TOME 4 - FASCICULE 11 - SEPTEMBRE 1991

Sommaire

Lt Colonel DERAYMAEKER G.H. - Le 2e Grenadiers au Canal Albert 2/5

DOCUMENT - Ordre de Bataille - Situation 10 mai 1940

Paul RICHELY et André NEVE - OÙ SONT LES PLAQUES CUIRASSEES DE MIMOYECQUES?

Armand COLLIN - IL Y A CINQUANTE ANS - Nuit tragique au quartier des Vennes (du 9 au 10 juillet 1941)

Patrice ERLER - Site pour système d'arme A4 (V2) à Hollogne aux Pièrres

F. GERSAY - LES AVENTURIERS 3/7

Découvrons un musée - Le musée HILL 60 à ZILLEBEKE

Jules LOXHAY - Quelques expressions usuelles et leur origine

L'HISTOIRE POUR RIRE. ou la vérité sur ... Jehan Le Bel

DOCUMENT - La ceinture des forts

Le courrier des lecteurs

Yvan GOFFETTE - La Bataille d'Angleterre

Lt Colonel DERAYMAEKER G.H. - Le 2e Grenadiers au Canal Albert 2/5

JOURNEE DU 10 MAI
A: L'ALERTE
a) A l'Etat-Major du 2e Grenadiers
L'ordre d'alerte, transmis pour l' E M du II, fut reçu à l'EM/2 Gr vers 1 heure du matin par l'officier de service et adressé aussitôt et dans les formes prescrites à tous Ies destinataires. Cet ordre, émanant du CRA de Hasselt, avait été reçu vers minuit 30 par le Lieutenant Maes, officier de garde au fort d'Eben-Emael, et transmis par l'intermédiaire de l'abri O à l'EM/II/2 Gr, où il fut reçu à 0h56. Il était libellé comme suit:
"Alerte réelle 0h10. Permissions supprimées. "Au PC/Rgt, tout se passe normalement, suivant les prescriptions du dossier d'alerte. Les liaisons téléphoniques y fonctionnaient régulièrement avec les Bon, les PO, l'Artillerie et la Division. Par contre, les liaisons radioélectriques faisaient totalement défaut, le seul appareil reçu étant hors d'état de fonctionner (le 2e Grenadiers devait recevoir 1 ERP, 1 ERTP, 1 RP, mais il ne reçut qu'un ERP, dont la batterie était à plat). On chercha à utiliser au profit du 2 Gr l'ERTP du détachement de liaison d'artillerie qui était venu s'installer au PC, mais ce fut en vain, cet appareil ne fonctionnant pas.
b) Dans les unités
L'ordre d'alerte fut reçu directement par les troupes constituant la garnison de sûreté. L'officier de garde au pont de Canne le reçut vers 0h35. Quant aux unités, elles furent touchées successivement par l'ordre d'alerte. Certaines d'entre elles, éloignées de l'EM de leur Bon, ne le reçurent que vers 2h du matin. Bien qu'on insistait sur le fait que cette alerte était réelle, un doute planait cependant dans certains esprits car, un exercice devant avoir lieu dans la journée du vendredi, nombreux étaient ceux qui, dans les unités, croyaient tout d'abord qu'il s'agissait de l'exercice prévu, d'autant plus que le canon du fort d'Eben-Emael, qui aurait du tonner immédiatement, tardait à se faire entendre (il était prévu que 4 saIves de 5 coups de canon devaient être tirées par le fort en cas d'alerte). Quoiqu'il en soit, les prescriptions prévues en cas d'alerte furent mises à exécution et, à part 2 pelotons de Mi venant de Fall et Mheer pour exécuter en 1er échelon des missions de tirs lointains, ainsi qu'un peloton de mortiers et la 7e Cie venant de Sussen, le Régiment était complètement installé entre 3h et 3h45.
Avant de vous exposer les évènements du 10 Mai dans plus de détails, je vous les résumerai tout d'abord en esquissant la physionomie générale des opérations le 1er jour de l'attaque.
B: EVENEMENTS
a) Physionomie générale des opérations le 10 mai
Vers 3h30, tandis que les dernières unités achevaient leurs mouvements vers leurs emplacements de combat et s'installaient sur les positions, des nuées d'avions venant de l'Est apparurent au-dessus de Canne et d'Eben. Bientôt apparurent également dans le ciel de Lanaye, venant de la direction de l'Est, un nombre tellement considérable d'avions qu'aux dires des témoins "le ciel en était noir" (on en compta plusieurs centaines). Les troupes, intriguées, assistaient avec perplexité à ces événements, espérant cependant qu'ils ne les toucheraient pas. Mais, après avoir franchi le canal, certains appareils, se détachant de l'ensemble, se mirent à décrire des cercles au-dessus du fort d'Eben-Emael, puis à se diriger vers le glacis. D'autre part, vers 3h45-3h50, se détachant de la masse d'avions tournoyant entre Sussen et Opcanne, 20 à 25 appareils vinrent se déposer entre les points d'appui de 1ère et de 2ème ligne du Quartier Nord, sur le plateau et la crête dominant les positions. L'incertitude au sujet de ces appareils de couleur grise et sans croix gammée, sans train d'atterrissage et qu'aucun bruit de moteur n'animait, n'avait guère duré. Si certains avaient cru tout d'abord à des avions silencieux ou forcés d'atterrir, ils furent bientôt fixés, car à peine les premiers étaient- ils arrivés au sol qu'un crépitement d'armes automatiques et des milliers de balles traçantes avaient révélé leur identité et leur intention. C'étaient les fameux planeurs, dont jamais il n'avait été fait mention et qui, pour la 1ère fois, se révélaient! Après avoir franchi la Meuse, ils avaient été libérés des filins les rattachant aux avions qui les avaient remorqués et, avec une aisance et une précision remarquables, ils étaient venus atterrir à proximité des organes vitaux et des positions qu'ils avaient mission de neutraliser ou de s'emparer. Le fort d' Eben-Emael et les positions dominant le pont de Canne avaient été assignés à leurs coups.
Attaqués par surprise et au jour levant, afin qu'aucune hésitation n'ait lieu concernant la localisation des objectifs fixés, ces ouvrages devaient être rapidement jugulés, les moyens actifs du fort détruits et les positions de Opcanne devaient être enlevées sans délai afin de s'emparer du pont avant que les Belges n'aient eu le temps de le faire sauter. Un simple coup d'oeil sur la densité des planeurs ayant atterri en arrière des points d'appui C et D suffira pour être fixé à ce sujet. En général, les planeurs contenaient de 8 à 15 hommes avec armement et munitions, ainsi que les moyens de reconnaissance, de jalonnement et de transmission voulus. Certains avaient à bord des médecins avec personnel et matériel sanitaire. Des fanions rouges, à croix gammée, plantés sur 2 piquets, jalonnaient la progression suivie. De grands panneaux rouges aux insignes hitlériens, placés horizontalement, indiquaient aux avions les emplacements atteints. Les appareils de TSF lançaient en clair les demandes et renseignements adressés aux aviateurs et aux artilleurs. L'aviation, en effet, tout d'abord inoffensive, avait bientôt participé à l'action (en certains endroits cependant, l'action de l'aviation précéda l'atterrissage des planeurs, pour protéger ceux-ci). Vers 4h, tandis qu'une première vague de parachutistes était lancée sur les hauteurs dominant Opcanne et aux abords du PC/II, l'aviation commença un bombardement effroyable des positions et des cantonnements du Quartier Nord, des localités d'Emael et d'Eben, ainsi que du fort et de ses abords. Vers 4h45, les agglomérations d'Heukelom, de Sussen, Sichen et Wonck furent prises à partie à leur tour, tandis que les Stukas mitraillaient tout ce qui donnait signe de vie entre ces localités et les premières lignes. Le bombardement qui, à l'origine, n'avait affecté que faiblement les positions de la crête de Lanaye s'intensifia progressivement à partir de 6h30 et, dès 10h, revêtit la même intensité que sur le Nord et le Centre de la position.
Sous la violence inouïe de ces bombardements, les baraquements de la 5e, de la 6e et de la 8e Cie, ainsi que ceux voisins du fort, furent anéantis et incendiés; le sous-lieutenant Brille fut tué, le sous-lieutenant Maes blessé, le magasin, le bureau, la cuisine et les baraquements de la 11e Cie à Laumont furent détruits, les 6 chevaux furent tués; les maisons d'Emael s'effondrèrent les unes après les autres, faisant de nombreuses victimes. Dans le village d'Eben, la cuisine de la 14e Cie fut démolie, un sergent et 2 cuisiniers furent tués, d'autres furent blessés, le camion à vivres fut écrasé, le chauffeur tué, le bureau du IV fut aplati, un officier fut blessé, les maisons s'écroulèrent. Il en fut de même à Heukelom et à Sussen. L'artillerie allemande à son tour se mit de la partie, martelant les points importants du sous-secteur. Son action dans le Quartier Nord commença à partir de 13 heures. Quelques avions participèrent au canon aux opérations.
La journée du vendredi fut caractérisée de 10 à 20h par des bombardements intenses d'aviation exécutés par vagues successives, toutes les 30 minutes, puis de 1/4 d'heure en 1/4 d'heure, tant sur les positions du plateau de Opcanne et du Quartier Nord, que sur Eben, Emael, le fort, la crête de Lanaye, les points d'appui du 2e échelon, le PC/2 Gr et l'artillerie.
Les arrières eux-mêmes, Fall et Mheer, Wonck et Bassenge, ne furent pas épargnés.
En retournant pour faire leur provision de bombes nouvelles, les avions mitraillaient tout, sans répit, et cela avec une sécurité et une aisance d'autant plus grandes qu'aucune réaction de l'aviation amie ne se faisait sentir.
Certes, de nombreux fusils-mitrailleurs et postes antiavions avaient réagi, mais sans efficacité apparente, certains d'entre eux ayant du reste été détruits. Un avion parut cependant être touché et s'abattre sur le fort. Quant à la DTCA, l'absence de canons de 40 la rendait impuissante aux basses altitudes utilisées par l'aviation allemande. La rage au coeur, les troupes impuissantes et non secondées par la 5e arme, subirent ainsi l'épreuve du feu la plus terrible qui puisse exister, celle d'un ennemi sous les coups duquel tout s'effondre, sans pouvoir efficacement riposter.
Cette carence absolue de l'aviation alliée qui permettait aux Stukas de se livrer avec une sécurité totale à leur jeu de massacre et à mitrailler le moindre but aperçu, que ce soit un groupe, des camions, voire un seul véhicule ou un homme isolé, ne laissa pas d'influencer fâcheusement les troupes. Les nerfs tendus sous les bombardements, certains groupes tourbillonnèrent, des fluctuations locales se produisirent et il fallut toute l'énergie des chefs pour y parer. Il ne faut pas le dissimuler, dans certains îlots et points d'appui aussi vastes et mal conditionnés que ceux qui existaient, l'action des Commandants d'unité ne put se faire sentir partout. D'autre part, certains jeunes officiers et gradés n'opposèrent pas une fermeté inébranlable. Terrorisés, des hommes se blottirent dans des abris, d'autres se glissèrent vers l'arrière, mais ils y furent repris en main, regroupés et renvoyés vers les positions, où les braves tenaient.
L'attaque par planeurs et parachutistes s'était circonscrite au fort d'Eben-Emael et dans le Quartier Nord. Après avoir détruit, à l'aide d'explosifs, la majeure partie de l'armement de superstructure du fort, les équipages de 14 planeurs allemands s'étaient incrustés sur le glacis, d'où les tentatives avaient été vaines pour les déloger.
Dans la région de Canne, la plupart des points d'appui de 1ère ligne, dominés et attaqués à revers par les planeurs, accablés sous les bombes, les grenades et les obus, avaient été écrasés ou avaient cédé. Mais les efforts de l'ennemi pour enlever la 2ème ligne sur les hauteurs de Opcanne et s'emparer du PC/II avaient échoué.
Les pertes élevées subies par certaines unités (une cinquantaine de tués par exemple à la 5e Cie, dont le Commandant) témoignent de l'âpreté de la lutte qui se déroula dans cette région.
En général, les équipages de planeurs, sitôt sortis de leurs appareils, descendus (sauf un) entre les points d'appui de 1ère et de 2ème ligne, s'étaient rués de la crête dominant le Canal vers les pentes de la vallée, mitaillant toute résistance, lançant leurs grenades ou les laissant tomber dans les tranchées et les abris.
Là où la résistance persistait, les messages de TSF lancés en clair aux avions et à l'artillerie donnaient les indications voulues pour régler les jets de bombes ou diriger les tirs de l'artillerie sur les objectifs qui leur étaient définis.
Quant aux parachutistes (dont seule l'existence était connue avant le 10 mai), ils étaient venus renforcer à plusieurs reprises les effectifs débarqués des planeurs, vers les points particulièrement importants, tels que centrales téléphoniques et les PC.
L'infanterie allemande, arrivée à Canne vers 11h30, avait voulu y utiliser les débris du pont, détruit vers 4h15, mais elle avait été soumise aux feux meurtriers des défenseurs du point d'appui E et du groupe de combat de gauche du point d'appui D, et toutes les tentatives de franchissement en canots pneumatiques au Nord du pont avaient échoué. Le passage, qui avait dû s'effectuer finalement (en fin d'après-midi) au Sud du pont, sur canots pneumatiques, put se poursuivre dans la nuit, par tous moyens, la garnison du point d'appui E s'étant repliée en partie, après avoir épuisé ses munitions.
Dans la région de Lanaye, les tentatives pour construire un pont de bateaux sur la Meuse avaient été brisées par les feux de notre artillerie. Les Allemands, sous la protection de bombardements massifs d'aviation, avaient passé le fleuve par navigation (canots pneumatiques), mais toutes leurs tentatives pour franchir le canal en canots pneumatiques et sur les débris du pont détruit vers 4h15 avaient échoués. Plusieurs de ces canots avaient été capturés.
En bref, le vendredi soir, la situation, quoique délicate dans le Quartier Nord, restait bonne dans l'ensemble, car le Quartier Sud avait repoussé toutes les tentatives de franchissement du canal et était intact. Et si, dans le Quartier Nord, les Allemands avaient enlevé la majeure partie des points d'appui de 1ère ligne, le restant du 1er échelon tenait toujours en F, L, K et I, et le 2ème échelon n'avait pas été attaqué par l'infanterie. C'est cette situation que le Commandant du 2 Gr résumait le vendredi au soir en adressant une note au Commandant du IIe Bataillon, dans laquelle il lui exprimait sa satisfaction pour sa belle résistance et lui disait: "Ayez confiance, tenez ferme, tout va bien, je vous envoie des munitions et j'ai demandé du renfort."
b) Exposé succinct des opérations du 10 mai
Vous ayant ainsi esquissé la physionomie générale des opérations dans la journée du 10, j'en arrive maintenant à l'exposé succinct de ces opérations.
Il ne peut être question d'entrer ici dans les détails. Faute de temps, je ne peux que vous brosser à larges traits ce qui s'est passé. Mais ce que je vous en dirai, je l'espère, suffira pour vous fixer sur les évènements. Je vous les exposerai en vous parlant tout d'abord de ce qui s'est passé au 1er échelon, puis au 2e, et au PC/Régiment.
1) Au 1er échelon - Quartier Nord
Le Quartier Nord, occupé comme vous le savez par le IIe Bataillon, était réparti en 4 groupements.
Le Commandant Levaque, commandant le Bataillon, avait son PC à 400 m SE de l'arbre isolé.
Aux abords du PC/III, vers 3h50, lorsque les planeurs atterrirent sur le plateau entre les points d'appui de 1ère et 2ème lignes, la plupart de leurs équipages se portèrent, comme on le sait, vers la vallée et ouvrirent un feu violent sur les ouvrages situés à flanc de coteau.
D'autres, cependant, descendus aux abords et en arrière du PC/II prirent sous le feu des armes automatiques ce PC, certains points d'appui de 2ème ligne, le poste anti-avions situé en avant du point d'appui K, et la 7e Cie venant de Sussen.
Vers 4h, une 1ère vague de parachutistes vint s'abattre autour du PC/II,
1°- de part et d'autre du point d'appui K,
2°- et entre le PC/II et l'arbre isolé, isolant le Commandant de Bataillon, qui se trouvait à ce moment au central téléphonique et optique situé à une trentaine de mètres de son PC.
Tandis qu'éclatait de toutes parts une fusillade intense à laquelle se mêlait le crépitement caractéristique des mitraillettes et l'explosion des grenades allemandes, le bombardement des ouvrages, mitraillés à très basse altitude par les avions, prenait bientôt un caractère terrifiant. Le Commandant Levaque, dont toutes les liaisons téléphoniques avaient été coupées, sauf avec le PC/Régiment, signala au Chef de Corps que l'attaque faisait rage, que son PC était isolé et entouré de parachutistes. il demandait de le dégager. Dans l'entre-temps, le Peloton de mortiers de 76A, pris sous un bombardement et un feu violents d'avions alors qu'il se trouvait à 100 mètres de l'arbre isolé, avait un caisson détruit, les chevaux tués et refluait désorganisé en direction de Sussen; le charroi de combat de l'EM/Bataillon et les caissons d'un Peloton de Mi de la 13e Cie, bloqués au croisement des chemins creux aboutissant à 50 mètres du PC, étaient pulvérisés et le SLt Bleyenheuft laissé pour mort sur le terrain, le poumon perforé par une balle. Le point d'appui K, voisin, avait son groupe de gauche anéanti et le sergent de Theux de Meylandt et Monjardin, Commandant intérimaire du point d'appui K, était tué en servant le fusil-mitrailleur dont le tireur venait de tomber. Le poste anti-avions, qui se trouvait en avant du point d'appui K, était également écrasé (une quinzaine de tués). Seuls, le SLt Mormal, blessé, ainsi que quelques hommes, avaient pu s'échapper. Ces hommes renforcèrent ultérieurement le point d'appui K. Dans cette situation critique et malgré les pertes, le Commandant Levaque et son état-major, de même que le personnel TS, firent bravement tête à l'ennemi. Utilisant le boyau allant du PC au central téléphonique et optique, ils s'y défendirent vigoureusement au fusil et au pistolet, tenant en respect, à portée de jet de grenade, l'équipage d'un planeur et les parachutistes qui les entouraient, jusqu'au moment où ils furent dégagés par des éléments de la 7e Cie. S'étant installé au PC proprement dit, l'EM/II y fut soumis à des bombardements extrêmement violents et à de nouvelles attaques de parachutistes ayant atterri dans ses abords.
Une vague de parachutistes tombés entre le PC/II et le point d'appui K, pris sous les tirs du point d'appui L, durent se replier vers le ravin, tandis qu'une sortie du point d'appui K, conduite par le caporal De Bolster, en anéantit une autre tombée à proximité de K. Non moins infernale était la situation au croisement du ravin venant de Opcanne et du chemin creux menant au PC. Parmi les débris du charroi et les cadavres des chevaux, gisaient les morts et les blessés qu'on n'avait pu tout d'abord secourir et qui s'attendaient à tout moment à ce qu'une balle ou qu'une bombe vinssent les achever. Dans l'après-midi, cependant, profitant d'une accalmie, on put relever deux chefs de peloton, le SLt Bleyenheuft et l'adjudant Lagasse de Locht, et les amener jusqu'au PC, où d'autres blessés vinrent s'entasser. Il fallut attendre la nuit pour les évacuer.
- Au Groupement IV:
La garnison de sûreté du point d'appui F devait assurer l'entrée en ligne du restant des forces du groupement IV.
Mais elle ne fut guère inquiétée. Un planeur qui s'était posé derrière la droite du point d'appui F fut pris aussitôt sous le feu et ses occupants se dissimulèrent dans le chemin creux situé au Sud-Est du point d'appui et ne réapparurent plus.
La 7e Cie, venant de Sussen, était arrivée vers 3h30, à mi-chemin entre Sussen et l'arbre isolé, lorsqu'elle fut survolée par de nombreux avions, qui tout d'abord restèrent inoffensifs. Elle avait atteint le mamelon 120 vers 3h50 lorsqu'elle fut soumise tout à coup à des tirs très nourris, à balle s traçantes, provenant d'équipages de planeurs ayant atterri à l'Est et au Sud-Est de l'arbre isolé. Après s'être plaqués au sol, les pelotons ouvrirent le feu, puis se portèrent en avant, par bonds, pour atteindre leurs positions. Les garnisons de L et de F arrivèrent sans trop de difficultés, mais il n'en fut pas de même du peloton Lagasse qui, en se dirigeant vers le ravin devant l'amener en E, fut pris sous le feu rapproché des mitraillettes de l'équipage d'un planeur ayant atterri entre le PC/II et le pli de terrain au SE du mamelon 120. Une partie du peloton se précipita vers les anciens épaulements de M.76 FRC et dans le boyau où résistait l'EM/II, tandis que le restant, avec le chef de peloton, cherchait à gagner l'origine du ravin. Mais, pris sous le feu de 2 planeurs mitraillant l'accès du ravin, le peloton Lagasse, dont le chef était très grièvement blessé, fut disloqué.
Tandis que ces événements se passaient, une vague de 13 parachutistes s'était abattue entre le ravin et les abords de l'arbre isolé. Le Commandant de Robiano, revolver au poing, se porta avec 2 hommes de sa Cie à l'attaque de ces parachutistes, qu'il anéantit, dégageant du même coup les arrières du PC/II. Un seul de ces 13 parachutistes échappa à la mort. Il fut dirigé sur le PC/II d'où, après interrogatoire, il fut envoyé en side-car au Commandement de la 7 DI.
A partir de 10H00, l'aviation allemande effectua un bombardement systématique d'une violence extrême sur le point d'appui L, le PC/II, le point d'appui K et leurs abords. Les vagues déferlant sur le plateau comportaient chacune deux groupes de 13 avions, se suivant à 1 ou 2 Km environ, les vagues se succédant elles-mêmes toutes les demi-heures. Ce ne fut que vers 20h00 que les avions et l'artillerie qui depuis 13h00 tirait dans l'intervalle entre deux vagues, cessèrent d'accabler les positions.
- Au Groupement III:
Le point d'appui E, en première ligne, bordait le canal et s'étendait à mi-côte de part et d'autre du ravin aboutissant au PC/II. Les éléments de sûreté furent renforcés vers 3h25 par le peloton Mi du lieutenant Berlaimont, qui exerçait intérimairement le commandement du groupement, tant que le lieutenant Braibant, qui se trouvait au CI de Vlijtingen n'était pas rentré.
Quant au peloton Lagasse de Locht de la 7e compagnie qui devait compléter la garnison du point d'appui E, nous savons que son arrivée en ligne fut interceptée par les planeurs occupant les deux versants du ravin aboutissant au canal. Seuls deux FM de ce peloton, avec personnel réduit faisant partie de la garnison de sûreté, participèrent à la défense.
Vers 3H40, le point d'appui E fut survolé par de très nombreux avions et planeurs, se dirigeant vers l'Ouest, les uns à grande altitude, les autres beaucoup plus bas. Puis, on entendit sur les arrières un crépitement intense de mitrailleuses et de mitraillettes, se mêlant aux éclatements de grenades et aux explosions assourdissantes des bombes.
Tandis que la bataille faisait rage sur le plateau et sur les coteaux dominant le pont de Canne, le point d'appui E n'était pas attaqué. Ce ne fut que vers 5h00 qu'il fut inquiété sur ses arrières par un groupe ennemi dévalant par le ravin descendant du PC/II vers le canal. Mais si l'alerte fut vive, elle dura peu, car après avoir fait irruption par la gorge dans l'abri du C.47 situé à l'origine du ravin et y avoir capturé les occupants, le groupe allemand rebroussa chemin et remonta vers le plateau avec ses prisonniers.
L'attaque des planeurs et des parachutistes se développant sur les arrières, le point d'appui E ne fut soumis à aucune pression en front avant l'arrivée de l'infanterie ennemie venant de Maastricht. Mais il restait isolé.
Vers 11H30, des mouvements furent aperçus dans le village de Canne, ainsi que du charroi venant de la direction de Maastricht.
1) Un peloton, formant la tête d'une colonne, s'arrêta devant le pont et se mit en relation par gestes et par cris avec les Allemands occupant les pentes de l'autre rive. Le lieutenant Berlaimont y répondit par le feu rapide d'une mitrailleuse, bientôt renforcé par le tir de la deuxième pièce de la section battant le pont. Surpris complètement, le peloton fut pour ainsi dire anéanti. Les survivants, désemparés, se réfugièrent derrière un baraquement faisant face au canal, mais la position occupée permettant de le prendre d'écharpe, la plupart de ceux qui restaient furent touchés. Dissimulée à souhait, cette section ne put être repérée.
L'aviation allemande, appelée, arriva aussitôt, lançant ses bombes dans la direction d'une grotte aux abords de laquelle les mitrailleuses se trouvaient.
2)L'infanterie allemande se trouvant dans Canne, entendant le feu des mitrailleuses, s'était portée vers le canal, en face du ravin, mais son tir imprécis, dirigé sur d'anciens emplacements abandonnés situés au-dessus et à gauche de la grotte ne produisit aucun effet.
Prise à son tour sous les rafales du FM de droite et du FM de gauche ainsi que soumise au tir des pourvoyeurs du peloton de mitrailleuses, sa situation fut rendue intenable. Son repli, masqué par une émission de pots fumigènes, fut le signal d'une recrudescence des tirs des FM, des mitrailleuses et des pourvoyeurs.
3) Des éléments allemands installés dans une grosse maison en bordure de la route de Maastricht, dont ils avaient enlevé les tuiles du toit, ouvrirent le feu à leur tour. Mais, soumis aux tirs du FM de gauche, dont la position dominante à mi-côte sur le versant NE du ravin dominait des vues et un champ de tir superbes, il furent neutralisés.
4) Une arme automatique qui s'était dévoilée au sommet de l'éperon se dessinant au Sud de la route de Canne à Vroenhoven et qui contrebattait ce FM, fut prise à son tour sous les rafales de la 2e section de mitrailleuses et du FM de droite, et neutralisée. Le FM en cause, ayant aperçu un parti ennemi qui cherchait à s'embarquer sur canots pneumatiques en se glissant sur la berge escarpée du canal au moyen de cordes, l'anéantit complètement.
5) Dans l'entre-temps, des éléments motorisés qui s'étaient à nouveau approchés du pont durent également se replier.
Ne pouvant arriver au pont, l'infanterie chercha une fois de plus à se faufiler vers la berge du canal et à occuper celle-ci entre le pont et la première maison de Canne. Ces tentatives furent de nouveau enrayées par nos mitrailleuses et nos FM, L'ennemi dut une fois de plus se replier.
Décidés à occuper le verger et la rive du canal faisant face au point d'appui E, les Allemands allumèrent de nombreux pots fumigènes entre la première maison du village et un point situé en face du ravin. La direction du vent étant favorable, la nappe s' étendit bientôt sur le canal avec une telle densité que le plan d'eau ne se voyait plus. L'aviation bombardait les abords de la grotte, mais sans aucun succès, les mitrailleuses cessant le feu à l'approche des avions. Vers 17h00, des avions faisant un bruit infernal lorsqu'ils "piquaient" vinrent mitrailler les positions de droite du point d'appui.
6) Sous le couvert de la nappe fumigène, les Allemands bordèrent le canal et installèrent des armes automatiques face aux emplacements où ils croyaient que des mitrailleuses se trouvaient. Mais ils ne purent franchir l'obstacle.
7) Vers 18h00, un C.37 fut placé en face de la grotte, fut repéré par la flamme des coups de départ, et contrebattu dut cesser le feu.
Vers 19h00, ils lancèrent des balles incendiaires dans la grotte, balles enveloppées dans une espèce d'étoupe qui s'enflammait en l'air. A partir de 20h00, le feu adverse s'atténua graduellement, puis les attaques cessèrent à la tombée de la nuit. Celle-ci étant tombée, le lieutenant Berlaimont, dont les munitions étaient épuisées, sans espoir d'être secouru, tenta de rejoindre les positions de 2ème ligne. Mais il ne put y parvenir. Il se retira près du FM de gauche du point d'appui E où, attaqués le samedi matin, ils furent faits prisonniers vers 5h30, après épuisement des munitions de ce dernier FM, Par leur belle et opiniâtre résistance, les défenseurs du point d'appui E, officier, sous-officiers et mitrailleurs de la 8e compagnie, gradés et FM de la 7e compagnie, en interdisant le franchissement du canal au NO de Canne jusqu'au 10 mai à la nuit, en repoussant de nombreuses attaques et en se défendant jusqu'au 11 au matin jusqu'à l'épuisement complet de leurs munitions, avaient écrit une page glorieuse au livre d'or du 2 Gr.
à suivre.
Les combats des 10 et 11 mai 1940
Sur un plan dressé par le Colonel CALMEYN, le dispositif défensif du 2 Grenadiers
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DOCUMENT - Ordre de Bataille - Situation 10 mai 1940

