TOME 5 - FASCICULE 5 - MARS 1993

Sommaire

Editorial - Histoire et archéologie

Les archives et la vidéo

Fête Nationale et Fête du Roi

Emile COENEN - La Forteresse "ILE MONSIN"

Archives : Remise en état des 4 forts nouveaux de la P.F.L.

Récit : L'entonnoir - Les Eparges, 12 juillet 1915

Jean-Marie LEVO - A propos d'une vieille photographie, la mort d'Adrien HEINE, en mai 1940

Colonel IMM e.r. F. GERARD - La statue de LEOPOLD 1er ... un fleuron de la Fonderie Royale de Canons

Gilbert SPOIDEN - Jean-Joseph CHARLIER, dit "La Jambe-de-Bois", combattant de 1830

La mort de M. Raoul NACHEZ - STALAG et OFLAG (carte et photos)

Pierre BEAUJEAN - PLUTO, le pipe-line sous la Manche

Courrier des lecteurs

Gilbert SPOIDEN, La Citadelle de LIEGE en août 1914

Pierre BEAUJEAN, A la Citadelle de LIEGE, visite du Général PIRON au 3A en 1950

Bibliographie

Epinglé pour vous

Les chiens sous l'uniforme

Editorial - Histoire et archéologiec

"Il y a bien peu d'archéologie militaire dans le bulletin, ces derniers temps !"
Cette affirmation, qui, à vrai dire, a été attribuée à une personne absente et a peut-être été mal entendue ou comprise, m'a amené, à vérifier les sommaires des bulletins et imaginer, ce qui aurait pu la justifier.
J'ai d'abord été étonné puisque, en ne remontant qu'à un an, on trouve, dans chaque bulletin, entre vingt et trente pages écrite par des spécialistes comme messieurs Harlepin et Vernier. Puis, je me suis rappelé les réflexions, en sens inverse : "Moi, la technique, ça ne m'intéresse pas ! Et il y en a beaucoup dans le bulletin !"
Et alors, me souvenant que Pierre Daninos avait écrit que la FRANCE était divisée en cinquante millions de Français, j'ai compté que, pour faire un bulletin d'information idéal, il faudrait en faire trois cents éditions différente ... Je plaisante, évidemment, et ne prends pas nos lecteurs pour des enfants.
Cet avant-propos n'est au fond qu'un prétexte pour attirer l' attention de tous sur la réalité suivante : avons-nous conscience du volume de travail que nécessite la rédaction et l'illustration d'articles techniques tels que "L'équipement électromécanique des forts de la Meuse" ou "Les abris fortifiés de la Position Fortifiée de Liège" ? Nous représentons-nous le nombre d'heures qu'il a fallu à leurs auteurs pour se documenter, obtenir des autorisations de visite, arpenter le terrain, vérifier les sources, dessiner les croquis, photographier les vestiges ?
Rédiger le texte ! Mais quel mérite ont nos auteurs ! Car, nous le savons tous : beaucoup connaissent la matière, mais n'écrivent pas ... D'ailleurs, si le rédacteur du bulletin a en réserve quelques articles "histoire et vécu", il n'en a aucun à tendance, "technique".
A partir du présent bulletin, Emile. Coenen nous décrit "La forteresse Ile Monsin". Même ceux qui ne s'intéressent que modérément à la fortification, à l'archéologie militaire, devraient jeter un coup d'oeil sur ce travail fouillé, mais néanmoins compréhensible, en ayant en mémoire ce sur quoi je viens d'attirer l'attention.
Il est aussi certain que, tout travail qui est publié dans notre bulletin doit être lu d'un oeil critique. Toute tâche humaine est perfectible ... et, pour rappel, le courrier des lecteurs est ouvert à tous ceux qui voudraient rectifier une erreur ou signaler une omission.
P.B.
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Les archives et la vidéo

Ne détruisons pas nos documents originaux sous prétexte que leur copie sur support "Vidéo" est moins encombrante et plus accessible.
Monsieur André GANY nous remet une coupure de presse où des professionnels de la télévision s'inquiètent de constater que, de plus en plus, tous les grands événements historiques, que nous vivons presque en direct sur nos petits écrans grâce à l'enregistrement "Vidéo", ne seront presque plus regardables dans quelques années. En effet, les bandes magnétiques vidéo se détériorent vite, les couleurs s'estompent, les parasites interviennent, les copies doivent se multiplier et chacune provoque une perte de qualité.
Alors qu'un négatif film peut durer entre 300 et 500 ans (*), vingt petites années suffisent à abîmer la bande vidéo. C'est ainsi que la cérémonie d'investiture du président Mitterand, le 21 mai 1981, le montre maintenant marchant avec une rose ... presque blanche à la main.

(*) Espérons-le, car les premiers films couleurs sont à peine nonagénaires !

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Fête Nationale et Fête du Roi

Dans l'article du Colonel GERARD concernant la statue du Roi LEOPOLD Ier, nous lisons que la pose de la première pierre eut lieu un 24 septembre (1850) et que l'inauguration du monument eut lieu un 26 septembre (1859).
Curieusement, l'Arrêté Royal publiant la décision d'ériger le monument en commémoration du Congrès National est, aussi, daté d'un 24 septembre (1849).
Sous le règne de LEOPOLD Ier, notre Fête nationale actuelle se célébrait en septembre, le mois des combats pour l'indépendance du pays, tandis que l'établissement de la monarchie se célébrait le 21 juillet. LEOPOLD II décida que l'avènement de LEOPOLD Ier se commémorerait le 21 juillet, tandis qu'on fêterait la Saint-Léopold le 15 novembre. La "Fête du Roi" fut cependant déplacée sous le règne du Roi ALBERT, et même rebaptisée "Fête de la Dynastie" sous la régence du Prince CHARLES.
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Emile COENEN - La Forteresse "ILE MONSIN"

