Sommaire
Editorial
De sérieux motifs, les contraintes budgétaires actuelles n'en sont pas les moins moindres, empêchent le Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires de présenter l'exposition " LIEGE ET LE ROYAUME DES PAYS-BAS, UNE PLACE FORTE DANS UM ENSEMBLE FORTIFIE" qui avait été programmée pour ce printemps. Dès que seront levés les obstacles qui entravent sa route, le C.L.H.A.M. poursuivra ce projet...
Par ailleurs, de nouvelles structures, axées sur le bénévolat, sont actuellement mises en place pour pallier la suppression du cadre spécial temporaire dont les derniers représentants viennent de quitter le Centre.
Tributaire de cette situation, le bulletin du C.L.H.A.M. paraît avec beaucoup de retard. Bien que son aspect extérieur laisse à désirer (typographie ), son contenu est de qualité. L'effort entrepris à ce sujet sera poursuivi et tout sera mis en oeuvre pour revenir à une périodicité normale. Par ailleurs le C.L.H.A.M. compte sur une collaboration active de ses membres en leur demandant de faire parvenir à son secrétariat, soigneusement dactylographiées, les notes qu'ils comptent faire paraître dans le bulletin.
Seront d'autre part organisées des rencontres entre membres. Le mercredi après-midi (13.30 Hr à 17.00 Hr) a été réservé dans ce but. Au cours de ces réunions pourraient être mises au point l'organisation de conférences et de visites guidées. La gestion de la bibliothèque et du comptoir de cartes reste encore à définir... mais le service fonctionne en attendant que les amateurs se fassent connaître. Après une période de stagnation le C.L.H.A.M. est reparti de l'avant, il attend vos encouragements...
P.R.
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1. Informations générales
1. Herstal sous la révolution liégeoise de Pierre BARE.
Le présent bulletin contient un encart relatif au deuxième tome du remarquable ouvrage de vulgarisation écrit par Monsieur Pierre BARE, membre du C.L.H.A.M
Le prix de souscription à cet ouvrage, paru en décembre 1961, reste valable en faveur des membres du C.L.H.A.M. jusqu'au 1 mai 1982. La commande peut-être faite directement chez l'auteur en indiquant le n° de la carte de membre du C.L.H.A.M.
2. Accès au C.L.H.A.M.
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
3. Recrutement de bénévoles.
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
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2. Vie du Centre - Vie des Cercles associés
1. Assemblée Générale du 19 septembre 1981.
Après les mots de bienvenue du Président et le rapport du Trésorier, il est procédé à l'élection de deux nouveaux administrateurs en remplacement de Messieurs Libert et Nizet démissionnaires. Après hommage rendu à ces deux membres du C.L.H.A.M., que leurs occupations professionnelles ont empêché d'assister régulièrement aux travaux du Conseil, l'Assemblée proclame Messieurs Delbrassinne et Maréchal administrateurs. Le mandat laissé vacant par la démission de Monsieur Malengré n'a pas été attribué.
La partie académique de cette manifestation s'est concrétisée par deux conférences. L'une, ayant trait au fort de Tancrémont, constitue l'objet de l'article de Monsieur Stassen repris au. sommaire de ce bulletin, l'autre, prononcée par Monsieur de Hasque, de la Société Simon Stévin, a retracé la situation, en 1981,du Canal Anti-Tanks autour de la Position Fortifiée d'Anvers. Cette communication paraîtra dans un prochain bulletin.
La séance a été levée à 17.00 Hr.
2. Echo du Conseil d Administration
Les membres du conseil se sont réunis le 14 septembre, le 26 octobre et le 2 décembre 1981.
Pour affermir la situation financière du C.L.H.A.M. il a été décidé de majorer le montant des cotisations demandées pour le prochain exercice. Celles-ci s'établissent comme suit:
Abonnements, membres adhérents: 300 frs
Membres associés:400 frs
Membres à titre collectif, associations, unités de l'armée, (deux exemplaires du bulletin) : 600 frs.
Le problème de la Chartreuse, qui reste un des points forts de l'exposition en chantier, devrait donner naissance à un groupe de travail visant au classement des vestiges de l'époque hollandaise. Contact a été pris avec Monsieur Gabriel de la Commission Royale des Monuments et des Sites. Par ailleurs, Monsieur Van Reybroeck, urbaniste à l'U.C.L. s'est déclaré intéressé par ce projet.
Bilan de l’exercice 1980-1981 établi au 30 juin 1981
4. Une véritable "chronique" de la Grande Guerre: la collection du Quotidien Excelsior confiée au C.L.H.A.M.
L'aimable initiative de Mademoiselle Huberts, du Comité international de Médecine et de Pharmacie militaires à l'Hôpital Militaire de Liège, a permis au C.L.H.A.M. d'entrer en possession d'une collection très intéressante: celle du quotidien français Excelsior.
Elle-appartenait à Monsieur Chandelle, qui la confia à Mademoiselle Huberts (1).
Cette collection est remarquable pour deux raisons: d'abord par sa place dans l'histoire de la presse française, ensuite par la nature de la documentation qu'elle nous livre.
L'Excelsior (2), lancé le 16 novembre 1910, révolutionne la presse française (3). Pour la première fois, l'illustration photographique constitue l'élément essentiel d'information: les deux pages de jaquette sont entièrement illustrées, souvent de photos en pleine page. Parfois, les photos sont superposées et proposent un véritable "film" de l'événement. Suite à cette initiative, les autres quotidiens publieront également des illustrations (4), Mais l'Excelsior publie quant à lui de 25 à 30 clichés par numéro, insère des suppléments photographiques, propose des cartes, des croquis, des graphiques!
Le directeur, Pierre Lafitte, fait imprimer le journal sur les rotatives au Petit Parisien, rue d'Enghien à Paris.(5). Malgré une importante campagne d'affiches, il ne connaîtra pas une grande réussite commerciale et se stabilisera à plus ou moins 100.000 exemplaires. Son prix, assez cher pour l'époque (10 centimes), les difficultés d'impression (il doit être préparé 48 heures à l'avance!) constituent un certain handicap (6). Paul Dupuy rachète le quotidien en 1917 (7) et fonde une société de publications qui éditera Science et Vie, Omnia et Dimanche Illustré. Cette société, reprise par sa femme, est réorganisée en 1932. Excelsior est dirigé par Henri de Weindel depuis la fin de la guerre jusqu'à octobre 1938.
Dès 1924, une mise en page, plus nerveuse, avec titres qui ressortent et articles courts, assurent au quotidien une audience plus large. Sa ligne politique s'infléchit jusqu'à ce qu'il devienne un journal mondain de droite (8). Il cesse de paraître le 10 ou le 11 juin 1940 (9). En février 1955, l'on parle de la reparution de l'Echo de Paris, couplé avec Excelsior. Mais cela reste sans lendemain (10).
Cette collection permettra à tout qui s'intéresse à l'histoire de la première guerre mondiale de puiser dans cette relation quotidienne des événements une mine de renseignements et une documentation photographique de premier ordre pour l'époque (11). Il faudra faire la part des sentiments cocardiers exacerbés d'alors, mais ceux-là aussi appartiennent à l'histoire. Le lecteur trouvera ici l'inventaire précis de la collection dont dispose le C.L.H.A.M. (12).
Marc SUTTOR
(1) Monsieur Chandelle est le père d'un milicien qui effectua son service à l'H.M. en 1972. Qu'il reçoive ici, tout comme Mademoiselle Huberts, l'expression de nos plus vifs remerciements.
(2) Sous-titre: Journal Illustré Quotidien. "Le plus court croquis m’en dit plus long qu'un long rapport" (NAPOLEON), "qui ne se mouille pas. Retour au texte
(3) Histoire générale de la presse française, ss. dir. C. BELLANGER, J, GODECHOT, P. GUIRAL et F. TERROU, t. III: De 1871 à 1940, Paris, P.U.F., 1972, pp. 97, 280.
(4) Cinq à dix photographies par numéro, idem, p. 280.
(5) Ibidem, p. 126.
(6) Ibidem, p. 382.
(7) Il se vend alors à 132.000 exemplaires, ibidem, pp. 383 et 428.
(8) Ibidem, p. 516.
(9) Ibidem, p. 322.
(10) FAUCHER (J.-A.) et JACQUEMART (N.), Le Quatrième pouvoir. La presse française de 1830 à 1960, Paris, 1968, p. 211.
(11) II comporte régulièrement des suppléments. Le samedi : "La guerre scientifique", le dimanche: "La guerre illustrée". Le 22 octobre 1918, le journal édite une carte en double page. Le 2 février 1919, il publie un "tableau simplifié des formalités à remplir pour être démobilisé". Le caractère "moderne" du journal s'affiche de manière fréquente et diverse.
(12) Précisons que l'Excelsior n'est pas répertorié dans les collections de périodiques de l'Université de Liège et des Bibliothèques centrales de la ville de Liège. Notons enfin que le C.L.H.A.M. détient aussi quelques exemplaires de quotidiens et de périodiques de cette même époque.
Inventaire
(1) Format 55 x 37 cm. (3 p.).
(2) Format depuis le 3 août : 37 x 20 cm. (16 p.).
(3) Numéros spéciaux: les préliminaires de la guerre (18 juin-2 août); la première quinzaine de la guerre (3-15 août); la deuxième quinzaine de la guerre (16-31 août). L'Excelsior publie en outre un numéro-bis le 20 septembre.
(4) Format: cfr n° 2.
(5) Format depuis le 15 février: 55 x 37 cm. (6 p.).
(6) L'Excelsior publie un numéro spécial pour la Noël.
(7) Format: 60 x 43 cm. (6 p.).
5. Fraternelle royale des garnisons des forts de Liège
Le 2 décembre 1981, en présence du Colonel BIDLOT, Commandant la Province de Liège, Monsieur GIROUARD, Président de la Fraternelle précitée, a confié au C.L.H.A.M. un lambeau du drapeau prélevé le 29 août 1914 par le Lieutenant S0LMITZ au fort de Fléron. Voir article ci-avant.
3. Courrier des lecteurs
Néant
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4. Revue bibliographie
1. Le C.L.H.A.M. a acquis les ouvrages suivants :
- Les Amis de la Citadelle. Comité Namurois 75, n° 5-7, 1981, 6 + 10 + 11 p.
- Artémis n° 20-21, 1981, 9 + 4 p.
- La Belgique militaire. Revue trimestrielle, n° 143-147, 1980-1981, Don de G. Herman.
- Bulletin du Crédit Communal de Belgique, 35e année, n° 136, Bruxelles, 1981.
- Bulletin d'information de la Société Royale d'Histoire et d'Archéologie de Tournai, 5e année, n° 3, juillet 1981, 31 p., Don de C. Dury.
- Bulletin d' information de la Société Royale des Officiers Retraités, n° 169, 1981, 32 p., Don de G. Herman.
- Bulletin "Le Vieux-Liège", n° 213, avril-juin 1981, pp. 33-60.
- Ceux des forts de Liège, n° 3, 1981.
- Chronique de la Société Royale "Le Vieux-Liège", n° 237 (t. III, n° 31), juillet-septembre 1981, pp. 245-54.
- DETRO (J.), Dalhem-le-Comte", s. l. n. d., 394 p., Don de l'auteur.
- EVRARD (E.), Physiologie du vol. Hygiène de l'aviateur. Guide pratique à l'usage du personnel navigant, Bruxelles, 1956, 223 p.
- MAETERLINCK (M.), BUYSSE (C.) et DUMONT-WILDEN (L.), La Belgique en guerre, Paris, 1918, non paginé. Don de O. Massart (Chaudfontaine).
- Mémo, n° 4-5, 1981, 42 + 47 p.
- Rassemblement !, n° 1-3, 1981, 22 + 22 + 20 p.
- Revue de l'Otan, n° 1-3, 1981, 33 + 33 + 33 p.
- Société pour le progrès des études philologiques et historiques, réunions des 10/05/1980, 08/11/1980.
- Table de matières thématique de la Revue belge d'histoire contemporaine (vol. I-X: 1969-1979), Gand, 1980, 16 p. Don-de C. Dury.
ainsi que, don de Monsieur J.-P. Maréchal (Xhendelesse):
- une série de plans du "Canon de 75 G.P. de coupole", photographies, s. d. n. l.
- Règlement sur le tir et l’emploi du pistolet à grande puissance 9 mm (modèle 1934), Bruxelles, 1936, 16 p.
- Table de tir de la Mi. Maxim Lourde et de la Mi. Hotchkiss tirant la cartouche mod 30, Bruxelles, 1935, 64 p.
et, pour compte rendu:
- BRULET (R.), La fortification de Hauterecenne à Furfooz, in Publications d'histoire de l'Art et d’archéologie de l'Université catholique de Louvain, XIII, Louvain-La-Neuve, 1978, 106 p.
- CHEYNS-CONDE (M.), Métamorphose d'une forteresse médiévale. Le château de la Follie à Ecaussinnes d'Enghien, Louvain, 1976, 171 p.
- CRUICKSHANK (C.), Déception in World War II, Oxford, 1981, 257 p.
- GERIN (W.), Horatia Nelson, Oxford, 1981, 350 p.
- Inventaire des archives de la marine, Sous-série B7 (pays étrangers - commerce - consulats) déposée aux Archives nationales, t. V et VI, Paris, 1979 et 1980, 587 et 599 p.
- Sources de la géographie historique en Belgique. Actes du Colloque de Bruxelles (25-27/04/1979), Bruxelles, 1980, 549 p.