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Paul RICHELY et André NEVE - OÙ SONT LES PLAQUES CUIRASSEES DE MIMOYECQUES?

Mimoyecques, la forteresse aux canons fantômes. Lieu-dit du Pas-de-Calais où les Allemands ont entrepris, en 1943, la construction d'un ouvrage étonnant. Inachevé, il n'a pu accomplir sa fonction théorique: la destruction de Londres.
Entièrement souterrain, Mimoyecques possédait des puits à canons, inclinés à 50° et longs d'environ 140 m. Chaque puits incliné devait accueillir 5 canons superposés.
En surface, ces puits débouchaient dans une grande dalle en béton armé épaisse de plus de 5 m, du moins dans sa partie médiane. Des fosses rectangulaires, perpendiculaires à la longueur de la dalle, étaient ménagées dans celle-ci à des distances d'environ 25 m.
Les tubes des canons aboutissaient ainsi dans des chambres couvertes par de grandes plaques en acier. Celles-ci étaient percées de cinq trous obliques disposés le long d'un même axe et correspondant aux cinq tubes de chaque puits incliné.
SCHEMA SOMMAIRE D'UN PUITS A CANONS

Note de la rédaction: M. Paul RICHELY a décrit l'ouvrage de Mimoyecques dans le bulletin Tome III, fasc. 9 de mars 1988, page 12.

Un innombrable matériel (plus de 1.000 tonnes) (1) fut amené sur le site par les Allemands pendant la période de mai à juillet 1944 (2). Les plaques d'acier destinées à la couverture des fosses à canons étaient, pour la plupart du moins, déposées dans la carrière de la Vallée Heureuse à Hydrequent d'où, selon les projets allemands, elles devaient être acheminées à Mimoyecques.

(1) David Irving : "A bout portant sur Londres", 1964.

(2) Pour tous détails, voir l'étude exemplaire de Roland Hautefeuille. "Constructions Spéciales", 1985.

Lorsque Bernard G. Ramsey, éditeur de l'excellente revue "After the Battle", visita la carrière en mai 1974, il ne vit pas les plaques, celles-ci ayant, selon le Directeur Général de l'entreprise, été découpées au fil des ans. Les blocs d'acier avaient ainsi été utilisés dans les concasseurs de roches (3).

(3) Bernard G. Ramsey. "After the Battle" n ° 6 "The V Weapons" p. 40: "Monsieur H. Henaux, Director-General of Hydrequent quarries, told us that he purchased the plates after the war, and these had been cut up over the years for use in his rock-crushing machinery in the marble quarries".

Des plaques mystérieuses
La carrière d'Hydrequent présente un grand intérêt pour les amateurs d'archéologie militaire. Elle possède notamment un Dom Bunker (4) et un tunnel à entrée bétonnée, ensemble destiné à abriter un ou deux canons sur rail.

(4) Littéralement: Abri cathédrale.

II existe trois Dom Bunker dans le Pas-de-Calais: Wimereux, Fort Nieulay, Hydrequent. Ceux-ci servaient de refuge aux canons sur rail (notamment des K5) utilisés par les Allemands à proximité de la côte du Pas-de-Calais. Seul, le Dom Bunker d'Hydrequent a été conservé dans son état original.
A trois reprises, nous avons obtenu un permis de visite de la carrière, notre intention initiale étant de photographier le Dom Bunker et l'entrée du tunnel à canons. L'inattendu et l'émotion étaient au bout du chemin: un amas hétéroclite de plaques d'acier. Notre guide en ignorait tout et ne formula aucune objection à la photographie de ce matériel bizarre. L'examen des clichés confirma notre hypothèse immédiate: il pourrait s'agir des plaques destinées à Mimoyecques.
Pour vérifier cette conviction, une nouvelle visite s'imposait: six mois plus tard une autorisation fut demandée et reçue (5). Le guide nous conduisit où nous le souhaitions. Quant aux plaques, il pensait, sans en être certain, qu'elles provenaient du Mur de l'Atlantique. L'essentiel était acquis: de nouveaux clichés complétaient notre collection et notre conviction devenait certitude.

(5) Notre intention était multiple: réaliser de meilleurs clichés du Dom Bunker, inspecter davantage l'intérieur du tunnel à entrée bétonnée et enfin réexaminer attentivement les plaques.

Une troisième visite en juin 1991 aurait apporté des détails complémentaires grâce à des relevés auxquels nous espérions procéder. Hélas, nous avons joué de malchance (6).

(6) Cette fois l'accueil a été très réservé avec, pour conséquence, une liberté d'action nulle. Nous pouvons seulement affirmer qu'en juin 1991, les plaques gisaient toujours sur le site de la carrière. Par ailleurs, le Dom Bunker était entièrement dégagé des cailloux qui, autrefois, le dissimulaient partiellement. Nous possédons maintenant d'excellents clichés. Par contre, l'entrée bétonnée du tunnel à canon a disparu sous un amas de roches, en raison du percement d'un nouvel accès à la carrière.

