amène graduellement à se poser à soi-même des questions. Qu'a-t-on fait au lieu de ce qu'il aurait fallu faire et qu'a-t-on omis de faire alors qu'il aurait fallu agir?
Ainsi, au cours des heures nocturnes de réflexion où le sommeil n'est pas toujours au rendez-vous, sent-on le besoin de passer au crible tous les espoirs déçus, les illusions abandonnées et les fantasmes périmés. Ce qui paraissait suprêmement important à une époque éloignée, n'apparaît plus que comme un simple incident de parcours. Bref chacun découvre en lui-même sa propre vérité.
Tout naturellement une décantation s'opère. Parfois l'humilité s'installe avec ses corollaires: le rejet des idées toutes faites, l'élimination des conditionnements, et aussi, et surtout, une compréhension plus nuancée des actes posés par les autres. Chacun face au miroir cruel de sa conscience, en arrive à détecter sa propre conception des choses, son propre jugement, qui ne sont pas nécessairement ceux du voisins.
Ces préliminaires m'amènent à dire que des amis, des confidents, ont bien voulu s'intéresser à certaines de mes aventures de jeunesse. Au hasard des conversations, j'en avais parlé. De divers côtés on m'a demandé de rédiger, non pas l'histoire de ma vie, restons sérieux !!, mais plutôt quelques anecdotes, des souvenirs du long et dur périple qui m'a amené de Belgique occupée aux Forces Belges en Grande Bretagne. La question se posait. Pourquoi pas, après tout! Une sorte de prurit littéraire s'empare de beaucoup de gens qui comme moi, semblent faire leur bilan. Une foule de gens qui ont exercé une activité plus ou moins responsable et décorative au cours de la guerre, écrivent leurs mémoires. Ils n'ont peut être pas plus à dire que moi, mais ils le diront sans doute mieux.
Le récit de mon périple est celui d'un simple soldat, d'un élément qui figure dans les textes d'état-major comme "l'élément qu'on rencontre le plus souvent sur un champ de bataille, c'est à dire l'homme avec un fusil". La fonction de cet homme par elle-même, peut être importante, car c'est lui qui en dernière analyse se cramponne au terrain. Sa responsabilité se limite à quelques mètres carrés. Sa vie n'a guère d'importance, ses problèmes sont secondaires.
Je crois que la dernière guerre n'a laissé personne indifférent.
Quiconque l'a vécue s'est retrouvé en un sens ou l'autre, profondément transformé. Elle s'est révélée un puissant facteur d'évolution. Les valeurs morales généralement admises ont été battues en brèche. Elle fut une sorte de creuset où des gens, en foules innombrables, issus des milieux sociaux les plus divers, de toutes les ethnies et credo imaginables, se sont confrontés, coudoyés, combattus au cours d'un drame effroyable dans ses implications et ses conséquences. Mais tous se sont senti vivre. Terminé le temps des pantoufles et des petites mesquineries béates. Plus rien n'était statique. Il fallait soit monter, soit descendre.
Quelques uns, soulevés par les ailes du destin, ont gravi l'échelle, atteint des sommets inespérés. D'autres, plus malchanceux peut-être, ont descendu, dégringolé plutôt la pente savonnée de la déchéance morale de la trahison, du crime. Les lois étaient en veilleuse, tout était permis. Quelques autres, plus rares, en quelques instants de courage se sont hissés jusqu'à ce qu'il est convenu d'appeler "l'héroïsme". Beaucoup ont tout simplement donné la seule chose qu'ils croyaient posséder: leur peau.
Parmi la plupart des survivants, la ronde des souvenirs se perpétue. Ici apparaît le besoin inné de tout homme de paraître un peu plus qu'il n'est réellement. Il s'agit de s'imposer face au partenaire de belote au bistrot du coin. Mais seul avec soi-même, quand tout est décanté, la teinte de romantisme qui s'attache aux illusions que crée l'uniforme, la fonction définie plus ou moins responsable fait place à la conscience, seule juge de nos actes et détentrice sévère de notre "vérité".