- VERHAEGHE (F.), Archaeology. Natural Science and Technology: the European Situation, Strasbourg, 1981, 3 vol.
Le C.L.H.A.M. signale aussi:
- HERBILLON (J.) l'es "botteresses" et la butte de Waterloo, in Bulletin Le Vieux Liège, n° 213, pp. 59-00.
- RORIVE (J.-P.), Une pointure représentant la ville de Huy à la fin du XVIIe siècle, idem, pp. 38-51.
- DIERKENS (A.), Inventaire des cartes, plans et registres divers (fin XIXe - début XXe siècle, Bruxelles, 1900, 55 p.
L'inventaire relève des plans de casernes, de fortifications, etc… provenant de la direction du Génie au Ministère de la Guerre et versés aux Archives Générales du Royaume en mai 1945.
On y trouve des "plans belges spécifiquement militaires, cartes et plans géographiques de la Belgique, pièces relatives à l'artillerie, documents concernant l'administration de l’armée belge varia". Cette collection vient compléter une série analogue existant au Musée Royal de l'Armée. Le classement typologique des casernes (index rerum) propose: casernes (artillerie cavalerie, gendarmerie, grenadiers, infanterie), écoles, dépôts (d'infanterie) et magasins (de fourrage), forts et fortifications, hôpitaux, E.R.M. (à Bruxelles). Au total, il s'agit d'un instrument de travail extrêmement précieux dont le C.L.H.A.M. sera quotidiennement amené à se servir.
- Actes du XLVe Congres de la Fédération des Cercles d'Archéologie et d'Histoire de Belgique et 1er Congrès de l'Association des Cercles francophones d'Histoire et d'Archéologie de Belgique, Comines (28-31 VIII 1980), t. II, 1981, 392 p.
Après le t. I, Résumé des communications, Comines, 1980, 536 p., voici le premier volume des Actes. Faut-il dire que la publication est rapide ? Assurément, puisque le tout sera terminé moins d'un an et demi après l'événement. C'est, déjà, une réussite. Rappelons que le C.L.H.A.M. était représenté à cette manifestation. Il y a lieu de s'en réjouir. On lira, en effet, pp. 30 et 31 (conclusions et motions du Congrès: satisfactions exprimées et souhaits et suggestions en faveur de la recherche, ses sources, son déroulement):
La section 8 (Histoire militaire) prend conscience d'un regain d'intérêt à l’égard de l’archéologie militaire et estime que celle-ci mérite en effet de susciter les mêmes préoccupations que l'archéologie industrielle; elle requiert aussi des tâches d'inventaire et de sauvegarde du patrimoine existant (bâtiments, fortifications...), ainsi que de documentation (archives, cartes et plans...).
La même section se plaît à souligner combien, comme le montre l'exemple des travaux de creusement de tunnels à Mons, évoqué par des communications prononcées en son sein, la collaboration étroite entre historiens et ingénieurs responsables de chantiers s'avère bénéfique pour la récolte de données nouvelles, la constitution de collections photographiques et la sauvegarde de vestiges historiques (ici, des remparts urbains).
La section 8 (Histoire militaire) répercute l'appel lancé par le Centre Liégeois d’histoire et d'archéologie militaires (CLHAM) en faveur de la conservation du patrimoine militaire tant monumental qu'archivistique de la Belgique.
Voici à présent, quelques articles sur lesquels le C.L.H.A.M. se doit d'attirer l'attention:
- CAHEN-DELHAYE (A.), Fouilles et publications récentes sur l'Age du Fer de Wallonie, pp. 55-70. Nombreuses références sur les fortifications.
- CAHEN (D.) et VAN BERG (P.-L.), Nouvelles découvertes relatives au Néolithique ancien en Belgique, pp. 71-88.
- DOYEN (J.-M.), La fortification romaine de la "Roche Sainte-Anne" à Nismes. (Viroinval province de Namur), pp. 269-280.
- GAIER (C.), La mécanisation de l'industrie armurière belge à la fin du XIXe siècle: aspects techniques et humains, pp. 359.-368.
Ont été lus et commentés pour vous:
A PROPOS DES "SOUVENIRS DES TEMPS DE GUERRE'" DE JULES DESTREE
L'édition critique d'un inédit de Jules Destrée est forcément un événement. Le personnage même est de ceux qui ont le plus marqué l'évolution politique de la Belgique au XXe siècle. Beaucoup se réfèrent encore à lui aujourd'hui - souvent sans bien le connaître d'ailleurs...
A ceux-là, la lecture des Souvenirs des temps de guerre réservera plus d'une surprise (1).
Entre le Destrée de la Lettre au Roi et celui que nous fait découvrir M. Michel Dumoulin, le contraste est en effet total. Peu de temps séparent pourtant ces écrits: à peine deux ou trois années... mais quelles années !
D'abord, il y a eu le choc de 1914: la guerre, l'invasion de la Belgique qui se croyait bien à tort protégée, par les traités, les atrocités de l'occupation allemande, souvent exagérées il est vrai, mais non moins réelles pour autant.
Parmi les socialistes, attachés depuis leurs origines à l'idée "internationaliste", le débat est vif, âpre parfois. Nul ne croit plus à la "grève générale contre la guerre". Par contre, en Allemagne comme en France, des socialistes s'engagent et tombent "pour la grandeur du pays". L'idée de patrie semble annuler partout la notion internationale de classe ouvrière. Il en ira a fortiori de même en Belgique où le caractère défensif de la guerre à mener est difficilement contestable.
Destrée, comme beaucoup d'autres, plus que d'autres peut-être, est emporté par le souffle du patriotisme (après la guerre, on le retrouvera d'ailleurs auprès des partisans de la "Grande Belgique"). Plus question ici de séparation des Flamands et des Wallons: chaque page vibre aux accents de l'unité nationale. Les "politiciens", coupables de maintenir envers et contre tout leurs divisions et leurs chapelles, sont vivement pris à partie. En revanche, le roi Albert a droit à tous les éloges. Son discours au Parlement, le 4 août 1914, a vivement impressionné celui qui, peu de temps auparavant, avait entrepris de lui démontrer qu' "il n'y a pas de Belges". Les temps ont changé: "Grande minute d'émotion patriotique; tous les cœurs vibrent d'un même amour, d'une même résolution de sacrifice" (p. 64).
Et voici Destrée au service du Souverain, heureux d'avoir reçu de lui une mission à remplir: "Qui l'eût prévu ?..." (p. 98). II s'agit en l'occurrence d'aller en Italie, alors neutre, pour y faire une propagande en faveur de "la Belgique loyale" aux prises avec "la force brutale et barbare de l'Allemagne.
En même temps que Georges Lorand, représentant libéral de Virton, le député de Charleroi multiplie les conférences et les meetings dans les principales villes de la péninsule. Parmi ses coreligionnaires, le succès est des plus mitigés et l'hostilité parfois ouverte: L'Avanti, organe officiel du Parti socialiste italien, le représentera comme un des fils de la toile d'araignée que tisse la guerre en Europe (p. 177).
Par contre, le socialiste belge rencontre des nationalistes italiens "très sympathiques" (p. 164) et assiste avec plaisir à la dissidence de Mussolini, qui rompt avec le Parti socialiste et fonde le Popolo d'Italia pour faire campagne en faveur de l'entrée en guerre de l'Italie. Destrée va voir le futur duce, qui prend fait et cause pour la Belgique, veut la guerre et "prononce ce mot "guerre" avec une sorte de mysticisme exalté" (p. 115). Quelle différence par rapport à ces socialistes italiens qui ruminent "des clichés désuets sur le capitalisme pour justifier une neutralité égoïste qui est la négation de toute générosité d'idéal"! (p. 112).
Pour Destrée, les événements ont démontré ce que "certaines conceptions toutes faites avaient d'inexact" (p. 100). L'idée même d' "Internationale" doit être revue: "Les événements actuels montrent la réalité des nationalités, et l'absurdité de la conception qu'il est indifférent pour un travailleur d'être exploité par un patron anglais, français ou allemand. Cela peut être grossièrement vrai pour les très pauvres, pour le chemineau étranger à toute civilisation. Ce n'est pas vrai pour la grande masse ouvrière. Dès lors, faut-il comme certains l'ont .cru trop simplistement chercher la suppression des frontières et des Etats-Unis d'Europe régis par une législation unique ? C'est chercher l'impossiblé, évidemment, mais cet impossible n'est même pas souhaitable. Uniformité, centralisation = despotisme et oppression. Donc entente entre les nations mais pour les nations, d'abord constitution solide" (pp. 115-116).
Comme on le voit, le manuscrit édité par M. Dumoulin est riche en idées et en informations, tant sur le socialisme aux prises avec le conflit mondial que sur les mécanismes et les modalités de la guerre "à boulets de papier", de la guerre psychologique dont les pays neutres sont le terrain de prédilection. Tant le prince de Bülow que le tout puissant Erzberger, responsable du Wölffs-Büro (le service de propagande à Berlin) tempêteront contre la présence de Lorand et Destrée en Italie.
Sur la personnalité même du député de Charleroi, bien des indications apparaissent également. Nature raffinée, aristocratique, aux goûts volontiers somptuaires, il se révèle difficile à contenter .quant au confort de sa chambre d'hôtel. Il rend compte de ses aventures féminines avec le même soin ou presque qu'il met à relater son action sur l'opinion publique italienne (pp. 164, 198). Il méprise Vandervelde (pp. 9Q-99)... et déteste les Juifs: "II est curieux que partout où passe Vandervelde, il y a un Juif ou une Juive pour lui faire la cour" (p. 212) (2).
Nous ne saurions bien évidemment reprendre ici tous les enseignements que peut apporter la lecture des Souvenirs des temps de guerre. Ceux-ci ont en tout cas le mérite de forcer le lecteur à reconsidérer bien des stéréotypes, bien des schémas politiques trop simples pour être adéquats à une réalité si souvent complexe, toujours nuancée.
Les textes qui servent de base à cette édition sont des notes prises par Destrée dans le feu de l'action, entre septembre 1914 et novembre 1915. M. Dumoulin les a par ailleurs confrontés avec un manuscrit plus tardif, rédigé par le député de Charleroi en 1929, en vue d'une publication qu'il abandonna pour des raisons inconnues. Là où des variantes et des compléments apparaissent, ils nous sont fournis en annexe. L'appareil critique est très riche et une bonne introduction fait le point de nos connaissances concernant la position de l'Italie - et aussi du Saint-Siège - face à la guerre mondiale et aux propagandes des belligérants.
PAUL VAUTE
(1) Jules DESTRÉE, Souvenirs des temps de guerre, éd. Michel Dumoulin, Louvain-La-Neuve - Louvain, Bureau du Recueil Collège Erasme - Naumelaerts (Universités de Louvain, Recueil de Travaux et d'Histoire et de Philologie, 6e série, fasc. 19), 1980, xvi-312 pp.
(2) En 1898, Destrée se prononça contre Dreyfus (cfr. ses articles publiés par le Peuple, 29 janvier et 12 février 1898).
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5. En diversion…
LE BAILLY DE TILLEGHEM (S.)
Tournai et le Tournaisis en gravures, in Coll. "Villes en gravures", Liège, 1981, 135 p.
L'idée était en soi excellente: consacrer une collection aux "Villes de Wallonie en gravures" semblait combler une lacune. II y a loin malheureusement du beau programme à sa réalisation concrète. Le tout manque singulièrement de rigueur. Dans l'intitulé puisqu'on va jusqu'à envisager des régions, qu'on méconnaît, la signification du mot "gravure"... Puis, parce qu'une entreprise commerciale s’embarrasse peu du fini, c'est-à-dire du choix judicieux des motifs, d'un commentaire qui dépasserait la simple glose pour déboucher sur l'intérêt intrinsèque (qui n'a rien à voir avec l'esthétisme) des documents. Nous sommes donc déçus par le volume qui paraît aujourd'hui sur Tournai.
On l'a dit, et il s'en défend (pp. 11-12), l'auteur n'est pas seul responsable du fait. Les avant-propos prennent leurs distances mais la captatio benevolentiae ressemble par trop à un constat d'échec.
Il devrait, tout d'abord, s'agir d'autre chose que d'un recueil d'iconographie privée (53 "gravures" sur 66 !). Le terme peut être ambigu: il ne signifie nullement que 53 vues sont inaccessibles, ignorées (inédites) ou uniques en leur genre. Et si le livre est un instrument de travail, pourquoi ne pas avoir retenu les oeuvres plus ou moins bien connues de Deventer, de Pasquier de le Barre, de Philippe de Hurges, des albums de Croy, du "Plan à vue d'oiseau du cours de l'Escaut dans la traverse de Tournay", de Sanderus, de Van der Meulen, du plan en relief... ?
Quelques points de détail à présent. P. 44, la belle enseigne a été mal lue: il y était inscrit "Hôtellerie du Cerf"; p. 48, les pignons sur rue n'ont pas toujours été rares à cet endroit: voir SOIL (R.-J.). L'habitation tournaisienne, p. 175, fig. 47 (la Grand'place vers 1610); p. 54, lire "Senefelder" et non "Senelferder"; p. 56, "constructions parasites "est peut être un peu fort: il "sent" le XIXe siècle et son goût prononcé pour les ensembles monumentaux et de prestige, au détriment de la construction modeste.