Caractéristiques des plaques.
Nous avons classé ces plaques en trois catégories: A, B, C.
- Modèle A: Plaque simple munie d'une nervure longitudinale assurant l'insertion et le blocage des autres plaques. Elle est utilisée par paire, l'une placée du côté droit, l'autre du côté gauche de la fosse rectangulaire.
- Modèle B: Plaque à deux nervures, avec renforcement central percé de deux trous obliques.
- Modèle C: Plaque à trois nervures, avec renforcement central percé de trois trous obliques.
Chaque fosse était recouverte de quatre plaques. Cet ensemble possédait dans la partie centrale cinq trous obliques équidistants, disposés sur la longueur médiane du rectangle. Ces cinq trous devaient correspondre aux axes des cinq tubes des canons superposés.
VUE EN PROFIL DE L'ASSEMBLAGE PROBABLE DES PLAQUES
La plaque supérieure de Modèle B est percée de deux trous obliques. Elle surplombe trois plaques de Modèle C. Chacune de celles-ci était destinée à un des trois puits inclinés, finalement construits à Mimoyecques. (cliché P. Richely)
On observe à l'avant-plan une plaque de Modèle A. Ce modèle utilisé par paire couvrait la fosse à canons de part et d'autre de deux plaques B et C placées dans la partie centrale du rectangle.
Les plaques visibles à l'arrière n'ont pu être inventoriées étant donné les conditions difficiles de notre examen. (cliché P. Richely)
Trous obliques dans une plaque de Modèle B. Du métal a été enlevé des ressauts longeant les trous. Peut-être s'agit-il de traces de prélèvements effectués autrefois en vue de procéder à l'analyse de l'acier? Dans la plaque C sous-jacente, on discerne une partie d'un trou oblique. (cliché P. Richely)
Conclusions
Les plaques de Mimoyecques disparues, à notre connaissance, depuis près d'un demi-siècle appartiennent à un patrimoine historique surprenant.
Accessoires impressionnants d'une arme allemande qui n'a jamais fonctionné à Mimoyecques mais théoriquement redoutable.
Préservées presque miraculeusement, elles méritent un sort meilleur qu'un abandon au titre de ferraille assorti, inéluctablement, d'un effacement définitif.
Gageons que les dirigeants de la Carrière d'Hydrequent leur réserveront une destination permettant aux amateurs d'Histoire de prendre contact avec des pièces uniques au monde.
Leur site naturel de Mimoyecques et le futur Musée du Parc Naturel Régional Nord-Pas-de-Calais ne sont-ils pas les endroits tout désignés pour les mettre en évidence.
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Armand COLLIN - IL Y A CINQUANTE ANS - Nuit tragique au quartier des Vennes (du 9 au 10 juillet 1941)

Certains prétendent et sont parfois écoutés, qu'il faut oublier les faits de guerre, ne plus remettre au jour les horreurs et les souffrances de cette époque.
En ce qui nous concerne, nous sommes d'avis qu'il faut le faire maintenant, sinon plus personne ne se souviendra des parents, amis, voisins, habitants de notre quartier, victimes de la barbarie aveugle de la guerre.
Ce travail, présenté dans "Sur Meuse et Ourthe" (1) afin de commémorer le cinquantenaire du bombardement du quartier des Vennes, est dédié à ceux de chez nous qui furent les victimes innocentes de la nuit tragique du 9 au 10 juillet 1941.

(1) Note de la rédaction. Monsieur A. COLLIN, éditeur responsable du bulletin "SUR MEUSE ET OURTHE", du Groupe de Recherche du Comité de quartier Vennes-Fétinne, membre actif des réunions du mardi du CLHAM, nous autorise à publier l'essentiel de son récit et, fort aimablement, accepte que nous nous abstenions de reproduire les nombreux témoignages, plans et photos qui l'appuient et dont nous pensons qu'ils intéresseront surtout les habitants du quartier des Vennes-Fétinne.

Nous pensons plus particulièrement à un petit garçon âgé de cinq ans et demi. Il habitait rue de Froidmont et fut tué par des éclats de bombes, dans la rue de Londres.
Où en était la guerre début juillet 1941?
o avril 1941: l'armée allemande envahit la Grèce, la Yougoslavie puis la Crète; en Afrique, avance extrême de l'Afrika Korps (Saloum),
o juin 1941: premiers raids anglais sur la Ruhr et invasion de la Russie par l'armée allemande,
o 1er juillet 1941: offensive de la RAF sur l'Allemagne et le Nord de la France,
o 10 juillet 1941: début de la bataille de Smolensk.
9 juillet 1941
Au quartier des Vennes, la journée du mercredi 9 juillet 1941 fut fort semblable aux précédentes. Il faisait chaud, avec un ciel bleu dans lequel aucun nuage n'atténuait les ardeurs du soleil sur la ville. Depuis longtemps, on n'avait plus connu une telle période de beau temps.
Ce soir, comme d'habitude à l'époque, rue de Froidmont, les enfants jouent entre les buissons qui bordent le grand mur de l'usine Cuivre et Zinc, tandis que les aînés, assis devant les petites maisons vieillottes, prennent le frais en devisant de choses et d'autres. Certains hommes jouent "au bouchon" (2) sur le sol en terre battue, au-delà de l'étroite chaussée pavée longeant les anciennes bâtisses.

(2) En général, le "bouchon" est un morceau de manche de brosse, long de 5 cm environ, sur lequel les joueurs placent leur mise. II doit être atteint par une plaque ronde en fer de plus ou moins 10 cm de diamètre et épaisse d'environ 1 cm. Se joue sur un sol en terre battue.

L'occultation étant de rigueur, dès le soir tombé, les familles rentrent chez elles et vont se mettre au lit, sans se douter que dans quelques heures, pour dix des habitants de la rue, ce sera le dernier réveil.
Après la tombée de la nuit, une nappe de brume se forme dans les vallées de l'Ourthe et de la Meuse.
10 juillet 1941
Vers 1h00, on commence à entendre de nombreux avions survoler la ville. Les gens, tirés de leur sommeil, se lèvent et s'habillent rapidement, bien que les sirènes n'aient pas encore sonné l'alerte. Ils sont inquiets ces gens, ils écoutent les bruits des moteurs d'avion et se rendent compte que ces avions tournent au-dessus d'eux.
Ils se méfient, car devant eux, se dresse l'importante usine de Cuivre et Zinc qui peut présenter un intérêt stratégique. Bon nombre de petites maisons de la rue n'ont pas de cave capable de les abriter efficacement, ce qui explique peut-être le départ de nombreux habitants vers le boulevard de Laveleye.
Sur ce boulevard, les maisons sont plus récentes, surtout plus importantes et plus solidement construites. Les gens savent qu'il existe un vaste abri antiaérien capable de les accueillir à la LINALUX (3).

(3) LINALUX: Union des centrales électriques Liège-Namur-Luxembourg, dont le siège occupait les immeubles sis à l'angle du boulevard Emile de Laveleye et de la rue de Spa. Ces bâtiments, aujourd'hui abandonnés, portent les numéros 70-72 du boulevard et numéro 1 de la rue de Spa.

Par petits groupes, ils partent par la rue Joseph Delboeuf, dont certains habitants leur emboîtent le pas. Il est à ce moment 1h20.
Arrivés à l'angle du boulevard Emile de Laveleye et de la rue des Vennes, d'autres personnes suivent le groupe, parmi lesquels Ursmard LEGROS, 35 ans, avocat et ancien député. Il est en visite chez sa mère Judith HENRARD, veuve de Jean LEGROS, rue des Vennes, 230.
Laissons-lui la parole:
"Dès l'alerte donnée par les sirènes à 1h22, ma mère, mes soeurs et moi-même, ainsi que Monsieur HIARD, venant tous de la même maison, avons quitté le 230, rue des Vennes, sis à l'angle du boulevard Emile de Laveleye.
"Nous avons vu un groupe d'une quarantaine de personnes, venant de la rue Joseph Delboeuf et se dirigeant vers le siège de la Linalux, à l'angle de la rue de Spa, où je sais qu'il existe un abri antiaérien.
"Le groupe d'une quarantaine de personnes s'y est présenté juste avant nous. J'ignore la réponse qui a été faite par le gardien. Le groupe s'est éloigné en longeant les immeubles du boulevard, en direction de la rue de Londres. "En ce qui nous concerne, c'est Monsieur HIARD qui a frappé à la porte de la LINALUX, le gardien a ouvert et j'ai entendu qu'il disait: "Ce n'est pas public". Nous n'avons pas insisté et avons suivi la même direction que le groupe.
"A peine une minute après, les bombes sont tombées, j'ai été blessé et renversé. Je me suis relevé et suis retourné chez ma mère, rue des Vennes, 230. J'ai pu y constater à mon arrivée qu'il était exactement 1h35."
Monsieur LEGROS ne se trompe pas, une série de bombes est tombée et plusieurs impacts sont signalés:
o sur les ateliers, bureaux et jardins de l'usine Cuivre et Zinc (quatorze bombes incendiaires),
o sur la rue de Froidmont, entre les bureaux et les ateliers de la même usine; une bombe explosive y a provoqué un entonnoir profond de trois mètres, près du mur de l'usine, déchirant une conduite de gaz de ville sous pression de deux kilos,
o rue des Vennes, 137, une bombe incendiaire cause un incendie,
o une autre bombe incendiaire tombe sur un garage isolé, rue des Vennes, en face du 137,
o la bombe explosive est tombée sur le boulevard Emile de Laveleye, sur le trottoir devant le 48,
o une troisième bombe a explosé sur le remblai du chemin de fer, place des Nations, à hauteur de la rue de Verviers.
Ce sont là les trois explosions signalées à 1h30 dans la chronologie officielle des faits.
Deux bombes sont tombées sans exploser, rue de Londres et place des Nations. Quatorze bombes incendiaires sont tombées sur Cuivre et Zinc mais les foyers sont rapidement maîtrisés au moyen de seaux d'eau et de sable par des ouvriers de l'usine aidés des pompiers du poste central de Liège.
Très vite, les secours arrivent sur place; ils sont déjà sur le boulevard E. de Laveleye à 1 h 45, où les numéros 46 et 50 sont fort endommagés, la façade du 48 étant écroulée.
Cette bombe a été meurtrière, déjà sept corps sont étendus sur le terre-plein du boulevard, entre les rues de Spa et de Londres. Certains sont identifiés. Un couple et son enfant sont retirés morts de la cave du 48, d'autres encore des ruines.
Vers 1h44, juste avant l'arrivée des secours, une bombe explosive atteint la voie de chemin de fer près du viaduc du boulevard E, de Laveleye, faisant de nouvelles victimes dont Hubert GOFFIN (Voir le texte en annexe: "Un de chez nous"), Jeanne CHAINEUX, et Guillaume LAHAYE, ainsi que quatre autres personnes dans la rue de Londres, dont André MARIMI. A ce moment, on dénombre quatorze tués sur place.
Partout ce n'est que désolation. La Défense Passive, dont c'est la première intervention importante, s'en tire avec honneur, ses membres se dépensant sans compter, de même que les pompiers et policiers qui, au mépris du danger, s'aventurent, qui sur un balcon branlant pour sauver un gosse miraculeusement indemne, qui encore dans et même sous les ruines pour en retirer des blessés.
Vers 2h45, il se confirme qu'une bombe est bien tombée sur le 10 de la place des Nations, mais sans faire explosion. Elle a traversé la maison de part en part pour finalement s'arrêter dans la cuisine-cave, y provoquant une excavation d'un mètre de profondeur.
La Défense Passive, alertée par la Police, redoutant à juste raison d'autres bombes explosives non éclatées ou pire, des bombes à retardement, préconise l'évacuation immédiate de toute la zone sinistrée.
Il va sans dire, qu'en ces temps de guerre, toute action de la Police ou de la Défense Passive doit être justifiée par un rapport écrit et traduit adressé dans les plus brefs délais à l'autorité occupante, soit l'Oberfeldkommandantur-Lüttich en l'occurrence.
En début de nuit déjà, vers 1h40, le Major GRAFF, de l'Oberfeldkommandantur, et le Leutnant KAUFMANN, de la Feldgendarmerie-Lüttich ont été prévenus téléphoniquement. Ultérieurement, un rapport-bilan sera transmis au Hauptmann SEIDL, Verbindungsoffizier zur Luft (officier de liaison de l'aviation).
Revenons sur le boulevard E. de Laveleye, où les secours s'organisent. Les blessés reçoivent rapidement les premiers soins puis sont transférés au moyen d'ambulances et des deux camionnettes de Police-Secours vers le centre de secours de la Défense Passive, rue des Vennes, 59, ainsi que chez le Docteur DELNEUVILLE, rue des Vennes, 159. De là, les blessés les plus graves seront transférés vers les hôpitaux de Bavière et des Anglais.
De ces blessés, cinq décéderont le 10 juillet, un autre le 11 et un septième après le 17 juillet.
Il faut noter que la liste officielle comporte vingt-deux noms, mais elle reprend un ouvrier du chemin de fer blessé grièvement à Angleur et décédé à l'hôpital de Bavière.
Il y aura des victimes ailleurs qu'au quartier des Vennes; le bombardement aveugle de cette nuit du 9 au 10 juillet 1941 aura causé la mort de vingt-neuf personnes, dont vingt et une aux Vennes, une à Angleur, six à Chênée, une à Seraing. On dénombrera trente-quatre blessés graves, dont quatorze aux Vennes, douze à Chênée et six à Seraing.
Enfin, à 3h10, les sirènes de la ville font retentir le son lugubre et continu du signal de fin d'alerte aérienne.
C'est seulement vers 5h00 du matin que les employés du Service du Gaz arrivent pour fermer les conduites du boulevard.
Les services communaux s'affairent, on déblaye, on enlève ce que l'on peut. Plus tard, des déménageurs viendront enlever ce qui reste du mobilier de certaines maisons sinistrées mais encore debout.
De nombreux badauds sont venus au quartier des Vennes à pied, en vélo, en tram. Ils sont tenus à distance par un cordon de police, dont certains agents, venus de loin, n'ont même pas pris la peine de s'habiller complètement.
En début de matinée, les habitants de la zone sinistrée évacuent les maisons, nantis d'un maigre bagage. Certains vont se réfugier dans les sous-sols de l'église Saint-Vincent toute proche tandis que d'autres attendent assis sur les bancs du quai des Ardennes.
Déjà les journaux de l'occupation s'emparent de l'événement.
La politique ne perdant pas ses droits, un communiqué de presse met en exergue: "Initiative du Bourgmestre BOLOGNE en faveur des évacués de la rive droite: Le Bourgmestre du Grand-Liège, BOLOGNE, demande au Commissaire de Police en Chef de se mettre en rapport avec la Croix-Rouge, la Défense Passive et toutes les organisations, afin de procurer dès ce soir un logement aux sinistrés."
Il va sans dire que les précités et beaucoup d'autres n'avaient pas attendu "l'invitation" du sinistre BOLOGNE pour prendre des mesures en faveur des sinistrés et, à vrai dire, on ignore s'il y a eu des candidats au logement par l'entremise de BOLOGNE et de sa clique.
Dès ce matin du 10 juillet, une trentaine de policiers vont devoir surveiller jour et nuit la zone sinistrée, car hélas, il faut protéger contre les pillards les maigres restes appartenant aux évacués!
11 juillet 1941
Dans le quartier, on essaye de réparer ce qui peut encore l'être avec des moyens de fortune. Dans les familles des victimes, les proches veillent les défunts tout en se préparant pour les funérailles du lendemain. Des délégations d'enfants de l'Institut Saint-Ambroise vont rendre un dernier hommmage à leur condisciple André MARINI, qui était en classe gardienne à cette école (4).

(4) Je me souviens de cette visite rendue au domicile d'André MARINI. Je n'oublierai jamais son visage de petit ange italien, encadré de boucles noires contrastant avec la blancheur du coussin sur lequel il reposait. Je crois me souvenir qu'en un dernier sourire, les lèvres légèrement entr'ouvertes laissaient apparaître les dents dont une, en or peut-être, se remarquait particulièrement. Ce souvenir me reste en mémoire; j'avais sept ans lors de ce bombardement (Armand Collin).