INTRODUCTION
Au XVIIIe siècle, en descendant le cours de la Meuse qui serpente à travers la bonne ville de Liège, on peut admirer des paysages merveilleux et rencontrer de véritables "jardins d'Eden". A la sortie de la ville, les campagnes de Jupille et de Wandre sont traversées par deux cours d'eau : la Meuse et la Naye. Cette dernière se fraye ainsi un chemin dans les marécages de Marexhe, traverse Herstal et se jette dans le fleuve à Wandre. Ces deux cours d'eau isolent donc une surface de terre imposante qui porte le nom d'Ile MONSIN. C'est à cet endroit que de nombreux retraités auraient voulu, jadis, terminer paisiblement leurs jours.
De tous temps, l'homme a tenté de préserver cet endroit enchanteur. Mais la Meuse, fleuve capricieux et tourmenté, est un véritable cauchemar pour les bateliers qui transportent chaque jour marchandises et matériaux vers le nord du pays.
Aussi, dès 1846, creuse-t-on un canal reliant Liège à Maastricht afin de permettre une navigation plus aisée et plus sûre. Ce fut là le premier bouleversement que subit notre île.
Malgré ce canal, l'Ile Monsin garde son ambiance particulière. La culture y est active et des troupeaux de moutons y paissent. Les bourgeois y construisent de belles villas et plus particulièrement le long des berges du canal récemment édifié.
Des auberges, des cabarets et des guinguettes attirent les ouvriers qui viennent sur l'île pour se détendre après leur journée de travail. Les citadins empruntent souvent le dimanche ses petits chemins pour y découvrir la faune et la flore qui leur font défaut en ville.
Mais laissons ce paradis du siècle passé. Si vous voulez en savoir plus, je ne puis que vous conseiller de lire le magnifique ouvrage de Pierre Barré : "Hertal en cartes postales". En effet, personne n'a su mieux que lui décrire l'atmosphère et l'ambiance sur l'île à cette époque.
La quiétude de l'île est encore troublée en 1888. Les habitants voient de nombreuses dragues extraire le sable et le gravier du lit de la Meuse. Des centaines d'ouvriers commencent la construction de voies de chemin de fer "Decauville", installent d'énormes entrepôts, et, au pied de Vivegnis, construisent un plan incliné qui rejoint les hauteurs de Pontisse.
L'Ile Monsin
L'activité devient de plus en plus importante sur le canal où des chalands amènent des quantités énormes de ciment et de matériaux divers. Tout ce remue-ménage va durer trois longues années. Laissés d'abord dans l'ignorance, les résidants apprennent finalement que l'on construit douze forts modernes autour de Liège, et notamment sur les hauteurs de Barchon et de Pontisse.
Le calme revenu, les ouvriers sont remplacés par des promeneurs et quelquefois par les arbalétriers de Herstal, ou par des hommes du 2e Lanciers effectuant des manoeuvres. Un peu plus tard, ce seront les Allemands qui feront les mêmes exercices et qui, eux aussi, se promèneront pendant quelques années sur notre île.
La paix enfin revenue en 1918, l'î1e retrouve son ambiance paradisiaque, qui ne subsistera plus que quelques années. En effet, peu après la première guerre mondiale, la Belgique décide, pour diverses raisons de réorganiser l'ensemble fortificatif de son territoire. Par ailleurs, le 24 avril 1928, elle prend la décision de construire un canal reliant directement les villes de Liège et d'Anvers.
LES PREMIERS TRAVAUX
La décision de refortifier le pays va faire coûler beaucoup d'encre et passionner les opinions wallonne et flamande durant des années. Ces diverses opinions seront malheureusement utilisées politiquement et les autorités militaires devront se résigner à des solutions de compromis.
Une commission chargée, en 1927, d'étudier un système fortifié pour la Belgique, décide d'adopter le système des Régions Fortifiées Permanentes. Liège en fait partie car elle est un centre industriel d'une importance capitale. De plus, elle représente également la porte d'entrée de la Moyenne Belgique. Bien fortifiée, en profitant du double barrage de la Meuse et du futur canal, Liège préservera, en cas d'invasion, son industrie, et obligera l'ennemi à passer par la Hollande.
Dès lors, on préconise de créer, tout le long de la Meuse et du canal, une position permanente défensive et de relever les anciennes fortifications de la ville.
Bien que la décision officielle de construire un canal direct reliant Liège à Maastricht soit prise en 1928, les habitants de l'île savent, depuis 1927, qu'ils sont tous expropriés : un véritable drame ! Le creusement de ce canal représente un travail gigantesque et va provoquer un bouleversement complet de certaines régions. Au centre de Liège, on reconstruit de nouveaux ponts et, à Coronmeuse, où se situe l'entrée de l'ancien canal, on édifie un pont et un petit port.
Le début du nouveau canal se situe à hauteur de Marexhe. L'ancien canal (Liège-Maastricht) est comblé jusqu'à Wandre, à partir d'où le nouveau canal suit le trajet de l'ancien, mais celui-ci est fortement élargi.
La courbe de la Meuse entre Jupille et Wandre est complètement remaniée. Sur l'île, trois darses doivent être aménagées pour servir de port industriel.
Un pont-barrage et un bief d'alimentation pour une centrale hydro-électrique seront édifiés sur le fleuve.
Un réseau complet de chemin de fer, une gare de formation et deux ponts-rails desserviront l'île.
Une écluse verra le jour à hauteur de Milsaucy afin de relier le canal à la Meuse.
Des entrepôts, des bureaux et un réseau routier compléteront l'infrastructure du futur port industriel de Monsin. Le 31 mai 1930, le Roi Albert actionne la pelle à vapeur qui arrache la première motte de terre du canal qui portera son nom : c'est l'ouverture solennelle des travaux du canal Albert.
Après l'exode de la population, ce sont les pelles mécaniques qui envahissent l'île et qui commencent à extraire les quelque deux millions de mètres cubes de terre que représentent les travaux d'aménagement.
Les premières piles du pont-barrage s'élèvent lentement, la superstructure soudée du pont Marexhe est en cours et on procède au boisage des murs de quai : ce qui n'est pas rien puisque l'île comporte jusque deux kilomètres de quais utilisables. Le cours de la Meuse est rectifié et l'écluse de Milsaucy est commencée. Toute l'île est bien sûr bouleversée.
Le plan ci-dessous montre bien l'ampleur des travaux.
Travaux projetés sur l'Ile Monsin (traits pleins : ancien tracé, traits interrompus : nouveau tracé)
1. Pont Marexhe - 2. Les trois darses projetées - 3. Tracé du nouveau canal - 4. Ecluse de Milsaucy - 5. Pont Milsaucy - 6. Nouveau pont de Wandre - 7. Pont-rails - 8. Meuse rectifiée - 9. Pont-rails - 10. Pont-barrage
LES AVANT-PROJETS MILITAIRES
Afin de créer cette position défensive permanente, on réutilise donc certains anciens forts "Brialmont" autour de Liège et on construit des abris dans leurs intervalles.
D'autres abris, placés sur les axes principaux menant à la Meuse, devront empêcher la prise des ponts. De Jupille jusque Seraing, la commission estime qu'il suffira de profiter du rétablissement ou de la construction d'ouvrages d'art sur la Meuse et le canal Albert pour prévoir, dans les culées de la rive gauche des dispositifs flanquant le plan d'eau pouvant abriter des sections de mitrailleuses.
De Jupille jusqu'à l'enclave de Maastricht, en aval, cette commission estime que la position de la Meuse doit être puissamment organisée, dès le temps de paix, et principalement devant les trouées les plus dangereuses. Dès la reconstruction des ponts de Liège, on établit donc des plans pour l'aménagement d'abris dans les culées de la rive gauche et on projette de fortifier l'Ile Monsin.
Cette première étude est réalisée en 1928. La défense projetée de l'î1e consiste à aménager dans les culées des ponts Marexhe, Milsaucy (abri D) et de Wandre (abri E), situées sur la rive gauche du canal, des abris devant flanquer le plan d'eau. Afin de couvrir la Meuse, il est prévu le même type d'abri dans le pont-barrage.
Mais notre île, une fois définitivement aménagée, représentera 80 hectares de terrain à défendre et, de plus, elle offrira la possibilité de créer deux lignes de défense grâce au fleuve et au canal. De ce fait, une nouvelle étude est réalisée en 1931 et il en ressort la création de deux nouveaux abris.
Le premier sera situé au début de l'île, au futur emplacement du polygone de pontage qui sera construit pour l'armée.
Le second sera aménagé dans la culée de la rive gauche du pont-rails projeté en aval du pont-barrage.
Il est bien évident que, même avec l'appoint de ces deux nouveaux abris, il demeure d'énormes surfaces non défendues.
En 1934, une nouvelle étude, réalisée par la 3e Direction du Génie et des Fortifications (3e D.Gn.F.), se basant sur les études précédentes, ajoute un abri à 4 mitrailleuses (Mi) et une cloche pour fusil-mitrailleur (FM), repris sous la lettre A sur le plan ci-dessous, et qui sera situé dans la courbe de la Meuse.
Plan de feux prévu en 1934
Un abri B, situé sur la bande de terre qui sépare le canal et le fleuve à hauteur de Milsaucy, sera armé de 2 Mi.
Un troisième, l'abri C, comprendra 4 Mi et une cloche FM. Il sera édifié en aval du pont de Wandre sur les berges du fleuve.
De plus, le pont de Wandre comportera un abri supplémentaire pour protéger le plan d'eau de la Meuse.
Cette étude détermine également que les abris auront des parois du même type que celles des abris de P.F.L. 2, à savoir des parois de 1,30 m d'épaisseur en béton armé, qui sont prévues pour résister aux projectiles de 210 mm. Ce plan d'ensemble est estimé à 510.000 francs de l'époque (actuellement, il convient de multiplier par 22).
Cet avant-projet est finalement accepté, mais pendant peu de temps car les budgets alloués ne sont pas ceux espérés.
Un nouveau plan est alors dressé, conservant le même nombre d'abris, mais réduisant l'armement de ceux-ci. Un plan de feux est réalisé et soumis à l'approbation des différents organismes chargés de la défense de l'île.
C'est également à cette époque que les abris vont être affectés d'indices caractérisant le fait qu'ils défendent la Meuse ou le canal. Pour la défense du fleuve, les abris prendront l'indice MeMo (pour Meuse-Monsin) et ceux prévus pour la défense du canal auront l'indice MeA (pour Meuse-Albert).
Durant cette période, les travaux d'aménagement de l'île vont bon train et certains abris sont déjà construits tandis que pour d'autres les travaux sont postposés. Voici un extrait du compte-rendu mensuel du 2 janvier 1935 sur l'étât des travaux de la P.F.L. reçu par la 3e D Gn F.
Défense de la Meuse
Tout au long de cette année 1935, les types d'abris, leur armement, leur emplacement vont être constamment modifiés. Ces nouvelles études sont finalement sans grand intérêt. Nous examinerons donc chaque abri prévu ou réalisé, en détaillant les avant-projets essentiels.
LA DEFENSE DU CANAL ALBERT
Les abris MeA qui font l'objet du présent chapitre
L'abri MeA 1 (voir photos)
L'abri MeA 1 est situé sur la rive gauche, dans la culée du pont Marexhe. Ce pont, d'une portée de 49,65 m, fut adjugé en décembre 1929 et fut le premier pont édifié sur le canal.
Le 30 avril 1930, les Ateliers du HAL procèdent au bétonnage des fondations des deux culées. Le lieutenant-général SIMONET, qui est à cette époque le directeur du Génie et des Fortifications, fait établir d'urgence les plans de l'abri prévu. Il comprend 4 chambres de tir, disposées deux par deux de chaque côté de la culée. Une galerie, d'une longueur de 15,70 m, relie les deux groupes de locaux. Cette gâterie comporte 3 goulottes lance-grenades et 5 fourneaux de mines aménagés dans le sol et obturés par des dalles métalliques.
Son occupation est inconfortable du fait de sa faible hauteur qui est de 1,55 m. Une issue de secours est créée à côté de la quatrième chambre de tir. Cette issue est obturée par un barrage de poutrelles et par un mur masquant maçonné au mortier léger.
Photo
L'accès à cet abri est le plus curieux que je connaisse actuellement. En effet, les occupants doivent d'abord descendre dans une cheminée, située à quelque distance du pont, menant à un égoût construit par la ville de Liège et qui longe le canal. Une fois dans l'égoût, situé au niveau 56,35 m, les hommes embarquent à bord de petits bateaux mis à leur disposition et parcourent la distance qui les sépare de l'accès proprement dit de l'abri. Cet accès est d'abord un couloir, long de 7,40 m, placé perpendiculairement à l'égoût, muni d'une volée de marches rattrapant une dénivellation de 2 m. Au bout du couloir, un puits garni d'échelons permet d'atteindre la cote 62.40 m. Au débouché de ce puits, les hommes empruntent un nouveau couloir, d'une longueur de 9 m, qui se termine dans la première chambre de tir.
Accès à l'abri MeA 1
Les chambres de tir sont équipées d'un affût "Chardome" et chaque embrasure est protégée par un volet métallique placé à l'extérieur. L'abri reçoit également l'équipement habituel, à savoir : étagères, crochets portemanteaux et porte fusils, tablette support pour charger les bandes de mitrailleuses, crochets porte lampe, etc.
Plan de feux de l'abri MeA 1
Le rôle de l'abri Me A1 est de défendre le plan d'eau en direction de Coronmeuse. Il croise les feux avec "l'abri du pont.
Il assure également le flanquement du plan d'eau vers l'abri MeA 1bis et une partie de l'île.
En janvier 1934, l'abri et le pont sont terminés et il ne reste plus qu'à effectuer l'exercice d'occupation de l'abri afin de déterminer les défauts et les changements éventuels à apporter.
Le pont Marexhe fait partie du réseau de destruction et, de ce fait, ses deux culées sont pourvues de fourneaux de mines; la superstructure du pont est également dotée de fourneaux de mines, obturés par des dalles de type "Elkington n° 1711C". Ce réseau de destruction de toute une série d'ouvrages d'art, dont on a commencé l'élaboration avant 1934, est prévu afin de ralentir la progression de l'ennemi. En 1935, ce réseau entre dans sa phase d'exécution, mais il est remanié en 1936.
Dans le projet définitif, les ponts de la Meuse et du canal Albert sont chargés, dès le temps de paix, par un dispositif de campagne. La mise en oeuvre de ces destructions est assurée par un bataillon du génie de Corps d'Armée (ici, le 23e Bataillon) et de Division d'Infanterie (ici, le 3e Bataillon), aux ordres du Commandant de la P.F.L..
Dès le début du chargement, les ponts furent gardés en permanence.
En 1938, les ponts étaient chargés par un dispositif permanent, mais avec une mise à feu électrique. Ceci aura de lourdes conséquences pour l'avenir. Il y aura tout d'abord la destruction prématurée des ponts du Val Benoît et d'Ougrée. Suite à cette catastrophe, les dispositifs seront changés et les consignes seront plus strictes, ce qui sera un des facteurs responsables de la non destruction des ponts de Vroenhoven et Veldwezelt.
Le pont Marexhe reçoit l'indicatif de destruction : Lg/R19 (Liège pont-route n° 19) et le 23e Bon Gn en "réussit" la destruction le 11 mai 1940.
L'abri Me A1bis (voir photo)
Ce n'est qu'en 1937 que la 3e D. Gn F. estime utile de construire un abri entre le pont Marexhe et le pont Milsaucy. En effet, toute cette partie du canal n'est pas défendue par le tir des mitrailleuses des abris de ces deux ponts : la distance les séparant est trop importante. On estime également qu'il est préférable de défendre les deux darses réalisées en 1935. La troisième darse n'est envisagée qu'en deuxième phase et ne sera finalement jamais réalisée.
On dresse alors les plans d'un abri, du type des voies navigables, à double flanc, chacun avec une embrasure, plus une embrasure frontale. Mais les restrictions budgétaires font qu'un second plan est établi, supprimant l'embrasure frontale.
Avant-projet de l'abri Me A1bis (sans l'embrasure frontale)
Il s'ensuit alors une polémique entre les différents organismes chargés de la défense de l'île : faut-il oui ou non défendre les darses de l'île ? Au début de l'année 1938, les plans de l'abri sont dressés définitivement et celui-ci comprend une embrasure frontale.
Cet abri est encastré dans la berge du canal à hauteur de la seconde darse. Son entrée s'effectue par un puits, fermé par une dalle de type "Elkington" (voir photo) au fond duquel un caniveau permet l'évacuation des eaux de pluie. Au pied du puits, un système permettant l'accès à des tranchées et, ici, servant également d'issue de secours, est aménagé (sera représenté sur le plan de l'abri MeMo 4). Le sas d'entrée est fermé par une porte grille et une porte à persiennes. Une fois le sas franchi, on débouche dans la chambre de tir du F.M. frontal. Cette chambre comprend également une goulotte lance-grenades défendant le canal. A cette fin, la gaine est équipée, à l'extérieur, d'une muselière dont le rôle est d'empêcher la grenade de s'éloigner, et, dans ce cas-ci, de tomber dans l'eau, et donc de garantir son efficacité (voir photo).
Une seconde goulotte lance-grenades protège le puits d'accès.
De part et d'autre du local F.M., se situent les deux chambres de tir. Chaque chambre est équipée d'un affût "Chardome" pour tireur debout ainsi que des accessoires habituels.
Plan de l'abri Me A1bis
1. Puits d'accès, caniveau, échelons - 2. Accès aux tranchées, issue de secours - 3. Sas d'entrée, porte grille et à persiennes - 4. Pieux Franki - 5. Chambre de tir FM - 6. Chambre de tir amont - 7. Chambre de tir aval
La construction commence en février 1938. Afin de stabiliser la masse que va représenter l'abri, la société Pieux FRANKI pose 5 pieux, d'un diamètre de 35 cm. C'est l'entrepreneur Achille GREGOIRE, de Bruxelles, qui procède au bétonnage de l'abri en mars de la même année. Un inspecteur de la 3e D.Gn F. entreprend la vérification des axes des embrasures le 26 avril et il mentionne dans son rapport que ces axes devront être modifiés. Le 5 mai, ce même inspecteur fait décoffrer une partie de l'abri et ordonne à l'entrepreneur de remédier aux défauts constatés. Suite à cela, l'entrepreneur devra payer une forte amende.
Une partie du chemin de halage sur lequel l'abri se situe doit être surélevé et détourné afin de respecter les angles de tir.
Coupe de l'abri Me A1bis
1. Puits d'entrée - 2. Accès aux tranchées - 3. Caniveau - 4. Sas d'entrée - 5. Accès à la chambre de tir aval - 6. Pieu Franki - …. Fers à béton
Les possibilités de tir de l'abri MeA 1bis sont : l'action sur le plan d'eau à l'amont des écluses de Milsaucy et croisement des feux de l'abri Me A2; la défense du chenal et du débouché de la darse sud et croisement des feux de l'abri Me A1. Le F.M. frontal doit protéger le chenal et la darse nord.
Plan de feux de l'abri MeA 1bis
Il était prévu de relier l'abri au réseau téléphonique enterré et aérien, mais cela n'a pas été réalisé.
L'abri Me A2 (voir photos)
En réalité, ce sont deux abris, situés dans les piliers du pont Milsaucy, qui forment "l'abri Me A2. L'un a deux chambres de tir, l'autre n'en a qu'une.
Ce pont est établi à la pointe nord de l'île et comprend deux superstructures dans le prolongement l'une de l'autre. La première, d'une portée de 64,80 m, permet le franchissement du canal; quant à la seconde, d'une portée de 51 m, elle surplombe la voie d'eau éclusée reliant le canal au fleuve. Le pont Milsaucy fut réalisé par les "Anciens Etablissements Paul WURTH", de Luxembourg.
La 3e D. Gn F. prévoit de créer dans ce pont un abri repris sous la lettre D. Dans le relevé mensuel de l'état d'avancement des travaux de la P.F.L., en date du 1er mai 1935, on trouve sous la rubrique "Défense du canal" : abri D en cours. En effet, l'écluse et le pont de Milsaucy sont en voie d'achèvement.
A ce jour, je n'ai trouvé aucun document concernant cet abri que j'ai maintes fois visité. Je me contenterai donc de vous le décrire.
Les abris sont aménagés dans les deux piliers du pont qui sont situés sur la bande de terre séparant le canal de la voie d'eau menant à l'écluse.
Le premier pilier, d'une longueur de 19,55 m, comprend un abri à deux chambres de tir. Au centre de ce pilier, une entrée en sas est pratiquée dans la façade longeant le canal. Le sas est fermé par les deux portes habituelles.
Une fois ce sas franchi, un couloir, perpendiculaire à l'entrée, mène aux deux chambres de tir, placées de part et d'autre du pilier. Ce couloir, d'une longueur de 11 m, comprend une goulotte lance-grenades défendant l'accès.
Les deux chambres de tir sont dotées d'un affût "Chardome" et de l'équipement habituel. Elles comprennent également chacune une issue de secours et deux goulottes lance-grenades placées de chaque côté du local.
Les embrasures dégagent des angles de tir très importants car elles doivent couvrir une large bande de terrain.
L'embrasure aval doit défendre la bande de terre et le plan d'eau en direction du pont de Wandre; sa largeur extérieure est de 1,10 m.
L'embrasure amont assure la défense du canal et du bief de l'écluse en direction de l'abri MeA 1bis, dont elle croise les feux; sa largeur est de 1,40 m. Ces deux embrasures sont fermées par des volets métalliques.
MeA 2 – Plan du premier abri du pont Milsaucy
Le second pilier, de mêmes dimensions que le premier, renferme l'autre abri dont l'entrée chicanée s'effectue par la bande de terre comprise entre les deux piliers. Le sas est fermé par les portes habituelles.
Il ne comporte qu'une seule chambre de tir qui comprend l'équipement standard et deux goulottes lance-grenades aménagées de part et d'autre du local. Par contre, fait particulièrement inhabituel, l'abri ne possède pas d'issue de secours.
MeA 2 – Plan du second abri du pont Milsaucy
L'embrasure de l'abri est la plus large que je connaisse et, il y a peu de temps, celle-ci possédait encore son volet : c'était le seul témoin de tous ceux qui devaient protéger les embrasures des divers abris (voir photo). Il était de dimensions importantes car il masquait une ouverture de 1,60 m x 0,55 m. Il avait la forme d'un L, dont le grand côté mesurait 1,70 m. Une tôle de 3 mm d'épaisseur, censée protéger des éclats et des balles, était fixée sur des cornières de 5 cm x 4 cm. On pouvait encore voir des traces de peinture de camouflage.
Croquis du volet d'embrasure du second abri MeA 2
Le rôle de l'abri est de défendre l'écluse de Milsaucy et de croiser les feux de "l'abri MeA 1bis. Vu la proximité de l'écluse, l'abri doit avoir un champ de tir très large.
Plan de feux des abris MeA 2 (ancien abri D)
La destruction du pont Milsaucy incombe au 3e Bon Gn et son indicatif est : Mon/R2. Les culées du pont sont chargées et cordées en permanence. Les superstructures sont chargées à l'alerte. Les accès aux fourneaux de mine des superstructures sont obturées par des dalles "Elkington" portant le n° de série 1711C.
Des échelons métalliques permettaient d'atteindre une petite passerelle, du même matériau, placée sous la superstructure du pont et qui conduisait aux fourneaux de mine.
Seule la partie du pont enjambant le canal sautera le 10 mai 1940, à 11 h 50. La destruction est parfaitement réussie et ce n'est qu'en juillet de la même année que le canal sera déblayé. Le tablier enjambant le bief de l'écluse n'ayant pas sauté, cela m'a permis de voir le système d'accès aux fourneaux de mine (voir photo).
A titre indicatif, le pont-rails nord de l'île est le seul témoin, encore existant, des ponts créés pour le canal de 2.000 tonnes, creusé à partir de 1929. Ce pont est du type "Vierendeel" et fut mis en service le 21 mai 1935. Il n'était pas prévu dans le réseau de destruction.
L'abri MeA 3 (voir photos)
En juin 1935, on commence la construction du nouveau pont de Wandre. Edifié de 1882 à 1884, l'ancien pont est appelé à disparaître suite au creusement du canal; il était situé à quelques mètres seulement en aval du nouveau et l'accès se faisait par l'avenue du Pont.
L'étude, réalisée par le D. Gn F. en 1933, prévoit déjà d'établir des abris dans les culées du nouveau pont. Ils y sont repris sous la lettre E.
Le nouveau pont comprend une première travée qui enjambe le canal tandis que la seconde, possédant trois superstructures, surplombe la Meuse. Il est du type "Vierendeel" et est long de plus ou moins 200 m. L'ensemble est réalisé par les "Usines de Braine-le-Comte" et les "Ateliers Cockerill" de Seraing.
Tandis que les travaux en usine avancent, la D.Gn F. réalise une série de plans différents d'abris pour, finalement, adopter le principe d'un abri aménagé dans la culée de la rive gauche du canal, repris sous la dénomination MeA 3, et d'un second, MeMo 6, qui sera détaillé dans le chapitre "Défense de la Meuse".
L'abri MeA 3 a pour mission d'assurer le flanquement du plan d'eau du canal vers l'amont et l'aval du pont de Wandre. Ses deux locaux de tir seront aménagés dans la culée de la rive gauche et de part et d'autre de celle-ci.
Le 11 septembre 1935, le projet définitif est envoyé au service des Ponts et Chaussées, qui réalisera l'abri pour le compte du département de la Défense Nationale.
L'entrée de l'abri pose cependant un problème car, si cette entrée se fait par le chemin de halage, elle expose les occupants aux coups de l'ennemi. L'entrée est finalement créée dans le mur de soutènement de la rue du Prince, rue située dans l'axe du nouveau pont. Une galerie est aménagée à une profondeur la garantissant des effets du projectile de 155 mm; elle joint les deux locaux de l'abri.
Situation de l'abri MeA 3 (pont de Wandre)
A l'intérieur de la culée, un renforcement garantit une épaisseur de 1,30 m en front et 1,15 m en ciel aux locaux de tir. Les murs arrières des chambres de tir et les parois du couloir de raccordement ont une épaisseur de 0,80 m puisqu'ils profitent de la protection que leur confère la masse de la culée.
Les embrasures sont situées à 1 m au-dessus du chemin de hallage, ce qui leur permet d'agir sur les trois quarts de la largeur du canal.
Cet abri a coûté 130.000 francs de l'époque.
L'entrée de l'abri est en sas et est fermée par une porte grille. Une volée de marches permet de descendre au niveau de la galerie, à environ 8 m sous le niveau de la rue. Cette galerie, longue de 25 m, se termine par huit marches. On aboutit à un palier qui est fermé par la porte à persiennes. Une fois cette porte franchie, une seconde galerie, oblique à la première, mène aux deux locaux de tir. Le morceau de galerie accédant au local de gauche a une longueur de 4,50 m.
Cette chambre de tir renferme un affût "Chardome", l'équipement standard et une issue de secours.
Le couloir menant à la chambre de tir de droite mesure 9 m. Cette chambre est identique à la première mais n'a pas d'issue de secours.
Plan de l'abri MeA 3
Lors de la construction de cet abri, on a dû rencontrer de nombreux problèmes d'infiltration d'eau et notamment dans le local aval, car celui-ci comporte, tout le long de la paroi gauche et de celle percée de l'embrasure, une gouttière en zinc et un tuyau d'évacuation en cuivre s'enfonçant dans le sol de l'abri. Qui plus est, le joint entre la paroi et la toiture est enduit d'une couche importante de bitume. D'ailleurs, la grande galerie d'accès est complètement noyée.
En janvier 1938, le Ministère des Travaux Publics et de la Résorption du Chômage projette de construire une série d'immeubles le long de la rue du Prince. Ces immeubles rendront impossible l'accès de l'abri MeA 3 car l'entrée actuelle débouchera dans la cave d'un de ceux-ci.
On envisage alors de construire une galerie bétonnée démarrant au débouché actuel et se prolongeant tout le long du mur de soutènement, pour finir au niveau de l'avenue du Pont.
Cette solution entraîne une augmentation du prix des terrains à exproprier par le Ministère des Travaux Publics et elle est alors rejetée.
Une seconde solution est envisagée. L'abri aura deux entrées : la première, utilisée en temps de paix, se fera par un puits, situé à côté de l'entrée actuelle, avec une galerie souterraine rejoignant la galerie existante. La deuxième entrée sera utilisée en temps de guerre et se fera par la cave d'un immeuble. De cette cave partira une galerie qui rejoindra le pied du puits créé et dont l'accès sera obturé par un parement de briques fixé par du mortier pauvre.
Ce plan fut finalement retenu, mais les événements de 1940 en empêcheront la réalisation.
Abri MeA 3 – Plan de la galerie bétonnée projetée
MeA 3 – Plan de l'entrée double
Le raccordement au réseau électrique a été entrepris car, le long des galeries de l'abri, on peut voir des blochets de bois, scellés dans les parois, destinés au support des câbles électriques.
La mission de l'abri MeA 3 consiste, en ce qui concerne le local aval, à défendre le canal Albert et la bande de terre séparant le canal du fleuve, ainsi que de protéger l'arrière de l'abri MeMo 7.
Quant au local amont, il doit non seulement couvrir le canal, mais aussi l'abri MeA 2.
Plan de feux de l'abri MeA 3 (ancien abri E)
C'est avec cet abri que se termine le chapitre de la défense du canal Albert dans le secteur de l'Ile Monsin. Pour récapituler, cette défense est assurée par l'abri MeA 1, situé sur la rive gauche du canal et aménagé dans la culée du pont Marexhe. Il comprend quatre chambres de tir disposées deux par deux de chaque côté de cette culée. L'abri MeA 1bis dispose de deux flancs de tir à une embrasure et une embrasure frontale. L'abri MeA 2 est constitué par l'aménagement de trois chambres de tir dans les piliers du pont Milsaucy.
Les deux locaux de l'abri MeA 3 sont créés dans la culée de la rive gauche du pont de Wandre.
Le canal Albert, dans le secteur de l'Ile Monsin, est protégé par le feu de 11 mitrailleuses et 1 F.M.
Travaux en cours sur l'île. Construction de l'écluse de Milsaucy vers 1935
L'entrée du canal Albert et le Pont Marexhe pendant l'Exposition de l'Eau en 1939
Embrasures amont de l'abri MeA 1 du pont Marexhe
Embrasures aval de l'abri MeA 1 du pont Marexhe ainsi que l'issue de secours
L'embrasure amont de l'abri MeA 1 bis
Une dalle "Elkington" type 1709 recouvrant une chambre de connexion (identique à la 1711)
Une muselière
Les deux piliers du pont Milsaucy (abri MeA 2)
Embrasure du second abri MeA 2 avec son volet d'ouverture
Le même abri avec son volet fermé
Une embrasure du premier abri MeA 2
La culée du pont Milsaucy, côté rive droite du canal. Les trois fourneaux de mines sont visibles
Vue aérienne en 1979 du canal Albert et du pont Milsaucy. Dans le haut le l'image, l'écluse, et dans le bas, une partie du pont-rails
Partie du pont de Wandre enjambant le canal Albert (photo de 1987). Le remorqueur cache la culée abritant MeA 3
Accès de l'abri MeA 3. La porte est entre les deux roues
a culée du pont de Wandre renfermant l'abri MeA 3
L'embrasure amont de l'abri MeA 3
La chambre de tir aval de l'abri MeA 3 (support de l'affût, étagères, gouttières)
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Archives : Remise en état des 4 forts nouveaux de la P.F.L.