Pour compléter la bibliographie, on signalera: (1) DE SMET (A.) et alii. La cartographie hollandaise, Bruxelles, 1971, 83 p.; (2) les remarques de ARNOULD (M.-A,), in Bulletin d'information de la société royale d'histoire et d'archéologie de Tournai, 5e Année, n° 4, octobre 1981, p. 4; (3) FIERENS-GEVAERT (H.), Voyage inédit d'un artiste florentin du XVIIe siècle au beau pays de Flandre et de Walllonie, in Le Flambeau. Revue belge des questions politiques et littéraires, 6e année, t. I, n° 2 et 3, Bruxelles, 1923, pp. 201-219 et 326-342.
A toutes fins utiles, on indiquera que le Fonds A. Dejardin est conservé pour l'heure à la Bibliothèque centrale de la Ville de Liège "Les Chiroux", à la salle Ulysse Capitaine.
En terminant, nous mettrons à l'actif de cette publication la juxtaposition d'images qui permet et force même la comparaison, toujours utile. Aux pp. 18-21, il faut relever la première édition moderne (selon nous) complète du plan de Guicciardin (Tournai vers 1582 ?).
Christian Dury
VERHAEGHE (F.)
Archaeology, natural Science and Technology: the European Situation.
A Survey prepared for the European Science Fondation. Strasbourg, R.S.F. (1, quai Lezay-Marnésia), 1979, 3 vol.
La Fondation Européenne de la Science (R.S.F.) a fait oeuvre utile et a eu la main heureuse en confiant a F. VERHAEGHE du F.N.R.S. un tour d'Europe des unités de recherche amenées à rendre de précieux services à l'archéologue en collaborant avec lui. C'est que pour parvenir aux fins qui sont les siennes, l'archéologie ne peut négliger aucun des instruments que le développement des sciences naturelles et des technologies met à son service".
Mais, dès lors, le danger est grand pour cette discipline de ne plus faire partie des sciences humaines... D'autant plus que le tout exige une infrastructure complexe aux coûts énormes, inhumaine ? La coopération s'imposait donc. L'enquêteur a visité tous les centres, instituts et laboratoires et les a incités à répondre à un questionnaire qui permettrait de déterminer la nature et l'ampleur des services qu'ils étaient en mesure de rendre à l'archéologie. Trois pays ne figurent pas dans l'inventaire: le Portugal, la Yougoslavie et la Turquie. L'accès à cette somme est facilité par un index géographique des instituts et laboratoires ainsi que par un index-sujets limité aux champs généraux d'activités des unités de recherches cités.
Indiquons les grands chapitres du questionnaire: prospection et examen archéologique (photographie aérienne, prospection géophysique et géochimique, photogrammétrie, archéomagnétisme, archéologie sous-marine); fouilles et étude des trouvailles (législation et sciences auxiliaires: sciences de la terre, analyse des matériaux, paléobotanique, archéozoologie, anthropologie physique, archéométrie); formation; documentation archéologique, banques de données, archives, publications; conservation.
Il s'agit bien entendu d'un instrument de travail incomparable que tout centre de recherches archéologiques se doit de posséder.
Christian Dury
CRUICKSHANK (C.)
Déception in World War II, 2e éd., Oxford University Press, 1981, 257 p. (Wallon Street, Oxford 0X2 6DP - 2.95 £ net in UK - Also available in hardback).
La définition de camouflage par l'auteur, à savoir l'art de tromper l'ennemi par une action ou une inaction en sorte que sa position stratégique ou tactique en sera affaiblie, ouvre un champ d'investigation tel qu'il n'a pu analyser que quelques aspects de cet art, en n'en effleurant de nombreux autres.
Le camouflage "anti-aérien" est principalement étudié: il vise soit à attirer les avions ennemis vers des cibles fictives (les détournant ainsi des véritables objectifs), soit à faire croire que des dégâts irréparables ont été commis sur d'autres objectifs trop difficiles à déplacer (par exemple: incendie volontaire d'une fausse extension des usines Vickers). L'auteur passe ainsi en revue les principaux événements du front européen: bataille d'Angleterre, débarquement en Afrique du Nord, débarquement en Normandie.
Le champ d'étude n'est pas suffisamment délimité en sorte qu'on ne voit pas bien, à la lecture, la différence entre camouflage d'une part et espionnage et intoxication d'autre part. C'est ainsi que l'auteur parle de fausses manœuvres diplomatiques, du rôle des agents doubles...
De nombreuses pistes sont ainsi ouvertes, mais qu'ont fait les allemands en cette matière, quid des Japonais et de la guerre dans le Pacifique ? Ce livre a le mérite de donner une vue d'ensemble du problème en collationnant diverses études déjà parues et en introduisant aux archives qui viennent d'être ouvertes, tout en traçant de nouvelles orientations de recherches.
Yves Tennstedt
BRULET (B.)
La fortification de Hauterecenne à Furfooz, in Publications d'histoire de l'art et d'archéologie de l'Université catholique de Louvain, XIII, Louvain-la-Neuve, Institut supérieur d'archéologie et d'histoire de l'art, 1970, 106 p., 58 fig., ill., tableaux et cartes, 1 plan (Collège Erasme, Place Plaise Pascal, 1 à 1348 Louvain-la-Neuve - 300 Frs).
Ce bel ouvrage ne pourra laisser indifférents les amateurs d'archéologie en général et les passionnés d'histoire des complexes fortifiés en particulier.
L'auteur utilise avec art toutes les techniques de l'archéologue et de l'historien, les apports des sciences connexes - topographie et toponymie, numismatique et géographie mais aussi géologie (1) - et ce, avec abondant appoint de cartes, tableaux, graphiques, croquis, photos et vues aériennes.
R. Brulet introduit son sujet en précisant la situation topographique du site, le cadre historique - dès les époques paléo- et néolithiques (2) - ainsi que la chronologie et la nature des fouilles ,y effectuées.
Il décrit ensuite le site. L'étude physique permet de relever une caractéristique particulière - et rare à ma connaissance - du site de Furfooz: il s'agit d'un éperon barré inverse. La configuration du relief fait en effet en sorte que l'accès le plus aisé à la fortification se trouve du côté de la rivière qui la baigne, p. 7, fig. 1 et p. 19, fig. 9 (3). La description des organes de défense permet de distinguer deux ensembIes fortifiés. La défense du barrage (vers l'éperon) se compose d'un retranchement, d'un premier et d'un second mur de barrage. Celle des versants occidental et septentrional comprend une enceinte proprement dite, une porte fortifiée - donnant accès à des bains d'origine romaine - et une tour située au nord de l'ensemble. R. Brulet souligne la chronologie des différentes parties de ce complexe fortificatif.
Il décrit ensuite l'aménagement intérieur ainsi que les vestiges localisés à l'extérieur de la forteresse (4).
L'étude du matériel archéologique est remarquable par son caractère complet, précis et fouillé. Il est cependant dommage que l'auteur semble ne s'adresser qu'à des archéologues déjà expérimentés. D'autres lecteurs apprécieraient certes la présence d'un glossaire explicatif pour les termes techniques peu connus (5).
R. Brulet établit ensuite la chronologie de l'occupation du site de Hauterecenne. Depuis les périodes ante-historiques, la vallée de la Lesse est fréquentée par l'homme. Les témoins matériels à Furfooz attestent avec certitude la présence humaine sur le promontoire dès la fin de l'époque Hallstatt ou le début de La Tène I. Le site ne sera définitivement abandonné qu 'après le XIIIe siècle. L'auteur détermine - ce qui est très intéressant - les périodes d'activité maximale dans la forteresse (6). Il établit de précieux tableaux chronologiques, mais - c'est regrettable - sans être assez précis quant aux dates de règne des souverains mentionnés (7).
Vient à présent la partie la plus précieuse et la plus intéressante de l'ouvrage: l'interprétation des données. Ici, R. Brulet rassemble avec talent la moisson de renseignements de toute nature qu'il a récoltés auparavant et nous livre une solide thèse sur l'histoire de l'occupation de Hauterecenne.
La fortification du bas empire romain comprend deux phases: avant et après 350 P.C.N. De cette époque datent essentiellement le premier mur de barrage et la nécropole. Les éléments de dotation sont précis et procèdent de nombreux parallèles. L'auteur précise la fonction et le caractère de la fortification de Hauterecenne à cette époque. Les ouvrages fortifiés se multiplient alors en territoire rural (8). Ils constituent un refuge pour la population civile et un cantonnement pour l'armée. Le site défensif de Furfooz s'inscrit dans une série de postes fortifiés contrôlés par l'administration centrale. Son rôle consista à loger de manière plus ou moins permanente un contingent militaire afin de garantir la sécurité de l'hinterland. Il témoigne ainsi du nouveau dispositif stratégique du bas empire (9). Telle est la fonction de Hauterecenne. Le caractère présenté par les occupants de la forteresse diffère au cours des deux périodes qui caractérisent son fonctionnement. Il s'agit tout d'abord de groupes d'hommes fort romanisés, peut-être des auxiliaires étrangers très évolués ou bien des prisonniers de guerre installés comme laeti. S'ensuit une interruption dans l'occupation du site, due aux invasions de 354-355. Enfin s'y installe une colonie germanique militarisée, mais intégrée dans le système défensif du nord de la Gaule: leur statut et leur niveau social diffère nettement de ceux de leurs prédécesseurs. R. Brulet fait preuve ici d'un esprit critique remarquable d'efficacité, qui met en lumière des éléments peu mis en valeur jusqu'ici (10).
Il poursuit son exposé en décrivant l'évolution de la forteresse au haut moyen âge. L'examen de la nécropole romano-germanique et du matériel archéologique y trouvé ne permet pas de préjuger de l'occupation du site au Ve siècle. Les périodes mérovingienne et carolingienne sont illustrées .par quelques documents matériels. L'on peut seulement conjecturer que Hauterecenne constitue alors un refuge momentané, occasionnel, tel que les Fluchtburgen.
La fortification du bas moyen âge se caractérise par l'érection de deux structures importantes en matériaux durs: la tour implantée sur le point culminant du site - elle relève de la première génération des châteaux de pierre (11) - et le second mur de barrage restauré, rehaussé et doté d'une courtine. Couplé à un retranchement situé sur l'éperon à 130 m de là, celui-ci constitue ainsi la bipartition logique des premières fortifications castrales: division en haute cour, curtis, et basse cour, curticula. La fonction jouée par la forteresse et le caractère de ses habitants à cette époque ne sont pas aisés à saisir. L'archéologie et les textes laissent supposer qu'elle s'inscrive tôt dans le bas moyen âge et que sa durée d'utilisation ait été fortement limitée dans le temps (12). L'auteur note avec bonheur le caractère probable de l'occupation de la tour d'habitation. Elle abrite au moins une famille (13). Sa destination d'ordre privé ne la soustrait pas à d'impératives nécessités en cas de conflit généralisé. D'ailleurs, la politique castrale de la principauté tend à promouvoir l'érection de points fortifiés, particulièrement aux frontières. Mais elle conserve avant tout un caractère seigneurial.
Etude solide et attrayante d'un site magnifique et intéressant à plus d'un titre, ce livre mérite à tout le moins d'être lu de manière approfondie. Les points faibles résident dans de petites imprécisions d'ordre chronologique et géographique (14). Peut-être le lecteur aurait-il apprécié la présence d'un glossaire des termes techniques peu usités en-dehors de la sphère d'intérêts des archéologues. L'ordre de présentation des figures par rapport au texte manque de rigueur. Mais quelles difficultés d'impression aurait-on dû surmonter pour être plus "exact" à ce point de vue ! Quant aux qualités de l'ouvrage, ce me sera un devoir bien agréable de les souligner à nouveau. Bibliographie très fournie dans des domaines fort variés, critique historique et techniques de nombreuses sciences connexes maniées de façon adéquate et érudite, utilisation et étude approfondies du matériel archéologique (15), et emploi de moyens d'illustration les plus divers et les plus efficaces, alliés à une connaissance certaine des complexes castraux antiques et médiévaux, font de cette étude un modèle en son genre. Sa lecture éclaire de nombreux domaines.
Marc Suttor
(1) Cfr pp. 7 et 10.
(2) C'est dire l'ancienneté de l'occupation du site de Hauterecenne. Cfr p. 10.
(3) Cfr p. 17; fig. 1 p. 7 et fig. 9 p. 19; photos pp. 8-9 (fig. 2-4).et plan 1 hors-texte. L'auteur n'insiste peut-être pas assez sur le caractère rare d'une telle configuration topographique. Par contre, il précise fort à propos le contexte de découverte du matériel archéologique. Dans le cas de Furfooz, il en est souvent dissocié. Cela ne peut donc permettre que l'étude de la chronologie globale du site, d'autant que les investigations n'ont jamais fait l'objet de publication systématique (cfr pp. 17-18).
(4) Notamment les thermes romains: cfr pp. 46-51.
(5) Parmi de nombreux exemples, citons: terre sigillée, molette, ager, ressaut, estampilles de tuiliers, engobe, laborum, bord festonné, décor guilloché, ardillon, scramasaxe, etc. (passim).
(6) Je renvoie aux notes critiques pertinentes des pp. 81-85 ainsi qu'aux très intéressants diagrammes de fréquence des monnaies (IVe siècle : fig. 53, p. 83 pour Furfooz; comparaison avec d'autres localités à la même époque: fig. 54, p. 84).
(7) Tableau chronologique des monnaies p. 82. Cfr aussi pp. 26, 39, 44, 51, 81 n. 4. Mais ailleurs, R. Brulet se montre très précis dans ses datations (cfr pp. 39 et 41). Il dresse de plus de très intéressants croquis de l'évolution chronologique des constructions défensives sur le site (cfr fig. 55-56, pp. 88-89 et fig. 58. p. 97).