12 juillet 1941
Ce samedi, peu avant 11 heures, sous un soleil ardent, les amis et la foule des parents se réunissent aux abords de l'église Saint-Vincent où vont être célébrées les funérailles des victimes du bombardement. Les enfants des écoles, sous la conduite des instituteurs, forment une haie le long de l'avenue Mahiels.
Peu après, les premiers corbillards arrivent, quelques-uns automobiles, les autres tirés par des chevaux. Lentement, à la file, ils viennent s'arrêter sur le parvis de l'église.
Les cercueils sont accueillis par le Curé J. HANNAY assisté de ses vicaires, puis pénètrent dans l'église où une haie d'honneur formée de membres de la Défense Passive, en salopette bleue et casque blanc, rend un dernier hommage.
Le premier cercueil est celui d'un enfant, il repose sur un drap marqué de la croix de Saint-André. Un peu plus loin, un autre, ancien combattant, est recouvert du drapeau national.
Le requiem sera chanté par les enfants des écoles de la paroisse revêtus d'une aube blanche et, après l'office, chaque famille quittera l'église pour accompagner son ou ses défunts, dont beaucoup seront inhumés à Robermont.
Les jours passent, le quartier des Vennes retrouve son calme habituel, la vie reprend son rythme de tous les jours, pas pour longtemps, car l'acte final n'est pas encore joué.
17 juillet 1941
Ce vendredi, en déblayant la citerne à eau de pluie du numéro 4 de la rue de Londres, des ouvriers découvrent une bombe de gros calibre fichée dans la paroi de la citerne. Elle est de teinte jaune et le col est cerclé de vert. Elle n'est plus entière, des débris de cette bombe avaient été découverts déjà dans la nuit du 9 au 10, ce qui avait fait croire qu'elle avait explosé. Les ouvriers préviennent la Police, qui alerte le Major HOUSSARD, commandant les pompiers de Liège et la Défense Passive. L'évacuation immédiate est ordonnée dans une zone de cent mètres soit la rue de Londres du 1 au 19, la rue de Spa du 2 au 26, le boulevard E. de Laveleye, côté pair entre les rues de Londres et de Spa, la place des Nations, au coin des mêmes rues. Immédiatement, un service d'ordre est mis en place et le Hauptmann SEIDL est mis au courant des faits pour décision.
18 juillet 1941
Ce matin, le Hauptmann SEIDL vient accompagné de deux soldats spécialistes pour examiner les deux bombes non explosées, une au 4 de la rue de Londres, l'autre au 10 de la place des Nations. Le Hauptmann décide de les faire exploser ce 18 au soir.
Il ordonne à la Défense Passive de déménager ce qui se trouve encore dans les deux immeubles, tandis que Monsieur MOUTSCHEN, l'architecte de la Ville de Liège, fait procéder au déblaiement.
Vers 18h00, le Hauptmann SEIDL donne des coups de sifflet répétés par le service d'ordre, la circulation est arrêtée, les habitants des environs sont invités à se mettre à l'abri. A 18h15, la bombe de la rue de Londres saute, suivie à 19h10 de celle de la place des Nations.
Les dégâts matériels sont importants sur cette place et les immeubles 10 et 11 ne sont plus habitables, tandis que les immeubles 3 et 4 de la rue de Londres pourront être réoccupés, les dégâts étant peu importants, l'explosion ayant eu lieu en dehors des immeubles. Peu à peu, les habitants du quartier réintégreront les maisons évacuées.
Le quartier des Vennes dans son ensemble a été durement touché en cette nuit du 9 au 10 juillet 1941, pas moins de trois cent quarante et un immeubles ont été endommagés. D'autres communes voisines ont aussi été touchées durement.
Ce bombardement, le premier sur l'agglomération liégeoise, remarquable tant par la diversité des engins tombés (bombes explosives, incendiaires, isolées ou en grappes, plaquettes incendiaires et fusées éclairantes) que par l'éparpillement des impacts sur une zone très étendue, amènera la question de savoir s'il n'était pas l'oeuvre de la Luftwaffe elle-même, dans un but de propagande anti-Royal Air Force (5).

(5) Les premiers bombardements nocturnes de la RAF sur la Ruhr ont eu lieu en juin 1941. La première offensive aérienne sur l'Allemagne s'est produite le 1er juillet 1941. L'occasion était bonne pour la Luftwaffe de mener une action psychologique en pays occupé et, par la même occasion, forcer les habitants à mieux occulter les fenêtres.

Quels sont les éléments matériels relevés? Ils sont peu nombreux et peuvent donner lieu à diverses interprétations:
o la bombe non explosée de la rue de Londres était de teinte jaune avec un col vert,
o sur le corps d'une bombe incendiaire intacte, on a pu déchiffrer, d'après "LA LEGIA", le mot "BURN ..." avec en dessous les fusils croisés et les lettres "B.S.A.". Trois fusils croisés est bien l'emblème de la British Small Arms, firme d'armement bien connue de Birmingham.
La question n'est pas résolue pour autant. S'il s'agit d'engins lancés par la RAF, pourquoi les Allemands n'ont-ils pas exposé ces engins récupérés? Pourquoi les font-ils sauter avant de les faire identifier par nos autorités?
Ne pourrait-il s'agir d'engins récupérés à bord d'avions anglais abattus et lancés par la Luftwaffe elle-même en cette période où les défauts d'occultation étaient sévèrement réprimés?
Pour justifier l'absence de riposte anti-aérienne, il faut rappeler qu'à cette époque, la garnison allemande était très faible à Liège, seuls quelques organismes étaient en poste dans le centre-ville. La D.C.A. (Flak) du plateau de Belleflamme, par exemple, ne sera en place que bien plus tard (1942).
L'auteur espère que ce récit, fruit de plusieurs mois de longues et patientes recherches, n'avivera pas trop la peine des parents et amis des victimes de cette nuit tragique.
L'histoire de la nuit tragique aux Vennes sera complétée ultérieurement par les informations qui nous seront fournies par les archives de la RAF, par les archives de la Luftwaffe, ainsi que par des renseignements en provenance du Service de Déminage de l'Armée belge. D'autres témoignages et documents sont aussi attendus.
Amis lecteurs, si vous avez vécu cet événement, si vous détenez un document ou une photo d'époque, votre concours sera le bienvenu afin de rendre cette enquête aussi complète que possible.
Armand COLLIN, rue des Croix de Guerre, 25, 4020 LIEGE.
Photo
UN DE CHEZ NOUS: Hubert GOFFIN
Cette nuit du 9 au 10 juillet 1941, tout comme les autres habitants du quartier des Vennes, Hubert GOFFIN et sa famille sont réveillés vers 1h00 du matin par le survol de la ville d'un carrousel aérien.
Vers 1h30, c'est la chute des bombes à Froidmont, boulevard Emile de Laveleye, 48 et sur le remblai du chemin de fer place des Nations. De son domicile, au 87 boulevard Emile de Laveleye, Hubert GOFFIN entend les cris et les appels au secours des blessés gisant ou courant en tous sens sur le boulevard, au-delà du pont de chemin de fer, vers la rue de Londres. Cette scène se déroule sous la lueur blafarde d'une fusée-parachute qui descend lentement du ciel.
Peu après, n'écoutant que sa conscience, il décide de sortir afin d'aller porter secours aux malheureuses victimes des bombes. Il n'écoutera pas son voisin, Monsieur MASSOZ, qui lui dit: "Hubert, n'y va pas, tu as cinq enfants!". Il sortira quand même, sans pouvoir hélas aller bien loin. Au moment où il arrive au carrefour de la rue Saint-Vincent, une bombe tombe et explose sur les voies du chemin de fer, près du pont qui surplombe le boulevard. Cette bombe projette partout des éclats et des pierres du ballast de la voie; les immeubles du boulevard, du 91 à la rue Saint-Vincent, sont endommagés par ces projectiles. Plus grave, Hubert GOFFIN est lui aussi atteint, de même qu'une jeune dame demeurant au 105 du boulevard. Cette bombe tue et blesse encore des personnes errant sur le boulevard, encore toutes hébétées par la chute de la bombe devant le 48.
Hubert GOFFIN est gravement atteint au ventre; dans un ultime effort, il se traîne jusqu'à la porte de garage du 95A du boulevard, chez Monsieur PRADES, et s'y réfugie. Peu de temps après, la Croix-Rouge le prend en charge et le transfère à l'Hôpital des Anglais où il décédera entre 3 et 4 heures ce même jour.
Lors des funérailles à l'église Saint-Vincent, il sera recouvert du drapeau national. Il était ancien combattant, titulaire de neuf décorations nationales ainsi que de la Légion d'Honneur de France.
Voilà, brièvement racontée, l'histoire d'un homme victime de son sens du devoir. Il a de qui tenir, Hubert GOFFIN. Il est en effet descendant en ligne directe du célèbre maître-mineur de la mine Beaujonc, cet autre Hubert GOFFIN qui, lors d'une catastrophe minière le 28 février 1812, en compagnie de son fils Mathieu, alors âgé de 12 ans, sauva de nombreuses vies humaines.
Ci-après, nos lecteurs trouveront copie de la première page de LA LEGIA du 10 juillet 1941. Dans le texte des pages suivantes de ce journal de la collaboration, on trouve, sous la signature de VINALMONT: "Liège vient de payer un nouveau tribut à la gloire de la RAF. C'est une quantité énorme de projectiles qui furent cette nuit déversés sur notre cité et sa banlieue ..."
Plus loin, on lit: "VERVIERS. ENCORE l'OCCULTATION. En dépit de l'avertissement qu'a constitué le bombardement d'une localité proche, il est encore des Verviétois qui négligent d'observer les règlements relatifs à l'occultation ..."
La Légia
Porte d'entrée de la LINALUX où les gens de Froidmont vont sonner, rue de Spa, n° 1. Ce bâtiment actuellement à l'abandon, porte le n° 70-72 actuel du boulevard E. de Laveleye, au coin de la rue de Spa
Les dégâts aux maisons portant les n° 50, 48 et 46 du boulevard E. de Laveleye
Les dégâts aux maisons n° 13 à 19 de la rue de Londres. A l'arrière-plan, la place des Nations devenues place des Nations Unies
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Patrice ERLER - Site pour système d'arme A4 (V2) à Hollogne aux Pièrres

INTRODUCTION
Nous avons reçu une demande de renseignements, concernant le stockage de V2 à Hollogne-aux-Pierres, selon des documents allemands du 7.11.1943 et du 13.2.1944.
Elle émane du Parc Naturel Régional Nord - Pas de Calais, qui projette d'aménager un Musée Européen de la Seconde Guerre Mondiale. Dans celui-ci, une section sera consacrée aux ARMES SECRETES ALLEMANDES ET CONSTRUCTIONS SPECIALES (Logistique du déploiement des armes V,) (1).

(1) Bulletin d'information du CLHAM, Juin 1989, Tome IV, fasc. 2, page 12

La demande de renseignements comporte un descriptif succinct du site et un questionnaire.
Descriptif du site:
- Emplacement: HOLLOGNE - LIEGE (quasi terminé le 15.8.44) - Code 1403.
- Système d'arme: A4 (V2).
- Affectation: dépôt de stockage.
- Type de construction: souterraine (tunnel).
Documents annexés:
- lettre 64/43 du 7.11.43 de l'Inspek, der L. West;
- lettre 130/44 du 13.2.44 du General Kommando du LXV A.K.
Liste des questions:
Commencement des travaux, fin des travaux, date de la Libération, état à la Libération, état actuel, volume approximatif de béton (m³), dates des bombardements, dégâts infligés, pertes population civile, importance main d'oeuvre, origine main d'oeuvre, informations complémentaires, témoignages.
C'est dans la lettre 64/43 du 7.11.1943 que le site est défini; nous citerons seulement ce qui concerne Liège (Voir annexes 1a et 1b, copie intégrale de la lettre):
"Im Bereich des AOK, 15. Ort: Luttich - Zu schutzendes Objekt: O2 - Werk u. O2 - Tanklager (benôtigte Krâfte: 1 Kp.) - Tunnel, 2 gleisig, Hallogne in Lüttich, an der Strecke Lüttich - Ans - Landen, Länge 720 m (benötigte Kräfte 1 Zug) -Vorauss. Zeitpunkt des Einsatzes: 31.12.43"
La lettre émanait de l'Inspecteur de la Régionale Ouest - Sous-chef d'Etat-Major; classifié SECRET - UNIQUEMENT POUR OFFICIERS, et était adressée au Chef d'Etat-Major, Haut Commandement Général de l'Ouest, M. le Lieutenant-Général BLUMENTRITT (2):

(2) BLUMENTRITT, Gunther, général allemand, chef d'état-major du Haut Commandement de l'Ouest, ayant le contrôle total de la planification de l'OKW, en 1943-1944. (OKW: Oberkommando der Wehrmacht = Haut Commandement des Forces armées).

"Dans la zone AOK 15 (3) - Lieu: Liège - Objet à défendre: Usine O2 et dépôts de réservoirs O2 (effectif: 1 Cie) - Tunnel à 2 voies, HOLLOGNE près de LIEGE, sur ligne LIEGE - ANS - LANDEN, longueur 720 m (effectif: 1 Pel.) - Date de prévision opérationnelle: le 31.12.43"

(3) AOK 15: ARMEEOBERKOMMANDO 15; "Im Bereich des AOK 15" = Dans la zone du Commandement supérieur de la 15e Armée (Armée d'occupation NORD-OUEST en 1943-1944).

Nous pensons que le tunnel est celui de la ligne 36A FEXHE-LE-HAUT-CLOCHER - KINKEMPOIS, sis à HOLLOGNE-AUX-PIERRES (tête aval côté GROSSES PIERRES).
Nous allons étudier le site ci-après.
LES SYSTEMES D'ARMES TYPE "V"
Nous allons dans ce chapitre définir les systèmes d'armes du type en présentant les caractéristiques essentielles.
Les Allemands développèrent pendant la Seconde Guerre mondiale des systèmes d'armes, baptisées par A. HITLER "VERGELTUNGWAFFEN" (Armes de représailles - en diminutif "V"). Elles furent conçues pour être lancées sur l'Angleterre. Elles étaient de deux types, le V1, missile-avion sans pilote, et le V2 - A4, fusée stratosphérique et supersonique.
Elles furent également utilisées contre nos villes (ANVERS et LIEGE principalement), quand les Allemands furent repoussés dans leurs frontières par les armées alliées (1944-1945).
Le V1 - Missile-Avion sans pilote
Le V1 fut développé au centre de recherches sur les planeurs de la Luftwaffe, à Darmstadt, puis le projet fut transféré à Peenemünde, en 1942, quand il fut nécessaire d'effectuer les essais en vol.
Ce missile-avion sans pilote avait le moteur fixé sur un pylône au-dessus des petits plans, et la pointe avant portait 840 Kg d'explosif à grande puissance avec fusée d'impact. Le moteur était du type pulsoréacteur (4). Le guidage était assuré par un mécanisme préréglé (guidage gyroscopique).

(4) Pulsoréacteur: moteur à réaction constitué par une tuyère au sein de laquelle la combustion s'opère de façon discontinue, l'entrée d'air étant commandée par des volets mobiles, pour chaque nouvelle combustion. Ce qui explique le bruit caractéristique du V1, "ressemblant" à celui d'une moto.

La production en chaîne commença en mars 1944.
Volant en ligne droite et à altitude constante, à la vitesse de 500 à 650 Km/h, ils constituaient une cible facile pour l'artillerie AA, et les chasseurs alliés.
Le V1 était difficile à mettre en batterie, nécessitant une rampe de lancement bétonnée et un réglage très précis pour le pilote automatique. Portée de 210 Km et précision de l'ordre de 13 Km.
Bombes V1
Les bombes volantes connues sous le nom de "Robot" s'appellent en réalité "Vergeltungswaffen" (Armes de représailles) - Diminutif: V
Programme V1: 18.000 bombes (du 13 juin 1944 au 29 mars 1945)
Programme V2: 3.000 bombes (du 8 août 1944 au 29 mars 1945)
Le V2 - A4 - Missile fusée stratosphérique.
Le V2 fut construit à Peenemünde sous l'impulsion de Werner von Braun, l'expert allemand des fusées. Celui-ci dirigera, après la guerre, le programme moderne de l'Aérospatiale des Etats-Unis.
Le 3 octobre 1942, un exemplaire fut tiré avec succès et alla toucher terre à plus de 190 Km du site de lancement. C'était la grande première mondiale du lancement des fusées géantes à carburant liquide. Les Alliés n'en possédaient alors aucun élément, ni même aucun projet.
Le 8 septembre 1944, le premier V2 était lancé sur l'Angleterre.
Le missile-fusée a été conçu sur base de la fusée géante A4: 14 m de long, poids de 12 tonnes, poussée de 25 tonnes. Il emportait une charge d'une tonne d'explosif très puissant et tombait sur l'objectif à la vitesse supersonique de 3.500 Km/h, ce qui ne permettait ni sa détection au son, ni aucune parade efficace. Ses moteurs commandés par radio lui permettaient d'atteindre 120 Km d'altitude et plus de 340 Km de portée.
Le V2 pouvait être mis en oeuvre au départ d'unités mobiles: camion plate-forme de tir, camion de mise à feu, camions de contrôle, camions avec carburants spéciaux. Cependant celles-ci devaient s'appuyer sur des sites recevant la logistique du déploiement des V2 (stockage - dépôts de carburant tels que réservoirs d'oxygène, réservoirs d'alcool - etc.)
Ces sites devaient être protégés des bombardements alliés et on comprend ici l'importance que pouvait avoir le tunnel de Hollogne, qui était voisin du fort de Hollogne et de l'ancien aérodrome militaire de Bierset.
NOTES
"L'invisible ennemi" p 40 à 45, in Coll. Les Documents Hachette N° 2 - Les Armes Secrètes Allemandes - 1976.
Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale et de ses origines, Jean Dumont - Historama Paris 1971 - . 211 à 214.
NOTA BENE
Il n'est pas inutile de rappeler que du 20 novembre 1944 au 31 janvier 1945, 931 V1 et V2 sont tombés sur la région liégeoise, faisant 1.025 morts et 2.000 blessés.
La situation fut pénible jusqu'au 29 mars 1945. A cette date, on dénombra 1.592 chutes de V1 et V2 sur la région, dont 500 sur le centre. Le bilan tragique était de 1.649 morts et de plus de 2.500 blessés.
On compta en région liégeoise 2.800 maisons totalement détruites, plus de 20.000 logements rendus inhabitables et 72.000 habitations endommagées.
- Ref: Journal "La Wallonie" du vendredi 8 septembre 1989 dans la rubrique" Septembre 1944: Liège libérée",
- Voir annexe 2, Liège et environs, points d'impact des bombes volantes et bombes allemandes.
photo
EMPLACEMENT DU SITE
Hollogne-aux-Pierres, Province de Liège, Belgique.
Le tunnel du chemin de fer, ligne 36 A, FEXHE-LE-HAUT-CLOCHER - KINKEMPOIS, est situé entre les lieux-dits de la VALISE et AUX GROSSES PIERRES (Vieux Chafour).
Le tunnel est voisin de l'ancien fort de Hollogne (PFL 1914) et de l'ancien aérodrome militaire de Bierset.
Actuellement il est surplombé par les échangeurs des autoroutes E 41 MONS - LIEGE et BIERSET - SERAING.
La commune de Hollogne-aux-Pierres est fusionnée avec les communes de Grâce-Berleur (1970), Bierset, Velroux, Horion-Hozémont et Crotteux (depuis 1976). Le nom de cette nouvelle entité est GRACE-HOLLOGNE.
Voir cartes
extrait de la carte IGMB 1975 M.834 F 42: 1-2, Ech. 1/25.000
extrait de la carte officielle communale de Grâce-Hollogne du 02.03.1987, Ech. 1/15.000.
carte réalisée d'après une carte de l'Institut Cartographique Militaire de 1932
DONNEES CREDITANT LE SITE
Nous pensons que le tunnel dont il est question dans les documents allemands est bien celui de HOLLOGNE-AUX-PIERRES. En effet, selon certains témoignages, les Allemands y auraient réalisé des travaux de bétonnage et des gardes empêchaient l'accès du site à la population.
La ligne 36 A permet la déviation de la ligne Liège - Ans - Landen via Fexhe-le-Haut-Clocher vers Kinkempois des convois industriels en évitant le centre "Station des Guillemins". Cette ligne a été mise en service en 1939, après l'explosion accidentelle du pont du Val-Benoît. (5)

(5) M.LAMBOU, 150e anniversaire du rail dans la province de Liège, juin 1988, p. 64 (Ligne Liège - Ans - Landen = Ligne Liège - Bruxelles).