EXTRAIT DE NOS ARCHIVES
Le document ci-après a été rédigé le 8 juin 1948 par le major MERCIER, alors directeur de la 3e Direction régionale des Constructions militaires à LIEGE.
Il était adressé "à l'Autorité supérieure", vraisemblablement la Direction générale de Bâtiments militaires à BRUXELLES, pour transmission à l'Etat-Major Général. Il montre à quel point le concept de fortification conservait à l'époque la faveur de certains chefs.
A. GANY
NOTE RELATIVE A LA REMISE EN ETAT DES 4 FORTS NOUVEAUX de la P.F.L.
Les tableaux ci-annexés indiquent l'ordre de grandeur du coût des travaux à effectuer pour restaurer chacun des quatre forts nouveaux de la P.F.L.; les dépenses nécessaires à la remise en état de leurs armements n'y figurent pas, ce dernier objet n'étant pas de ma compétence; néanmoins, pour mémoire, j'ai mentionné l'état des armes, tel qu'il résulte d'un examen superficiel.
Ces tableaux permettent de chiffrer rapidement les dépenses qu'occasionneraient la restauration de tout ou d'une partie des locaux souterrains, de tout ou partie des bâtiments, des glacis, massifs centraux, murs et clôtures.
Ils peuvent également renseigner la valeur des réparations envisagées sous l'angle de travaux relevant d'un même corps de métier.
Ils ne comportent qu'un nombre restreint de rubriques se rapportant aux détails des travaux et fournitures; pour plus de clarté, les libellés de ces rubriques sont explicités ci-après.
Il ressort des tableaux ci-joints que la dépense globale à consentir pour remettre en état les quatre forts nouveaux (Abstraction faite des armements) se chiffre à 72.303.650 francs, se répartissant comme suit :
Une visite superficielle des ouvrages ne donnerait peut-être pas l'impression de la relativité existant entre les quatre sommes citées; c'est pourquoi je crois utile de résumer les dégâts subis par chaque fort depuis 1940.
Fort d'EBEN-EMAEL
- Destructions en mai 1940 - Surtout aux bâtiments Mi Sud, Mi Nord, Bloc II, Ma 1, Ma 2 et galerie vers O1.
- Dégradations occasionnées par l'occupant allemand - Enlèvement du matériel des salles des machines et transformation des locaux de la caserne souterraine en ateliers de mécanique.
- Dégradations occasionnées par l'occupant américain – Dégradation d'un moteur électrique de 105 CV et de son tableau de télécommande.
- Actes de malveillance commis par des civils belges.- Vols et bris de matériel électrique.
Fort d'AUBIN-NEUFCHATEAU
- Destructions en mai 1940 - Surtout aux bâtiments coffre II et coffre III ainsi qu'aux murs et contre escarpe.
- Dégradations occasionnées par l'occupant allemand – Destructions graves des bâtiments I, II et III ainsi qu'aux locaux de la caserne souterraine par suite des essais d'armes et de charges d'explosifs, enlèvement de la presque totalité des objets métalliques et en bois, des installations d'électricité, de téléphonie, de chauffage et de ventilation.(le fort d'Aubin-Neufchâteau a servi de cobaye aux Allemands).
- Dégradation occasionnées par l'occupant américain - Néant.
- Actes de malveillance commis par des civils belges - Vol de ce qui subsistait des installations électriques.
Fort de BATTICE
- Destructions en mai 1940 - Surtout aux bâtiments I et V ainsi qu'aux murs de contre escarpe.
- Dégradations occasionnées par l'occupant allemand - Enlèvement de la presque totalité des objets métalliques, des installations électriques et téléphoniques, de chauffage et de ventilation.
- Dégradations occasionnées par l'occupant américain - Néant.
- Actes de malveillance commis par des civils belges - Vol de tout ce qui subsistait des installations électriques.
Fort de PEPINSTER
- Destruction en mai 1940 - Petits dégâts aux murs de contre escarpe et au coffre II.
- Dégradations occasionnées par l'occupant allemand – Enlèvement des gros ventilateurs des prises d'air et démontage des salles des machines.
- Dégradations occasionnées par l'occupant américain - Néant.
- Actes de malveillance commis par des civils belges - Vols et bris de toute l'installation d'éclairage, des petits moteurs électriques et de tous les objets facilement transportables.
Il découle de ce bref exposé :
1. qu'aux forts d'Eben-Emael et d'Aubin-Neufchâteau, il doit y avoir des dégradations de toutes espèces, mais comparativement à l'importance des deux ouvrages beaucoup moindres à Eben-Emael qu'à Neufchâteau.
2. qu'au fort de Battice les postes objets métalliques et installations électriques seront très importants.
3. qu'au fort de Pepinster les dégâts sont relativement minimes.
Il me semble indispensable de signaler :
1. que les ouvrages souterrains d'Eben-Emael et de Neufchâteau sont exempts d'humidité provenant de suintements au travers des terrains et des revêtements.
2. que les obstructions du fort de Battice sont également dans cet état sauf la caserne souterraine, la galerie vers Waucoumont et la galerie vers Jonkai, ces derniers ouvrages souterrains étant parfois ( en cas de grandes pluies) en partie dans la nappe aquifère du plateau de Battice.
3. que tous les ouvrages et galeries ou fort de Pepinster sont on ne peut plus humides. Des essais faits en 1939 par la Commission de mise en état des ouvrages de la P.F.L., il appert que seul le chauffage a pu vaincre cet inconvénient majeur.
4. La ventilation en pression montée en 1939 à l'intervention de la Commission déjà citée, n'a pas été utilisée en mai 1940 : seule, la ventilation en dépression sur les galeries a fonctionné. Il est inutile, je pense d'envisager le rétablissement des gros ventilateurs à Aubin-Neufchâteau et à Pepinster.
Major du Génie MERCIER
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Récit : L'entonnoir - Les Eparges, 12 juillet 1915

"Dans la soirée du 11, nos sapeurs font exploser entre les lignes une mine destinée à l'ennemi, mais celle-ci n'éclata malheureusement qu'à trois ou quatre mètres des tranchées allemandes, et avec une telle ampleur, qu'elle provoque également la destruction d'un dépôt d'explosifs voisin confié à la garde des chasseurs à pied et auquel on n'avait pas pensé. Résultat : vingt chasseurs sautent en l'air avec le dépôt, des Allemands sont tués par les mottes de terre détachées par l'explosion et dont plusieurs viennent également assommer des hommes jusque dans nos tranchées, et enfin on se trouve avec un entonnoir de 6 mètres de profondeur, 15 mètres de diamètre, à trois ou quatre mètres de la première ligne allemande et à 15 mètres environ de la nôtre. Le général de division ordonne d'occuper l'entonnoir pour donner au génie le temps d'aménager des boyaux de communication, sans quoi les Allemands s'empareront de l'entonnoir qui n'aura été créé que pour leur plus grand profit. Il y fait envoyer successivement des détachements du 328e d'infanterie, de la 16e compagnie, puis des 9e et 18e chasseurs à pied, qui n'y peuvent tenir (1).

(1) Il paraît qu'une compagnie du 18e Chasseurs en était revenue décimée, avec son capitaine tué.

Le 12 juillet, à 2 heures du matin, le général qui veut en avoir le démenti, ordonne d'envoyer encore un détachement du 328e d'infanterie (régiment de réserve qui ne devait pas attaquer en principe, la section à engager comprend des hommes de 41 à 44 ans). L'ordre est formel et précise en outre que l'affaire devra rester "locale" et ne dégénérer à aucun prix en "attaque générale", ce qui explique qu'une seule section a été engagée à ta fois alors qu'elle était manifestement insuffisante pour une telle opération.
On amène en deuxième ligne la 3e section de la 13e compagnie (chef de section : adjudant Vis; sergents : X. /Afrique, avec 3 barrettes et croix de guerre/ et Arnollet; caporaux : Chaudant, Virriglio, Marcoz et Y.) à laquelle on distribue des grenades. Puis on s'aperçoit que ce n'est pas à cette compagnie, mais à la 14e à marcher. On reprend les grenades qu'on remet à une section de la 14e. Mais la 14e section est commandée par un capitaine qui fait fonction par intérim de chef de bataillon et qui ne veut pas que ses hommes aillent à l'attaque ... Sur son ordre, les grenades sont rendues à la 3e section de la 13e, qui monte en première ligne où l'on met baïonnette au canon.
La position de nos hommes dans l'entonnoir ne tarde pas à devenir intenable sous la pluie de grenades et de bombes que leur lance l'ennemi.
Nous l'arrosons de notre mieux de notre côté et mes hommes maintiennent, avec un courage qui ne défaille pas un instant, un tir au fusil continu sur la tranchée allemande, pour empêcher l'ennemi de sortir, ce qu'il n'eut pas manqué de faire, s'il se fût douté qu'on avait tenté pareille opération avec une simple section ... Et si l'ennemi fût sorti, nul des nôtres ne serait revenu dans nos lignes. Mais c'est un tir pour la forme, les Allemands étant solidement abrités derrière leur parapet.
Les blessés par grenades ou par bombes, qui essayent de quitter l'entonnoir pour regagner nos tranchées, sont abattus par les balles ennemies dès que, cessant d'être protégés par la lèvre de l'entonnoir, ils arrivent en terrain découvert. Il y a là 15 mètres à traverser sous un feu infernal; les Allemands tirent à 20, 25 mètres et ne manquent guère leurs coups. Fort heureusement, ils n'ont pas installé de mitrailleuses pour balayer le terrain, car ce passage, même à plat ventre, serait absolument impossible. L'adjudant Vis, le premier, est tué dès qu'il sort de l'entonnoir. Puis ce sera le tour du sergent Desèze et des caporaux Marcoz et Y., ainsi que du caporal-fourrier Wernert. Avant de succomber, le sergent Desèze put se concerter avec son camarade Arnollet pour demander du renfort à la compagnie. On fait appel à un volontaire pour remplir cette mission si périlleuse, le sergent Laurent, classe 14, un brave, se présente et part. Le sergent Desèze meurt.
Resté seul pour commander ce qui reste de la section, le sergent Arnollet est blessé à son tour par des éclats de bombe dans le dos et au talon, alors qu'un détachement de renfort de la 4e section arrive sous le commandement du sous-lieutenant Le Deun, qui est tué. Gêné par sa blessure au talon qui l'empêche de marcher, le sergent Arnollet passe le commandement à son camarade Thivolle, de la 4e section, venu avec le renfort, et se traîne à plat ventre jusqu'à notre ligne qu'il a le bonheur d'atteindre sans être touché par les balles allemandes. Moins heureux est le caporal-fourrier Wernert, qui a combattu jusqu'au bout avec le plus grand héroïsme à côté du sergent Arnollet et qui, blessé, est tué au moment précis où il atteint le parapet de notre tranchée. Rentré dans nos lignes, le sergent Arnollet rend compte de la situation au capitaine Hecquet qui va voir lui-même, et revient ému aux larmes en déclarant qu'il n'était vraiment pas permis de faire tuer ses hommes de façon aussi stupide.
Des gradés de la 3e section, avec le sergent Arnollet, seuls les caporaux de la 5e demi-section, Chaudant et Virriglio, sont revenus vivants de l'affaire, l'un intact (on se demande par quelle chance inouïe ...), l'autre grièvement^blessé. Les renforts ont subi le sort de la 3e section. Nos sapeurs n'ont pu établir leur boyau de communication avec l'entonnoir, qui a probablement été occupé en fin de compte par les Allemands, lesquels ont dû y placer une mitrailleuse. Il sera dès lors malaisé de s'en emparer.
N.B.
Les communiqués officiels relatifs à ce sujet sont laconiques; communiqué allemands, Berlin, 12 (Wolff) : "Prés de Combres et dans le bois d'Ailly, l'ennemi a attaqué hier au soir après une violente préparation par l'artillerie. Sur les hauteurs de Combres, l'ennemi est parvenu à pénétrer dans nos lignes, mais il en a été de nouveau repoussé."
Extrait de "La Guerre mondiale". Genève : "Près de Combres et jusque sur la hauteur même tenue encore par les Allemands (cote 356-360) ces derniers signalaient une violente attaque française dont Paris ne nous dit rien.
L'assaillant aurait pu un instant pénétrer dans les tranchées premières de la "seconde position" comme la définissait les bulletins allemands d'avril, mais ils en auraient été repoussés peu après".
(Extrait de "Le Journal d'un Poilu : la guerre de 1914-1918 vécue par François Arnollet" "La Revue des armées - Juillet 1987").
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Jean-Marie LEVO - A propos d'une vieille photographie, la mort d'Adrien HEINE, en mai 1940