(8) II est dommage que l'auteur ne précise pas la localisation des sites qu'il note comme exemples (cfr pp. 90 et 92; cfr aussi p. 95).
(9) Cfr à ce sujet l'intéressante carte des postes fortifiés et du réseau routier au bas empire (fig. 57, p. 93).
(10) Ils méconnaissent l'usage des thermes: ils ne maîtrisent plus la technique de construction antérieure; cfr p. 94. Pour l'état de la question sur les laeti, cfr p. 94 n. 7.
(11) Telles les turris ou domus citées par Gilles d'Orval avant le milieu du XIIIe siècle. Ce sont des maisons fortes qui allient les concepts de défense et d'habitation (cfr p. 98).
(12) II est possible que l'érection du proche château de Vèves (existence attestée dès 1285) ait provoqué la désaffection du site de Hauterecenne: cfr p. 99.
(13) Sur la conception, la fonction et la vie de la familia à cette époque, je renvoie aux cours d'exercices dirigés par le professeur G. Duby au Séminaire de Moyen Age de l'Université de Liège en janvier 1976.
(14) Cfr supra n. 7 et 8.
(15) Cfr surtout les pp. 53-79.
Appel aux collaborateurs. Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
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6. En diversion 2...
(2e Division, N° 23)
Bruxelles, le 14 août 1867
Circulaire relative à l'organisation des cours de chant que les Chefs de Corps voudraient instituer dans le Régiment sous leurs ordres.
LE MINISTRE DE LA GUERRE,
A tous les Chefs de Corps.
De tout temps on a apprécié dans l'armée l'influence que la culture de la musique vocale exerce sur le moral du soldat et plusieurs Chefs de Corps ont encouragé d'une manière particulière l'enseignement du chant, enseignement qui fait même partie du programme des études adopté pour l'école des enfants de troupe.
En recommandant cet intéressant objet à la sollicitude de messieurs les Chefs de Corps, j'ai l'honneur de leur faire connaître que monsieur GREGOIRE, compositeur de musique, à Anvers, s'est offert, de la manière la plus obligeante, de leur venir en aide pour l'organisation des cours de chant qu'ils voudraient instituer dans le Régiment sous leurs ordres.
Journal militaire officiel, t. 33, Bruxelles, 1867, pp. 335-6.
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ARMEE DE VOLONTAIRES OU ARMEE PERMANENTE ? UN DEBAT AUTOUR DE LA GUERRE HISPANO-AMERICAINE (1898)
La Guerre hispano-américaine est peu connue chez nous (1). Ses aspects internationaux n'ont guère été étudiés, bien qu'elle constitue l'un des événements "charnières" de l'histoire des relations internationales.
Ses effets immédiats - la perte par l'Espagne de ses dernières colonies et leur reprise par les Etats-Unis - symbolisent pour l'Europe la fin d'une période d'hégémonie à l'échelle mondiale. Le Siècle de l'Europe s'achève, en même temps que se couche le soleil, pour la dernière fois et définitivement, sur l'ancien empire de Charles-Quint.
Pour les Etats-Unis, c'est la fin d'une longue période d'isolement et le début; de ce qu'on appellera, à tort ou à raison, "l'impérialisme", "l'hégémonie", le "leadership". Cette mutation historique de la puissance a trouvé, faut-il le dire, sa confirmation dans toute l'histoire du XXe siècle. On ne saurait dire pour l'heure si le Vietnam en a marqué ou non la fin.
Les contemporains de l'événement comprirent plus ou moins confusément sa portée (2). La défaite de l'Espagne a frappé une génération qui avait cru à la supériorité de l'Europe - tellement qu'elle n'y songeait même pas. Sans doute les Etats-Unis s'étaient-ils imposés déjà comme redoutables par leur intense développement économique. Mais en 1898, c'est à une autre étape qu'ils accédaient de façon particulièrement brusque et brutale. Enfants émancipés de la vieille Europe au caractère difficile, héritiers de ce qu'ils croyaient être sa civilisation, les Américains s'avisaient soudain qu'ils auraient peut-être à prendre sa place dans le monde. Déchirée et déficiente, elle leur offrait des terrains propices partout où elle avait des acquisitions à perdre.
Mais à coté des débats proprement politiques, moraux ou économiques, l'historien de l'opinion en rencontre d'autres, plus particuliers ou plus spécifiques. Il est courant que l'événement, même lointain, alimente à sa manière des controverses strictement locales ou nationales. C'est sur l'une d'elle que nous nous arrêterons ici.
La Guerre hispano-américaine - comme en général tous les grands conflits du XIXe siècle - a donné lieu en Belgique à de multiples commentaires à caractère militaire, en liaison directe avec la question du "service personnel", qui divisait alors les partis et les courants d'opinion. Personnellement apposé au système du tirage ou sort et du remplacement, le roi Léopold II usait de son influence afin d'amener les responsables politiques à adopter une loi nouvelle, celle du service personnel obligatoire, ou à tout le moins "d'un fils par famille". Il lui faudra longtemps pour l'obtenir: ce sera, on le sait, sa dernière signature sur son lit de mort. Loi tardive et incomplète, arrachée avec peine: c'est que le statut de "neutralité" imposé à la Belgique depuis 1830 avait à la longue créé chez nous un sentiment de sécurité et un manque total d'intérêt pour les tensions internationales.
Prévisions et rapports de forces
La "question cubaine", ainsi .qu'on l'appelait, était née de l'incapacité où se trouvaient les Espagnols de réprimer les insurrections qui ensanglantaient leurs dernières colonies: Cuba surtout, Les Philippines ensuite.
Du coté américain, l'existence de cette lutte sans fin permettait de polariser contre l'Espagne - puissance de deuxième ordre en qui l'on pouvait, sans risque, injurier l'Europe, - l'anticolonialisme de la vieille tradition des Pères fondateurs et les appétits impérialistes de la nouvelle génération (3). Du côté européen, la presse était unanime à blâmer l'intervention occulte et les menaces patentes des Etats-Unis.
"II paraît peu probable, écrivait l'avocat Henri de Nimal en 1896, que les nations européennes qui ont conservé des colonies en Amérique, laissent les Etats-Unis s'immiscer dans les affaires espagnoles à Cuba. Leurs intérêts sont identiques. Toute atteinte portée aux droits de l'Espagne les atteindrait elles-mêmes" (4).
Quand la guerre fut déclarée en avril 1898, l'Espagne pouvait compter sur la sympathie au moins théorique (dans les faits, elle aurait souhaité davantage...) de l'Europe continentale (seule l'Angleterre lui était hostile). Nul ne croyait à la sincérité des Américains qui prétendaient "aider" les insurgés cubains à conquérir leur indépendance. Mais on aimait à penser que, de toute manière, l'hidalgo l'emporterait aisément sur l'Oncle Sam.
Les articles décrivant le déroulement probable du conflit avaient fait leur apparition dès la fin du mois de février 1898. Leur quantité frappe; leur incohérence aussi. Sans doute l'analyse des rapports de forces n'a-t-elle jamais été chose facile: quels éléments entrent en jeu ? quelle importance respective faut-il leur reconnaître ? Autant de questions dont la réponse n'est jamais acquise avec certitude. Pourtant, même sans déployer une science militaire surhumaine, il était aisé dès le début de prévoir la défaite de l'Espagne. Elle ne faisait aucun doute pour les officiers et les hommes d'Etat madrilènes, qui connaissaient la supériorité de la flotte américaine et le faible moral de leur propre armée épuisée par les guerres coloniales (5). La marine de l'Union, sous l'influence de l'amiral A. T. Mahan, était en plein développement, alors que la modernisation des escadres espagnoles avait nettement manqué d'ampleur et d'idées directrices (6). Restait la valeur morale des officiers, seul domaine sans doute où l'hidalgo pouvait compter sur une certaine supériorité, bien insuffisante néanmoins.
Les commentateurs de la presse, aveuglés pour la plupart par leur sympathie pour l'Espagne, ne virent pas sa faiblesse tragique. Ils admiraient son héroïsme et sa foi, dont l'Histoire leur fournissait de multiples témoignages ; ils aimaient la justice de sa cause, dont ils étaient convaincus par-dessus tout. Leur pacifisme de principe ne les empêchaient pas d'exalter le bel élan de patriotisme auquel ils assistaient de la part "d'une nation qui ne s'abandonne pas et est résolue à tous les sacrifices plutôt qu'à celui de son honneur" (7).
L'Espagne, pensait-on, puiserait sa Force dans "l'énergie indomptable de la race, de la religion de la patrie sacrée, le souvenir et l'exemple des grands morts des batailles passées" (8). Pour la Gazette de Liège, "elle offre un admirable spectacle à tous ceux qui aiment les vaillants. Elle montre ce que vaut un peuple qui ne veut pas mourir, qui se souvient de son glorieux passé et qui croit à l'avenir" (9).
La supériorité navale américaine était totalement méconnue. Même les informations venues d'Amérique donnaient à son sujet des avis erronés: "Dans les hautes régions administratives, écrivait Lichtervelde, ministre belge à Washington, on a conscience de l'infériorité actuelle de la flotte américaine" (10). Cette Flotte, lisait-on dans le Bien Public, "ne possède pas la supériorité numérique que devrait lui attribuer l'état de ses finances" (11). Jusqu'aux premières semaines du mois d'avril, les spécialistes affirmèrent à peu près tous que l'avantage était à l'Espagne,.au point de vue de la flotte comme au point de vue de l'armée navale. Dans l'intervalle pourtant, les Etats-Unis s'étaient équipés massivement, achetant ça et là les cuirassés qui pouvaient leur manquer encore. Peu importait: l'optimisme hispanophile trouvait à s'alimenter ailleurs; si le quantitatif n'était plus très satisfaisant, on invoquait le qualitatif. L'armée américaine n'était "qu'une garde nationale et qu'une garde frontière, sans aucune préparation au point de vue de la mobilisation", alors que l'armée espagnole était "parfaitement organisée et instruite" (12).
"Il ne suffit pas, pour vaincre, d'aligner le plus fort total de vaisseaux, de canons ou de torpilles. La vaillance et le courage sont aussi des éléments de victoire, sur mer aussi bien que sur terre. Les lauriers ne vont pas forcément aux plus nombreux" (13).
Des doutes devaient pourtant finir par surgir, la supériorité des moyens mis en oeuvre par les Etats-Unis étant trop flagrante. On crut alors à une sorte d'égalité entre les belligérants - ce qui était encore très loin de la réalité. La Meuse s'attendait à "une guerre longue, chargée d'épisodes, mais dénuée d'actions décisives" (14). Les partisans de l'Espagne rappelaient les victoires remportées jadis par cette dernière contre Napoléon 1er lui-même - ce qui autorisait selon eux toutes les espérances quant à l'issue de la guerre à venir(15). Quelques-uns, enfin, se risquaient à prévoir la victoire américaine, mais une victoire longue et difficile, remportée à l'usure (16).
L'analyse des rapports de force était d'abord fonction, non de la réalité de ces rapports eux-mêmes, mais de l'orientation des sympathies et des prises de position. Aussi ne doit-on pas s'étonner que la presse radicale, la seule favorable à l'Oncle Sam, ait fait exception à la règle en affirmant dès le début sa conviction dans la supériorité américaine : "Si même les Espagnols remportent, au début, quelques avantages, ceux-ci n'auront pas de lendemain. Avec ses ressources illimitées, son initiative et sa persévérance, l'Amérique finira par avoir raison de l'Espagne anémiée, déjà agonisante" (17).
Au total: un imbroglio d'avis contradictoires, de positions incertaines et de convictions variables, non seulement dans la presse, mais aussi par voie de conséquence dans le public lui-même. Sans pitié, les événements allaient trancher net en imposant à ceux qui la refusaient la dure réalité de la faiblesse espagnole. En quelques semaines, de la Baie de Manille à celle de Santiago, la victoire américaine allait être totale.
A noter que les illusions nourries en Belgique se sont retrouvées partout ailleurs en Europe. Théodore Roosevelt a noté que l'opinion du Vieux Continent était dans son ensemble convaincue de la supériorité militaire espagnole et l'a crue capable de réserver à l'Amérique "des surprises sanglantes" (18). Von Bülow a évoqué dans ses Mémoires cet étrange mouvement d'aveuglement, qui n'avait même pas épargné l'Empereur Guillaume et son entourage: "Guillaume II (...) était persuadé que les Espagnols sortiraient vainqueurs de ce duel; dans une note marginale du 3 avril 1898, il déclarait d'un ton sentencieux: "L'hidalgo rossera certainement le frère Jonathan, car la flotte espagnole est plus forte que l'américaine". A mon grand étonnement, pas mal de militaires et un assez grand nombre d'officiers de marine croyaient eux aussi à la supériorité de la flotte et de l'armée espagnoles "(19).
L'aisance avec laquelle les forces américaines - si médiocre que fût leur préparation - vinrent à bout de leur adversaire et la révélation brutale à Manille d'une puissance navale insoupçonnée produisirent un effet de choc tel qu'il devait fournir plus tard à Anatole France la matière d'un des chapitres de L'Anneau d'améthyste, roman paru en 1899. Imaginant une conversation dans le grand salon d'un château, quelque part en France, entre personnes du "haut monde", l'écrivain y décrit non sans ironie les cris d'allégresse d'une dame de l'assistance, heureuse de s'entendre dire par la bouche d'un général royaliste que "ces bandits d'Américains" seront vaincus. On se met alors à conjecturer sur les répercussions favorables que pourrait avoir en France un succès militaire de l'hidalgo: "Qui sait s'il ne déterminerait pas chez nous un mouvement, royaliste et religieux ?" Mais il faut bien déchanter quand, à la fin de la journée, on apporte les dernières dépêches annonçant la victoire de l'amiral Dewey aux Philippines: "Cette vision soudaine avait attristé les âmes, d'une flotte bénie par le pape, battant le pavillon du roi catholique, portant à l'avant de ses navires les noms de la Vierge et des saints, désemparée, fracassée, coulée par les canons de ces marchands de cochons et de ces fabricants de machins à coudre, hérétiques, sans rois, sans princes, sans passé, sans patrie, sans armée" (20).