C'était par chemin de fer que devaient directement arriver d'Allemagne les fusées A4. Leur voyage devait se faire à vide, pour éviter les risques de bombardement et donc d'explosion (6). Elles auraient été alimentées en carburant sous le tunnel, puis conduites sur un site de mise à feu. On peut lire également dans la lettre 64/43:
"Daruber hinaus sind zu schutzen: (Sur ces sites, on doit fixer pour la défense)
1. Im Bereich des AOK 15 (Dans la zone du Commandement supérieur de la 15e Armée):
a) Feuerstellungen, Zahl Iiegt noch nicht fest, Feldmässig (Zones de mise à feu, le nombre n'est pas encore prévu, nombreux champs)
Le tunnel était entouré de nombreux champs qui auraient pu accueillir les unités mobiles de lancement
b) Feuerstellungen, Festungsmässig: Ersatz KNW. Wizernes KNW. (Watten). (Zones de mise à feu, nombreuses fortifications: Réserve KNW - Wizernes KNW. (Watten)).
2. KNW / Kommando Nord West - Commandement Nord-Ouest.
a) Wizernes: commune du département du Pas-de-Calais, à 6 Km de Saint-Omer. On y trouve le vaste complexe inachevé de tir de V2 construit par les Allemands en 1943-1944.
b) Watten: commune du nord de la France, à 30 Km de Dunkerque, où fut construit un bunker de lancement de fusées. L'ouvrage fut détruit par la RAF en août 1943. Watten fut remplacé par Wizernes (7). Le site de Hollogne devait constituer une réserve pour la zone arrière (Reserve KNW)

(6) Dossier de l'Histoire, Les Armes Secrètes, par D. BALDENSPERGER, Ed. Rouff, 1969, p. 91. Notons que la ligne 36A donne accès via Kinkempois aux lignes vers Aix-la-Chapelle, vers Visé, vers Verviers et vers Namur.

(7) Idem, p. 90.

La fusée exigeait un minimum d'installations au sol, tels que "Lettre 64/43: usines O2 et dépôts de réservoirs O2", à l'épreuve des bombes. (Voir les systèmes d'armes type "V" - V2-A4, p,32).
On devait prévoir un ravitaillement important en pièces détachées, étant donné la sensibilité de l'agencement intérieur de la fusée et la technologie du pilotage automatique (8). On devait donc prévoir des zones de stockage protégées. Le tunnel est à une faible distance du fort de Hollogne. Celui-ci était déjà depuis 1928 un dépôt pour l'armée belge (9).

(8) Idem, p.81.

(9) ERLER P., Le Fort de Hollogne dans la PFL en 1914, Ed. Commission Historique de Grâce-Hollogne, 1989, p. 82.

Outre l'accès par chemin de fer, le site était accessible par la voie aérienne. Il est proche de l'ancien aérodrome militaire de Bierset (latitude 50°39'N, longitude 05°28'E) (10). Les Allemands y étaient installés depuis 1940. Les installations étaient camouflées. Non loin de là, sur le terril du Corbeau, des batteries de DCA furent installées en 1943 (11).

(10) HEPTIA T., SLt d'Aviation, Historique de la Base de Bierset de 1914 à 1989, Ed. 1990, p. 8.

11) Idem, p. 79.

En juin 1944, les Alliés débarquèrent en Normandie; leur avance allait être rapide. Paris libéré, les Alliés sont sur la Seine fin août 1944. Les rampes de lancement des V1 et les sites pour armes A4-V2 étaient directement menacés. Les rampes étaient sabotées, tandis que les hommes et le matériel prenaient le chemin de la Belgique (12). (Peut-être Hollogne?)

(12) D. BALDENSPERGER, op. cit., p. 109.

Mais le front reculait encore, des V2 étaient transférés sur le sol hollandais.
Hitler, n'ayant pu mettre à genoux les Anglais, brûlait de les soumettre au bombardement des V2. Le 8 septembre 1944, le premier V2 tombait sur la capitale britannique.
En décembre 1944, l'Allemagne s'était repliée dans ses frontières, en dehors desquelles elle ne conservait que des lambeaux de territoire. Les tirs de V1 et V2 se poursuivaient et visaient des villes comme Anvers (où débarquaient hommes, munitions et matériels de renfort pour les Alliés) et Liège (important noeud de communications).
Dernier soubresaut de l'Allemagne avec l'offensive des Ardennes, puis le 8 mai 1945, celle-ci capitulait. Signalons que, parmi les dernières troupes à se rendre, figuraient des groupes de lancement de V1 et V2 (13).

(13) Idem, p. 135.

CONSTRUCTION DE LA LIGNE 36A ET DU TUNNEL DE HOLLOGNE.
Des projets de lignes évitant les plans inclinés et la gare des Guillemins furent très tôt mis à l'étude. En 1887, le député SOMME proposa un tracé Bruxelles - Mainz, passant par Fexhe - Kinkempois - Angleur, mais, devant l'opposition de Liège (les trains internationaux éviteraient les Guillemins), la proposition fut refusée (14).

(14) M. LAMBOU, op. cit., p. 53.

L'ingénieur CHARLES proposa en 1899 un nouveau tracé, au départ de Bierset, avec la construction d'une nouvelle gare principale à Liège (15). Le sujet était sérieux et on menait régulièrement des discussions dans les milieux concernés.

(15) idem, p. 53.

Un ministre, quelques années avant, suite à une interpellation, donna une réponse qui allait conduire le gouvernement à son futur choix: "Il est rationnel et raisonnable de veiller sur les lignes encore à réaliser, à ce que le meilleur profil et la distance la plus courte aient la priorité." (16).

(16) idem, p, 54.

En 1902, le gouvernement avisa la Commission du Budget que l'administration choisissait la ligne de Fexhe (17).

(17) idem, p. 54.

Le 4 avril 1903, M. MATHIELS, ingénieur, déposa à la Direction des Chemins de Fer, un plan détaillé du tracé FEXHE - RENORY - KINKEMPOIS (18). Les études et le bornage du terrain furent alors réalisés. La discussion à la Chambre du budget pour 1913, donna priorité à la construction de la ligne, pour laquelle presque tous les terrains avaient déjà été achetés (19). Celle-ci avait déjà coûté près de 2.066.620 francs (20). Le premier conflit mondial va mettre un point d'arrêt aux premiers travaux.

(18) idem, p. 55.

(19) idem, p. 60.

(20) idem, p. 61.

Notons que l'on devait construire plusieurs grands ouvrages, comme le pont de RENORY, le viaduc de SCLESSIN, le tunnel de "SOUS-LES-VIGNES", le tunnel du CORBEAU et le tunnel de HOLLOGNE-AUX-PIERRES.
La construction de l'assise de la plate-forme et l'accès au tunnel de Hollogne (remblai de la vallée qui séparait Grâce-Berleur de Hollogne-aux-Pierres) furent réalisés à partir de 1920 (21).

(21) J. MOORS, "Grâce à ces Images, Hollogne Se Souvient", Lesire 1986, p. 117.

Pour le percement du tunnel, ce fut le 13 mars 1923 que l'ingénieur en chef, directeur du Service Infrastructure des Chemins de Fer, engagea l'opération sous le numéro 1.171 B. L'étude fut réalisée par le Service des Voies et Travaux - Section spéciale des Chemins de Fer de l'Etat en Construction et à l'Etude. Celle-ci fut approuvée à Bruxelles le 20 juin 1923 par l'administrateur du Comité de Direction. Les travaux furent acceptés par l'entrepreneur le 29 septembre 1923. Le 4 juillet 1928, celui-ci accepta des modifications pour la réalisation d'un dispositif de destruction (pour le compte de l'armée belge), et la transformation de la plate-forme, amenant une refonte totale du tunnel (voir descriptif du tunnel). Les modifications avaient été notifiées par l'Inspecteur Technique des Chemins de Fer le 12 juin 1928 (22).

(22) Quelques plans concernant le tunnel ont pu être consultés aux Archives microfilmées du Service Infrastructure de la SNCB Liège, District Sud-Est. (Farde 85 - Ouvrages d'Art - section K90 - plans 4/5 - série n° 1 à 6). Y étaient notées les dates que nous citons, ainsi que le n° d'opération.

Les travaux furent exécutés par la S.A. PONTS, TUNNELS ET TERRASSEMENTS DE BRUXELLES (S.A.P.T.T.B.). La maîtrise et la main-d'oeuvre spécialisée faisaient partie du personnel de la S.A.P.T.T.B.. La main-d'oeuvre non qualifiée fut recrutée en grand nombre en Italie, Yougoslavie et Tchécoslovaquie. Une grue à vapeur aida les ouvriers dans ce travail gigantesque, qui fut exécuté pour beaucoup par des travaux manuels (23).

(23) J. MOORS, op. cit., p. 117. On peut voir dans l'ouvrage de J. Moors des photos rares de la construction du tunnel et de son accès, p. 116-117.

Fin des années 30, tous les terrassements (remblais et déblais), tous les ouvrages d'art (ponts, viaducs, tunnels) formant la plate-forme (INFRASTRUCTURE), étaient terminés.
Le 31 août 1939, le pont du VAL BENOIT sautait à la suite d'un orage violent, ses mines ayant été mises à feu par la foudre. La ligne Fexhe - Kinkempois, restée jusqu'alors sans emploi, fut mise en service en 13 jours (montage de la SUPERSTRUCTURE, c'est-à-dire tout ce qui était nécessaire à la circulation des trains et à l'exploitation de la ligne). Le premier train de marchandises passait le 15 septembre 1939 et le premier train de voyageurs le 18 septembre (24).

(24) M. LAMBOU, op. cit., p. 64.

La ligne 36A est à double voie. Celle-ci a une importance stratégique non négligeable; elle relie le plateau hesbignon à la vallée liégeoise (notamment les zones industrielles de RENORY, OUGREE et SERAING). Elle est encore en activité et permet toujours la déviation du Centre (Station Guillemins) des convois industriels, et le cas échéant, constitue une solution de délestage des plans inclinés (25).

(25) idem, p. 61.

La ligne a été électrifiée en 1956 (26).

(26) idem, p. 3.

DESCRIPTIF DU TUNNEL
Le tronçon dit "TUNNEL de HOLLOGNE-AUX-PIERRES" est compris entre les cumulées 1.418 et 2.673, soit 1.255 m de long. Celui-ci comporte trois ouvrages d'art: le tunnel sous la rue de Bierset, le tunnel de Hollogne et le pont Sainte-Anne (27).

(27) Les cumulées sont comptées au départ d'un point "0" situé à la gare de Voroux-Fexhe.

Le projet de 1923 prévoyait la construction d'un grand tunnel, de 890 m de long, entre les cumulées 1.550 et 2.440. Cependant on avait négligé la proximité, du côté "Awans", de la rue de Bierset qui nécessitait la réalisation d'un petit tunnel. D'autre part, au même endroit sur le tracé de la ligne, le terrain présentait une faible déclivité (entre 175,3 et 178 m d'altitude sur une distance de 200 m) (28). Du côté "Hollogne", à la tête aval, on devait réaliser des contreforts sous l'axe de la rue des Grosses Pierres.

(28) Cotes relevées sur plan 42 : 1-7 du Ministère des Travaux Publics et de la Reconstruction de 1947.

En 1928, l'inspection technique des chemins de fer décidait de faire modifier la plate-forme (radier) et la structure du tunnel. Celui-ci fut construit entre les cumulées 1.759,5 et 2.484,5. Il mesure en définitive 725 m de long. Côté "Awans", on réalisa une tranchée entre le tunnel rue de Bierset et la tête amont du tunnel de Hollogne. La tête aval était déplacée de 65 m par rapport à l'axe rue Grosses Pierres, évitant ainsi la construction des contreforts. La tranchée côté "Awans" mesure 215 m; celle côté "Hollogne", entre tête aval et tête de pont Sainte-Anne, 107,5 m (29).

(29) Idem.

VOIR PLANS
Plan réalisé d'après la carte 42 : 1-7 du Ministère des Travaux Publics et de la Reconstruction, de 1947 (annexe 6)
Plan schématique: développement linéaire du tronçon (annexe 7)
Voir photos réalisées par la Commission Historique en 1989.

Remarque: pour les légendes, nous avons utilisé les noms des communes et rues correspondant à la situation pendant la guerre. La voûte est constituée de moellons de grès épincés et a une épaisseur de 0,70 m. Aux joints des têtes amont et aval du tunnel et des talus supérieurs, la voûte est protégée des infiltrations d'eau par une chape de mortier de ciment, en deux couches avec isolant bitumé.

Aux entrées du tunnel, le parement des piédroits est en moellons de grès épincés. Les piédroits intérieurs ont été réalisés en béton. Les voussoirs et le parement des têtes du tunnel sont entièrement réalisés en moellons de grès épincés.
Il existe des niches pour la protection du personnel des chemins de fer travaillant sur les voies, lors du passage d'un convoi. Les niches sont distantes l'une de l'autre du même côté et d'axe en axe, de 15 m ; d'axe en axe, d'un côté par rapport à l'autre, de 7,80 m.
Le ballast a une épaisseur moyenne de 0,60 m. L'assise du tunnel est en béton et gros gravier et a une épaisseur moyenne de 0,80 m. De chaque côté du tunnel, on trouve un caniveau (30).
La ligne est du type à voies normales. L'écartement des rails est de 1,435 m.

(30) Les cotes que nous citons ont été relevées sur les plans de la SNCB: Farde 85 Ouvrages d'art - Section K90 - plans 4/5 - série n° I à 6. Essentiellement le plan 4/5 n° 6 qui présente les modifications adoptées en 1928.

Le tunnel présente un tracé courbe et en déclivité (point haut tête amont). De cet état, on constate que celui-ci présente une hauteur du bord des rails à la voûte à l'axe du tunnel variant entre 6,20 m et 6,70 m et une largeur à la base variant entre 8,66 m et 9,16 m.

Remarque: il existe un dispositif de destruction, présenté sur les plans 4/5 n° 4 et 5.

NB: Les travaux et l'occupation du tunnel par l'armée allemande (1941-1944) feront l'objet d'un prochain article.