C'est dans la boîte que je trouve la photographie. Vous savez, la grande boîte en carton que chaque famille possède et dont on ne sait plus ce qu'elle pouvait bien contenir à l'origine. C'est la grande boîte où l'on dépose, génération après génération, les menus objets qui jalonnent la vie. Des faire-part de mariage et de décès, des boutons d'uniforme, la chaîne de montre de grand-père et un chapelet s'y entassent avec quelques diplômes scolaires. Tous ces souvenirs, tous ces trésors constituent souvent le patrimoine familial des gens modestes.
La photographie, du format d'une carte postale, est un portrait d'une remarquable netteté. Elle montre un jeune homme blond, en uniforme. Son regard est clair et franc, mais comme son sourire me semble triste ! Qui est-il donc ? J'interroge ma mère et elle raconte. Elle me parle de ces années d'avant la guerre et de l'homme du portrait.
Adrien Heine, c'est le voisin de la maison d'en face, c'est l'ami de la famille. Adrien, c'est le camarade, comme on dit en ce temps-là, de ses deux grands frères. Elle se souvient des soirées passées, à une époque sans télévision, à jouer aux cartes et aux dominos avec l'enjeu d'une mandarine. Adrien, le gentil, le serviable, l'éternel sourire, est de toutes les parties.
En 1936, Adrien est appelé au service militaire. Comme c'est de tradition, il se fait tirer le portrait chez un bon photographe et, bien sûr, il offre sa photo à mes oncles, ses amis. Puis c'est la guerre qui prend Adrien et mes oncles. Adrien est dans un fort. Les "L" qui, sur la photographie, ornent son uniforme, l'attestent.
Ma famille déménage et le temps passe.
La guerre se termine et mes oncles reviennent à la maison. Notre ami, lui, ne revient pas. On parle du fort d'Eben-Emael, de blessure grave, de jambe arrachée et de mort. Puis la photographie rejoint le coffre aux souvenirs. Je l'en extrais un demi-siècle plus tard.
C'est donc avec la seule richesse de cette vieille photographie que je commence la quête de cet ami, mort dix ans avant ma naissance. Il m'est aisé de découvrir son nom dans le livre "Ceux du Fort d'Eben-Emael". Il y est renseigné comme tué aux MiCA à l'aube du 10 mai 1940. Mais aussi l'armée m'ouvre ses archives, celles de son Centre de Documentation Historique C.D.H.) et celles de l'Office Central de la Matricule (O.C.M.).
Adrien, Germain, Louis HEINE voit le jour dans la Cité Ardente le 6 août 1916. Vingt ans plus tard, il y habite toujours au 28 de l'avenue Reine Elisabeth. Il est célibataire et vit avec sa maman qui est veuve. Il exerce le métier d'ajusteur.
La recrue Heine, n° 290.3540 de la matricule, entre au service actif au R.F.L. le 29 juin 1936.
Mille neuf cent trente-six, c'est l'année de la guerre d'Espagne et des Jeux Olympiques de Berlin. C'est l'année des rexistes, des grèves et du front populaire. C'est l'année de la première Volkswagen, de la disparition de Mermoz et de la victoire au tour de France de Sylvère Maes. C'est encore l'année où un autre champion cycliste se morfond sous le béton et sous l'acier d'Eben-Emael. Les servitudes de la vie militaire empêchent Emile Masson d'enfourcher son vélo.
Voici déjà 1937 avec le bombardement de Guernica et la sortie du film "Blanche Neige" de Walt Disney. Les Etats-Unis ont un nouveau champion de boxe. Joe Louis est baptisé le "Bombardier noir". Le 2 mars, le soldat Heine est en subsistance à la batterie école. Le 14, le pape Pie XI, par son encyclique "Dans ma poignante inquiétude", condamne l'idéologie nazie. Le lendemain, le soldat Heine est puni de huit jours d'arrêt dans le quartier pour "Ne pas avoir signé la liste des permissions se trouvant au corps de garde". Le 20 mars, il rejoint la batterie d'Eben-Emael.
Le 4 juin, le voilà de nouveau puni de huit jours d'arrêt dans le quartier pour : "Ayant reçu communication d'un ordre d'un brigadier, avoir dit à celui-ci, en wallon, qu'il n'avait pas d'ordre à recevoir d'un bleu". Le 29 juin, le maréchal des logis TS charge le soldat Heine de réparer la ligne des patrouilles. Il fait beau ce jour-là. Son travail terminé, au lieu de rentrer aux baraquements, Adrien se couche sur le massif du fort. Cette petite sieste, il la paie de quatre jours de salle de police. En juillet, la loi sur les congés payés est votée.
Le 27, Heine reçoit ses derniers jours d'arrêt pour : "Ayant été incité par un brigadier à aller demander la libération d'un soldat qui venait d'être incarcéré pour ivresse, avoir fait partie d'un groupe de militaires allant demander au maréchal des logis de semaine de libérer le détenu". "Ça, c'est bien lui", comme dit ma mère. Il ne purge certainement pas toute sa peine car il est mis en congé illimité deux jours plus tard.
Mais ne croyez pas que mon ami est un mauvais soldat. Il a acquis les spécialités militaires de centraliste TS, de tireur de coupole 75, de tireur casemate 75 et de tireur canon 60. Il est aussi pourvoyeur de FM et de mitrailleuse. Des aptitudes particulières pour le vélo lui sont reconnues (sic).
Spirou et Batman viennent au monde en 1938, tandis que Heine effectue des rappels : du 13 au 18 juin et du 28 septembre au 20 octobre. En Allemagne, c'est l'Anschluss.
Le samedi 20 mai 1939, les travaux du canal Albert sont terminés. C'est le jour inoubliable de l'inauguration de la Grande Saison Internationale de l'Eau - Liège 1939. Le 31 août, l'explosion accidentelle des ponts minés du Val-Benoît et d'Ougrée met prématurément fin à cette prestigieuse exposition.
L'orage qui a précipité la double explosion annonce un autre qui durera jusqu'au 8 mai 1945.
Le soldat n° 290.3540 de la matricule est rappelé trois fois : du 13 avril au 1er mai, du 11 juin au 31 juillet et enfin le 26 août. Quelques jours plus tard, la Pologne est envahie.
En date du 1er janvier 1940, Adrien Heine passe à la deuxième batterie d'Eben-Emael. Il ne lui reste que quelques mois à vivre. Mais cela est une autre histoire. Le héros est présenté et le décor est planté, que la tragédie commence ...
Elle est bien ennuyeuse cette soirée du jeudi 9 mai 1940. Les films qui devaient être projetés dans les locaux du patronage d'Emael ne sont pas arrivés. Monsieur l'Aumônier Meesen est bien dépité devant le mécontentement des soldats. Mais la bonne nouvelle est quand même là : les permissions de cinq jours sont rétablies et c'est pour le week-end prochain.
En rentrant du fort, Adrien Heine est perdu dans ses pensées. Demain, s'il a bien compté, il en sera à son sept cent vingt-deuxième jour sous les armes. Cela devient long et la vie de garnison est tellement monotone. Faute de pouvoir mieux occuper son temps, on sera encore couché tôt ce soir. Le journal "La Meuse" est oublié sur la table de la chambrée. "Chamberlain restera-t-il au pouvoir ?", "Monsieur Roosevelt dément être intervenu à Rome", "L'offensive allemande arrêtée en Norvège septentrionale". Tous ces titres ne sont pas bien joyeux. Les servants des MiCA, dont Heine fait partie, logent dans un baraquement de la caserne extérieure. Ils ont passé la journée sur le fort, à leur emplacement de tir. Le soir venu, les mitrailleuses, les munitions et le matériel sont entreposés dans la chambre des soldats.
Minuit quarante, le chef de poste surgit : "Alerte réelle". Dans les couloirs du fort, les sirènes hurlent. Fébrilement, les mitrailleurs s'habillent. Personne n'y croit vraiment, c'est probablement comme la dernière fois. Mais voici qu'arrive le commandant Van der Auwera. Il confirme que c'est réellement la guerre. Voici aussi l'adjudant Dieudonné Longdoz, le chef des MiCA, qui vient prendre son personnel en charge. Il est convaincu du sérieux de l'alerte, mais il ne croit pas à la guerre.
Comme d'habitude, lors des alertes, les hommes des MiCA déménagent les baraques. Le mobilier, les documents, les vivres, les couchages, tout doit être rentré dans le fort. Les collègues de Mi Nord et de Mi Sud sont également au travail. Partout, gradés et soldats s'affairent et l'activité est intense. Les brèches dans les réseaux de barbelés sont obstruées, des chevaux de frise et des tétraèdres sont mis en place. Du côté du village, la nuit est calme : pas de lumière ni aucun bruit. A deux heures, le soldat, champion cycliste, Masson quitte ses collègues des MiCA et va se mettre, avec cinq hommes, à la disposition du chef du cantonnement à Wonck. L'adjudant Longdoz va déjeuner dans le fort.
Soudain, un coup de tonnerre déchire le silence de la nuit. Tous les regards se tournent vers le bloc V et la coupole Sud qui vient de tirer. Vingt fois, le canon tonne. Il n'y a plus de doute, c'est la guerre. Il est trois heures vingt-cinq.
Rapidement, l'adjudant rassemble ses hommes, qui s'équipent et vont déposer leurs affaires personnelles dans la caserne souterraine. Les mitrailleurs commencent l'escalade du massif en coltinant leur encombrant matériel. Lors des coups d'alerte, le raphia du filet de camouflage de la coupole et les taillis avoisinants ont pris feu. Le maréchal des logis Franco, le brigadier Boussier et le soldat Paque rejoignent la poterne d'entrée après avoir éteint l'incendie. Ils croisent Adrien Heine et ses compagnons. Quelques mots sont à peine échangés.
Les voici arrivés à l'emplacement de tir, sur le terre-plein, à quelque distance du bloc IV. Quatre épaulements sont creusés dans les coins d'un carré de vingt-cinq mètres de côté. Un peu à l'écart, se dresse la baraque, dite du génie, réservée à l'adjudant et au téléphoniste. C'est également dans ce petit abri que sont entreposés les havresacs, les deux mitrailleuses et les munitions de réserve.
Le jour n'est pas encore levé. Le ciel est rempli de vrombissements d'avions volant à haute altitude. Les armes, recouvertes d'une bâche, sont placées sur leurs trépieds, dans leurs épaulements respectifs. Chacun se presse à l'aménagement de la position.
Marcel Boîte constate que la caisse à eau de sa mitrailleuse est vide. Il va la remplir dans un trou voisin. Il prélève aussi des rouleaux de cartouches dans la baraque. Dieudonné Longdoz téléphone à l'officier de garde "Mi prêtes". Il est presque quatre heures. Avec les premières lueurs de "l'aube, le ciel est redevenu silencieux. De grandes flaques de brumes stagnent sur le sol. Dans leurs trous, les soldats scrutent le ciel. Les mitrailleuses débâchées sont en position de tir. La première arme est desservie par Joseph Morelle, Jean Frédéric, Joseph Parmentier, Pierre Pasques et Pierre Pire. Autour de la deuxième arme, se tiennent Robert Servais, Léon Sluismans, Arthur Willems, Marcel Seret et Emile Prévôt. Charles Antoine, José Pairoux, Auguste Reichert et Georges Kips occupent le troisième épaulement. Enfin, René Fonbonne, Marcel Boîte et Adrien Heine sont dans le dernier trou. Au téléphone, dans la baraque, avec l'adjudant, il y a Albert Remy.
Soudain, c'est comme un glissement dans l'air, mais on ne distingue rien. Puis quelqu'un crie : "Nous sommes survolés". Et ils sont là, juste au-dessus du fort, à deux cent cinquante mètres. Neuf planeurs gris, sans aucun signe distinctif, descendent en décrivant de larges cercles. Le téléphone sonne, c'est le capitaine Hotermans qui appelle du corps de garde :
- "Longdoz, que se passe-t-il ?"
- "Des avions survolent le fort."
- "Savez-vous les identifier ?"
- "Non."
- "Qu'allez-vous faire ?"
- "Je vais tirer."
L'adjudant se précipite au-dehors et donne un strident coup de sifflet. Des chapelets de balles traçantes montent à la rencontre des avions qui sont à septante mètres à peine. Il semble y en avoir partout, le ciel en est rempli. Devant la multitude des cibles, le tir se disperse. Des armes s'enrayent et déjà les appareils touchent le sol. Un planeur se pose près de la coupole Nord. Un autre plonge, juste sur la position. Son aile gauche accroche une mitrailleuse et la culbute. Le tireur, Charles Antoine, n'a que le temps de s'aplatir dans son trou. L'avion continue sa glissade et s'arrête à hauteur de la quatrième pièce. La porte de l'appareil est arrachée et les envahisseurs surgissent. La surprise est totale.
Dans le fort, les sirènes rugissent "Alerte avions". Georges Cavraine, canonnier à Visé I, se souvient : "Par la lunette de visée, je vois courir des silhouettes sur le massif du fort. Dans mon esprit, il s'agit de personnel du fort".
Aux MiCA, c'est le drame. La position est investie. L'éclatement des grenades se mêle aux rafales de mitraillettes. Un Allemand arrive au-dessus du trou de la pièce numéro quatre et tire à bout portant. Les trois occupants de l'épaulement sont touchés. Marcel Boîte, avec un indescriptible courage, pourra s'enfuir et, après avoir été encore blessé deux fois, rentrera faire rapport au fort. René Fonbonne est fait prisonnier et Adrien Heine est laissé pour mort au fond de son trou. La baraque est mitraillée. L'adjudant et le téléphoniste, blessés, sortent en rampant. Remy est achevé.
La tragédie des MiCA se termine, l'agonie du fort commence.
Bientôt les explosions des charges creuses succèdent aux tirs d'armes automatiques. De casemates en coupoles, de cloches de guet en observatoires, les Allemands entreprennent leur oeuvre de destruction et de mort. Plus tard, les blessés belges sont soignés et finalement abrités près de Mi Nord. Les tués, ou présumés tels, Remy et Heine, sont abandonnés sur place. Le 11 mai, les blessés sont évacués à l'hôpital de Maastricht.
Voilà ! Dans les rapports officiels du Centre de Documentation Historique et dans le livre des anciens compagnons d'armes d'Adrien, l'histoire s'arrête ici. Cependant l'Office Central de la Matricule renseigne le soldat Heine comme décédé à l'hôpital de Maastricht le 25 mai 1940. Je veux donc en savoir plus et je contacte l'hôpital hollandais mais j'apprends que les archives de cette époque n'existent plus.
Puis, fort heureusement, Monsieur Armand Collin, qui fréquente assidûment le C.L.H.A.M., me communique l'adresse du frère d'Adrien, Henri, qui était soldat au 3e d'Artillerie pendant la campagne des 18 jours. Ce dernier me reçoit bien cordialement et me confie ses souvenirs des circonstances de la mort de son frère.
Il me raconte que, le 23 mai 1940, un certain Monsieur Reps se présente chez la maman d'Adrien. Monsieur Reps est hollandais, mais il a travaillé de nombreuses années à Liège. Il est actuellement employé à l'hôpital de Maastricht. De sa propre initiative, il a fait le périlleux voyage vers la Cité Ardente pour prévenir les familles de blessés.
Sans hésitation, la soeur aînée d'Adrien se met en route, avec son mari, en tandem. Le canal Albert est traversé sur une passerelle en planches. A l'hôpital, Adrien parle à sa soeur et à son beau-frère. Il soulève la couverture et dit en wallon : "Regardez ce qu'ils m'ont fait". Il a le corps tout bandé et il souffre terriblement. Il fait l'admiration de ses compagnons de chambre par son courage et son moral.
Le personnel hospitalier raconte que le blessé a été amené le 19 mai par un aumônier militaire belge, probablement celui du fort. Ce dernier, attiré par ses gémissements, l'aurait découvert dans une bouche d'aération (?).
Enroulé dans sa capote en lambeaux, il serrait entre ses dents son paquet de cigarettes. Un chirurgien allemand l'a opéré. Il a un poumon perforé par balle, il est blessé à la hanche et au bras par des éclats de grenade. Il souffre de brûlures sur presque tout le corps.
Le 11 juin, Monsieur Reps est de nouveau à Liège. Il annonce la mort d'Adrien, survenue le 25 mai. Il restitue à la famille quelques objets personnels emballés dans un mouchoir : sa carte d'identité, une pièce de cinquante francs, une photo prise sur le fort en janvier 1940 et sa carte de cassette.
Adrien est enterré à Maastricht puis son corps est rapatrié en 1950. Il repose au cimetière de Robermont, à la pelouse d'honneur.
Dans le récit de Monsieur Heine, plusieurs détails sont inexacts : l'aumônier n'était pas au fort le 19 mai, il était prisonnier en Allemagne. Il n'existe pas de bouche d'aération sur le massif d'Eben-Emael, mais peut-être s'agit-il du débouché d'infanterie de la coupole Nord ? La date de relèvement du blessé, le 19 mai, est-elle exacte ? Comment aurait-il pu survivre neuf jours sans soins ?
Voilà ce que j'ai pu apprendre de mon ami, le soldat Adrien Heine, mort pour la Patrie à l'âge de vingt-trois ans, neuf mois et dix-neuf jours.
1936 - La photo Adrien HEINE à vingt ans!
Sur la photo de groupe des TS de la classe 36, Adrien occupe la place centrale, au dessus du panneau
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Colonel IMM e.r. F. GERARD - La statue de LEOPOLD 1er ... un fleuron de la Fonderie Royale de Canons

C'est le 10 mars 1992, en lisant notre quotidien, que nous avons appris que la statue du Roi LEOPLOLD Ier, située au sommet de la Colonne du Congrès à Bruxelles, devait être enlevée pour subir une indispensable restauration.
Quelle ne fut pas notre surprise d'apprendre par le même article que la célèbre statue de notre premier souverain avait été réalisée par la Fonderie Royale de Canons (FRC) !
Les différents documents que nous avions consultés naguère pour découvrir les multiples et prestigieuses réalisations de la FRC ne mentionnaient nullement que cette statue était également l'oeuvre du célèbre établissement situé Quai Saint Léonard.
L'ouvrage "Liège à travers les âges - les rues de Liège" de Théodore GOBERT, pourtant très détaillé, et qui consacre plusieurs pages à la FRC, ne cite pas la statue de Léopold Ier parmi les nombreuses réalisations de la fonderie liégeoise.
Nous nous sommes donc mis à la recherche de documents relatifs à la Colonne du Congrès et avons effectivement eu la confirmation de cette surprenante nouvelle.
La Colonne du Congrès à Bruxelles
Retraçons brièvement l'histoire de ce célèbre monument.
Le Congrès National
C'est par l'Arrêté Royal du 24 septembre 1849 que fut publiée la décision d'ériger à Bruxelles, un monument en commémoration du Congrès National. Rappelons que le Congrès National, ayant achevé la Constitution, s'est séparé le 21 juillet 1831, après l'intronisation du Roi LEOPOLD Ier.
Le projet
53 projets furent déposés à l'issue d'un concours national : c'est le projet de POELAERT, jeune architecte encore inconnu, qui fut retenu et, en septembre 1849, la décision fut prise d'ériger à la Place des Panoramas :
- une statue destinée à surmonter la colonne et devant représenter la Constitution; les deux Chambres émirent le voeu que la statue du Roi fût placée au sommet de la colonne. Guillaume GEEFS (1805 - 1883) fut retenu comme sculpteur de la statue;
- quatre grandes statues représentant nos libertés fondamentales :
+ Culture (par Louis Eugène SIMONIS, 1810 - 1882),
+ Association (par Charles Auguste FRANKIN, 1817 - 1893),
+ Enseignement (par Joseph GEEFS, 1808 - 1885),
+ Presse (par Joseph GEEFS), (1)

(1) Note de la rédaction : Joseph GEEFS, frère de Guillaume, déjà nommé, et de Théodore, était le sculpteur le plus renommé d'une famille d'artistes.