Les "leçons" de la guerre
Les développements du conflit pouvaient sembler des plus révélateurs, puisqu'ils constituaient rien moins que l'affrontement "sur le terrain" des deux conceptions militaires entre lesquelles régnait une opposition théorique apparemment irréductible. Du côté américain, le système des milices et des corps de volontaires recrutés et entraînés in extremis avant l'ouverture des hostilités; du côté espagnol, les vieilles troupes aguerries et organisées sous la conduite d'état-majors qui avaient gardé pour l'essentiel des traditions quasi-séculaires.
Avec ses 25.000 hommes, l'armée .américaine n'était guère qu'un corps de police dont les bureaux de recrutement voyaient "rarement se présenter les meilleurs éléments de la jeunesse américaine" (21). Mais on avait ainsi réduit à leur strict minimum les charges militaires, ce que les éternels partisans d'un tel système en Belgique n'avaient pas manqué de souligner depuis plusieurs années déjà (22).
Dans ce contexte, les résultats de la Guerre hispano-américaine pouvaient revêtir une importance essentielle: ils constituaient la critique en action des principes que l'on débattait depuis longtemps. Après l'échec de la proposition de loi de 1887, les controverses n'avaient cessé d'opposer partisans et adversaires du service personnel, et les uns comme les autres ne pouvaient que suivre avec acuité les épisodes d'un conflit où se trouvaient engagés les produits pratiques de leurs conceptions respectives (23).
C'est entre la Belgique militaire, organe de pression des officiers, et la Réforme, quotidien radical, que les débats furent les plus âpres, chacune déduisant, des événements les conclusions propres à corroborer son point de vue. Pour la première, la guerre révélait dans toute leur ampleur les défauts du volontariat: les Américains sont obligés de temporiser pour effectuer l'instruction de leurs volontaires et même de leurs milices qui ne valent guère mieux. Pour la Belgique, la leçon coule de source : "N'étant pas dans la même situation que les Etats-Unis, nous ne pourrons, le jour où nous aurons une armée à la Coremans (24), crier à nos assaillants; "Attendez que nous soyons prêts!" Quelle leçon se dégage pour nous de ce qui se passe aux Antilles!" (25).
Les corps de volontaires ne sont qu'un "ramassis de vauriens"; ce n'est pas à eux mais seulement à leur puissance financière et à leur armement que les Etats-Unis doivent leur succès ; contrairement à ce qu'affirment "nos pleutres" qui ne se sentent pas "le cœur de défendre eux-mêmes la patrie" (26). Avec leur organisation militaire, les yankees "seraient déjà écrasés s'ils avaient eu affaire aune puissance telle que la France ou l'Allemagne, au lieu de lutter contre un pays aussi affaibli que l'Espagne (27).
Pour la Réforme, les leçons étaient exactement inverses: les armées permanentes n'ont aucune espèce de supériorité et les victoires américaines prouvent "qu'on peut fort bien battre l'ennemi sans avoir étudié par le menu les campagnes d'Alexandre le Grand ou d'Hannibal, sans avoir passé des examens sur les mathématiques supérieures et sans avoir appris à considérer le sabre comme la seule chose respectable dans un pays" (28).
Léon Chomé, directeur de la Belgique militaire, prit lui-même la plume pour réfuter ces allégations lancées en faveur du principe de la "nation armée": "Les Etats-Unis n'ont pas la nation armée, ils ont le volontariat, qui est un mode de recrutement offrant avec elle le plus d'oppositions. Quant à leurs milices, elles sont détestables (...) Et surtout, pas de discipline !" (29)
La presse libérale, favorable au service personnel, tira de la guerre les mêmes leçons que l'organe de la défense nationale: la défaite espagnole est due au manque de moyens financiers et à l'incurie des politiciens madrilènes; les difficultés rencontrées par les Américains fournissent "un argument décisif à ceux qui prétendent qu'on n'improvise pas les armées" (30), car "un million de volontaires n'équivaut pas précisément à un million de soldats" (31).
La presse catholique, pour sa part, insista généralement davantage sur la responsabilité des dirigeants espagnols dans la défaite, la différence d'organisation entre les deux armées n'apparaissant pas comme un élément décisif. Occasionnellement, le problème des volontaires fut soulevé et donna lieu à quelques prises de position qui reflétèrent bien la division des catholiques sur cette question. Le Bien Public rejoignit la Réforme - ce qui n'était pas un mince paradoxe: "Les volontaires des Etats-Unis, quoiqu'ils n'eussent pas perdu de longues années dans les casernes, se sont vaillamment comportés, sur le champ de bataille, contre les vieilles troupes aguerries de l'Espagne" (32). Mais la Métropole, en revanche, tira la leçon inverse et évoqua, à propos des opérations de l'armée de Santiago, "les inconvénients généraux qui pèsent sur une armée de volontaires et un corps d'officiers inexpérimentés" (33). On retrouvait ici, appliquée à l'explication de la Guerre hispano-américaine, la vieille opposition entre Woeste et Beernaert qui avait tant pesé - et pèserait encore - sur la vie politique belge (34).
Epilogue
En 1099, l'opinion publique, entièrement accaparée par les rebondissements de l'Affaire Dreyfus et de la Guerre des Boers, ne porta qu'un intérêt médiocre à la guerre que les Américains devaient mener aux Philippines, cette fois - par une de ces ironies tragiques dont l'Histoire a le secret, - contre les insurgés qu'ils étaient venus "libérer".
Au mois de mars, le prince Albert, qui avait séjourné aux Etats-Unis alors que la guerre battait son plein (35), fit sur les aspects militaires du conflit une conférence privée, devant un auditoire composé du colonel et des officiers du Régiment de Grenadiers auquel il appartenait. Des comptes rendus parurent dans la presse, notamment le Bien Public qui affirma que les auditeurs avaient été surtout frappés par "l'impartialité" de l'orateur (36). Notre futur souverain s'était borné de fait à un tableau des événements, non sans insister toutefois sur les circonstances politiques qui devaient fatalement aboutir au conflit, en raison des prétentions américaines sur Cuba. Il avait par ailleurs accompagné son aperçu de réflexions sur l'organisation militaire spéciale des Etats-Unis, "conséquence obligée d'une application aux exigences politiques particulières" du pays. Selon le Bien Public, le conférencier aurait également montré "combien cette organisation d'une armée recrutée par enrôlements, avec pour complément des miliciens et des gardes nationales donne à réfléchir" (37).
La Revue de l'Armée belge publia encore en 1900-1901 une série d'articles qui tiraient les leçons de la guerre au point de vue militaire et stratégique. Les Etats-Unis auraient dû leur victoire à leur supériorité de moyens, mais l'organisation de leur armée - et sa discipline - laisseraient largement à désirer (38).
Nous ne trouvons pratiquement plus rien d'important dans les années suivantes, à l'exception d'un article de la Métropole en février 1904, article signalé par la Légation d'Espagne à Bruxelles à l'attention du Département d'Etat madrilène en raison de son caractère fort favorable à l'Espagne et de la personnalité de son auteur. Sous le pseudonyme de "major d'Obusson", il s'agirait d'un "important personnage officiel belge", le commandant Monthaye, chef d'état-major de la Deuxième Conscription militaire de la province d'Anvers (39).
(1) II n'en existe pas de synthèse récente et complète en français. On se reportera à E.J. BENTON, International Law and Diplomacy of the Spanish-American War, réimpr.,
- Gloucester(Mass.),1968; J.H. BLOUNT, The American Occupation of the Philippines, 1898-1912, NEW York
- Londres, 1912; F. BERMEOSOLO, "La opinion pública norteamericana y la Guerra de los Estados Unidos contra Espana", dans Revista de Estudios Politicos, n° 123, Madrid, 1962, pp. 219-233; F.E. CHADWICK, The Relations of the United States and Spain. The Spanish-American War, 2 vols., réimpr.,
- NewYork, 1968; Ph. S. FONER, TIe Spanish-Cuban-American War and the Birth of American Imperialism, 1895-1902, 2 vols., New York
- Londres, 1972; F. FREIDEL, "Dissent in the Spanish-American War and the Philippine Insurrection", dans l'ouvrage collectif Dissent in three American Wars, Harvard, 1970, pp. 65-95;
- G. F. LINDERMAN, The Mirror of War. American Society and the Spanish-American War, Michigan univ. Press, 1974; W. MILLIS, The Martial Spirit. A Study of our War with Spain, Boston - New York, 1931;
- R. M. ORTIZ, Cuba. Los primeros años de independencia, t. I: La intervencion y el establecimiento del gobierno de Don Tomás Estrada Palma, 3e éd.,
- Paris,1929 ;L. A.PEREZ Jr., "Supervision of a Protectorate: the United States and the Cuban Army, 1898-1908", dans Hispanic American Historical Review, vol. 52, Durham, M. C. , 1972, pp. 250-271; J. W. PRATT, Expansionists of 1898. The Acquisition of Hawaii and the Spanish Islands, rééd., Chicago, 1964.
(2) Paul VAUTE, La Belgique et la Guerre hispano-américaine de 1698. Opinion publique, diplomatique, intérêts, mémoire de licence inédit, Université de Liège, 1977.
(3) P. CHAUNU, L'Amérique et les Amériques, Paris, 1964, p. 288.
(4) H. de NIMAL, Les Etats-unis, Cuba et le droit des gens, Charleroi, 1896, pp. 20-21. - Même point de vue dans la Meuse, 1 oct. 1897, p. 1, c. 3-4 et le Journal de Liège, 21 déc. 1897, p. 1, c. 1-2.
(5) W. MILLIS, op. cit., p. 49.
(6) A. REUSSNER & L. NICOLAS, La puissance navale dans l'Histoire, t. II: De 1815 à 1914, Paris, 1963, pp. 190-196; H. & M. SPROUT, The Rise of American Naval Power, 1776-1918, réimpr., Princeton, 1944, pp. 223-249.
(7) Bien Public, 19 avril 1898, p. 1, c. 1.
(8) Précurseur, 25 mars 1898, p. 1, c. 5-6.
(9) 6 avril 1898, p. 1, c. 1.
(10) Lichtervelde à Favereau, 4 avril 1898. Archives du Ministère des Affaires étrangères, Bruxelles (A.M.A.E.B.), Corresp. polit., Etats-Unis, vol. 14, n° 49.
(11) 17 mars 1898, p. 1, c. 1-2.
(12) Bien Public, 22 avril 1898, p. 3, c. 3-4; Journal de Bruxelles, 24 avril 1898, p. 5, c. 1-2.
(13) Journal de Liège, 25 mars 1098, p. 1, c. 1-2.
(14) 22 avril 1898, p. 1, c. 1.
(15) Journal de Bruxelles, 21 avril 1898, p. 1, c. 1.
(16) Chronique, 21 avril 1896, p. 1, c. 2; Indépendance belge, 22 avril 1898, p. 1, c. 1; Peuple, 22 avril 1898, p. 1, c. 1-2.
(17) Express. 16 avril 1898, p. 1, c. 1-2. Cfr. aussi la Réforme, 5 avril 1898, p. 1, c. 1.
(18) Th. ROOSEVELT, Military Preparedness and Undpreparedness", dans The Century, nov. 1899, repris in The Strenuous Life. Essays and Adresses, Londres-Edimbourg-DubIin-New York, s.d., pp. 193-215 (195-196).
(19) Mémoires du chancelier prince de Bülow, t. 1: 1897-1902. Le secrétariat des Affaires étrangères et les premières années de Chancellerie (trad. de l'allemand par H. Bloch), Paris, 1930, p. 181.
(20) Anatole FRANCE, L'Anneau d'améthyste, roman, ch. IX (pp. 138-143 dans l'édition "Livre de Poche", Paris, 1973).
(21) P. HAGEMANS, Les Etats-Unis industriels, Bruxelles, 1897, p. 243.
(22) Cfr. l'intervention du "pacifiste" LA FONTAINE au Sénat le 7 juillet 1897. A.M.A.E.B. Discussions parlementaires. Neutralité et relations politiques de la Belgique, vol. 2, 1876-1901, XXXVII, p. 713.
(23) Dès l'ouverture des hostilités, Favereau, ministre des Affaires étrangères, demanda à Lichtervelde des informations sur les corps de volontaires américain en raison de l'intérêt qu'ils pouvaient présenter "au point de vue des questions militaires qui se débattent en Belgique" (lettre non datée, A.M.A.E.B., Corresp. polit. Etats-Unis, Suppléments, 1881-1899, n° 101; réponses de Lichtervelde à partir du 24 mai 1890, ibid., vol. 14, n° 69, 71-72, 74, 78: fait état de multiples difficultés d'organisation).
(24) Edouard COREMANS (1835-1910), représentant "meetinguiste" d'Anvers, fut l'auteur de nombreuses interventions à la Chambre sur le volontariat et les mesures propres à la favoriser.