Un V2 en position de tir
ANNEXES
Annexe 1a
Annexe 1b
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Annexe 5
Annexe 6
Annexe 7
De l'entrée du tunnel (tête aval) la tranchée côté Grosses Pierres
Vue sur le site modifié par les travaux autoroutiers et sur le pont "Sainte-Anne". A l'arrière-plan, l'entrée du tunnel
Tranchée côté "AWANS", vue sur la rue de Bierset (actuellement chaussée de Liège) et, à l'extrême-gauche, le site de l'ancien aérodrome militaire
La tranchée côté "AWANS" vue du massif du petit tunnel
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F. GERSAY - LES AVENTURIERS 3/7

FORMATION DES AVENTURIERS
"The right man in the right place."
Juin 1943, quelque part du côté de LIVERPOOL.
Le colonel P..., directeur du Centre d'Entraînement de... reçoit les éléments gratinés mais disparates qui seront appelés à suivre la formation qu'il prodigue.
Son discours d'entrée ne caresse personne dans le sens du poil. Il ne laisse aucune illusion à ceux qui se seraient fourvoyés plus loin qu'il n'aurait fallu.
Il reste que les tests psychologiques spéciaux auxquels chaque candidat sera soumis, quels que soient les résultat obtenus, lui resteront obstinément dans la mémoire. Il oubliera les incidents de parcours de sa guerre personnelle, l'âge aidant, mais il conservera le souvenir de ces épreuves qui le mettront tout nu psychologiquement, face à des spécialistes supérieurement formés pour éviter les erreurs dans le choix des hommes à mettre où il faut.
On essayera, avec toute l'humilité qui convient, de donner sous forme anecdotique une idée du genre d'entraînement, d'exercices, de tests psychologiques et d'épreuves physiques, sans oublier le reste.
La formation préliminaire, éliminatoire, était la même pour tous.
Les résultats obtenus dans les divers aspects de la formation par chaque volontaire permettaient à l'échelon supérieur des décisions sans appel. Ceux qui tombaient trop court retournaient d'où ils venaient, le plus souvent dans leur unité d'origine. Ceux qui réussissaient les épreuves étaient alors triés pour une formation complémentaire spécifique. Les capacités particulières dont ils avaient fait éventuellement preuve les orientaient vers: Commandos (Ashnascarry) - ARA - Renseignement - Communication radio - Codage - Hans School - Sabotage - Missions Spéciales, subordonnées à la connaissance approfondie d'une ou plusieurs langues étrangères.
Les noms et nationalités de chaque candidat restaient secrets. On était doté d'un numéro qui tenait lieu d'identité. C'était sous ce numéro qu'on était connu, qu'on rendait compte, qu'on recevait les ordres et passait les épreuves de sortie.
A la fin des cours, les "lauréats", si l'on peut dire, se voyaient dirigés vers leur destin. Ils étaient alors revêtus d'un grade et portaient l'uniforme approprié. Ils étaient détachés des forces armées de leur pays et invités à passer chez un tailleur civil qui les habillaient. Ils endossaient l'uniforme ou le complet veston selon les circonstances et les instructions.
Discours du Colonel P.(Le plus fidèlement possible après 43 ans.)
"Messieurs,
"Merci d'avoir fait acte de candidature. Après un premier examen superficiel, vous avez été sélectionnés en vue d'une mission spéciale éventuelle. Elle ne vous sera pas confiée d'emblée. Vous en comprendrez sans difficultés les raisons.
"Votre présence ici démontre que le courage est une qualité qui ne manque à aucun d'entre vous. Mais si elle est indispensable, elle n'est, hélas, pas suffisante par elle-même. Il faudra y joindre d'autres éléments destinés à assurer le succès de la mission. Ils ne sont pas l'apanage de tout le monde, mais une formation suffisante peut, après un entraînement convenable, amener le succès.
Vous êtes ici pour recevoir une formation militaire spéciale. Elle va vous être fournie et vous devrez faire preuve de vos capacités d'action, d'efficacité, d'initiative et de conscience des responsabilités qui, pour certains d'entre vous, pourraient s'avérer très lourdes.
"Car, indépendamment du coût financier qu'elles entraînent, il faut aussi tenir un compte aussi serré que possible des conséquences souvent imprévisibles que peuvent avoir les erreurs humaines. Ici la bonne volonté et le dévouement ne sont plus suffisants.
"Tout cela va demander à vos instructeurs des décisions souvent difficiles, des choix qui seront essentiellement basés sur les résultats des épreuves que vous allez subir, d'une part, et d'autre part, sur l'impression générale que vous dégagerez dans l'ambiance du milieu où vous allez vivre quelques temps.
"Cependant, soyez-en bien persuadés, quels que soient les résultats des essais que vous allez personnellement subir, vos mérites personnels en cas d'échec ne seront aucunement mis en cause. Il y a parfois ici beaucoup d'appelés et, il faut bien le dire, parfois peu d'élus.
"Avant toutes choses, imprégnez-vous bien de l'idée que vous ne serez pas des parachutistes ordinaires. On vous demandera souvent plus que la normale. Vous devrez progresser en un temps record. Le temps presse, vous le savez bien! Ce qui demanderait plusieurs mois d'entraînement intensif à un paratroop, vous devrez le réaliser en un maximum de trois semaines. Les exercices se borneront à un saut au tremplin et 5 sauts à partir d'avions semblables à ceux qui vous transporteront en cours d'opération. Il y aura des parachutages de nuit et par ballon, en cas de brouillard notamment.
"Mais avant d'en arriver à ce qui sera le complément de votre formation, vous devrez satisfaire à une série de tests psychologiques et autres, qui détermineront vos capacités spécifiques ainsi que vos aptitudes particulières à mener à bien tel ou tel genre de travail. Cela alternera avec des épreuves physiques et prendra en moyenne trois bonnes semaines supplémentaires. En outre, le programme normal para-commando de base sera poursuivi dans un sens précis qui vous apparaîtra sur le terrain. Ici encore, vous ne serez pas des commandos ordinaires.
"L'accent sera, bien entendu, porté également sur la défense individuelle, le combat rapproché, le tir aux différentes armes légères et... le combat à l'arme blanche qui, comme vous le savez, évite quand il le faut les bruits inutiles.
"Vous apprendrez de nouveaux moyens d'agir efficacement dans le silence et la rapidité. Vous assimilerez aussi, chose indispensable à certains d'entre vous, des notions suffisantes en matière d'explosifs.
"Quelques-uns seront dirigés plus spécifiquement sur le renseignement: obtention, codage et transmission. Ce seront des opérateurs-radio.
"Au cours de votre séjour au Centre, du personnel s'occupera de l'entretien de vos équipements, uniformes, brodequins, linge, vêtements, etc. Ces détails ne vous incombent pas.
"Vous ne recevrez ici, en principe, que le courrier administratif éventuel. Vous en comprenez évidemment les raisons!
"L'entraînement proprement dit débutera demain matin dès le lever. Avant le déjeuner, l'habitude de la maison est de faire vingt minutes de gymnastique, torse nu, au dehors, pour se réveiller éventuellement les idées. C'est là un moyen efficace de se maintenir en forme avant les fatigues de la journée. Il a fait ses preuves. Des exercices de nuit sont également prévus.
"En principe, au mess, vous trouverez de la bière et de l'alcool. Je vous conseille de ne pas exagérer à ce sujet. Vous aurez, croyez-en ma vieille expérience, besoin de toutes vos ressources physiques, mentales et morales, pour assurer la réussite de votre volontariat. Ne perdez pas de vue, j'y insiste, que seule une proportion variable parmi les candidat émerge et se voit retenue. Il n'y a pas de pourcentage fixe d'échecs. Il est tenu compte de tous les éléments. Chacun est jugé sur ses mérites et sa valeur selon des critères d'admission sévères, comme il se doit, mais qui ne se réfèrent aucunement à des appréciations sentimentales.
"Vous avez sans doute déjà pris connaissance de votre numéro. Il vous servira d'indicatif personnel. Vous remarquerez dans le hall, en sortant, un tableau que vous serez appelés à consulter souvent. C'est lui qui vous renseignera sur les activités qui sont prévues pour chacun d'entre vous. Les heures y sont clairement indiquées. La ponctualité est de rigueur.
"Vous le remarquerez, certains exercices seront à exécuter individuellement, d'autres le seront en équipe. Les cours donnés sont soit pratiques, soit oraux. Vous serez appelés à tour de rôle à prendre le commandement du groupement complet ou partiel. Dans ce cas, vous serez tenus responsables de la réussite ou de l'échec de la mission qui vous a été confiée. En principe, après un exercice collectif de ce genre, les manières de faire seront passées au crible de la critique. Un échec ne signifie pas nécessairement une mauvaise cote.
"Il est de tradition au mess de ne jamais discuter, sous peine "d'amende", du travail de la journée ni de celui du lendemain.
"Bienvenue à tous ! Bonne réussite! et... séjour agréable! "Vous pouvez disposer."
Candidat n°4.
La formation d'entraînement dont fait partie Yasreg compte dix candidats. Chacun a reçu un numéro. Le sien est le numéro 4. Tous les contacts verbaux se feront en utilisant ce chiffre.
Personne ne se connaît. Tous sont relativement jeunes, issus d'une unité militaire quelconque et inconnue. Deux parmi les récipiendaires sont manifestement moins filiformes que les autres. Ils sont vraisemblablement d'origine slave ou allemande. Plusieurs candidats manient l'anglais avec difficulté. Cela ne devrait pas être un handicap. On fera sommairement connaissance dans la discrétion. C'est nécessaire dans une certaine mesure, puisqu'on va devoir collaborer activement en cours d'exercice. Dans les périodes de répit ou d'accalmie, on se retrouvera seul avec des problèmes à résoudre. L'atmosphère générale ne se prête guère aux confidences.
Le programme de la journée est minuté. Il est précisé pour chacun. L'organisation indique, par un sigle chiffré précis, les heures auxquelles le candidat devra être disponible pour exécuter des tests particuliers. Des épreuves individuelles sont parfois imposées de nuit, en ce cas, sans avertissement. On en parlera plus loin.
Comme il a été dit, le groupement entier participe à des exercices, dont chacun, à tour de rôle, prend le commandement et la responsabilité. En principe, le chef de groupe désigné prend l'initiative des opérations. Il devra rendre compte de ce qu'il a jugé devoir faire, pourquoi, et s'il a envisagé une solution de rechange. Que l'opération réussisse ou échoue, on en discutera le soir. Chacun formulera son avis, s'il en a un. Il dira éventuellement ce qu'il aurait fait s'il avait eu le commandement.
Parfois le groupement est scindé en deux ou trois groupes. Le côté antagoniste est toujours réservé aux instructeurs. On va cuber psychologiquement, mentalement et physiquement les candidats. C'est là le but. L'homme qu'il faut à la place qu'il faut!
DECOR:
Le groupement a quitté Londres (Bishopsgate) avec l'équipement complet mais sans armes. Le camion qui assurait le transport a roulé deux solides heures dans la nature, pour finalement atteindre la propriété, enfouie dans la verdure, qui allait les recevoir.
Yasreg n'a jamais su localiser exactement ce lieu dont il a conservé un souvenir particulier et qu'il aimerait revoir... à titre documentaire. La propriété est très vaste, isolée et entourée de forêts. Son accès est discrètement contrôlé par des policiers militaires accompagnés de chiens muselés. Dans toute cette verdure de bel aspect, on a installé tout ce qu'il faut pour la formation du plouc, ... du plouc spécialisé.
Les parcours du soldat, nichés dans le bucolisme d'une nature verdoyante, sont multiples et se recoupent en de nombreux carrefours qui aiguillent le récipiendaire sur des voies de garage, s'il ne chemine pas correctement.
Les bâtiments, imposants d'allure, font penser à une construction moyenâgeuse à plusieurs étages (quatre si la mémoire est bonne) surmontés par une large corniche. Cette corniche est elle-même de niveau avec une rangée de fenêtres plus petites éclairant des mansardes. Elles ont chacune une forme cubique surmontée d'un prisme triangulaire. Aux quatre coins de l'édifice, se dressent des tourelles cylindriques chapeautées de toits en forme d'éteignoirs. Ces détails sont utiles pour la bonne compréhension de ce qui se passera plus tard.
Tous les murs sont recouverts de plantes grimpantes solidement incrustées. L'entrée principale précédée d'une aire de manoeuvre assez vaste et d'un escalier de plusieurs marches débouche dans un hall de dimensions impressionnantes. Comme dans toutes les demeures de la gentry, on passe sous l'inévitable portique étayé de colonnades doriennes. Le hall donne accès aux différents bureaux, classes d'étude et à des locaux réservés à d'autres fonctions moins clairement définies. La salle où on sert les repas est tout au fond.
De larges panneaux chiffrés constituent des organigrammes, un peu mystérieux au départ, mais beaucoup plus clairs après explications.
Les cuisines, les caves, la buanderie, sont accessibles par l'arrière du bâtiment, par les entrées réservées en temps normal à la domesticité. Cette dernière est remplacée par des escouades de ploucs aux fonctions diverses: cuisiniers, bureaucrates, corvéables ordinaires et personnel à tout faire. Il n'y a pas d'ascenseur. Un escalier en colimaçon passe à travers les étages pour aboutir sous les combles. Il a son importance dans ce qui va se raconter ici.
Les chambres à deux lits se situent aux 3e et 4e étages. Un autre escalier, central celui-là, et plus large, dessert le tout.
Bref! Les architectes du siècle dernier ont bâti quelque chose de grand, de solide et confortable à la façon dont on aimait les choses il y a cent ans.
Entrée en matière: 1ère série de tests.
La salle de classe est semblable à celle d'une école ordinaire, mais les tables et les sièges sont à la taille des adultes. Le fond de la salle est occupé par un tableau noir de grandes dimensions, dont certaines parties se replient et permettent de tenir caché ce que l'on veut sans le supprimer.
L'instructeur est habillé de la même façon que les candidats. Il porte le battle-dress en toile et les leggins en webbing. Personne ne porte de galons. Mais quelque chose le distingue quand même du reste. Il tient en main, en permanence, un bloc de formulaires et il est doté d'un chronomètre. Il note beaucoup de choses que personne ne voit.
Tout le monde est assis bien sagement à sa place. La première épreuve débute sans attendre. Il s'agit de tests psychotechniques (dirait-on chez les savants de nos jours).
L'instructeur distribue à chacun deux feuilles quadrillées où sont imprimés des numéros séparés par des espaces. Le récipiendaire y écrira ce qui lui convient, s'il a, bien sûr, quelque chose à écrire. La première feuille va de 1 à 30, la deuxième de 31 à 60.
On explique le travail. L'instructeur dispose de 60 cartons sur chacun desquels est imprimé un mot, un seul. Montre en main, il va exhiber chaque carton face à la collectivité. Chaque candidat va devoir écrire rapidement l'idée que lui suggère le mot présenté. On dispose d'un nombre limité de secondes pour répondre. Après un temps strictement calculé, les 60 cartons ont défilé et les feuilles sont alors récupérées et disparaissent du local. Il paraît que ce premier exercice est éliminatoire. Mais on est perplexes, car on dit beaucoup de choses.
Le reste de la matinée sera consacré au parcours du combattant et à divers exercices de routine, si l'on peut dire.
Au début, des tests psychotechniques seront appliqués tous les jours. Pour abréger le discours, on citera grosso-modo dans l'ordre les épreuves suivantes.
Le test mécano.
On montre un appareil mécano, construit. On nous le laisse examiner à l'aise, puis on le fait disparaître. On devra le reproduire avec les pièces détachées qu'on sortira d'une boîte. Chacun aura la sienne. Il s'agit d'un "bidule" du genre "moulin à vent" qui tourne sous l'action d'une manivelle. Cette dernière actionne un simple jeu d'engrenages, un grand et un petit. Si on a bien saisi l'agencement du modèle, il n'y a pas de problème; la demi-heure est largement suffisante. Si par contre, on commet une erreur dans les engrenages, il est impossible de la rectifier en restant dans les limites du temps imposé.
Symbolisme des images.
Chaque candidat reçoit 30 images différentes, les mêmes pour tous. Il va devoir en choisir 15. On lui demande d'expliquer brièvement par écrit le sens symbolique de chacune des images choisies et dire pourquoi il n'a pas sélectionné les autres. Temps imparti: 45 minutes, si ma mémoire est bonne.
Autre test: l'observation et la mémoire.
Le hall où les instructions figurent en permanence (elles peuvent subir des modifications) est, comme il a été dit plus haut, le centre du dispositif. Il peut faire figure de galerie d'art pour celui qui prend la peine d'observer. Les affiches de guerre, qui apparaissent partout en Angleterre, sont apposées sur ses parois. Elles font finalement partie du décor. "Careless talks cost lives!" (le bavardage coûte des vies) attire l'attention de tout le monde sur la nécessité de se taire. D'autres plus dramatiques encore parlent du prix que la Marine Marchande doit payer pour apporter le viatique et le reste: le mot d'ordre est à l'économie. On montre les marins en butte aux attaques des U-boats. Le Corps Médical, les infirmières, ne sont pas oubliés, les land-girls et les mineurs de fond non plus.
Ce sont des oeuvres d'art conçues par de remarquables artistes. Yasreg les appréciait et y trouvait une source d'inspiration. Le sens de l'observation fait partie de la vie de tous les jours de ceux qui s'efforcent de regarder et non pas seulement de voir. Cette appréciation de l'aspect des choses est subjective, mais il arrive qu'elle paie. Elle l'a fait dans son cas.
En classe, ce jour-là, en effet, on a simplement demandé aux candidats de décrire sommairement, le mieux qu'ils pouvaient, ce qu'ils avaient remarqué de particulier dans le hall en question. Tout fait farine au moulin, si l'on veut impressionner favorablement les gens qui sont là, silencieux et omniprésents, avec leur bloc de formulaires, leur crayon et leur chronomètre.
Un jour, on avait constaté au tableau noir la présence discrète d'un schéma colorié à la craie, chiffré et brièvement commenté en marge. Il s'agit du plan d'une ville avec ses cheminements d'accès. Les points de repère les plus importants et les plus vulnérables - centrales téléphoniques et électriques, gazomètres, voies ferrées, ponts, tunnels, etc. - y figurent avec les dispositifs militaires de protection. On utilise les sigles ordinaires bien connus en cartographie.
Personne n'en parle et, au bout de trois jours, ces indications disparaissent. On a simplement camouflé le schéma derrière un panneau mobile du tableau. Ce sera, on l'apprendra plus tard, la base d'une attaque (raid commando) où on mettra en pratique ce que l'on aura retenu des exercices et des notions théoriques en général en matière d'explosifs et surtout des méthodes d'approche raisonnées de l'objectif. Ce qui figure au tableau est, dans les grandes lignes, la représentation schématique du terrain où on évoluera.
Le plan reparaît alors pendant quelques minutes et disparaît de nouveau. On se voit alors nantis d'une feuille de papier quadrillé sur laquelle on devra reproduire de mémoire le croquis et y indiquer au crayon rouge la façon théorique dont on envisage personnellement l'infiltration dans la "localité" et l'accomplissement de la mission. On fait appel de la sorte à la mémoire visuelle, au raisonnement, aux connaissances générales du candidat et à son discernement. Cela semble être le but poursuivi.
Entretemps, Yasreg constate que deux numéros dans l'équipe ne sont plus là. Personne ne les a revus! On est passé de 10 à 8.
Exercice de nuit.
La journée a été particulièrement rude aujourd'hui. Plus encore que d'habitude. La fatigue est énorme; l'anéantissement physique s'avère total. On s'endort à peine couché. Yasreg s'est effondré de toute sa longueur et s'est endormi tout habillé. Il ne se rappelle même pas d'avoir soupé. Il est seul dans une chambre conçue pour deux occupants. Le numéro 6 qui logeait avec lui a disparu de la circulation. Pourquoi? Personne n'est au courant.
Soudain, sans préavis, une lumière est là, brillante et perturbante. Quelqu'un lui illumine la figure. On le secoue légèrement. Dans une sorte de halo, ce plouc dérangé dans son sommeil, aux petites heures, reconnaît les visages devenus familiers de deux instructeurs.
"Bonjour" dit l'un d'eux. "Remettez-vous... Rien ne presse! Il s'agit simplement d'un exercice de nuit. Vous serez seul à l'exécuter. Mettez vos souliers!"
Yasreg se chausse et entre-temps s'extirpe comme il peut de son abrutissement somnambulique.
"Ca va mieux? Vous êtes prêt? Bien, suivez-nous! Vous allez recevoir vos instructions au rez-de-chaussée. Avant tout, voulez-vous bien vider vos poches? Oui, même le mouchoir! C'est parfait, allons-y! Il est trois heures du matin, le clair de lune est magnifique. La température est douce… un temps idéal, vous verrez! Il n'y a pas un souffle de vent."
Peu rassuré par cet assaut d'humour impassible, Yasreg descend l'escalier central qui aboutit dans le hall. Là, il se trouve face à un officier à "pips" vertes qu'il voit pour la première fois.
"Bonjour!" dit ce dernier. "Je vais devoir vous expliquer rapidement quelque chose d'important... de très important! Vous sentez-vous bien? Etes-vous prêt?"
"Oui!" répond Yasreg, "allez-y!"
"Bien, l'exercice consiste en ceci. Ecoutez soigneusement. Les instructions ne seront données qu'une seule fois. Le temps presse. Vous allez comprendre. L'endroit où vous vous trouvez ici est un hôtel. Vous faites partie d'une bande organisée de malfaiteurs. Vous êtes un des lieutenants du chef de bande. Ce dernier a logé ici plusieurs jours.
"La police a eu vent de sa présence et surveille l'hôtel. Elle peut intervenir d'un instant à l'autre. Votre chef a vidé les lieux à temps et est déjà hors d'atteinte pour le moment. Mais, dans sa précipitation, il a oublié de détruire des documents extrêmement importants qui concernent:
1° les noms, adresses et numéros de téléphone des membres de la bande,
2° la liste des armes qu'ils détiennent et l'endroit où elles sont stockées ainsi que leurs munitions.
"Il vous appartient, puisque vous êtes le dernier à être ici, de récupérer à tout prix et dans les plus brefs délais ces documents essentiels pour votre sécurité et celle de vos compagnons. Ces papiers compromettants ont été oubliés dans une mansarde située tout en haut de l'hôtel, sous les combles. "Vous montez donc par l'escalier que vous connaissez... celui-là. Sur le palier supérieur, le dernier, vous verrez à gauche un couloir. Il donne accès à plusieurs mansardes, à droite et à gauche. Vous entrerez dans la deuxième mansarde à droite, rechercherez les documents, vous vous assurerez qu'il s'agit bien de ceux-là, vous les empocherez et les ramènerez le plus rapidement possible! Quelqu'un vous attend à l'intérieur de cette mansarde. Ne vous en occupez pas!
"Je répète que les forces de police entourent l'hôtel et qu'à n'importe quel moment elles peuvent le prendre d'assaut. Nous ne pourrions les retenir, éventuellement et dans le meilleur des cas, que quelques minutes. Vous avez compris, naturellement, le sérieux et l'urgence de la situation! Allez-y! Go! Il est 3 h 20."
Et ce plouc renseigné fonce pendant que les trois instructeurs griffonnent sur leurs formulaires. On passe les étages quatre à quatre. Heureusement on ne pèse pas lourd. Le dernier palier est atteint. On halète un peu. Ici, il convient de ne pas foncer tête baissée n'importe où, afin de ne pas heurter les solives du toit. L'éclairage est indirect mais suffisant, avec des ombres sinistres dans les coins. Ah! Voilà le couloir en question, accessible en marchant courbé. Voilà aussi les portes d'entrée des mansardes. Il faut descendre trois marches en bois pour les atteindre.
La deuxième porte à droite s'ouvre. La pièce est petite, basse de plafond et dotée d'une fenêtre carrée. On peut s'y tenir debout, tout juste. Le meuble qu'elle contient est une table de nuit dont la partie plate supérieure est en marbre ou en quelque chose qui en a l'air. Elle est fermée par une porte à poignée en cuivre poli.
Sur la plaque de marbre, on a posé une paire de gants. Derrière le meuble, un lieutenant à galons verts se tient debout et prends des notes. Pourquoi ces gants? La question se pose! S'agit-il des gants personnels de l'officier, qu'il aurait négligemment posés sur la tablette? Impensable! D'abord ces gants sont en cuir noir, ce qui n'est pas conforme, semble-t-il. Ils paraissent relativement grands. A la limite, on pourrait croire qu'ils sont faits pour contenter n'importe qui. Enfin, s'ils sont sur la table, c'est qu'il y a une autre raison. Yasreg s'empare des gants et les enfile, en regardant l'observateur silencieux qui ne bronche pas. Il inscrit quelque chose. Ganté, Yasreg ouvre la table de nuit. S'il avait ouvert à mains nues, il aurait laissé de belles empreintes digitales.
A l'intérieur du meuble, se trouve une corbeille à pain, du genre de celle qu'on place à table au déjeuner. Elle est remplie de coupures de journaux, d'enveloppes, de lettres dactylographiées, etc. Parmi ces papiers, il discerne une liste d'adresses et d'autres détaillant des séries d'armes. Yasreg jette un coup d'oeil dans les coins. Il ne voit plus rien.
Ce plouc empoche alors tous les papiers qu'il a trouvés, même ceux qui n'ont aucune importance pour lui. Il fourre le tout dans la poche à soufflet qui agrémente son pantalon de toile. Il considère alors que sa mission est terminée et sort de la pièce.
Il est à peine sorti que deux instructeurs véhéments se ruent sur lui. "Vite", crie l'un d'eux, "dépêchez-vous, la police est en bas! Ils sont déjà dans le bâtiment! Nous ne pourrons les retenir que peu de temps... Sortez par là! Vous trouverez sur place ce qu'il vous faudra pour vous sauver, Filez! Nous allons encombrer le passage derrière vous pour que vous ayez une chance de disparaître. Sortir par là! Cela veut dire passer ou plutôt se faufiler sur le toit par une fenêtre à guillotine.., tout juste la place, en y laissant la moitié du froc. Heureusement, ce plouc aminci n'a pas de ventre.
Le voilà sur une plate-forme bordée par la corniche. Devant lui, illuminée par la lune, se silhouette une tourelle coiffée d'un éteignoir. Le tout dans le style moyenâgeux le plus pur. Le lierre, qui a pris possession de toutes les murailles, rampe ici sur la plate-forme.
Dans la corniche, solidement encastré, un gros bloc de béton attend que Yasreg se décide. Il sert de base à une corde à noeuds qui passe par dessus le rebord du toit et disparaît dans la végétation grimpante.
Essoufflé, pressé et perplexe, ce plouc embarrassé jette un coup d'oeil discret du haut de sa position élevée, mais précaire, pour se renseigner sur ce qui se passe en bas. Il voit trois instructeurs qui, par moments, regardent en l'air dans sa direction. Ils semblent trouver le temps long. Ils se posent probablement des questions. Car toute cette pantomime fait que les minutes passent. Yasreg n'a pas de montre.
C'est alors que, toujours à plat ventre, Yasreg constate que la petite fenêtre de la tourelle est entrebâillée. Pourquoi?.,. Il n'aime pas risquer sa petite santé en faisant l'acrobate au bout d'un fil pour descendre quatre étages. A moins d'y être absolument obligé.
Après quelques secondes d'hésitation, il décide de s'infiltrer dans la tourelle. Son raisonnement se base sur ce qui lui paraît logique. S'il n'y avait pas moyen de disparaître par là, ou si la chose était interdite pour une raison quelconque, on aurait verrouillé cette fenêtre. A présent largement ouverte, elle est plus que suffisante pour le laisser passer. Il n'a que la lumière lunaire pour distinguer ce qui l'entoure et trouver la porte de sortie... si elle existe! Mais il a eu le temps de s'habituer à la pénombre et se situe rapidement. Quel soulagement! Il débouche alors dans un escalier et descend précautionneusement, car il y a des endroits où on ne voit pas grand chose.
A-t-il bien fait? Il ne le saura jamais! Il n'a pas conscience du temps qui s'est écoulé. Il lui semble évident qu'il y avait deux manières de quitter "l'hôtel" par le toit: un très apparent et un autre qui l'était moins. Tant pis, on verrait. De toute façon, il avait les documents. Il reste la possibilité d'un échec pour avoir perdu trop de temps.
Trois minutes plus tard, Yasreg faisait irruption dans les cuisines et ce qui lui paru être les locaux d'une buanderie, au milieu des ricanements d'une escouade de ploucs hilares, qui s'affairaient autour des cuves à café. Personne ne paraissait s'étonner de voir un noctambule surgir du néant et traverser en coup de vent un espace qui n'était pas réservé en apparence aux exercices.
C'est par l'arrière du bâtiment que ce plouc perplexe et appréhensif se présenta aux instructeurs qui ne semblèrent nullement étonnés de le voir là. On chronométra. Puis:
"Avez-vous les documents?"
"Oui, je crois, les voilà!"
"Ah, vous croyez! Bien... Nous allons vérifier... Bonne nuit!"
Le jour se lève et la même rengaine musicale qui sert de fond sonore à tout ce qui se passe ici parle de nouveau de Mexico et de ses charmes. Même les cauchemars en sont imprégnés.
(à suivre)
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Découvrons un musée - Le musée HILL 60 à ZILLEBEKE