Pour ceux qui ont vécu cette transformation que j'oserai qualifier de bénéfique, le passage des années apporte une plénitude, une sorte de sérénité. Peut-être est-ce là l'apanage de ceux qui, vis-avis d'eux-mêmes et des autres, peuvent garder la tête haute parce qu'ils ont fait ce qu'ils jugeaient être leur devoir.
En ce qui me concerne, je dirai, sachant que cela fera sourire, que je remercie les forces supérieures qui, selon moi, contrôlent nos destinées, de m'avoir permis de vivre la terrible expérience que j'ai vécue. Je n'ai rien renié. Je reste disponible dans les limites des forces qui me restent. Mais, j'ai entrepris de dresser mon bilan. Chemin faisant, je m'arrêterai, ici, un peu plus loin, au hasard des souvenirs. Je m'efforcerai d'être humble, sincère, honnête. En échange, je demanderai à ceux qui me feront l'honneur de me lire beaucoup d'indulgence et de compréhension.
PREMIERE ETAPE
Le 16 avril 1941, Yderf Yasreg quitta la Belgique occupée afin de rejoindre les Forces Belges en Grande-Bretagne et continuer la lutte.
Il n'était pas rentré chez lui la veille. La gendarmerie lui avait discrètement fait savoir qu'il valait mieux pour lui, de vider les lieux. C'est ce qu'il fit ... ! Où aller, quand on n'a ni soutien, ni moyens, quand on ne peut compter que sur soi-même ?
Y. Y. aurait voulu qu'on l'aidât. Malheureusement, personne n'aurait pu, ou sans doute, voulu le faire. Mais à 21 ans, on ne doute de rien. Tout paraît facile. Il faut croire qu'Yderf suivait la règle, puisque bardé d'ignorance et d'une superbe inconscience, il se lança seul dans une aventure longue, périlleuse, qui en dépit de sa réussite lui enleva beaucoup d'illusions.
Instinctivement, il se dirigea vers le Sud, vers la France, vers Paris, vers l'Espoir.mercredi, très doux pour la saison. Liège s'éveillait dans une sorte d'auréole brumeuse. La journée promettait d'être chaude. Tout le bassin qui longe la Meuse fumait et semblait s'agiter sourdement dans les bruits divers des activités industrielles. Presque un an déjà après les événements. Les gens s'adaptaient tant bien que mal aux dures nécessités du moment. La vie, en apparence, était redevenue "comme avant". Les trams roulaient, les trains aussi. L'occupant, correct, impeccable, guindé, poliment méprisant, se montrait peu. Pourtant derrière cet aspect rassurant des choses, la faim creusait les visages des pauvres gens. Le ravitaillement chiche, frisait la famine. Le marché noir permettait aux "bien nantis" de s'offrir ce qu'ils désiraient. Les privations, la misère plus ou moins bien cachée, c'était pour ceux qui ne voulaient pas déchoir. La collaboration s'étalait cynique, sans vergogne. La presse vendue à l'occupant croyait en des lendemains qui chantent sous les auspices protecteurs de l'Ordre Nouveau.
Ceux qui osaient affirmer leur confiance en la victoire anglaise, faisaient figure de détraqués, dans certains milieux du moins. Les gens, désorientés, déçus, essayaient de se débrouiller, c'est à dire trouver du ravitaillement, objet de toutes les préoccupations. Une publicité engageante appelait les ouvriers à quitter leurs rations de famine pour aller travailler en Allemagne, "là, où l'on mangeait à sa faim". Des chansons stupides, dont certaines frisaient la flagornerie vis à vis de l'occupant, permettaient à certains une sorte de défoulement amer et mélancolique. D'autres, la rage au ventre, se vengeaient sur le "Boche": crevaison de pneus, sucre réservé pour les réservoirs d'essence, fausses directions données aux conducteurs, capotes d'officiers percées de trous de cigarettes. Bref, tout le monde n'était pas d'accord et le montrait. Mais pour tout le monde, c'était fini le bon temps.