(25) Belgique militaire, 1 mai 1898, pp. 531-532.
(26) Ibid., 8 mai 1898, pp. 565-570.
(27) Ibid., 5 juin 1898, pp. 683-687. Retour au texte
(29) "Nos rhéteurs et la Guerre de Cuba" , dans la Belgique militaire, 31 juillet 1898, pp. 115-120. - Léon CHOME (1863-1911) écrivait également dans le Soir, mais c'est surtout comme directeur de la Belgique militaire (depuis 1896) qu'il était connu (J. WILLEQUET, Documents pour servir à l'histoire de la presse belge, 1887-1914, C.I.H.C., Cahiers, 16, Louvain-Paris, 1961, p. 36, n. 189; Nos contemporains..., IxelIes-Bruxelles, 1904, pp. 274-276).
(30) Chronique, 24 mai 1898, p. 1, c. 3.
(31) Précurseur, 18 avril 1898, p. 1, c. 6.
(32) 6 sept. 1898. p. 1, c. 2-3.
(33) 2 août 1898, p. 1, c. 3.
(34) A noter que d'autres leçons militaires ont pu être tirées de la guerre, et pas seulement en Belqique. Les puissances maritimes, l'Angleterre notamment, furent particulièrement attentives au rôle des escadres de cuirassés dans la victoire contre l'Espagne (cfr. Saturday Review, 20 août 1898, p. 229).
(35) Cfr. A.M.A.E.B., 10.324-III, Voyage du prince Albert aux Etats-Unis d'Amérique (1898), et L. WILMET, La jeunesse du roi Albert. D'après des documents intimes inédits, Bruxelles, s.d., p. 47.
(36) 4 mars 1899, p. 2, c. 4 - 5.
(37) Le compte rendu de la conférence fut adressé par de Villaurrutia, ministre d'Es pagne à Bruxelles, à son ministre d'Etat, "à simple titre de curiosité et sans y attribuer trop d'importance" (Archives des Asuntos Exteriores, Madrid, série Légations - Belgique, microfilms aux A.M.A.E.B., dossier 1396, 1895-1905, 4 mars 1899).
(38) Général NEYT, "Notes concernant la Guerre hispano-américaine", dans la Revue de l'Armée belge. 1900-1901, 24e année, VI, pp. 5-34; 25e année, I, pp. 45-72; II, pp. 5-36.
(39) Archives des Asuntos Exteriores, Madrid, op., 25 févr. 1904.
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ESSAIS DE L'OBUS RÖCHLING SUR DEUX FORTS DE LA P.F.L.
Introduction
Quelle que fut la route prise par l'armée allemande pour envahir un pays voisin, elle devait se heurter à des fortifications de béton: la position fortifiée de Liège, la Ligne Maginot, les fortifications tchèques en furent des exemples bien connus.
En 1914, les Allemands avaient produit la "Grosse Bertha", obusier Krupp de 420 mm, pour bombarder les forts de Liège et de Verdun.
En 1940, le rythme des opérations allait être beaucoup plus rapide, ce qui signifiait que l'on aurait besoin d'armes ayant une plus grande mobilité. Dans ce cas, pour venir à bout du béton, il fallait quelque chose de plus "scientifique" que la simple force des obus de 420 mm de 1914. La technique appliquée lors de la prise du fort d'Eben-Emael était exceptionnelle: elle ne pouvait convenir en toutes les circonstances. De plus, elle relevait d'une ruse de guerre assez facile à parer dans l'avenir.
Malgré ce spectaculaire fait d'armes et bien que la Ligne Maginot eût été contournée, l'armée allemande poursuivait ses recherches en vue de perfectionner son artillerie, de façon à pouvoir détruire les objectifs les plus résistants (1).
(1) Il est toutefois intéressant de signaler qu'un régiment a été engagé du 12 au 28 mai 1940 contre les forts de Barchon, Battice, Aubin-Neufchâteau, Evegnée et Pontisse. Son artillerie comprenait entre autre la batterie n° 820 (1 mortier de 420). Cette batterie, située en territoire néerlandais, probablement aux alentours d'Eisden, tirait des obus de 1003 Kg, alors qu'en 1914 les obus de 420 mm type M tirés sur les forts de Pontisse et Loncin ne pesaient "que" 800 Kg. Cette batterie de 420 fut envoyée en France pour hâter la reddition de la Ligne Maginot, elle tira dans le secteur fortifié de Haguenau sur les ouvrages du Four à Chaux, Hochwald et Schoenenbourg.
Les origines
Les aciéries, Röchling de Düsseldorf (dans la Ruhr) étudiaient par ailleurs le moyen de vaincre le béton et l'acier par des tirs de canons, ce qui les avait amené à reconsidérer le problème à partir de ses données fondamentales en tenant compte des connaissances récemment acquises.
L'obus type anti-béton était alors un projectile à tête conique, fabriqué en acier résistant à une pression d'environ 7 T/cm² et contenant assez peu d'explosif à haut rendement, ce dernier étant allumé par une fusée de culot. Afin d'améliorer ses qualités aérodynamiques, la tête conique était coiffée d'une fausse ogive en acier. C'était en fait un dérivé de l'obus anti-blindage dont il différait surtout par la forme de son nez et par sa charge explosive un peu plus puissante.
Le principe de base était simple : concentrer le maximum d'énergie explosive dans la pointe du projectile. Suivant l'expérience acquise, la force de pénétration devait augmenter de ce fait dans la proportion de P/D³, P représentant le poids de l'obus et D son diamètre. Cependant, tant que le projectile était tiré par un canon rayé classique et tournait donc sur lui-même, son poids était limité car son diamètre était déterminé impérativement par le calibre du tube; sa longueur ne pouvait dépasser cinq à six fois son diamètre sans risquer des oscillations dans sa rotation, ce qui se traduirait par une trajectoire instable et imprécise.
Röchling résolut le problème en dessinant un obus très long, stabilisé sur sa trajectoire par des ailettes fixées à son extrémité. Prévu pour l'obusier standard de 210, cet obus n'avait qu'un diamètre de 170 mm, mais sa tête, très dure, était munie d'un manchon de 210 mm correspondant au calibre du tube. Un manchon semblable entourait son extrémité, enserrant les ailettes en acier ressort. Lorsque l'obusier faisait feu, les deux sabots étaient éjectés de l'obus. Au moment où celui-ci sortait de la volée, les ailettes se déployaient et maintenaient le projectile sur sa trajectoire. Cet obus avait une longueur de 2,59 m, -soit 15,25 fois son calibre, et pesait 193 Kg, de sorte qu'arrivé au but avec une trajectoire finale presque verticale (le projectile atteignait la stratosphère), son énergie cinétique était d'environ 32.000 T/m, soit près de 70 T/cm².
Les essais
En 1941, des essais furent entrepris dans le plus grand secret sur le fort de Battice. Les projectiles étaient tirés par un obusier de 210 mm monté pour la circonstance sur chemin de fer, situé a Merkof près d'Aubel. Ceux-ci, sans explosif (puisqu'il s'agissait d'essais), avaient une force de pénétration si considérable qu'ils traversèrent en moyenne 30 m de terre et de craie, le toit de la galerie, le radier de celle-ci pour s'arrêter finalement à 5 m sous celui-ci. Des essais eurent lieu à trois reprises et à chaque fois une équipe spéciale ramassait et emballait les morceaux et éclats de ces obus tandis qu'était effectuée la réparation des dégâts afin qu'ils ne fussent plus visibles.
Aujourd'hui, en faisant très attention, on peut encore repérer les traces de passage de ces projectiles. Par exemple :
- dans la grande galerie des 120 entre B Nord et B Sud,
- au local à munitions de l'A Nord (réparations au toit du local, aux trois étagères, au sol du local).
- au sommet du bâtiment V, deux réparations, l'une suite à l'enlèvement de la cloche d'observation du bloc, l'autre là où est entré l'obus.
Les essais furent alors déplacés sur le fort d'Aubin-Neufchâteau, la zone de Battice ne pouvant être bloquée éternellement, car étant située sur un axe de circulation important.
La caserne souterraine fut prise pour cible. Les résultats furent très impressionnants, les voûtes des locaux furent trouées de part en part, les plafonds effondrés, le sol bouleversé. Une fois les essais terminés, une équipe entreprit la réparation des dégâts mais elle abandonna vu leur ampleur.
Leurs utilisations
Quelque 8.000 de ces obus furent fabriqués et stockés, très peu furent utilisés. On pense que quelques-uns d'entre eux furent tirés sur la forteresse de Brest-Litovsk, lors de l'avance allemande en Russie (1941). On ignore cependant quels résultats ils permirent d'obtenir.
Puis Hitler, ayant appris de quelles performances ces obus étaient capables, en interdit l'emploi sans son autorisation personnelle et formelle: il craignait, en effet, qu'un projectile non éclaté tombât entre les mains des Alliés, qui auraient pu en copier les particularités pour en faire usage contre les défenses allemandes. Comme les commandants répugnaient à demander une telle permission, ces obus tomberont petit à petit dans l'ou bli et ne furent jamais utilisés.
Matériel de tir
l. Les obus Röchling
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Il semble en effet que deux types d'obus furent produits:
1. 21 Cm Rö Gr 42 Be
poids: 192 Kg
longueur: 2591 mm
charge explosive; 2,85 Kg
pouvoir perforant: 4 m de béton
portée maximum: 11.275 m
2 21 Cm Rö Gr 44 Be
poids; 113 Kg
longueur: 1677 mm
charge explosive: 8 Kg
pouvoir perforant: 2,2 m de béton
portée maximum: pas d'indication
Comme le montrent les caractéristiques ci-dessus, il s'agit d'un obus comparable au 21 Cm Rö Gr 42 Be, plus court avec une charge explosive plus importante mais ayant un pouvoir de pénétration plus faible.
Obus Röchling grenade 21 Cm Rö Gr 42 Be
a) pointe très dure (carbure de tungstène)
b) bague de guidage avant
c) bague de guidage arrière
d) logement des ailettes
e) pièce de fond
f) fusée de culot à retard
g) corps de l'obus contenant l'explosif
2. L'obusier
Il s'agit du 21 Cm Mörser 18 (21 Cm Mrs 18 "Brummbär").
C'est un obusier assez peu connu dont la production commença en 1939 pour s'arrêter en 1942, II fut construit par Krupp et destiné à remplacer le "Lange Mörser de 21 Cm" toujours en service en 1940, qui était la version remaniée de l'obusier Krupp de 21 Cm type 1911, qui avait mis à mal les forts belges en 1914.
II utilisait, avec certaines modifications dues au tir courbe, l'affût à double recul du canon Krupp de 17 Cm (17 Cm K 18 Mrs Laf "Matterhorn"). Cet obusier fut monté pour les essais sur un wagon de chemin de fer, probablement afin d'en faciliter le déplacement et d'en augmenter la stabilité.
image
calibre : 211 mm
longueur du tube : 6070 mm
culasse : à coin horizontal
pointage en élévation : de 0 à +70°
pointage en direction: 16°
poids total : 16.700 Kg
portée maximum : 16.700 m
Bibliographie
Les armes secrètes allemandes, in Collection Les documents Hachette.
German Artillery of World War Two, Arms and Armour Press.
HOGG (I. V.) Fortress History of military Défense, Londres, 1975.
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LA DEFENSE DU FORT DE TANCREMONT par P. STASSEN, Professeur d'Exploitation des Mines à l'Université de Liège, Officier de tir au Fort de Tancrémont
Le Colonel Devos, commandant du Fort de Tancrémont pendant la guerre, a publié dans La Belgique militaire du 10 mai 1979, une note intitulée : Tancrémont - 10 mai 1940 - L'effort de titan que réalisèrent les hommes du fort pour le mettre en état de remplir sa mission. Ce récit était dédié par l'auteur à tous ceux qui, le 10 mai 1040, faisaient partie de la garnison du Fort de Tancrémont et particulièrement à la mémoire de ceux qui ne sont plus.
Le fort est établi tout près de la chapelle du "Vieux bon Dieu de Tancrémont, au lieu dit "mamaelon 300" de l'éperon schisto-gréseux qui sépare les vallées de la Vesdre et de la Hoëgne.
Il domine d'un côte la ville de Pepinster et de l'autre l'agglomération de Theux-Juslenville. Sur les cartes militaires, il porte souvent le nom de Fort de Pepinster. Pour ceux qui connaissent moins bien la région, nous préciserons qu'il est situé en bordure de la route qui relie Banneux à Pepinster.
Ce fort fait partie de la position fortifiée de Liège. Le R.F.L. (ou régiment de forteresse de Liège) comprenait 8 forts réarmés, soit du Nord nu Sud :
1. PONTISSE
2. BARCHON
3. EVEGNEE
4. FLERON
5. CHAUDFONTAINE
6. EMBOURG
7. BONCELLES
8. FLEMALLE
et 4 nouveaux forts :
1. EBEN-EMAEL
2. AUBIN-NEUFCHATEAU
3. BATTICE
4. TANCREMONT (PEPINSTER)
Sougné-Remouchamps ?
Comblain ?
Rappel de quelques dates
13-01-1935 - Les Sarrois votent le rattachement à l'Allemagne.
07-03-1936 - Franchissement du Rhin par les troupes allemandes.
14-10-1936 - Première classe de soldats miliciens appelés à Tancrémont.
14-03-1938 - Annexion de l'Autriche.
01 au 07-10-1938 - Annexion des Sudètes.
14-03-1939 - Hitler envahit la Tchécoslovaquie.