Le musée "HILL 60" (Cote 60) est situé Zwarteleenstraat, 40, à 8902 ZILLEBEEK (au sud-est d'YPRES). Après la guerre 1914-1918, Marcel Delannoy, le père de l'actuel propriétaire, avait commencé la collection d'objets militaires divers et forts nombreux qui jonchaient le champ de bataille.
Lors de l'invasion allemande de 1940, le propriétaire fit promptement disparaître les collections qui restèrent cachées pour la durée de la guerre. En 1962, Marcel Delannoy étant décédé, les pièces furent partagées entre les musées de la colline 60 et celui de la colline 62, "Sanctuary Wood", qui appartiennent tous deux à la famille de Marcel Delannoy. Le propriétaire actuel, Michel Delannoy a continué à élargir et enrichir les collections du Musée Hill 60.
PRESENTATION DU MUSEE
A front de route, devant le musée, sont installés deux mortiers de tranchée, l'un britannique (Trenchmortar Mk 1, 9,45 inch), l'autre allemand (Schwerer Minenwerfer 25 cm). Dans la cour arrière, se trouvent les tubes de pièces d'artillerie.
L'entrée du musée proprement dit, la salle du café, est déjà bien garnie de douilles d'obus et de munitions d'artillerie, mais ce sont surtout les 14 stéréoscopes qui retiennent l'attention. Ils permettent de visionner une série de plaques-diapositives en verre présentant de nombreuses vues du front en 14-18, la plupart inédites.
Le musée est divisé en quatre salles.
- SALLE 1: elle présente entre autres un bel éventail d'armes en tout genre, des instruments d'artillerie, des souvenirs ramassés sur le champ de bataille comme insignes, boutons, couverts, montres, trois hélices d'avions de chasse, plaques indicatrices de noms de tranchées comme "Winnipeg street", "Henri street", etc.
- SALLE 2: outre des photographies d'époque, on y trouve des casques divers et quatre autres hélices d'avions.
- SALLE 3: on peut y voir des mitrailleuses belges et allemandes, un lance mines allemand de76 mm, une armure de tranchée allemande, des casques à pointe, des shakos de chasseurs prussiens, de nombreuses munitions d'artillerie, une cloche d'alarme pour les alertes au gaz, etc.
- SALLE 4: près de 1.000 insignes y sont exposés. Ce sont en général des trouvailles de fouille.
HISTOIRE DE LA COTE 60
La cote 60 fut créée de main d'homme au XIXème siècle lors de la construction de la voie ferrée. Le mamelon de remblai s'étend sur 230 m de long et 190 m de large et était appelé la "côte des amants". En dessous de la surface se trouve une couche de deux mètres de sable humide et meuble qui posa bien des problèmes tant à l'infanterie et à l'artillerie qu'aux équipes de sape des génies français, anglais ou allemands dans leur lutte de quatre années.
Tenue en 1914, à la fin de la première bataille d'Ypres, par la cavalerie anglaise relevée peu après par le 16e Corps français, la position fut enlevée par la 39e Division allemande le 10 décembre de la même année. Les Allemands en firent un observatoire remarquable surveillant les lignes britanniques jusqu'à Ypres.
Dès décembre pourtant, le génie français s'affairait aux opérations de sape, aidé peu après par le génie du Royal Mounmouthshire, le travail étant terminé au printemps 1915 (5 mines).
Le 17 avril, à 19h05, on fit sauter les mines et l'attaque fut lancée, appuyée par un impressionnant barrage d'artillerie fourni par les Britanniques, les Français et les Belges.
C'est la Compagnie C du 1st Bn West Kent Royal Regiment qui s'empara par surprise de la crête et des entonnoirs, rejointe bientôt par une autre compagnie des West Kent et deux autres des King's Own Scottich Borderers.
Une première contre-attaque allemande précédée d'un violent feu d'artillerie eut lieu peu après minuit mais sans succès. Attaques et contre-attaques se succédèrent avec des fortunes diverses et, malgré des attaques par gaz, les Britanniques tinrent bon.
Le 7 mai, après de nouvelles attaques par gaz, les Allemands tenaient à nouveau toute la colline qu'ils allaient garder jusqu'en juin 1917. De 1915 à 1917, c'est donc sous terre que se poursuivit la lutte. Deux énormes mines furent creusées (partant de 210 m derrière le front à près de 30 m de profondeur). Celle sous la colline 60 fut bourrée de 53.500 livres d'explosifs à grande puissance. Ces deux mines étaient les deux plus septentrionales d'une longue chaîne de mines préparées pour l'attaque de la crête de Messines. A partir de novembre 1916, la ]ère Compagnie australienne de Sapeurs se chargea de l'entretien de ces mines.
Le 7 juin 1917 à 3h10, elles explosèrent avec une déflagration telle que la secousse en fut ressentie jusqu'à Londres, comme l'aurait fait un tremblement de terre. Quinze minutes plus tard, toute l'artillerie de la 2e Armée britannique ayant ouvert un barrage en trois points à travers les lignes allemandes, la cote 60 était emportée sans trop de difficultés ni de pertes par les hommes des Bataillons de Yorkshire (les 69e et 70e Brigades). Quatre Victoria Cross furent attribuées à trois officiers et un soldat ayant participé aux opérations de la cote 60.
LA GUERRE DES MINES: TRAVAUX DE SAPE ET DE CONTRE-SAPE
La guerre des mines est une conséquence de la guerre des tranchées. Il s'agit en fait de creuser des galeries qui s'enfoncent jusque sous les réseaux de fils de fer barbelé et même sous les tranchées ennemies. Au départ d'une tranchée ou d'un boyau ami, on fore un puits de profondeur variable: 5, 6, 10 m., à partir duquel on creuse un rameau principal, galerie de 1 m à 1,2 m de large. La terre est évacuée dans le boyau au moyen de paniers, à l'abri des vues ennemies. Arrivé à mi-distance entre les tranchées amies et ennemies, la galerie se subdivise en deux rameaux secondaires, plus étroits, que l'on partagera encore en deux lorsqu'on sera arrivé à une dizaine de mètres de l'ennemi. Cela porte à quatre les points d'arrivée. Les sapeurs forent alors à chaque point d'arrivée un trou qu'ils élargissent et qu'ils remplissent d'explosifs: c'est le fourneau de mine. Cette chambre est fermée par un solide bourrage afin d'éviter l'effet de souffle dans la galerie. L'amorçage est fait au moyen d'une capsule de fulminate de mercure coiffée d'une mèche à mine dont l'allumage provoquera l'explosion.
Le pénible travail du sapeur, accroupi, menacé à tout instant d'un éboulement, à la lueur d'une lampe de mineur, doit se faire dans le plus grand silence. D'autres soldats sont en effet très proches, des ennemis qui, peut être, sont en train de creuser dans l'autre sens. L'écoute doit être permanente, elle se fait grâce au microphone. Parfois les deux adversaires sont si proches l'un de l'autre qu'on entend non seulement le bruit des outils mais aussi les voix des ouvriers: On prépare alors un "camouflet", c'est-à-dire qu'à la barre à mine on fore un trou en direction du bruit perçu, et qu'on le bourre d'explosif qu'on met à feu. Le "camouflet" bien dirigé détruit l'ouvrage adverse en ensevelissant les sapeurs ennemis.
Les mines pouvaient être parfois de dimensions considérables: 28 tonnes d'explosifs dans les mines de Clarency, lors de la bataille d'Arras en mai 1915; deux mois de travail; 2,5 Km de développement.
Photo
Sources: article paru dans FORUM sous la plume du Capitaine Baron Jacques de Cartier d'Yves. "Encyclopédie de la Guerre, Almanach Hachette 1916".
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QUELQUES EXPRESSIONS USUELLES ET LEUR ORIGINE - Jules LOXHAY