- un bas-relief composé de 10 figurines représentant le génie de la BELGIQUE entouré par les personnifications des 9 provinces,
- deux lions à placer près de ta porte d'entrée (par Louis Eugène SIMONIS).
La première pierre
La pose de la première pierre a donné lieu, le 24 septembre 1850, à une imposante cérémonie au cours de laquelle le Roi a prononcé un discours remarquable, insistant notamment sur le fait que :
"Toutes les libertés inscrites dans le pacte national, respectées et développées, sont exercées sans aucune entrave et le plus bel éloge qui puisse être fait au peuple belge, c'est de dire qu'il s'est montré digne de la Constitution".
La Fonderie de Canons
Le sculpteur Guillaume GEEFS suggéra de faire appel à un habile mouleur français, Victor THIEBAUT.
La FRC fut choisie pour couler la statue du Roi. L'oeuvre réalisée mesure 4,70 m de hauteur pour un poids de 2.500 kg.
La Fonderie coula également 3 statues du piédestal : Liberté des Cultes, d'Association et de Presse (la statue Liberté d'Enseignement fut exécutée à Bruxelles par M. LECHERF).
Il est vrai que la FRC jouissait d'une excellente réputation qui dépassait même largement les frontières puisque à partir de 1840, aux commandes d'armement de beaucoup de pays européens, s'ajoutèrent celles des Etats-Unis, de l'Egypte, du Mexique, du Brésil ... Et l'établissement avait aussi acquis une bonne maîtrise dans l'art difficile de la fonderie de statues.
Le Roi LEOPOLD Ier avait d'ailleurs visité le 15 juin 1849, cette superbe unité, commandée alors par le Général d'Artillerie FREDERIX.
La Colonne du Congrès
LEOPOLD Ier, apprenant que la colonne devait être surmontée par sa statue, refusa fermement cet hommage de la Nation. Cependant les deux Chambres passèrent outre à la volonté royale, étant donné les éminents services rendus par le Souverain qui avait consacré tant d'énergie à consolider l'indépendance nationale.
La colonne s'élève à 46 m de hauteur. L'escalier qui conduit à la partie supérieure du chapiteau compte 200 marches; il est éclairé et aéré par des jours taillés dans les ornements qui, de l'extérieur, sont presque imperceptibles. 16 personnes peuvent occuper à la fois la plateforme et contempler un panorama superbe. On écrivait alors : "indépendamment de la capitale et des faubourgs, on distingue, sans le secours de la lorgnette, plus de 30 villes et villages".
L'inauguration
L'inauguration du monument eut lieu le 26 septembre 1859, en présence de nombreuses personnalités et d'un important public; la famille royale fut représentée par le duc de Brabant, futur LEOPOLD II, et son épouse.
Novembre 1922 : le Soldat Inconnu
Un aveugle désigna le Soldat Inconnu parmi une vingtaine de cercueils de soldats belges non identifiés, tombés pendant la Première Guerre Mondiale. L'inhumation eut lieu le 11 novembre 1922 au pied de la Colonne. L'inscription est très simple :
"Ici repose un Soldat Inconnu mort pour la Patrie. 1914 - 1918"
Après la Deuxième Guerre Mondiale, on ajouta une dalle portant l'inscription :
"Aux héros de la Guerre 1940 - 1945"
La restauration de la statue de LEOPOLD Ier
C'est l'entreprise de rénovation José LHOEST (Herstal) qui fut choisie pour procéder au lifting de la statue de LEOPOLD Ier.
Dans les Ateliers J. LHOEST, on prépare la statue restaurée de Léopold Ier pour le retour vers la Capitale
José LHOEST, consacré meilleur artisan de la Principauté, est devenu un véritable spécialiste des restaurations délicates : le Palais des Princes-Evêques, le Perron liégeois.
En octobre 1991, il avait déjà procédé à la rénovation des 7 candélabres de la Colonne du Congrès. L'entreprise a également réalisé les écussons des ponts des autoroutes belges, les Cartes historiques et portes des Cimetières américains en Europe, le buste de Georges SIMENON et ... en juin 1972, la plaque d'inauguration de l'Arsenal Intégré, placée sous le monument des trois chars M41.
Une autre oeuvre des Ateliers LHOEST, le buste de Georges Simenon, place du Congrès à Liège, inaugurée en juin 92, est montré ici avant qu'un vandale ne scie la pipe, au début de juillet 92
Mr Van Den Boeyenants, Ministre de la Défense nationale, dévoile la plaque, oeuvre des Ateliers LHOEST, au pied du monument de l'Arsenal intégré
Gros plan de la plaque
Début avril 1992, le travail délicat commença par le déscellement des pierres de grès détériorées, l'enlèvement des charpentes métalliques, la réparation du socle en bronze fissuré et la fixation, dans la colonne, d'une armature en acier inoxydable.
Dans les ateliers de Herstal, la statue fut débarrassée des nombreuses oxydations, la surface lisse fut rétablie et patinée par réaction chimique appliquée en profondeur à la flamme, selon les procédés des bronziers d'antan. Puis le martelage et la ciselure ont reconstitué chaque élément dans son esthétique d'origine.
Mi-juin, nous avons eu l'occasion d'aller admirer dans les ateliers LHOEST, la statue superbement restaurée par les remarquables artisans de la firme.
Un convoi routier exceptionnel la ramena alors dans la capitale. La statue replacée sur la colonne pour le 21 juillet est à nouveau apte à défier le temps pour de nombreuses années encore.
Ainsi, c'est une entreprise de Herstal qui a rendu son lustre à la plus célèbre des statues belges, née au milieu du 19e siècle dans les ateliers de la FRC, à quelque 3 Km de là ...
L'histoire est ainsi faite; elle ne demande parfois qu'un peu d'intérêt, un rien de curiosité pour révéler des faits insoupçonnés à celui qui veut bien lui consacrer un brin d'attention.
La statue de LEOPOLD Ier, un fleuron de la Fonderie oublié depuis plus de 130 ans !
On pourra compléter les brochures décrivant le passé prestigieux de l'arsenal ... (1)

(1) Note de la rédaction : on pourra, par exemple, ajouter la statue de LEOPOLD Ier aux oeuvres d'art citées à la page 19 du bulletin d'information du C.L.H.A.M. Tome II, fascicule 2, de juin 1983, dans l'article consacré à la "FONDERIE ROYALE DE CANONS A LIEGE".

Bibliographie.
- Brochure "Comité de la Flamme",
- Brochure "La Colonne du Congrès",
- "Liège à travers les âges", Gobert,
- Le Soir (10 mars 1992),
- Le Soir (15 juin 1992).
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Gilbert SPOIDEN - Jean-Joseph CHARLIER, dit "La Jambe-de-Bois", combattant de 1830

Issu d'un milieu très modeste, Jean-Joseph CHARLIER naquit à Liège en 1794 et fut incorporé dans l'infanterie française à la fin de l'Empire. Mutilé sur le champ de bataille, il ne rentra dans ses foyers qu'après WATERLOO. La très modique pension qu'il percevait lui permettait à peine de nourrir sa femme et ses trois enfants.
Il se mêla avec enthousiasme à l'effervescence antigouvernementale qui saisit Liège après les émeutes de Bruxelles (1). Le 3 septembre 1830, il se joignit au détachement qui partit pour Bruxelles sous les ordres de Debosse de Villenfagne et fut à l'origine de l'enlèvement à la Caserne des Ecoliers des deux canons "Marie-Louise" et "Willem" (2) que les Liégeois emmenèrent dans leur marche sur la capitale.

(1) Sur la façade du Théâtre Royal de Liège (OPERA), à gauche et à l'extérieur de la première arcade (voir photo), est apposée une plaque sur laquelle est gravée l'inscription :

Ici, le 2 septembre 1830
A l'appel de CHARLES ROGIER
s'enrôlèrent les premiers Volontaires
Liégeois de la Révolution Belge
Conférence du Jeune Barreau de Liège 1931

(2) Les canons "Marie-Louise" et "Willem" avaient été abandonnés à la Caserne des Ecoliers par les Hollandais qui estimaient cette caserne trop difficile à défendre parce que située au coeur des quartiers d'Outremeuse et de Saint-Pholien. Ayant été encloués au moyen de chevilles en bois, ils furent rapidement remis en ordre de tir. CHARLIER s'était adjugé "Willem".

(Référence : "L'histoire de Liège - la révolution de 1830 - la vie sociale à Liège de 1830 à 1914" vues par un journaliste, D.D. BOVERIE, 1975, Editions Gustave Simonis, Liège).

La caserne des Ecoliers, est connue actuellement sous le nom Caserne Cavalier FONCK (voir l'article de P. HOFFSUMMER "Du Couvent des Ecoliers à la Caserne FONCK. dans les bulletins du C.L.H.A.M. Tome I, fasc. 12 de janvier 1983, Tome II, fasc. 1 d'avril 1983 et Tome II, fasc. 5 de mars 1984).
Le 12 septembre, CHARLIER, treize de ses camarades et leurs deux canons furent incorporés dans l'artillerie bruxelloise. Le pilon et le titre de vétéran de l'Empire du Liégeois en firent rapidement une figure très populaire. On connaît son rôle dans les journées de septembre : pointant avec adresse, bien qu'il n'eût jamais été artilleur, un canon défendant la Place Royale, il déplaça plusieurs fois sa pièce, balayant la Place et le Parc où les Hollandais étaient venus s'enfermer, et les forçant à évacuer les maisons de la rue Royale et le Palais du Roi. Ce succès grisa quelque peu Charlier, entouré de l'adulation de la population bruxelloise.
Son retour à Liège fut un triomphe et il fut nommé capitaine d'artillerie en retraite en décembre 1830. Il se signala à nouveau en août 1831 en s'employant à mettre Liège en état de défense et en suivant une batterie de l'armée régulière, juché sur un caisson.
Il termina sa vie à Liège en 1866, presque oublié de ses contemporains. Il eut cependant des funérailles grandioses et une souscription fut ouverte en faveur de sa veuve.
Le bilan des quatre journées de combat dans BRUXELLES fut lourd : 520 morts, 830 blessés et 450 prisonniers du côté hollandais, 450 tués et 1.270 blessés du côté des Patriotes. Les braves qui ont laissé leur vie pour la Patrie seront inhumés le 29 septembre place Saint Michel à BRUXELLES, qui deviendra plus tard PLACE DES MARTYRS.
La Place des Martyrs à BRUXELLES
Revenons à LIEGE, plus précisément à ROCOURT, où s'élève le MONUMENT AUX MORTS de 1830, au milieu d'une pelouse bien entretenue : "à la mémoire des Volontaires Liégeois morts au combat, Héros de la Révolution". Il se dresse, pas loin de la Citadelle, au bout de la rue JAMBE-DE-BOIS qui part de la rue Sainte-Walburge, à l'entrée de Rocourt
Au coin des rues Jambes-de-bois et du Sergent Merx, le monument porte la date du 30 septembre 1830
La lithographie populaire (photo n° 4) a ceci de particulier qu'elle place à gauche le fameux pilon de Charlier, alors qu'il était amputé de la jambe droite comme le montrent la lithographie de Madou, reproduite de "Fastes militaires du Pays de Liège (photo n° 5), ainsi qu'une photo visible au Musée de la Vie Wallonne à Liège. Se trouvent aussi dans ce musée, les décorations. le sabre et la jambe de bois de Charlier, à qui, dans l'enthousiasme du moment, on avait promis un pilon en or ou en argent, projet qui ne fut pas réalisé.
Les patriotes liégeois et le canon de Charlier-Jambe-de-bois, au combat du Parc de Bruxelles (lithographie populaire)
La Jambe-de-bois" par Madou, 1830. Le pilon de Charlier est placé correctement à la jambe droite
Au Musée Royal de l'Armée se trouve le décret du Gouvernement provisoire signé ROGIER, GENDEBIEN et JOLLY nommant Charlier au grade de capitaine d'artillerie en retraite et stipulant en outre que ses fils seront placés à l'école d'aspirants officiers.
Bibliographie.
"CHARLIER "La Jambe-de-Bois". par Louis LECONTE, dans les Ephémères de la Révolution de 1830, Bruxelles, 1945. Repris dans "Fastes militaires du Pays de Liège", toujours en vente au C.L.H.A.M., 286 pages, avec illustrations.
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La mort de M. Raoul NACHEZ - STALAG et OFLAG (carte et photos)

LA FEDERATION NATIONALE DES ANCIENS PRISONNIERS DE GUERRE (F.N.A.P.G.) a perdu son Président.
Ancien prisonnier et invalide de guerre 1949-1945, Monsieur Raoul NACHEZ, Président national de la F.N.A.P.G. est décédé le 23 janvier 1993. à 84 ans.
Environ 3.500 personnes ont assisté à ses funérailles au Centre Hospitalier de Sainte-Ode, dont les dirigeants des différentes associations patriotiques, le Président de la Chambre, plusieurs ministres et anciens ministres et autres autorités et 400 porte-drapeaux.
L'hommage le plus émouvant fut celui des Prisonniers de Guerre et Prisonniers Politiques pour lesquels Raoul Nachez s'est battu pendant 50 ans. Toute sa vie, le Président Nachez mena un combat ardent pour forcer la Nation à traiter avec sollicitude ses soldats, ceux-là qui, par dizaines de milliers, avaient subi cinq ans de captivité en Allemagne.
Sainte-Ode, petit village ardennais, est un peu devenu la capitale de la F.N.A.P.G., le lieu où les efforts de tout le mouvement se sont concrétisés par le centre hospitalier, havre d'accueil pour les anciens Prisonniers de Guerre et les Victimes de la guerre.
Des centaines de drapeaux tricolores s'inclinèrent sur la tombe où fut inhumé le Président Nachez dans le cimetière de la F.N.A.P.G. à Lavacherie, lui apportant le dernier salut de ses compagnons de captivité.
OFLAG ET STALAG
Selon Gilbert Thibaut de MAISIERES, auteur de "Tourisme clandestin", Imprimerie Office de Publicité, rue Marcq, 16, Bruxelles :
1. L'OFLAG est un camp d'officiers.
Les lois de l'honneur, actées par la Convention de Genève, interdisent à l'officier prisonnier de travailler au profit du pays ennemi. Cette non obligation agréable se paie. La surveillance est plus étroite et le prisonnier vit dans un espace immuablement fermé et restreint.
2. Le STALAG est un camp pour sous-officiers et soldats.
Il est généralement beaucoup plus vaste que l'OFLAG. La garde y est un peu moins sévère. Si les tentatives d'évasion y sont peu fréquentes, c'est pour une bonne raison : celui qui veut s'échapper demande à partir travailler en Kommando. L'existence y est souvent rude, mais il jouit d'une liberté de mouvement relative pendant la journée. Le problème pour lui réside dans l'obtention de vêtements civils et de faux papiers. Une fois prêt, il peut dire : "Demain, s'il fait beau, je m'évaderai".
3. A l'OFLAG, la question capitale est la sortie du camp.
LA VIE D'UN PRISONNIER EN KOMMANDO DE TRAVAIL
La vie en Komando de travail a été décrite de façon attachante, détaillée et poignante, par Marcel STILLER dans son livre "EN MAI 40. J'AVAIS 20 ANS".
Francis BALACE, qui en a écrit la préface, en dit : " ... Avec le livre de Marcel STILLER, nous entrons dans le vécu quotidien du prisonnier de guerre, avec la souffrance bien sûr mais aussi avec l'humour, avec le mal du pays mais aussi avec une espérance tenace ...."
Le livre (310 pages), imprimé en 1985 par les Editions Dricot, Liège-Bressoux, peut être commandé chez l'auteur, 31, rue du Château, 4460 GRACE-HOLLOGNE.
Un menu vraiment … menu
La ration en 1945 : pain, patates, margarine
Une aquarelle de George PIGEON
Le chauffe-eau électrique du P.D.G. (Prisonnier de guerre)
La matière première très recherchée deviendra … à l'OFLAG – Les métamorphoses de la boîte à conserve
Un four
Un petit poêle
Un appareil à distiller
Photos et aquarelle prêtées par Mr Georges HUYGEN
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Pierre BEAUJEAN - PLUTO, le pipe-line sous la Manche