23-03-1939 - Hitler entre à Memel (Lithuanie).
07-04-.1939 - Mussolini envahit l'Albanie.
26-08-1939 - Rappel des miliciens à Tancrémont.
31-08-1939 - Hitler entre à Dantzig.
01-09-1939 - La Pologne est envahie.
13-01-1940 - Chaude alerte en Belgique (avion abattu à Mechelen/s Meuse).
10-05-1940 - A 00.00 Hr La Belgique est envahie. Les Allemands entrent à Gemmenich.
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La mission du fort
Jusqu'au début de la mobilisation, il était plutôt question d'une défense aussi proche que possible de la frontière. Les intervalles des forts d'avant-garde seraient occupés.
A mesure que les mois passaient et que la Iigne KW (Anvers-Wavre-Narmur) se préparait et se fortifiait, la mission du fort changeait. En mai 1940, il devait soutenir, en appui direct, Ies troupes chargées de mener le combat retardateur et permettre leur décrochage.
Il était un fort d'arrêt. Il disposait pour cela :
Armement
4 canons de 75 mm (soit 2 coupoles, de 2 canons jumelés).
3 mortiers de 81 mm.
4 canons de 47 mm.
26 mitrailleuses jumelées et réversibles.
7 fusils mitrailleurs.
6 mitrailleuses contre avions.
Les effectifs
15 officiers et 2 candidats officiers. Parmi ceux-ci, 1 chirurgien et deux médecins (équipe chirurgicale), 1 aumônier.
54 sous-officiers dont 7 dits d'élite.
500 brigadiers et soldats dont :
10 hommes du génie, 10 télégraphistes, 11 brancardiers.
60 hommes et 2 officiers quitteront le fort pour Liers (miliciens de la classe 40).
Réserves de munitions
Coupoles de 75 mm : 7.000 obus.
Mortiers de 81 mm : 7.000 bombes.
Grenades : 4.000.
Mines anti-chars : disposées autour des 2 prises d'air extérieures.
Charges de dynamite : pour faire sauter les bâtiments si l'ennemi y prenait pied.
Fusées éclairantes : des milliers pour surveiller les approches du fort la nuit. Phares dans les coffres flanquant.
Réserves de vivres
Théoriquement 30 jours. Portées à 45 jours.
Transmissions
Réseau de téléphone enterré de la P.F.L.
Liaisons souterraines avec les fortins.
Appareil radio émetteur-récepteur pour liaison avec avions.
Appareil émetteur-récepteur "Radio-Bell" de grande puissance, portée 3.000 Km en surface, seulement 30 Km en souterrain, avec forts amis.
D.L.O. Sous-officiers, brigadiers détachés près des troupes de couverture.
1er Lanciers à Cokaifagne.
Haut-Regard (La Reid) - Theux.
Les yeux et les oreilles
7 postes d'observation intérieure
A l'extérieur
Du Sud au Nord
Abri BV7 à Jévoumont.
Abri de Mont (avec canon de 47 mm).
Fort.
Abri de Vesdre (avec canon de 47 mm).
Abri VM3 à Cornesse.
Abri VM29 près de Wegnez.
Poste d'observation de campagne
Positions de repli
Mousset
Haute Fraipon
Les Villers
Mamelon 311
Formation des observateurs
La formation de tous les observateurs s'est faite en temps de paix et, pendant la mobilisation. Chaque poste d'observation a été doté d'un jeu de cartes sur lesquelles les parties vues et cachées étaient reportées avec clarté et précision. Pour mieux connaître et repérer le terrain, tous les secteurs avaient été parcourus en vélo avec les observateurs, de façon a faire l'épreuve réciproque et à leur montrer comment, du terrain, on voyait leur abri.
Les principaux objectifs probables (carrefours importants, ponts, haies, maisons) avaient été déterminés avec soin. Il fallait absolument avoir dans ces abris des hommes de confiance, courageux, bien au courant de leur mission. Il fallait donc éviter toute mutation pendant la mobilisation.
Dans le journal de campagne du MDL Reul, chef de poste à BV7, il était écrit : "Dès le 17 mai, je détruis les documents de l'abri. Ceux-ci d'ailleurs ne nous ont pas servi à grand chose.
Les officiers de tir possédaient une telle connaissance du terrain qu'il suffisait de leur indiquer telle haie, telle maison, tel carrefour, sans coordonnées pour que l'ouragan d'acier s'abatte immédiatement sur l'objectif repéré et avec quelle précision, un vrai régal pour nous, aux premières loges".
Calcul des tirs
La grande différence entre l'artillerie de campagne et l'artillerie de forteresse réside dans la stabilité de sa position dont les coordonnées sont parfaitement déterminées. Pendant le temps de paix, on peut donc étudier tout le secteur dans les moindres détails, fixer tous les objectifs probables et exécuter tous les calculs, à l'avance, En conséquence, une fiche a été établie pour chacun des objectifs. Sur cette fiche se trouvait :
- une reproduction de la carte aux environs de l'objectif
- une vue perspective
- une vingtaine de colonnes avec les éléments de tir pour chacune des 2 coupoles et une série de conditions météorologiques différentes : direction du vent, vitesse du vent, etc...
Pendant toute la campagne de mai 1940, les conditions météorologiques sont restées extrêmement constantes (au beau fixe) alors que du 4 au 8 mai, les conditions étaient mauvaises, ce qui a fait postposer l'attaque. Tous les calculs des tirs avaient été préparés pendant la mobilisation et achevés au cours d'un travail acharné pendant l'alerte de janvier 1940. Les canons étaient d'une précision extraordinaire. Leur affût est parfaitement stable pendant le tir ce qui n'est pas le cas avec l'artillerie de campagne amenée à changer fréquemment de position.
Enseignements de la mobilisation
Dès le 14 janvier, il commence à neiger et, pendant 2 mois jusqu'au 15 mars, une neige abondante recouvrira toute la région. On ne reçoit plus aucune visite des autorités supérieures quand, dans le courant du mois de février, le Roi fit une visite tout à fait impromptue au fort.
La voiture de Sa Majesté avait stoppé à l'entrée du quartier du temps de paix et la sentinelle n'avait eu que le temps de prévenir le chef de poste qui, tout ému, avisa le Capitaine Devos par téléphone. Après les salutations du Capitaine, le dialogue s'engage immédiatement comme suit :
- Comme Commandant du Fort, avez vous des problèmes ?
- Oui, Sire.
- Importants ?
- D'importance vitale, Sire.
- Et qu'avez-vous fait ?
- Des rapports et un rappel, Sire.
- Commandant, je vous écoute...
Et une longue conversation marqua dès lors l'inspection du glacis d'abord et du massif central ensuite :
- bois de sapins des Mazures beaucoup trop proche des 2 prises d'air
- l'eau dégouline sur tous les murs
- deux alternateurs entraînés chacun par un groupe électrogène de 105 CV (insuffisants)
- eau potable polluée et insuffisante
- refroidissement des moteurs par eau perdue (après 3 jours, manque d'eau)
- une seule cheminée d'évacuation des fumées (3 bouches)
- pas de citerne à gasoil, 170 fûts de gasoil dans les galeries
Remèdes apportés
- recul de la lisière du bois en octobre-novembre 1939
- remplacement des 2 groupes électrogènes de 2x105 CV par 4x130 CV (dont 1 de réserve)
- eau de refroidissement en circuit fermé. Tuyauteries dans les couloirs. Radiateurs placés dans la caserne souterraine et dans le bureau de tir. Les murs sèchent. Le fort devient habitable.
- deux stations d'épuration comportant : 1 appareil stérilisateur à hypochlorite de soude, 1 appareil adoucisseur à acide lactique, 1 appareil filtre adoucisseur
- deuxième cheminée d'évacuation terminée avant le 9 mai, puits non réemblayé
- fermeture de toutes les embrasures des abris d'observation extérieurs
Pour effectuer certains de ces travaux, il avait été nécessaire de construire au préalable une passerelle dont la voie piétonnière était doublée d'une voie de décauviIle. Partant de l'esplanade du casernement du temps de paix, cette passerelle enjambait la ceinture de tétraèdres servant d'obstacles anti-chars, le réseau de barbelés large de 6 m pour arrêter les pionniers ennemis et le fossé évasé en site sec de 10 m de largeur et 6 m de profondeur à cet endroit, séparant le glacis du massif contral. Les hommes avaient donné à cette passerelle le nom de "passerelle d'assaut" qui privait évidemment l'ouvrage de la protection qu'offraient tous ces obstacles de défense passive.
10 mai 1940
Nuit du 9 au 10 mai à 00.00 Hr. exactement. Message spécial du R.F.L. Alerte avec mot de passe autorisant à ouvrir l'enveloppe entreposée dans le coffre-fort du bureau de tir. Les officiers de garde descendent au bureau de tir. Ouverture de l'enveloppe "top secret". On y lit : "Yser-Albert". C'est la guerre.
Il faut brûler les casernements du temps de paix. une demi-heure après, on reçoit confirmation par le P.C. du Major commandant le groupe : les Allemands, sont prêts à franchir la frontière à Gemmenich, ils ont dégagé tous les obstacles sur les routes d'accès.
Tous les hommes descendent chacun leur literie (paillasse et couverture). Déménagement de tout ce qui est nécessaire à la vie du fort dans les cuisines, les cantines. Déménagement de tous les dossiers du Commandant et des officiers entreposés dans les bâtiments du temps de paix.
Matin du 10 mai
Dès 5 Hr du matin, de nombreuses escadrilles d'avions allemands survolent le fort à haute altitude.
A 7 Hr du matin, les casernements du temps de paix sont incendié.
La maison du garde du château des Mazures saute.
- Puits pour exécuter la citerne à gasoil percé le 9 mai dans l'après-midi.
- Passerelle en bois au-dessus des tétraèdres, des barbelés, du fossé.
- Remblayage du puits de la 2ème cheminée.
- Fermeture de la brèche dans la galerie.
- Remblayage du 2ème puits pour la citerne.
- Destruction de la passerelle en bois.
- Egalisation des terres sur le massif central.
- Dégagement conplet du champ de tir des différents organes.
- A 1 Hr, les portes de la poterne sont fermées aux cadenas.
- Tirs de réglage.
Après-midi
- 14 Hr: Toutes les troupes occupant les intervalles des forts se sont retirées
- Les Lanciers situés au Sud ont exécuté les destructions : Pont de Marteau (chemin de fer). Pont de Polleur (sur In Hoëgne). Pont de Limbourg. Nos D.L.O. les accompagnent .
- 17 Hr: Le Lieutenant Poswick du 1er Lanciers remonte à cheval le chemin Juslenville-Tancrémont. Il s'arrête au fort. Evénements d'Elsenborn.
- Ensuite calme complet. Fausses nouvelles.
Samedi 11 mai
- Les colonnes de réfugiés passent encore sur les routes voisines du fort.
- Tir de réglage.
- Fin de matinée, 4 Allemands sur une locomotive de manœuvre.
- 14 Hr: On apprend la reddition du Fort d'Eben-Emael.
- 15 Hr: Tour d'horizon à la coupole IV. Colonne ennemie monte vers Creppe et sur la route Desnié-Haut-Regard-Route La Reid. Déclenchement immédiat de tirs sur tous ces objectifs.
Dimanche 12 mai
- 10 Hr: Premier gros bombardement par batterie ennemie.
- 12 Hr: 3 blessés très graves au Mousset.
- 18 Hr: Attaque surprise du fort par pionniers allemands venus de Banneux et du bois des Mazures. Charges creuses sur prise d'air P. Pendant 1 Hr 30 très chaude alerte : baptême du feu.
- Nuit. Extrême vigilance. Fusées éclairantes
Lundi 13 mai
- Nuit: tirs intermittents à "boites à balles" dans le bois.
- Journée calme.
Mardi 14 mai
- Nuit, canon allemand au-dessus de la rampe de la prise d'air P, pour détruire l'embrasure du FM. C'est lui qui est détruit.
- On ramène dans le fort des morceaux d'obus de gros calibre.
- Fût de chlorure de chaux crevé à BV7.
- Les Allemands ont repéré des boîtes de raccordement au réseau téléphonique enterré.
- Pièces d'artillerie motorisée sur la route Polleur-Franchimont.
- Les Allemands occupent le hameau de Jévoumont.
- Mr. Delfosse et le jardinier du château viennent réconforter les hommes de BV7.
- Les Allemands ont une crainte du fort. Ils n'ont pas repéré BV7.
Mercredi 15 mai
- Un civil rode autour de BV7 ("Joseph, la guerre est finie ! Vive la BeIgique !").
- La fausse ligne téléphonique sauve BV7.
- Prise de l'abri de Vesdre.
Jeudi 16 mai
- Reprise des tirs sur l'itinéraire des crêtes : Vert Buisson, Jehoster, Haut-Regard.
- Nouvelle patrouille allemande pour découvrir BV7.
- Message du Roi aux Forts de Liège : "Officiers, sous-officiers, soldats. Résistez jusqu'au bout pour la Patrie. Je suis fier de vous !".
Vendredi 17 mai.
- Attaque de la maison Crahay par une centaine de soldats.
- Connexion de VM29 coupée. Abri abandonné.
Samedi 18 mai
- Tirs vers La Reid-Haut-Regard
- Parlementaires allemands avec les Commandants d'Embourg et de Chaudfontaine. Pas de discussion.
- Abri de Mont attaqué. Dégagé par tir.
- Beaucoup de bobards circulent dans le fort.