Peut être plus que d'autres, Yasreg subissait la dure loi de la pénurie. L'atmosphère était devenue irrespirable pour lui. Tout croulait dans l'écœurement. Il avait vaguement conscience d'entreprendre quelque chose de décisif. L'aventure commençait. Chose curieuse, il ne se rappelle pas avoir ressenti une appréhension.
En gare des Guillemins, tout se passait comme d'habitude, normalement. Sa sœur, sa seule famille, lui apporta quelques vivres et 600 francs. Elle avait vidé ses fonds de tiroir. Refoulant ses sentiments, Yasreg réalisa sa solitude au milieu d'un nombre étonnant de gens qui comme lui se dirigeaient vers la France. Assis dans son coin, son maigre bagage sur les genoux, image de l'insignifiance, il n'attirait l'attention de personne.
Ne possédant, et pour cause, aucun "Ausweiss", il limita sagement sa première étape à Erquelinne-Jeumont, gares frontières.
Passé Namur, première alerte. Deux gradés allemands des chemins de fer, montèrent dans le couloir. Suspense! Leur seule présence provoqua d'emblée des mouvements divers plus ou moins contrôlés dans le groupe de voyageurs qui l'entouraient. Tout le monde se regardait à la sauvette. Certains faisaient de leur mieux pour contrôler leur trouille. Yderf était du nombre. Heureusement rien ne se passa, et il atteignit Erquelinnes sans encombre. Il y échangea ce qui lui restait d'argent belge pour des marks d'occupation allemands, avantageux au change.
Une approche discrète lui révéla une frontière faiblement gardée par des douaniers français. N'ayant jamais mis les pieds dans la localité, ne sachant où loger, le jeune homme envisageât sérieusement la possibilité de coucher à la belle étoile dans un coin reculé. Puis une idée lui vint.
Pourquoi ne pas demander asile dans un couvent? C'est ce qu'il fit. Une démarche infructueuse mais instructive au judas d'un couvent de religieuses, lui fournit les coordonnées d'un autre couvent occupé par des moines et par des troupes allemandes. Yasreg n'avait pas le choix. Etre découvert après le couvre-feu risquait d'être très embarrassant pour lui. Il valait mieux payer d'audace et risquer le couvent. Il sonna à la porte cochère et fut introduit sans difficulté. On semblait même l'attendre. Aucun allemand en vue.
Le père supérieur, homme de très grande bonté, mis au courant de ses projets, ne le découragea pas, mais lui donna un aperçu plus complet de la situation en France. Y. Y. apprit de la sorte beaucoup de choses intéressantes et indispensables.
Pour tous ceux qui ont vécu cette époque, la Zone Interdite (Tergniers) et la Ligne de Démarcation (Zone dite libre) sont bien connues. Les conventions d'armistice conclues par le Maréchal Pétain et son "gouvernement de rencontre" comme disait le Général de Gaulle, spécifiaient l'avancement de la frontière belge vers le sud jusqu'à Tergniers, qui devenait ainsi la nouvelle frontière, suivant un schéma se rapprochant grosso-modo des limites de l'ancien duché de Bourgogne. Les colonies françaises restaient sous administration française et Vichy était autorisé à recruter 100.000 hommes destinés à garantir l'intégrité de ces territoires. Le Maréchal avait engagé sa parole que "cette nouvelle armée" résisterait à toute attaque extérieure. Tout ceci relève d'une longue histoire bien connue à présent, mais qui n'était pas évidente pour Yasreg.
Son problème en seconde étape consistait dans le passage clandestin de la zone interdite. L'obtention du visa allemand étant de toute évidence hors de question.