A partir du moment où l'on commença à étudier le détail du débarquement en Europe, c'est-à-dire dès le printemps de 1942, l'un des principaux problèmes qui se posa fut : comment assurer le ravitaillement continu en carburant des armées alliées ayant pris pied sur le continent ? Les besoins seraient tels qu'on ne pourrait compter sur des péniches, seul moyen envisagé avant que des grands ports soient libérés et remis en état d'accueillir des pétroliers.
Chacun se doute qu'il fallait assurer la sécurité du transport, à travers l'Angleterre et la Manche, des quantités énormes de combustible que des navires pétroliers amenaient d'Amérique et déversaient dans les grands réservoirs de Liverpool.
Le projet de déposer des tubes sur le fond de la Manche parut d'abord chimérique, car si la Manche n'est pas une mer très profonde, les tempêtes y sont redoutables, l'amplitude des marées y est extrême et, fait plus grave encore, la plus grande partie était à l'époque sous le feu des batteries installées par les Allemands sur la côte française.
Puis un ingénieur d'une compagnie pétrolière proposa à l'Amiral Lord Louis Mountbatten, responsable des "Opérations combinées", de construire un pipe-line non en métal rigide mais en tuyaux souples. Au dix-neuvième siècle, n'avait-on pas, avec des moyens bien peu perfectionnés, mouillé par des fonds atteignant 4.000 mètres, les câbles transatlantiques qui relient l'Europe aux Etats-Unis ?
Des projets furent mis à l'étude. On fabriqua plusieurs centaines de mètres de conduits de ce genre et on les expérimenta dans l'estuaire de la Tamise. Le résultat fut concluant et Winston Churchill donna l'ordre d'entreprendre la fabrication sur une grande échelle.
Des commandes furent passées pour la fabrication de deux pipe-lines ayant chacun 45 Km de long, et 5 cm de diamètre. Fin 1942, on installait ces pipe-lines à travers le canal de Bristol, où les conditions des courants et des marées sont proches de celles que l'on rencontre dans la Manche.
Le pipe-line définitif, celui qui fut placé par 55 m de profondeur dans le fond de la Manche, était constitué de tubes de 7,5 cm de diamètre, soit en plomb armé et posé par des navires spécialement équipés, soit en acier flexible enroulé sur de gros tambours creux, de 27 m de long et de 15 m de diamètre, flottant sur l'eau et remorqués.
Une usine spéciale fut chargée d'assembler les éléments du pipe-line par tronçons de 120 m. La production était de 16.500 m par jour.
Il fallut aussi former le personnel spécialisé. C'est alors que naquit PLUTO (Pipe-Line Under The Océan). Cette formation groupait 100 officiers et 1.000 hommes fournis par la Marine Royale et un échantillonnage de navires extrêmement varié, allant du cargo de 10.000 tonnes à la vedette rapide.
A travers l'Angleterre, un réseau de pipe-lines fut organisé pour amener le pétrole de la côte ouest à la côte sud-est, des stations de pompage étant soigneusement camouflées dans les endroits les plus divers : forts désaffectés, parcs d'attraction, villas abandonnées.
Trois semaines après le débarquement, aussitôt que les approches de la presqu'île du Cotentin eurent été débarrassées des mines mouillées par les Allemands, la liaison Ile de Wight-Cherbourg fut établie et presque immédiatement des stations de pompage furent installées en Normandie.
Toutefois, le premier pipe-line traversait la Manche en un des points où elle a 160 Km de largeur et il y avait intérêt à en établir un nouveau dans l'endroit le plus étroit, dès que possible. Ce fut fait entre Dungeness et Boulogne après la prise de cette ville et le déminage du grand champ de mines établi par les Allemands dans cette zone de la Manche.
Plan des pipe-lines
De Boulogne, le réseau fut ensuite continué à terre par des unités du génie anglais, d'abord jusque Anvers, puis jusque Eindhoven et Emmerich. A partir d'Anvers, un deuxième réseau fut installé à travers la Belgique vers l'Allemagne et finit par atteindre Francfort.
Très rapidement, le R.A.S.C (Royal Army Service Corps) put ainsi pomper quotidiennement 4 millions de litres de carburant de Liverpool au Rhin, le record étant de 5 millions de litres. Entre le jour de la mise en service et le jour de la capitulation allemande, les différentes armées alliées reçurent par cette voie près de 500 millions de litres.
Il faut dire un mot du secret qui fut respecté dès la conception jusqu'à la mise en oeuvre et l'exploitation du réseau. La consigne du silence avait été donnée aux journalistes anglais, et elle fut respectée. Au lendemain du débarquement, une note officielle priait tous les journaux de "ne rien publier pouvant laisser entendre à l'ennemi que nous disposons de moyens nous permettant de nous passer, tant pour le débarquement des troupes que pour celui des combustibles, de l'acquisition immédiate d'un grand port français".
En ce qui concerne le débarquement du personnel et du matériel, la consigne faisait évidemment allusion au port préfabriqué "Mulberry" d'Arromanches. Pour les combustibles, il s'agissait de l'existence du pipe-line qui traversait déjà l'Angleterre et allait franchir la Manche.
Ajoutons que les patrouilles allemandes ne décelèrent pas ces 700 Km de tuyaux sous-marins, et les tambours n'éveillèrent pas leur attention.
Le réseau décrit plus haut n'était qu'une partie de l'ensemble des pipe-lines utilisés par les Alliés en Europe. Dès le 15 juin 1944, les unités du génie américain commencèrent à en établir dans le Cotentin et l'étendirent au fur et à mesure de leur avance. A la fin de la guerre, un pipe-line reliait directement Cherbourg à Mayence sur une longueur de 2.200 Km.
Lorsque les Alliés eurent débarqué dans le sud de la France, un pipe-line fut immédiatement amorcé. Il finit par relier Marseille à Mannheim sur une distance de 2.200 Km.
Enfin, un pipe-line a été établi entre Anvers et Wesel et un autre entre Le Havre et Rouen.
En mai 1945, les quatre grands ports européens de Marseille, Cherbourg, Le Havre et Anvers étaient des têtes d'oléoducs s'enfonçant profondément en Europe, approvisionnés directement par les navires pétroliers. Cette entreprise du temps de guerre rend, en temps de paix, des services aussi importants et, dans ce domaine, la guerre a servi la paix.
Bibliographie
- Magazine VOIR n° 31.
- Histoire de la Guerre des Nations Unies, vol I, Ed. Le Sphinx, Brux., 1948.
- Guerre totale et guerre révolutionnaire, tome III, de Henri BERNARD, Ed. Brépols, Brux, 1967.
Un des tambours flottants sur lesquels étaient enroulés les tubes flexibles
Une route de campagne parmi d'autres, mais deux gros tuyaux la longent, par où passe le carburant nécessaire aux troupes débarquées.
Approvisionnés par le pipe-line, les camions-citernes assurent le remplissage des jerrycans destinés aux unités blindées et motorisées en route vers l'Allemagne.
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Le courrier des lecteurs

REPONSE A QUI RECONNAIT ?
Le Major e.r. DAVREUX a effectué des recherches pour essayer d'identifier les officiers prisonniers à l'OFLAG II A de Prenzlau et dont les photos, prises en 1941, ont été publiées dans le bulletin Tome V, fasc. 2 de juin 1992 :
Photo
"J'avais escompté beaucoup d'informations de mon ami DESPLANQUES. Malheureusement il ne se souvient pas de beaucoup de noms, car, m'explique-t-il, les groupes pour photo "posée" n'était pas homogènes. Par contre la photo du bas l'était, en l'occurrence un groupe d'artilleurs ..."
Rappelons que Monsieur A. GERARD avait identifié son père, le lieutenant GERARD (voir bulletin Tome V, fasc. 3).
MIMOYECQUES - SUITE
(voir bulletins Tome V. fasc.1, 2 et 3 de 1992)
Sollicité par nous, Monsieur RICHELY nous donne d'autres informations concernant la construction de la base de MIMOYECQUES.
Voici sa lettre en sa quasi-totalité :
"1.
"2.
"3.
"4. Le journal de l'Oberstleutnant Thom (page 11 - IWM-MI 14 (860 v) relate que plusieurs reconnaissances pour l'emplacement d'un site HDP dans le Pas-de-Calais ont été opérées dès 1942 et la dernière au début de 1943. En avril 1943, quelques travaux préparatoires ont été exécutés pour vérifier la nature géologique du terrain. Des centaines d'ouvriers, des machines (excavateurs, bétonnières, etc) sont arrivées sur les lieux. Les expropriations nécessaires ont été effectuées en "catastrophe" et les travaux entamés sur grande échelle.
"5. La décision officielle de construire l'ouvrage a été prise lors d'une conversation Speer - Hitler (19-22 août 1943). Mais les travaux étaient déjà en cours car des instructions officieuses avaient déjà été données à l'Organisation Todt de poursuivre avec énergie la construction des divers ouvrages prévus dans le Pas-de-Calais pour le début de l'offensive contre la Grande-Bretagne : décembre 1943. On observe que dans ses minutes de la réunion, Speer écrit à propos du canon HDP : "on doit accorder l'effort maximum aux polygones expérimentaux ... et particulièrement à l'achèvement de la batterie de tir" (Mimoyecques).
Par ailleurs, Guy Bataille (1), historien du Boulonnais, possède des informations qui semblent situer le début des travaux au printemps 1943.

(1) Communication personnelle à Roland Hautefeuille.

"6. Le 18 septembre 1943, des images suspectes ont été relevées sur les clichés de la mission de reconnaissance aérienne (2) (travaux apparemment d'une grande ampleur) alors que rien n'avait été observé lors de la reconnaissance aérienne du 2 septembre précédent. Or on savait par les services de renseignement sur place que des travaux avaient commencé depuis un certain temps déjà.

(2) Il s'agit du PRU (Photographie Reconnaissance Unit) dont les travaux étaient analysés par le "Central Interprétation Unit".

"7. Le 5 novembre 1943, le site de Mimoyecques fut attaqué par plus de 200 bombardiers. L'attaque fut renouvelée le 8 novembre avec 73 bimoteurs. Nouvelle récidive le 10 novembre avec 88 Typhons. Il est intéressant d'observer qu'immédiatement après l'attaque du 5 novembre la Flak s'est considérablement renforcée.
"8. Un document allemand annexé à une lettre du "Heereswaffenamt" avait par ailleurs annoncé la décision de renoncer à l'installation de la moitié des 10 batteries de 5 tubes soit 25 tubes dans la partie nord-ouest de l'ouvrage Wiese. Les vestiges de cet abandon sont encore parfaitement visibles aujourd'hui. On a souvent attribué cet abandon à l'effet des bombardements des 5, 8 et 10 novembre 1943. L'ensemble du contexte montre, cependant, que cette décision relève de causes d'origine technique. Néanmoins, même limités à 5 batteries de 5 tubes (ramenés à 3 batteries par la suite), les travaux continuaient sans désemparer. En septembre, les travaux de terrassement de la dalle de béton d'une épaisseur de 5 mètres avaient commencé sur le plateau, pour assurer la protection de l'extrémité supérieure des tubes. Les bombardements de novembre ont effectivement coïncidé avec l'arrêt de la construction du tunnel N-W.
Il existe donc un faisceau d'informations situant le début de la construction de Mimoyecques au printemps ou au plus tard à l'été de 1943 alors que rien ne permet de soutenir sérieusement que cette construction aurait seulement commencé au début de 1944.
"9. La lourdeur de la bureaucratie nazie, les informations divergentes et les contradictions observées dans les archives allemandes, les chevauchements des services (voulus par Hitler) expliquent les erreurs que l'on peut commettre de bonne foi en se limitant aux seules archives allemandes et à fortiori à un seul document.
P. Richely
SOUVENIRS DU 11 NOVEMBRE
Monsieur Raymond PIERRE nous propose le récit suivant :
LA GRANDE GUERRE DE MON PERE, SOLDAT AU 10e DE LIGNE
Le 12 août 1914, le 10e de Ligne, régiment d'élite, quitta la caserne Marie-Henriette à Namur, pour prêter main-forte à la garnison de Liège, assiégée depuis le 4 août.
Mon père faisait partie du détachement d'avant-garde qui, en rangs par quatre et en colonne, officiers en tête, se dirigeait vers Liège, à marches forcées ... jusqu'à Béez, près d'Andenne, ou ils furent entourés d'Allemands beaucoup plus nombreux. Mon père, comme tous les autres Belges, jeta son fusil et fut fait prisonnier. Ils continuèrent vers Liège mais, cette fois, sans armes, et encadrés par les Uhlans à cheval.
Mon père ne rentra que bien tard, en 1919, si bien qu'il passa toute la guerre sans tirer un seul coup de feu.
Chaque année, le 11 novembre, après la retransmission de la cérémonie du Relais Sacré à la T.S.F, (on ne parlait pas de radio à l'époque), nous lui demandions ce qu'il avait fait pendant la guerre, et chaque fois, nous étions déçus par la brièveté du récit et le manque d'actes héroïques.
C'est bien difficile pour un père d'être un héros devant ses enfants.
Raymond PIERRE
DEMANDE DE RENSEIGNEMENTS
Monsieur Philippe DUHAMEAU recherche le livre intitulé "Seul entre Meuse et Ourthe - Le Fort de BONCELLES - août 1914-mai 1940" de Michel VIATOUR.
D'autres personnes recherchent également cet ouvrage de première valeur.
Monsieur VIATOUR nous a informé que l'ouvrage était malheureusement épuisé et qu'une réédition était envisagée, mais pas dans un avenir immédiat.
L'auteur ayant fait don au C.L.H.A.M. d'un exemplaire de son livre, celui-ci se trouve dans la bibliothèque où il peut être consulté par les membres.
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Gilbert SPOIDEN, La Citadelle de LIEGE en août 1914