Dimanche 19 mai
- Après-midi, BV7 signale rassemblement allemand sur BV6
- Ils foncent sur BV7. Charges creuses. Lances-grenades. Hanquinet tombe sans connaissance.
- Tir du fort. Mise en fuite des Allemands (tranchée, porte cadenassée).
- Deux hommes restent et essaient de mettre une 2ème charge creuse dans le tube lance-grenades.
- Mise on marche du ventilateur, bruit insolite violent. Mise en fuite des Allemands. L'alerte a été chaude.
Lundi 20 mai
- Bombardement du fort sans arrêt entre 1 Hr et 4 Hr du matin (obus de 210 nm)
- BV7 tient toujours. Canons de 37 et Mi mis en batterie la nuit. Tirs nourris sur la cloche de visée et sur le béton.
- Entre 2 tirs, nos hommes repèrent les emplacements ennemis.
- Tir du fort : mise en fuite de tous les Allemands (les balles perdues pleuvent sur les toits de Spixhe).
- Les Allemands annoncent au hameau : "Die kleine Festung ist ganz kaput".
- Vers 9 Hr, liaison coupée avec le fort puis rétablie.
- A 12 Hr, nouvelle coupure, définitive cette fois.
- A 18 Hr, sortie des hommes de l'abri en rampant, aucun guetteur ennemi. Ils se faufilent dans l'herbe haute jusqu'au bois, dévalent sur Spixhe, revêtent des vêtements civils. Ces braves et courageux sont sauvés.
- Les Allemands sont à Abbeville.
Mardi 21 mai
- Le fort encaisse obus sur obus.
- A 16 Hr, les observateurs de Haute Fraipont se dispersent.
- Le fort d'Aubin-Neufchâteau est attaqué violemment, il ne lui reste plus qu'un canon. Il tombe dans la journée.
Mercredi 22 mai
- Tôt dans la matinée, reddition du Fort de Battice. Il nous dit : "Au revoir et bonne chance".
- 11.45 Hr, nouvelle visite des parIementaires (3 officiers allemands, 1 officier belge avec drapeau blanc : "Que voulez-vous ?"
- "Vous engager à vous rendre..." "Le fort est entier. Retirez-vous. Nous continuons la lutte"...
- 15 Hr: nouvelle visite de parIementairas (3 officiers allemands, le Capitaine Guéry, Comd le Fort de Battice (nous le reconnaissons bien), 1 adjudant du même fort. Le Commandant Devos, dans la cloche du bâtiment I, crie : "Commandant Guéry, retirez-vous, le fort ne se rend pas".
- Nos services de renseignements fonctionnent admirablement, VM3 tient toujours.
- L'abri de Mont est abandonné.
- Le fort est bombardé par les Stukas. Grâce au terrain schisto-gréseux, entonnoirs de 2 m de profondeur seulement. Tancrémont reste seul dans la P.F.L..
Jeudi 23 mai
- Tirs de harcèlement sur les itinéraires principaux.
- Tirs sur les objectifs signalés à VM3 par les services de renseignement, sur batteries ennemies , sur rassemblements de troupes, hors de nos vues.
- Les bombardements sur le fort continuent.
- On nous fait savoir que les Allemands préparent une attaque de grande envergure sur le fort.
- Jeudi, les Allemands lancent un assaut violent sur BV7. II est vide depuis 3 jours.
Vendredi 24 mai
- Les incursions allemandes dans les environs de Cornesse sont de plus en plus nombreuses.
- Sur ordre du Commandant, VM3 ne peut plus continuer sa mission. Les hommes se dispersent.
- Les TTR, qui travaillent depuis 3 jours à leur poste émetteur-récepteur, entrent par hasard en contact avec le Fort de Maizeret (Namur). Celui-ci tombe dans la soirée.
Samedi 25 mai
- Taincrémont est complètement isolé. Plus aucun poste extérieur.
- Armée de campagne probablement sur la Lys.
- Vigilance partout.
- C'est toujours l'axe Haut-Regard qui est pris sous le feu de nos canons; chars, camions, motos, tout est canardé.
Dimanche 20 mai
- Toujours des bombardements par l'artillerie ennemie, par Stukas.
- On essaie de mettre le feu au bois des Mazures, lancement de flèches avec pistolets "lance fusées".
- On tire sur Louveigné, Wegnez et Haut-Regard.
Lundi 27 mai
- Même scénario que le 26.
- Il faut garder le moral. C'est la mort ou la captivité.
- Une charge creuse explose dans le bois (par accident probablement)
- Les TTR ont réussi à augmenter la portée de leur poste, 1er message entendu: "Laissez passer parlementaires sur la route vers Dixmude".
Mardi 28 mai
- On tire à boîte à balles toute la nuit, dans le bois (pour déjouer une attaque surprise).
- Quelques heures après, nous apprenons la capitulation de l'Armée.
- Consternation.
- 12 Hr, le Commandant du fort envoie au G.Q.G. de l'armée belge un message demandant Ia conduite à tenir. Réponse : "Reçu votre message 12' Hr. Puis silence.
- Le chef d'E.M., le G.M. Michiels, que nous retrouvons à l'OFLAG de Wolfsberg en Carinthie, affirne n'avoir jamais eu connaissance de ce message.
- "Le Conseil de défense" du fort se réunit le soir (organe consultatif du Commandant).
- Difficulté de maintenir le moral des hommes. Des civils reviennent. Des Allemands les accompagnent. Drapeaux blancs. La guerre est finie. "Ne détruisez plus nos villes", etc... On tire en l'air pour les disperser.
- 19 Hr: Entrevue avec les Allemands pour solliciter ordre du G.Q.G. Parlementaires belges sortent : 1 SLt, 1 MDL, 1 soldat. Retour. Entrevue fixée au lendemain 29 à 9 Hr du matin.
Mercredi 29 mai
- Nuit calme mais mouvementée dans le fort.
- Continuer la lutte ?
- 9 Hr, entrevue du Commandant et du Général Spang (maison de Tancrémont.)
"Vous n'avez rien à demander, vous avez tout au plus à prier. Si vous continuez la lutte vous et vos hommes, vous vous mettez hors-la-loi et votre fort sera complètement détruit. Tout est d'ailleurs prêt pour cela, l'attaque sera foudroyante".
- Réponse du Commandant :
"Je ne suis pas obligé de vous croire. Vos menaces ne me font pas peur. Le fort est intact. La garnison saura se défendre"
L'officier allemand est stupéfait. Il se calme peu à peu. Il répète seulement qu'il n'est plus possible d'obtenir un ordre du G.Q.G. "Il n'y a plus qu'une seule autorité en Belgique", dit-il, "celle de l'Allemagne. Le Roi est prisonnier et son dernier acte au pouvoir a été la capitulation de toute l'armée belge".
Soudain, se dégantant, le Lt.-G. Spang, se met en position devant le Commandant Devos et lui déclare solennellement :
"Je jure sur mon honneur d'officier général allemand que le Roi des Belges a capitulé sans conditions et donné l'ordre à toute l'armée de cesser les hostilités".
Sur cette affirmation, le Commandant Devos décide de consulter à nouveau son Conseil de Défense. Il fixe au Général allemand rendez-vous à 11 Hr au même endroit. Après délibération, le Conseil en question entérine, la mort dans l'âme, que Tancrémont doit se conformer à l'ordre royal de reddition.
Aussitôt, ordre est donné de mettre hors service 3 groupes électrogènes sur 4, les armements, les cartes, les tables de tir, les documents secrets.
Le Fort de Tancrémont se rend le 29 mai à 11 Hr, soit un jour et demi après la signature de la capitulation de l'armée belge.
Le Général Spang, aussi ému que le Capitaine Devos abandonne toute raideur et, tenant dans sa main celle de l'officier belge, tente de le réconforter. Il le félicite pour la belle défense du fort, lui dit qu'il avait bien mérité de son pays, puisqu'il s'était rendu sur ordre, que la fortune dans les armes ne peut sourire à tout le monde, etc...
Lachant la main de son interlocuteur, l'officier supérieur se tourne vers le Colonel allemand qui faisait partie de la délégation et lui donne une série d'ordres :
1. Tous les officiers faisant partie des troupes de siège (infanterie, artillerie) seront rassemblés et rangés à l'entrée du fort. Ils rendront les honneurs aux officiers à la sortie de l'ouvrage.
2. Les officiers du Fort de Tancrémont pourront conserver leurs armes blanches.
3. Le drapeau allemand ne sera hissé sur le fort qu'après la sortie du dernier homme.
Le Fort de Tancrémont avait tenu 400 heures et mis de nombreux soldats allemands hors de combat (on dit 2.000).
Et ce fut le départ en captivité...
Le vendredi 17 octobre 1975, à 20.15 Hr, la R.T.B. diffusait la première partie d'une émission historique de Jacques Cogniaux "Les prisonniers de Guerre".
Afin de répondre à la question "Comment devient-on prisonnier?", le réalisateur avait longuement interviewé le Colonel A. Devos, ainsi que deux défenseurs de notre batterie.
Dans la Presse du lundi suivant, on pouvait lire sous le pseudonyme "Vidi" :
"Nous avons surtout retenu de cette période de notre Histoire, que nous découvrions pour la 1ère fois, un symptôme évident de notre ignorance : la résistance du Fort de Tancrémont jusqu'au 29 mai. A-t-on tiré de ce fait exceptionnel toute l'information utile et l'a-t-on diffusée ? Non pas pour susciter un nouveau Verdun, mais pour que soient mieux connus ces "vainqueurs dans la défaite".
C'est pour répondre à cette attente qu'un des interviewés, le poète ensivalois, René Gillis, s'est mis en peine de satisfaire la curiosité de tous ceux qui désirent connaître à ce sujet "ce que la Télévision Belge n'a pas dit".
L'ouvrage a été publié en 1978 avec la bienveillante autorisation de Monsieur Paul Vanden Boeynants, Ministre de la Défense Nationale, qui, par ailleurs a bien voulu donner au dernier point de résistance militaire belge en 1940 le titre de "Monument Historique National". II est remis actuellement à l'Amicale et on peut le visiter.
BIBLIOGRAPHIE
Devos (A.), Tancrémont - 10 mai 1940, in La Belgique militaire, n° 133, 1979, pp. 3-10.
De Wergifosse (A.), Les 409 heures de Tancrémont, Verviers, s.d.
Gillis (R.), 29 mai 1940. Tancrémont tient toujours ! Olne, 1970, 185 p.
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FLERON AU COEUR DE L'ATTAQUE BRUSQUEE DE LIEGE EN AOUT 1914
Ayant refusé de livrer passage aux-troupes allemandes, suite à l'ultimatum du 2 août 1914, la Belgique est envahie. L'armée allemande franchit la frontière belge le 4 août à 08.00 Hr et progresse vers la Meuse pour s'emparer des ponts intacts.
La 4 DC allemande est à Visé vers midi, elle doit cependant descendre le fleuve parce que le pont a été détruit et qu'elle se trouve sous le feu des forts. Un pont d'équipage se construit alors à Lixhe, proche de la frontière hollandaise.
Deux autres DC renforcées par six brigades, d'obusiers placées elles aussi sous le commandement de VON EMMICH, opèrent en même temps une attaque brusquée contre Liège, défendue par le Général LEMAN.
L'attaque lancée le 5 août à 22.00 Hr est un échec complet sauf entre Evegnée et Fléron, où la Brigade de Lüdendorff parvient à s'accrocher sur les hauteurs de Jupille.
Certains éléments se sont même approchés de Liège mais ont été détruits.
Devant les renseignements contradictoires qui lui sont fournis, le Général LEMAN ordonne le retrait de l'armée sur le rive gauche de la Meuse et s'enferme dans le fort de Loncin après avoir remis le commandement de la 3 DA au Général BERTRAND. La fatigue et la désorganisation empêchent les Belges de tenir la rive du fleuve et les Allemands entrent en ville le 7 août.
Pilonnés par une puissante artillerie, les forts succombent les uns après les autres; un des derniers à se rendre est celui de Fléron.
Placé sous l'autorité du Commandant MOZIN, ce fort était privé de communication avec l'Etat-Major depuis le 6 août, après avoir repoussé nombre d'attaques. Malgré un retour en force de l'ennemi et la demande de reddition transmise le 11 août, le fort refuse de se soumettre. Des milliers d'obus pleuvent alors sur Fléron entre le 12 et le 14 août.
Ouvrages défensifs et coupoles sont sérieusement endommagés. La nuit du 13 au 14 est réservée à l'assaut final mais MOZIN a préparé une défense extérieure et au moment où l'assaillant continue ses travaux rapprochés, se déclenche le tir de deux canons de 57 et de 180 fusils.
La tentative d'assaut des Allemands ayant échoué, l'ennemi se fait appuyer, vers trois heures du matin, par une batterie de très gros calibre. La situation devient dès lors intenable et à 09.50 Hr. le bombardement qui durait depuis cinquante heures, cesse. Privé de moyens défensifs, le fort s'est rendu. Sur la rive droite seul Boncelles continue à résister. Quinze jours plus tard, un officier aviateur allemand prélève un morceau du drapeau blanc de Fléron, symbole d'une reddition durement acquise mais aussi d'une résistance acharnée à l'envahisseur.
Bibliographie:
BERNARD (H.), Leçons d'histoire militaire. tome I, Les principes et les règles de l'art mil itaire, l'histoire militaire et l'évolution de l'art militaire jusqu'en 1919, Bruxelles, 1951, pp. 234-237.
DETHIER (J.), GILBART (D.), Liège pendant la Grande Guerre, 4 t., Liège 1919.
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