DEUXIEME ETAPE
Le 17 avril au matin, son paquet sous le bras, après un généreux déjeuner offert par les bons pères du couvent, Yderf suivit la foule des ouvriers frontaliers qui allaient exercer leurs activités en France. Il se retrouva à la gare de Jeumont. Deux possibilités s'offraient: La première, essayer de passer par la route, était pratiquement hors de question, vu la distance à parcourir. La seconde était de prendre le train pour Paris. Il choisit la seconde solution. L'employé qui lui vendit son billet lui apprit que le train ferait obligatoirement arrêt à Tergniers pour la vérification des visas. Il était trop tard pour reculer, Yasreg prit le train. Naïveté, inconscience, on peut opter pour les deux.
Le train était bondé. Impossible de s'asseoir. Debout dans le couloir, coincé entre deux piles de valises, seul avec ses réflexions, le pauvre diable regardait défiler les villages et les campagnes, distinguant çà et là les traces de la tourmente: les gares de triage regorgeaient de matériel de guerre français récupéré par la Wehrmacht, parfois des ruines, des troupes allemandes dans le soleil qui, décidément, était de la partie. Une profonde tristesse se dégageait de tout cela.
En approchant du point de contrôle, Yasreg réalisa subitement la précarité de sa situation. La panique faillit l'envahir. Que faire ? Son voyage en France promettait d'être court, avec ensuite une destination entièrement différente, qui pourrait le mener loin, justement où il ne voulait pas aller.
Le train roulait toujours. Tergniers apparaissait dans le lointain. Le danger se précisait. Face à son impuissance, l'estomac noué, le pauvre diable n'en menait pas large. Mais il faut croire que l'audace mène au succès. La destinée joua. L'employé des chemins de fer vint poinçonner les billets. Remarquant sans doute sa jeunesse, sa pâleur, la trouille féroce qui ne pouvait manquer de se voir sur son visage, il lui demanda tout bas
"Avez vous un laisser-passer?"
"Non" répondit le malheureux.
L'employé réfléchit une seconde, puis chuchota:
"Ca va... Surtout ne bougez pas, restez où vous êtes. Laisser passer les gens devant vous... Je reviens dans quelques instants!"
Le train entrait en gare. Une suite de barricades légères formait couloir pour la canalisation des voyageurs vers les tables où le personnel allemand de contrôle était installé. Les voyageurs sortaient par un bout du train et après vérification rentraient par l'autre. Le convoi stoppa graduellement. Les gens passaient devant lui et mal à l'aise le regardaient. Atterré, Yderf Yasreg se voyait brillamment mis en évidence. Et si un anonyme s'avisait de le dénoncer...
Mais l'employé était revenu. Avec sa clé spéciale, il ouvrit la porte à contre-voie qui donnait accès au côté non contrôlé du convoi. Il lui mit un document quelconque dans les mains et tous deux descendirent dans les rails parallèles au train qu'ils quittaient.
"Ressaisissez-vous!" chuchota le brave homme. "Faites semblant de discuter de ce papier avec moi!". "Ne vous occupez pas de la sentinelle".
Sur la plate-forme opposée, un magnifique fantassin allemand, botté de noir, casqué, astiqué, rosé et gras, le mauser à la bretelle montait la garde. Impassible, il les regarda traverser les voies, gagner les ateliers de la gare et disparaître de sa vue.
Comme une lettre à la poste, au milieu des sourires goguenards d'une équipe de cheminots occupés à polir ce qui lui parut être des lanternes de convoi, il avait traversé la "Zone Interdite". Yasreg prenait en même temps son premier contact avec la Résistance passive en France. Stupéfait de sa chance, il sentit une sueur froide lui couler dans le dos.
Il se retourna pour remercier son bienfaiteur, mais ce dernier avait disparu.
Les cinq kilomètres à pieds de Tergniers à Chauny, la localité suivante, lui parurent légers. Sorti d'un cauchemar, il avait toujours son billet. L'employé qui les vérifiait en gare de Chauny, le regarda, sourit et le soir même Y. arrivait en gare du Nord à Paris par le tortillard de service.
Yasreg n'a jamais connu celui qui lui avait rendu un tel service. Il conserve de lui le souvenir d'un petit homme grisonnant, triste, un peu courbé. Il ne lui ménage pas sa profonde gratitude.
( à suivre )
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