Dans la nuit du 5 au 6 août 1914, le général major Lüdendorff est aux portes de Liège, accompagnant la 14e Brigade d'infanterie composée des 27e et 165e Régiments, unités centenaires, le premier créé en 1815, le second en 1813. Le commandant de la Brigade est le général major von Wüssow, qui sera tué au carrefour de Liery, entre Micheroux et Queue-Du-Bois.
En 48 heures, Liège doit être investie et ses forts muselés. C'est le plan de Lüdendorff, officier d'état-ma.ior, chef de la section Plan. Le coup de main, "Der Handstreich auf Lüttich", c'est son idée.
La réalisation de ce plan va être un échec. Les derniers forts ne se rendront que les 16 et 17 août et il faudra concentrer 120.000 hommes et un matériel d'artillerie important (500 bouches à feu, dont les fameux 420) pour venir à bout de la résistance opiniâtre de la Position Fortifiée de Liège.
Quel rôle a joué la Citadelle dans la défense de la place forte ?
Aucun puisque le vieil ouvrage est déclassé depuis 1891. Il sert de caserne pour réservistes non affectés à une unité déterminée et ne possède que six canons de 15 cm (modèle 1889) inutilisables.
Le 12e de Ligne, qui y était caserné depuis le 28 septembre 1911, a quitté la Citadelle dans la nuit du 1er au 2 août 1914 pour défendre les ponts de Visé et d'Argenteau.
Les généraux Von Emmich, commandant du Xe Corps d'armée, et Lüdendorff ont installé leurs canons à proximité du château de Fayembois. Le 6 août 1914, dès 7 heures, les pièces ennemies bombardent Liège et tirent sur la Citadelle que les Allemands croient, à tort, Q.G. de la Position.
Soudain apparaît un drapeau blanc au sommet de la Citadelle. C'est la joie chez les Allemands. Il est 13 heures. Un parlementaire est délégué auprès du général Leman, accompagné du commandant Jean Simonis, qui a été fait prisonnier avec ses hommes, après la défense héroïque de la Redoute 25, dans l'intervalle Evegnee-Fléron.
Les yeux bandés, le capitaine Harbou, délégué par l'assaillant, se présente à Loncin, pour discuter avec le Général Leman des conditions de la reddition. Il s'entend dire que le drapeau blanc n'a pas été hissé sur ordre du Commandant de la Place et que la résistance continue.
Le drapeau a été arboré sur ordre du colonel Eckstein, commandant de la Citadelle, qui montre, depuis le bombardement de son quartier, des signes d'aliénation mentale et a tenté de se suicider. Il sera d'ailleurs évacué, le soir du 6 août, pour être interné.
La Citadelle subira encore le 7 août à 5 h 30 un bombardement qui provoquera un incendie dans les combles de la caserne 13.
Vers 7 h, une troupe ennemie à pied, dirigée par un général allemand, se présente à l'entrée du quartier et s'en empare sans coup férir. Le général est Lüdendorff. Il se glorifiera, dans ses "Souvenirs de Guerre", d'avoir à lui seul conquis la Citadelle et fait prisonniers ses quelque cent occupants.
Parmi les militaires belges présents au quartier le 5 et le 6 août se trouve l'écrivain belge Fr. Martial Lekeux. Il quitte la Citadelle le 6 à l'aube, participe aux combats de Boncelles et de Herstal. Puis commence pour cet officier d'artillerie, Franciscain ayant repris du service, la voie douloureuse de la retraite : Hannut, Anvers, la Hollande, Knokke pour arriver enfin à l'Yser après bien des péripéties qu'il raconte avec beaucoup de réalisme et de sentiment dans son ouvrage "Mes Cloîtres dans la Tempête".
Bibliographie
"Lüdendorff à Liège", de Laurent Lombard. Editions Vox Patriae - Stavelot.
"Liège Août 1914", de J.-L. Lhoest et M. Georis. Presses de la Cité. 1964.
Martial Lekeux à la Citadelle, 5 août 1914
(Extrait de "Mes Cloîtres dans la tempête", chapitre II : L'agonie de Liège - Librairie PLON. Paris. 1922)
"A la citadelle, je trouvai de vieux amis. Le commandant Raulier promenait dans la cour une sourde et inextinguible colère.
- Mon vieux, me dit-il, nous ne sommes pas frais : figure-toi que nous sommes ici sous les ordres d'une espèce de colonel de garde civique mangé des mites.
Et ce bougre de jeanfoutre ne prétend pas qu'on mette le nez dehors sous prétexte qu'il y a des zeppelins ... note bien qu'il n'y a pas plus de zeppelins que dans mon (censuré) ... Il me présente au personnage en question. Je lui fais part de ma mission. D'un geste flasque qui veut être énergique, il m'indique les canons, dans un coin.
Quels canons, bon Dieu ! Je les ai à peine aperçus qu'un frisson me court dans le dos : dans les grandes buses noires qui se profilent sur la muraille, j'ai reconnu, dans toute son horreur, le fameux "canon de 15c fonte sur affût à roues modèle 1889". Immédiatement repasse dans mon esprit cette phrase de mon cours d'artillerie : "pièce d'un modèle ancien, d'un déplacement difficile" ... Alignés comme dans un musée, ils sont là, six, immobiles, léthargiques, rouillés, qui roupillent depuis vingt ans à la même place, sur leurs énormes affûts, tellement pétrifiés que les roues sont devenues ovales.
- Ah ! zut, alors !
- Où est le personnel, mon colonel ?
- Ah, ça, mon ami, il n'y en a pas.
- Et les attelages ?
- Il faudra en chercher.
- Et les munitions ?"
- "Défense formelle, dit-il de sortir avec ces pièces ! Vous allez obstruer les routes, et ce sera un désastre."
"Le garde civique m'octroie le commandement d'un nombre x de vieux canons qui traînent sur le rempart, le nez en l'air, comiques, l'air de dire aux moineaux : "Attention ! Nous allons tirer : vous allez voir ça !"
- Vous battrez le fossé à mitraille avec vos pièces, lieutenant.
- De ces emplacements-là ? ...
Il ne faut pas être grand clerc pour voir que ces canons, du haut de la muraille, sont absolument incapables de tirer dans le fossé.
- Mais oui. monsieur, pourquoi pas ?"
"Le soir tombe ... et la bataille fait rage. Mélancolique, je m'installe sur l'escarpe, et, accoudé à un canon, je regarde la nuit sanglante. C'est effrayant. Au delà de la ville, qui allonge à mes pied ses chapelets de lumière, d'autres clartés, sinistres, illuminent les hauteurs : tout un côté de l'horizon - un immense demi-cercle de vingt-cinq kilomètres - est embrasé.
C'est le pays qui brûle, par villages entiers"
"Sur ce fond de géhenne, les projecteurs des forts lancent leurs fuseaux de lumière blanche, qui tremblent, tournent, s'étirent dans l'ombre, rasant les croupes du sol, fouillant les replis, ou s'élancent dans le ciel comme des bras affolés qui entrecroisent leurs appels. Et tout le long de la liane, formant une crête de flammes, les éclairs des canons, brefs et dansants, jaillissent serrés, fiévreux, dans un rugissement."
"On tient, car sur la ligne où s'accroche la défense, une âme plane : "l'âme d'acier du vieux Leman." ...
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Pierre BEAUJEAN, A la Citadelle de LIEGE,visite du Général PIRON au 3A en 1950

Au début de l'année 1950, le lieutenant-général PIRON, commandant le Ier Corps d'Armée d'occupation, vint à la Citadelle inspecter le 3e Régiment d'Artillerie, qui faisait partie de cette grande unité.
Les prises d'armes n'étaient pas rares au 3A, mais celle que sa visite provoqua reste dans la mémoire du sous-lieutenant milicien que j'étais à l'époque. Le Général n'avait pas la réputation d'un chef commode et bienveillant et mes camarades et moi-même en eûmes la démonstration ce jour-là.
Cela commença dès son arrivée dans le quartier, devant la troupe au complet et au portez armes. Dans un silence "religieux" de circonstance, après qu'il eût salué l'étendard, le Général vint se placer près du Chef de Corps et, en passant à hauteur du major F.... commandant en second le 3A, il lui dit bien distinctement : "Vous avez un képi de facteur".
Si pour nous, petits candidats officiers de réserve, l'algarade paraissait assez amusante et sans conséquence, nos officiers, ceux dont l'avancement dépendait directement des appréciations du grand chef, eux, avaient compris : le Patron était venu avec des intentions assassines !
Par après, lors de la visite des cuisines, le Général fit à l'adjudant gestionnaire du ménage, qui était bien portant, et même assez "enveloppé", la remarque suivante : "Vous êtes bien gros !". Le Chef de Corps, présent bien entendu, ne put retenir un sourire et s'attira illico la réprimande : "Ne riez pas quand je fais une remarque !"
Après l'inspection, je revois encore le Général pénétrer dans le mess minuscule du bloc 24 de la Citadelle (1) et passer d'un air dédaigneux devant les plateaux chargés de verres remplis de "Champagne", en commandant "une eau gazeuse". Et j'ai encore dans l'oreille la voix mal assurée du Chef de Corps : "mais mon Général, c'est frais, c'est léger !"

(1) Il s'agit bien du bâtiment où souffrirent tant de patriotes. Le mess officiers occupaient la partie droite du rez-de-chaussée. J'ai personnellement été logé, comme jeune officier célibataire, dans un local situé dans l'aile gauche du même bâtiment. La partie centrale était restée divisée en cellules et n'avait reçu aucune affectation.

En guise d'épilogue, je dirai que, par la suite, le Chef de Corps est resté lieutenant-colonel jusqu'à la retraite, mais que l'algarade n'a pas empêché le major F ... de finir sa carrière comme "full" colonel, malgré son képi de facteur.
Sur cette mauvaise photo du bloc 24, se distinguent les croix rouges dessinées sur le toit, ainsi qu'un abri en béton construit devant le bloc
Le général Piron passe l'inspection des troupes. En 1950, l'équipement en webb est "vercotté" en beige. L'artilleur n'a pas encore été doté du béret bleu, ni même de l'insigne "Régis ultima ratio". La troupe porte toujours le col fermé et non la cravate
Le général Piron fait la critique de l'exercice auquel il vient d'assister. A l'extrême gauche, le major et son képi de "facteur". Du Chef de Corps, on n'aperçoit que l'insigne du grade, au centre de la photo
L'entrée de la Citadelle et la guérite de la sentinelle (date indéterminée)
Fin de l'année 1950, le 3A reçut des obusiers de 155 tractés en remplacement de canons anglais de 25 livres
L'entraînement au service aux pièces commença immédiatement
A l'arrière-plan, le bloc 24, et à l'extrême-gauche, le bloc des cachots de la troupe
Le bâtiment à l'arrière-plan, dont la partie droite est visible, servait de réfectoire à la troupe
L'étendard du 3A porté par un capitaine escorté de deux sous-officiers
Lors d'une prise d'armes, le 3A défile dans la cour du quartier dont l'entrée se trouve au centre de la photo
Ces 3 photos donnent une vue panoramique de la cour de la Citadelle en décembre 1959. L'unité qui occupait le quartier à cette époque était le 64e Bataillon d'artillerie antiaérienne qui avait succédé à la défunte GTA (Garde Territoriale Antiaérienne). Les photos, qui n'ont pu être mises côte à côte, afin de rester lisibles permettent de situer les côtés est et nord de la cour, en commençant par, à gauche, les cachots (de la troupe), l'entrée et le corps de garde, le bloc qui avait abrité la 5e compagnie MP (avec les petits avions peints), le bloc de logement de la troupe, et, à sa droite, la trouée qui permettait le passage à travers le rempart vers l'Enclos des Fusillés. On en voit la porte entre les deux bâtiments. A l'extrême-droite, le casernement et le réfectoire.
En mai 1951, le Prince Royal, s'est rendu au Fort de Loncin, au Fort de Liers, au palais provincial et à l'Endos des Fusillés. On le voit ici, traversant la cour de la Citadelle en suivant le chemin que suivaient les condamnés, du bloc 24, à l'endroit de leur supplice. Les obusiers du 3A ont été alignés sur son passage
Entouré de Messieurs Leclercq et Clerdent, Gouverneurs des Provinces de Liège et du Luxembourg, et de personnalités, le Prince Royal passe devant les tombes des Héros de l'Enclos des Fusillés
Sur cette photo, prise fin 1959, apparaissent des bâtiments du côté est de la cour
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Bibliographie

Ma bataille des Ardennes
par le sergent U.S. E. Scott. 346 pages, 70 photos, plusieurs cartes et dessins. Editions Foxmaster et Pozit, Jalhay.
L'auteur est sergent de peloton au 3e Bataillon du 513e Régiment d'infanterie parachuté de la 17e Airborne US pendant l'offensive des Ardennes en 44-45.
Entre le 29 décembre 44 et le 4 février 45, sa compagnie de 150 hommes en perdit 90. Lui-même fut blessé au bras et refusa l'amputation.
La 17e Airborne combattit à Flamierge, Limerle, Schmidt, Nortrange et Houffalize. Elle était venue renforcer la 3e Armée US de Patton, le 29 décembre 44, arrivant en toute hâte de Grande-Bretagne. Elle constitua d'abord une partie de la réserve générale, puis elle participa, au prix de lourdes pertes, à la résorption de la poche d'Ardenne au sein du VIIIe Corps US.
(Croquis 269 ci-dessous tiré de l'atlas de Henri Bernard, Editions Brepols.)
G.S.
La Bataille de la Forêt de Hürtgen
par Charles B. Mac Donald, historien spécialiste de la 2e Guerre Mondiale. 320 pages, 99 photos, 1 carte. Editions Foxmaster et Pozit, Jalhay.
L'auteur porte un regard critique sur la bataille de la forêt de Hürtgen, située le long de la frontière belgo-allemande près d'Aix-La-Chapelle, qui dura de la mi-septembre à la mi-décembre 44.
"La vraie tragédie dans une bataille", estime-t-il, "c'est quand des hommes souffrent et meurent pour des objectifs qui n'en valent pas la peine. Ceux de la forêt de Hürtgen livrèrent une bataille mal conçue et essentiellement inutile qui aurait pu et aurait dû être évitée."
Elle coûta, du côté américain, 33.000 tués, blessés, victimes du froid ou prisonniers et, du côté allemand, des pertes identiques.
Les combats y furent menés par le V Corps US de Gerow en direction des barrages de la Rhur. Les conditions météorologiques gênèrent fortement les opérations.
L'hiver fut particulièrement précoce en 1944, et de nombreux soldats US furent évacués avec les pieds gelés, les souliers de mauvais temps n'ayant pas été livrés à temps.
Le 16 décembre 1944, devant les 4 divisions du V Corps, 9 grandes unités de la 6e Armée SS de Sepp Dietrich vont se ruer à l'assaut, mais ceci est une autre histoire.
(Croquis 263 ci-dessous tiré de l'Atlas de Henri BERNARD, éditions Brépots)
G.S.
La Mort d'une Division
par Charles Withing. 212 pages, 40 photos, 2 cartes, Editions Foxmaster et Pozit, Jalhay.
L'auteur y relate la conduite hésitante de la 106e Division d'Infanterie US, en décembre 44, lors de l'offensive des Ardennes.
Cette division sous les ordres du général major Jones dépend du VIIIe Corps US de Troy Middleton, qui aligne, sur un front de 120 Km, moins de 4 divisions (106 Div Inf, 28 Div Inf, 8 Div Inf et deux Combats Commands de la 8e Armored Div), entre Losheim et le Grand-Duché méridional.
Il est vrai qu'Eisenhower et Bradley ont accepté le "risque" de dégarnir l'Ardenne. Eisenhower n'a-t-il pas écrit : "La responsabilité du maintien des seules quatre divisions du VIIIe Corps en Ardenne et des risques de profonde pénétration allemande reposait entièrement sur moi ... Si, en donnant cette chance à l'ennemi, nous encourons le blâme des futurs historiens, que ce blâme retombe sur moi seul." ?
La 106e Div Inf occupe conformément aux plans un front défensif de 27 Km organisé en petits points d'appui distants parfois de 2 Km. Elle s'insère entre la 99e Div Inf du Ve Corps au nord et la 28e Div Inf au sud.
Elle barre avec son 14e Groupe de Cavalerie (14 Cav Gpt) et ses 422e, 423e et 424e Regimental Combat Teams (RCT), la direction générale de Saint-Vith (2.000 habitants), important noeud routier.
En face d'elle, le LXVIe Corps allemand, qui doit se saisir de Saint-Vith au plus tôt. C'est la clef de l'opération lancée par la 5e Armée blindée SS de von Manteuffel dont l'objectif est la Meuse entre Huy et Givet, puis Bruxelles.
Le 17 décembre 44, la 18e Division de Volksgrenadier encercle les 422e et 423e RCT, le 14 Cav Gpt ayant été initialement disloqué le 16 par deux régiments de la 18e Div et la 3e Div Para. Les régiments encerclés se rendent le 19 décembre.
Croquis 267 A. Un exemple d'emploi d'une division blindee en defensive : la bataille de Saint-Vith (16-23 décembre 1944) la rupture et les contre-mesures
Seul le 424e RTC parviendra à s'intégrer vaille que vaille à la défense de Saint-Vith organisée dès le 18 décembre par le Combat Command B de la 9e Armored Div et par la 7e Armored Div de la 9e Armée US accourue en toute hâte de Heerlen dans le Limbourg hollandais, dont le chef, le major général R.W. Hasbrouck prendra le commandement de la défensive de ce point vital.
L'auteur est dur pour la 106 Div Inf qui, en une semaine, perdit 12.000 de ses 16.000 jeunes gens qui venaient d'arriver des Etats-Unis et dont c'était le baptême du feu. Son commandement est jugé faible, inefficace et dépourvu de tout sens offensif. Il est rendu responsable de la plus grande défaite américaine en Europe durant la 2e Guerre Mondiale.
"Les événements qui survinrent à partir du 16 décembre 44 furent abondamment discutés, travestis ou commodément oubliés", écrit Charles Whiting.
C'est grâce à la 7e Armored Div et au CCB/9 du brigadier général Bruce C. Clarke, qu'à partir du 18 décembre, le front allait se stabiliser et que le repli put avoir lieu, le 23 décembre 44, en direction de Vielsalm, sans incidents majeurs, sauf du côté de CCB/9 où la rupture se fit plus difficilement.
(Croquis 267 A tiré de l'Atlas de Henri BERNARD, Editions Brepols).
G.S.
A la Sainte-Catherine, par Jean Culot
Roman historique - illustrations de Françoise Vandermeerschen. Renseignements : Jean Culot, 16, Freyr 5540 Hastière.
L'auteur est un descendant direct de Damien, le héros du roman.
Né en 1935, à Freyr, près de Dinant, il a suivi une carrière d'officier. Licencié en Sciences politiques et diplomatiques de l'ULB, breveté d'Administration militaire, il fut attaché notamment à la chaire d'histoire de l'Ecole Royale Militaire et à la Direction Supérieure des Finances de l'Etat-Major Général de la Gendarmerie.
Des recherches généalogiques lui ayant fait découvrir Damien, Joseph du Culot, venu au monde le 4 juin, vers 1670. à la cense du Mont, au quartier du Condroz de la Principauté de Liège, il s'est attaché à redonner vie au personnage retrouvé dans un registre paroissial.
Par la voix de Damien, c'est une autre vision des événements de 1692 et 1695 que nous découvrons. Le héros était au siège de Namur en 1692. Il y vivait toujours en 1695 quand la cité fut reprise. Puis il retourna à Ciney épouser Marie Dinon, le 26 novembre 1696, à la Sainte-Catherine. "La rumeur lui apprit que les Espagnols et les Hollandais entreprenaient de gigantesques travaux de défense dans la cité du Roi (...) "Je vais partir le lundi qui suit Pâques-Closes. J'irai à Namur m'engager comme terrassier chez les Espagnols".
"Je", c'est Damien du Culot, manant condruzien, témoin du siège de Namur, qui habitait Enhet, hameau de Chevetogne, et qui décida, avec son ami Fernand del Motte, de se rendre à pied à Namur pour y trouver de la besogne, pendant que les soldats de Boufflers sillonnaient la région de Ciney, y créant grande désolation. Puis c'est la vie tumultueuse de nos deux compères au milieu des événements dramatiques de cette période tourmentée.
"On était à l'aube du 15 avril 1692. Deux petits manants du quartier de Condroz, en principauté de Liège, montaient le long des remparts (...). Ils étaient arrivés à l'extrémité des défenses, par delà une étroite ravine - la Follette - ils découvrirent une nouvelle géométrie de lunettes, tenailles et caponnières : le fort neuf, autrement dit le fort d'Orange ou de Guillaume (...) Le matin du dimanche de Pentecôte, la ville était investie (...) Samedi dernier jour de mai, l'artillerie française ouvrit le feu (...) Le 5 juin, on battit la chamade. On discuta de la capitulation entre gens bien nés. Les vainqueurs renvoyèrent les vaincus à l'Electeur et au Roi Stadhouder (...). On était le 30 août 1695. L'été était radieux et la soirée fut d'une grande douceur. Le 1er septembre un second assaut emporta les défenses et Boufflers capitula (...) Les Hollandais se réinstallèrent tout naturellement au fort d'Orange. Les Espagnols et les Wallons reprirent possession de la ville".
La deuxième partie de l'ouvrage est relative au retour de Damien au pays de Braibant et à son mariage dans la chapelle de Halloy.
Ecrit d'un style alerte et fleuri, le livre de Jean Culot est fascinant. Nous vous en recommandons la lecture.
G. S.
La Gendarmerie sous l'occupation, par le Colonel Willy Van Geet - Editions J.M. Collet
Sous la botte nazie, la Gendarmerie belge connut les heures les plus sombres de son histoire. Conservée par l'occupant comme instrument de police, chargée notamment de la répression du marché noir, la Gendarmerie fut progressivement soumise aux ordres de l'autorité allemande. De nombreux officiers refusèrent cet état de fait et furent démis de leurs fonctions. Le commandement du Corps de Gendarmerie fut confié par l'occupant au lieutenant-colonel de l'armée E. Van Coppenolle.
L'auteur nous livre aujourd'hui sans complaisance et avec l'objectivité de l'historien, les pages les plus difficiles du long passé de la Gendarmerie.
G.S.
Dans les arcanes des Services spéciaux, par Joseph S. Leenaerts
Joseph S. Leenaerts, colonel honoraire d'artillerie, est originaire de Remersdael-lez-Montzen.
Sa carrière militaire fut, dès son origine, rivée aux services spéciaux. Encore élève à l'Ecole Royale Militaire, il assume dès l'automne de 1939, la responsabilité d'interventions qui suscitent l'intérêt de notre contre-espionnage.
Prisonnier de guerre en Allemagne après la capitulation du 28 mai 1940, il rentre au pays en décembre 1940 dans le cadre du rapatriement collectif des élèves des Ecoles Militaires. Il rejoint son village natal partiellement annexé au IIIe Reich. Dès le printemps 1941, il prend l'initiative de monter en Allemagne un réseau chargé de "couvrir" la ligne de fortifications érigée à la frontière occidentale du Reich. Il est arrêté à hauteur d'Aix-la-Chapelle au cours de sa première reconnaissance. Il évite l'emprisonnement en abusant ses gardiens. Il est à nouveau arrêté le 30 août 1944 et détenu à la Fetdgendarmerie de Herve, d'où il s'évade. Il rejoint Bruxelles le lendemain.
Trois jours plus tard, la capitale est libérée de l'occupant. Joseph Leenaerts sera désigné par le Chef de la 2e Direction débarqué de Londres, pour rejoindre la Première Armée américaine, précisément engagée dans la région frontalière de l'Est qu'il vient de quitter.
Du mois d'octobre 1944 au mois de mai 1945, il se trouve en première ligne au sein d'une équipe de l'O.S.S. (Office of Stratégie Service, le Service de Renseignements des Etats-Unis). Dans ce laps de temps. il vivra la bataille pour la prise d'Aix-la-Chapelle, la Campagne des Ardennes, le franchissement de la Rhur. Il atteint le Rhin à hauteur de Cologne où il est victime d'un empoisonnement par deux agents du S.D. (Service de Sécurité allemand). Plongé dans un état comateux profond, il est évacué des bords du Rhin, par train sanitaire américain et admis le 8 mai 1945, jour de la capitulation du IIIe Reich, dans un hôpital américain déployé sous tentes à Bois-de-Breux, près de Liège.
Peu après sa sortie de l'hôpital, on le découvre en Bavière où, pendant cinq mois, attaché à un service de sécurité U.S., il assume la direction d'une équipe d'enquêteurs.
En février 1947. il est arrêté à Vienne par la patrouille "quadripartite" et conduit en jeep au Château de Schönbrunn. Il est mis au secret pour vérification d'identité.
En 1952, on le trouve à la Mission Militaire Belge à Berlin. Il y oeuvrera pendant plus de quinze années.
En 1969, il est nommé Attaché Militaire et de l'Air à Vienne, à Berne et à Budapest.
Dans le cadre de ses missions d'après-guerre, il gérera des réseaux, entre autres, en Allemagne de l'Est, en Tchécoslovaquie, en Hongrie ...
Retiré de toute activité officielle depuis plus de dix ans, Joseph Leenaerts accepte de lever le voile sur une sélection d'épisodes vécus au cours d'une carrière entièrement absorbée par les services spéciaux.
Ce qui précède est le texte de présentation porté sur la couverture du livre.
Ayant assisté à une conférence donnée par l'auteur, j'ai été alléché, ai acheté son ouvrage et, l'ayant dévoré, ... ne l'ai pas regretté. A chacune des étapes mentionnées, Joseph Lévy, tel était le pseudonyme sous lequel ses compagnons, contacts, informateurs et honorables correspondants d'antan l'ont rencontré, a quelque chose de pas banal à raconter, une facette inconnue d'événements rapportés en leur temps par les médias à nous révéler.
P.B.
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Epinglé pour vous

1. LA CHUTE DE BOUILLON EN MAI 1940
Sources :
a. Yves Buffetaut : "Panzers sur la Meuse"
b. Avenir du Luxembourg
La petite ville tombe très vite entre leurs mains. Guderian installe son état-major à l'hôtel Panorama qui domine la vallée de la Semois. C'est là qu'il prépare les derniers détails de l'attaque décisive sur Sedan.
Entretemps, les Allemands s'emploient à construire des ponts provisoires dont un au centre de Bouillon. Il s'agit de faciliter aux blindés le passage de la Semois dont les ponts ont sauté la veille.
Pendant ce temps, les Français bombardent les positions allemandes à Bouillon. Ils ne réussissent pas à détruire les ponts provisoires mais ils provoquent l'incendie d'une colonne de véhicules ennemis embouteillés Voie Jacquée. Le feu se communique au quartier de la Maladrerie, déjà virtuellement détruit la veille par les bombardements.
Le centre de BOUILLON est cruellement meurtri. Les explosions secouent toute la vallée et l'on raconte que Guderian, en son PC de l'Hôtel Panorama, aurait évité de justesse la chute d'un trophée de chasse ornant un des murs de l'établissement.
Une fois la Semois franchie, les unités d'assaut allemandes atteignent les abords de Sedan qui n'est défendue que par une division d'infanterie française de second ordre, mal soutenue par l'aviation alliée.
Le 14 mai, les blindés de Guderian arrivent enfin à percer le front français, offrant à la Wehrmacht la première grande victoire en France et ouvrant à Hitler la route de Paris.
2. LEGLISE ET LE GENERAL de LATTRE DE TASSIGNY
Nous livrons à votre attention une note extraite du livre "La grande clairière" de Paul Jean, édité en 1979 par les Presses de l'Avenir 6700 Arlon.
"Le 14 août 1949, vers une heure", raconte l'auteur, Monsieur Legrand de Léglise, une grosse voiture française s'arrêtait devant la maison de feu Lucien Balbeur, mon grand-père maternel. Un des occupants de la voiture, d'allure distinguée, en civil, demanda, sans se faire connaître, les noms des personnes qui y habitaient en 1918. Il connaissait leurs prénoms et s'informa s'ils étaient toujours en vie. Il apprit que l'aînée des filles. Madame Alice Balbeur, épouse de Monsieur Vital Legrand, habitait encore la localité, à l'autre bout du village. Il se fit indiquer la maison et s'y rendit à pied.
"Des propos échangés avec les parents Legrand, il ressort que, capitaine en 1918, il avait séjourné quelques semaines à Leglise et qu'actuellement il était général et responsable d'un poste important à l'OTAN d'alors, son nom, Général de Lattre de Tassigny. L'émoi des gens de Leglise fut grand, l'homme était pourtant si simple, comme tout qui est grand; l'entretien dura bien une heure, les souvenirs échangés dataient de 30 ans. Il remit à Madame Alice Legrand-Balbeur une grande photo dédicacée.
"Un an plus tard, cette famille reçut une lettre bien agréable, le 26 juin 1950 : le Général se proposait de venir visiter la région avec son épouse. Ce ne fut qu'un rêve.
"En mai 1951, le fils du Général, le lieutenant Bernard de Lattre de Tassigny, était tué lors d'un premier contact avec le Vietminh.
"Le Général ne put surmonter ce deuil et il trépassa en 1952, âgé de 63 ans.
"La Grande Clairière a été traversée par le Général, et même Maréchal de France à titre posthume, qui avait signé en 1945, à Berlin, au nom de la France, l'acte de capitulation des Armées du 3e Reich."
3. LA GUERRE DES MALOUINES
Revue HISTORIA n° 438 - mai 1983
a. Le 1er mai 1982, le sous-marin atomique "Conqueror" de la Royal Navy repère le Général Bergamo", le plus important navire argentin.
A 15 Km, il lance une torpille Tiger-Fish, reliée par fil et dirigée par lui jusqu'à proximité du but; le fil est alors rompu et l'engin se dirige grâce à sa propre tête chercheuse jusqu'au croiseur qu'il détruit.
b. Le 4 mai 1982, un Super Etendard argentin, indétectable parce que volant à 15 mètres au-dessus de la mer, repère le destroyer Sheffield, un des plus modernes de la Royal Navy. A 25 miles de son objectif, il lance un engin Exocet qui se stabilise à 2 mètres au dessus des flots et se dirige à 800 Km à l'heure grâce à son système auto-directeur.
Quand l'Exocet est repéré par le Sheffield. il reste une minute pour essayer d'y échapper et trois possibilités :
1 induire l'Exocet en erreur par un leurre,
2 tirer un obus produisant des parcelles d'aluminium dont un nuage égarerait l'engin,
3 tirer un missile anti-missile.
Les Britanniques ne disposent pas de ces moyens et de toute façon, il est trop tard. Un engin coûtant 7 millions de francs belges a détruit un navire qui en vaut 17 milliards.
G.S.
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LES CHIENS SOUS L'UNIFORME

Extrait de la Revue de la Gendarmerie
Qu'ils soient militaires, gendarmes, policiers ou douaniers, certains chiens vont, pour l'amour de leur maître, jusqu'à partager ses valeurs patriotiques et civiques. Bien qu'on n'ait encore jamais remarqué les yeux d'un chien s'humecter de fierté au lever du drapeau national, certains d'entre eux peuvent faire valoir de remarquables états de service.
Le chien militaire
De tous temps, les qualités du chien ont été utilisées dans les armées pour une cause d'une grandeur toute relative : la guerre. Lancés à l'attaque de l'ennemi ou commis à la surveillance de prisonniers, ils se distinguent dans les troupes égyptiennes, perses, grecques, ... et plus tard, au XV et XVIe siècles, dans les armées d'Henri VIII d'Angleterre où 500 dogues foncèrent sur les soldats de Charles Quint ainsi que lors de la conquête de l'Amérique du Sud qui vit les molosses des conquistadors espagnols participer aux répressions cruelles.
Par la suite, de guerriers ils devinrent éclaireurs, messagers ou auxiliaires de sentinelle, fonctions qu'ils occupent toujours aujourd'hui dans l'armée américaine. Lors de la Première Guerre Mondiale, chaque compagnie de l'armée belge dispose ainsi de 12 Mâtins, tirant 6 voiturettes chargées de mitrailleuses et de munitions. Moins connus sont les chiens brancardiers dont la noble mission consiste, dans le feu de l'action, à repérer les blessés et à en signaler la présence. En 14-18, porteurs d'une croix rouge leur garantissant en principe l'immunité, les 1.600 chiens de l'armée allemande se sont distingués par le sauvetage de 31.000 blessés sur le front de l'Est.
Moi, Monsieur, si j'avais un tel nez ...
... je me ferais gendarme ou douanier. Et le chien d'écouter ce sage conseil : avec 180 à 220 millions de cellules réceptives (pour 5 millions d'humaines), ses capacités olfactives font merveille aux côtés des agents de l'Etat. Il dispose en outre d'une capacité de sélection des odeurs 1.000 fois supérieure à celle de son maître.
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Dès son jeune âge, le chien dépisteur est soumis à un apprentissage rigoureux qui l'entraîne à réagir à certaines odeurs spécifiques. Ici, la méthode des réflexes conditionnés semble encore promise à un avenir éternel : un peu de hachisch dissimulé dans un objet (tube, jouet ...) assure une récompense au chien chaque fois que celui-ci détecte l'objet. L'exercice se complique ensuite en cachant l'objet dans des endroits de plus en plus difficiles d'accès : sièges, talons, roues, ... L'essentiel pour le chien est que ce dépistage soit vécu comme un jeu avec son maître qu'il s'efforcera toujours de contenter.
A cet exercice, les meilleurs semblent être les bergers allemands, les épagneuls, les braques, les caniches, les pointers, ... avec, peut-être, une mention spéciale pour les labradors. Les chiens de chasse, malgré des dispositions évidentes, paraissent toutefois manquer de discipline dans le travail de recherche. Outre un flair irréprochable, le chien dépisteur doit également faire preuve d'un caractère équilibré, lui permettant de travailler dans les lieux et les conditions les plus variées, à l'abri du stress et des distractions. Contrairement à une idée répandue, le chien n'est pas drogué lui-même, ce qui aurait des conséquences désastreuses sur son efficacité.
D'autres chiens se spécialisent dans la recherche d'explosifs : ils visitent les aéroports, les gares, certains édifices publics ou inspectent des lieux de conférence. Différence essentielle avec les précédents : "les chiens d'explosifs" ne peuvent toucher et encore moins rapporter leur découverte.
Ils en indiquent donc la présence en se couchant ou en s'asseyant à proximité.
Le rôle du chien s'avère également capital dans le pistage où l'équipe maître-chien assume parfois de lourdes responsabilités : recherche d'une personne disparue, d'un prévenu en fuite ... Sur le terrain, le chien se trouve confronté à une multitude de stimuli. Seuls sa ténacité et son sens de l'initiative lui permettront de suivre la bonne piste. Plusieurs conditions déterminent la réussite du pistage. Le délai d'intervention doit être le plus court possible et, en principe, inférieur à 10 heures.
L'indice de départ doit également dégager une odeur propre et suffisante pour permettre au chien d'orienter ses recherches. Enfin, quelle que soit la valeur du chien, le travail de dépistage restera toujours tributaire des conditions climatiques : un vent violent, de fortes chaleurs ou une pluie diluvienne constituent autant de phénomènes naturels qui contrarieront ou empêcheront le bon déroulement du pistage.
Plus proche de notre quotidien, mentionnons également les chiens de patrouille (bergers allemands, malinois, bouviers, …) qui, après une formation adéquate, peuvent autant protéger une personne que surveiller ou rattraper un malfaiteur. Les mêmes chiens, soumis à un entraînement très progressif qui les habituera à la foule, joueront un rôle dissuasif extrêmement efficace dans les mouvements de masse (manifestation, stade, …) où leur présence s'avère parfois bien nécessaire : un ou deux chiens, bien placés à l'entrée/sortie d'un couloir, peuvent ainsi suffire à retenir plusieurs milliers de personnes.
A l'entraînement en France, pendant la guerre 14-18, les mitrailleurs et leurs chiens
Quelques photos de la guerre 1914-1918, de la collection Baiwir. Non datées et sans légendes.
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