Le langage courant utilise un certain nombre d'expressions dont les mots sont souvent sans rapport avec l'idée qu'ils représentent; pour établir un lien, il faut remonter à l'origine de l'expression.
Bien que ce ne soit pas toujours évident, plusieurs expressions sont d'origine militaire. En voici quelques-unes.
CASSER SA PIPE
Quand on dit de quelqu'un qu'il a cassé sa pipe, nous savons que cela signifie qu'il est mort.
L'expression remonte aux premiers temps de la mousqueterie (16e s). A cette époque, la mise à feu du mousquet se pratiquait en mettant en contact une mèche allumée avec la poudre contenue dans le bassinet de l'arme.
Avant le tir, le mousquetaire allumait, à l'aide de son briquet (pièce de métal que l'on frappait contre un silex) une longue mèche qu'il portait passée entre les doigts de sa main gauche. Au moment du tir, après avoir procédé au chargement de l'arme, il introduisait le bout allumé de la mèche dans un petit anneau fixé sur le chien, il appuyait sur la détente, le chien se rabattait et amenait le bout incandescent en contact avec la poudre.
C'était, comme on le voit, un système bien simple. Oui, mais voilà! Quand il pleuvait, la mèche s'imbibait d'eau et s'éteignait. Notre pauvre mousquetaire était désarmé car il avait beau faire des étincelles avec son briquet, la mèche mouillée ne se rallumait pas.
Les soldats ont vite trouvé un truc pour faire face à une telle situation. Au combat, ils gardaient en bouche une pipe allumée dont le foyer pouvait être protégé par un couvercle; ainsi, quand la mèche était mouillée, il suffisait d'en appliquer le bout sur le foyer de la pipe et, en quelques bouffées, la mèche était prête à l'emploi.
La pipe était en terre. Lorsque le mousquetaire était mortellement touché, il tombait, sa pipe faisait de même et souvent se brisait. Alors, comme les soldats n'aimaient pas dire qu'un camarade avait été tué, ils prirent l'habitude de déclarer que celui-ci avait cassé sa pipe.
PASSER L'ARME A GAUCHE
Comme la précédente, cette expression indique un passage de vie à trépas. De tout temps, l'apprentissage du maniement des armes a imposé, aux militaires, de longues séances d'entraînement au cours desquelles des instructeurs pervers prenaient un malin plaisir à faire baver les jeunes recrues.
Au début du 19e s., avant d'être mis au repos, les soldats reposaient le fusil du côté gauche. Passer l'arme à gauche était donc un mouvement attendu avec impatience.
Lors d'un combat, un soldat tua six ennemis et se vanta de la chose en disant "je leur ai fait passer l'arme à gauche". L'expression eut du succès et perdura.
DE BUT EN BLANC
Le sens actuel de cette expression est: directement, sans biaiser d'une manière ouverte.
Son origine est en relation avec la balistique. Celle-ci a fait des progrès étonnants, mais les principes fondamentaux demeurent les mêmes depuis le tir à l'arc. On peut tirer en pointant l'arme directement sur l'objet visé, s'il est à courte distance, ou bien en compensant l'éloignement au moyen d'une hausse fixée sur le canon.
Si la seconde manière exige un calcul et le réglage de la bouche à feu, il n'en est pas de même pour la première; ici, c'est le tir tendu, direct, que l'on appelait autrefois le tir "de but en blanc".
Il faut savoir qu'avant d'être ce que l'on vise, le but (ou butte) était l'endroit d'où l'on tirait, tandis que le blanc était la cible (mot qui ne s'est répandu qu'à l'époque napoléonienne).
La CHARTREUSE aux enchères ?
Entendu à la RTBF le 22 juillet 1991:
"La Défense nationale voudrait bien vendre le domaine militaire liégeois de la CHARTREUSE, abandonné par l'Armée depuis dix ans. Avec le retour des Forces belges d'Allemagne, la Défense avait un moment pensé le réaménager mais ce projet a rapidement été rejeté. Aujourd'hui, le ministre Huysmans chargé de la conservation de la nature, désire transformer le site en zone culturelle éducative. Guy Coëme est en tout cas prêt à négocier la vente de la CHARTREUSE avec la Ville de Liège et la Région wallonne."
UNE HISTOIRE DE CAVALERIE ET DE CAVALEUR
Un hareng draguant aux environs de l'île Monsin serre de très près une jeune harenge affriolante. "Monsieur", lui dit-elle, "vous me semblez bien cavalier!". "Pas étonnant, ma mie, je sors de SAUMUR".
ON PREND LES MÊMES ET ON RECOMMENCE.
Deux jeunes po(l)issonnes folâtrant près du pont-barrage admirent un vieux hareng caracolant. "Il est bien conservé pour son âge" dit la première. "Pas étonnant", dit la seconde, "il sort de ... saumure".
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L'HISTOIRE POUR RIRE. ou la vérité sur ... Jehan Le Bel

Le CLHAM s'est assuré la collaboration du descendant d'un célèbre "correspondant de guerre" (1), messire Jehan le Bel. C'est à lui que nous demanderons de relever les faits étonnants, farfelus, humoristiques, cruels, attribués aux grands personnages qui ont fait notre Histoire.
Aujourd'hui, Jehan le Bel nous relate les moeurs "barbares" qui régnaient à l'époque de CLOVIS, roi des Francs (2) de 481 à 511.

(1) Jehan le Bel, né à Liège en 1290, était chanoine de Saint-Lambert mais on le trouve plus souvent dans les armées où il assiste à des combats dont il est un chroniqueur renommé (par exemple le siège de Calais et l'épisode fameux des "Bourgeois de Calais"). C'est en tenue militaire de "correspondant de guerre" qu'il est représenté sur la façade occidentale du palais des princes-évêques de Liège.

(2) Ceci permet aux officiers payeurs de l'armée belge de prétendre que Clovis est leur saint patron puisqu'il est "le roi des francs" (hum!).

LA VERITE SUR CLOVIS
Chacun connaît au moins l'existence de ce roi des Francs saliens, fils de Childéric, petit-fils de Mérovée, frère de Lanthilde, Alboflède et Aldoflède. Si nous citons ces noms, ce n'est point pour exposer une science pédante, et toute récente, mais c'est parce que:
a) Childéric 1er fut inhumé dans le cimetière voisin de la ville de Tournai, sa capitale. On oublia jusqu'à l'existence de sa tombe, lorsqu'en 1653, un ouvrier sourd-muet (!) découvrit un trésor d'objets d'or et un anneau marqué du sceau du défunt et de l'inscription "Childerici Regis" (du roi Childéric). Il s'agit donc d'un gars bien de chez nous dont Grégoire de Tours raconte les fredaines: "Childéric, qui menait une vie dissolue dans une débauche excessive et qui régnait sur la nation des Francs, commença à détourner leurs filles pour les violer. Dans leur indignation, ceux-ci le détrônèrent. Childéric, craignant pour sa vie, se réfugia en Thuringe chez le roi Basin et la reine Basine pendant huit ans, puis fut rétabli dans son royaume".
b) Mérovée: son existence, contestée par certain, a au moins le mérite d'avoir donné un nom à la dynastie "mérovingienne". Sa naissance est liée à une légende: "Le roi Clodion, son père, comme il se reposait sur le rivage en compagnie de sa femme, celle-ci voulu se baigner. Un dieu marin, ou un monstre, jaillit des flots et la féconda. De cette étreinte naquit un fils qui fut Mérovée". Cette origine divine conférait aux princes de cette famille un droit incontestable à régner.
c) Lanthilde, Aldoflède et Alboflède: en cherchant bien, il y a moyen d'en raconter pis que pendre, mais je me contente de les citer parce que j'aime bien leurs prénoms.
Clovis eut la chance de n'avoir que des soeurs, cela lui évita de devoir partager le royaume, en vertu de la loi salique qui exclut les femmes de la succession à la terre.
Ce que l'on apprend à l'école c'est que, près d'être battu à TOLBIAC (actuellement Zülpich près de Bonn), CLOVIS, jusque-là roi païen, invoqua le dieu de CLOTILDE, sa femme, afin qu'il lui donne la victoire sur les ALAMANS. Ceux-ci déjà (tiens, tiens!) avaient envahi le royaume des Francs ripuaires (capitale Cologne) qui servait de tampon entre les Saliens et les Alamans. - L'Amérique n'étant pas encore découverte, CLOVIS ne pouvait demander à l'oncle SAM d'envoyer ses divisions blindées et ses paras. - Les Alamans fléchirent brusquement, ayant perdu leur roi-chef, et demandèrent grâce. Clovis tint sa promesse; il renonça aux dieux germaniques et "embrassa le culte de Clotilde". Il se fit baptiser dans la cathédrale de Reims par l'évêque Saint Rémi avec 3.000 de ses guerriers.
Ce que l'on sait moins c'est que, suite aux partages successifs des terres entre les fils des rois francs, il n'y avait à l'époque pas qu'UN roi des Francs; une flopée de rois et de roitelets portaient ce titre.
Celui qui voulait devenir un "grand roi" devait donc, d'une part, conquérir des territoires chez les voisins, Gallo-Romains, Wisigoths, Burgondes, Thuringiens, et d'autre part, éliminer les frères et cousins.
Chararic, roitelet salien (comme Clovis) s'était abstenu de porter aide lors de la bataille de Soissons (Oui, celle du vase). Cette attitude irrita Clovis. Chararic s'estimait l'égal de Clovis dont les victoires répétées ne l'impressionnaient pas. Clovis négocia habilement avec lui et "l'ayant circonvenu par des ruses", il le captura ainsi que son fils. Puis il fit tondre les deux hommes. Comme Chararic se lamentait sur l'humiliation qu'on lui infligeait, son fils le consola par ces mots: "Ces feuillages ont été coupés sur du bois vert et ils ne sèchent pas complètement; mais ils repousseront rapidement pour pouvoir grandir. Plaise à Dieu que celui qui a fait cela périsse promptement".
Ces paroles imprudentes furent rapportées à Clovis. Il fit exécuter Chararic et son fils, prit leur trésor et annexa leur petit royaume. Cette anecdote s'explique comme suit. Les guerriers francs portaient les cheveux courts; seuls les princes saliens se distinguaient par leur opulente chevelure qui était le signe apparent, magique, de leur origine divine. Tondre un roi, c'était donc le ravaler au rang de simple plouc. Mais selon la même croyance, lorsque la chevelure repoussait, le roi déchu recouvrait ses droits. En rappelant cela, le fils de Chararic se condamnait à mort.
Le sort du roi de Cambrai, Ragnacaire, ne fut pas meilleur. Lui et son frère Riquier eurent le crâne fendu (fendu, oui, pas tondu) par Clovis qui ne s'arrêta pas en si bon chemin: il fit exécuter un autre frère de Ragnacaire, nommé Rigomer (ah, ces noms!).
Si les circonstances de ces meurtres ne sont pas toujours connues avec certitude, on retiendra que Clovis supprima par la violence et la ruse, les roitelets saliens, ses parents plus ou moins proches, ainsi que leur famille. Il supprimait ainsi des compétiteurs éventuels et se posait déjà en fondateur de la dynastie mérovingienne.
Page rose: la demande en mariage
CLOTILDE, princesse catholique dont on vantait la beauté et les vertus et sa soeur Chrona étaient les nièces de Gondebaud, roi des Burgondes. Leur mère, la noble chrétienne Carétène, mourut en odeur de sainteté. A la mort de leur père, Chilpéric, roi de Lyon, Clotilde et Chrona avaient été recueillies par leur autre oncle, Godegésile (j'ai réussi à le placer aussi, celui-là). Elles vivaient à Genève, occupées à des oeuvres de charité.
Le Gaulois Aurélien, secrétaire de Clovis, déguisé en mendiant, la besace sur le dos, arrive à une des portes de Genève où Clotilde et Chrona (prénom bien choisi pour une habitante de la Suisse, pays du chronomètre) attendent les pauvres voyageurs pour exercer envers eux les devoirs de l'hospitalité.
A la vue de ce mendiant, ployé sous son fardeau, Clotilde le prend par la main et s'agenouille devant lui pour lui laver les pieds. Aurélien se penche alors vers son oreille et lui dit: "Maîtresse, j'ai une nouvelle fort importante à t'annoncer. Le roi Clovis m'a envoyé vers toi, car il désire vivement t'épouser. Pour que tu aies foi en sa parole, voici son anneau. Vois si tu peux l'accepter". Clotilde, émue et rougissante, lui donna cent sous d'or et lui dit: "Retourne vers ton maître et remets-lui mon anneau en échange du sien en lui disant que s'il veut m'épouser, il envoie des ambassadeurs à mon oncle Gondebaud".
Au retour, Aurélien se fait voler sa besace avec l'anneau de Clotilde. Il est par la suite retrouvé, mais en attendant, le pauvre a été battu de verges. Une ambassade envoyée à Gondebaud obtient la princesse.
Clotilde part, mais craignant que son oncle ne se repente de l'avoir accordée au roi des Francs, elle fait hâter la marche de son char. Elle ne s'est pas trompée. Gondebaud avait envoyé des hommes d'armes pour l'arrêter et la lui ramener.
Il n'y furent pas à temps: Clotilde était déjà sur le territoire de son fiancé ...
CLOVIS, tel qu'on l'imaginait au XVIIe siècle
SOURCES

Pour Jehan le Bel: L'HISTOIRE DE LIEGE EN SOIXANTE SCULPTURES par André GEORGES, Ed. Libro-Sciences, Bruxelles, 1979.

Pour Clovis: LES ROIS QUI ONT FAIT LA FRANCE - CLOVIS ET LES MEROVINGIENS par Georges BORDONOVE, Ed. FRANCE LOISIRS - Ed. Pygmalion-Gérard Watelet Paris, 1988.

LE GODELUREAU: Jeune guerrier autorisé à se mettre "en habit bourgeois" pour aller danser à "La Boîte à Celtes".
Son costume est décrit par VIOLLET LE DUC dans l'Ecyclopédie Médiévale:
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"Ce jeune homme est vêtu d'une brigantine (1) dont les manches sont fortement garnies aux épaules, d'une pansière (2) par-dessus la brigantine, avec braconnière (3), flancars et tassettes (4) sous lesquelles apparaît un jupon des mailles. Il porte le harnois de jambes complet, sauf les solerets, remplacés par des souliers. Les bras sont armés de brassards avec grandes cubitières (5). Il est coiffé d'un chapeau de feutre teint en bleu. Un petit hausse-col d'acier protège la naissance du cou. Ce hausse-col est fixé à la brigantine."
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DOCUMENT - La ceinture des forts

Il est heureux de voir que des contacts pris à l'occasion de l'inauguration d'une exposition (l'exposition au siège du CLHAM pour le 75e anniversaire du début de la guerre 1914-1918, en août et septembre 1989) débouchent parfois sur des propositions intéressantes au niveau local.
Voici à titre d'exemple un extrait de la revue "LIEGE EN 2040" éditée en mars 1990 par La Chaire de Composition architectonique de la Section d'Architecture de l'Université de Liège, éditeur responsable, le professeur Jean ENGLEBERT.
A. Gany
"Liège possède encore une géographie de fortifications tout à fait exemplaire, formée de trois couronnes: au centre, la Citadelle et la Chartreuse; dans un rayon d'environ huit kilomètres à partir du centre, les forts datant du XIXe siècle que sont les douze forts de Loncin, Lantin, Liers, Pontisse, Barchon, Evegnée, Fléron, Chaudfontaine, Embourg, Boncelles, Flémalle et Hollogne; plus loin, à l'est, datant des années trente, les quatre forts d'Eben-Emael, Aubin-Neufchâteau, Battice et Tancrémont.
"Si l'on considère la couronne des forts du XIXe siècle, correspondant justement à peu près à la surface drainée par le REL (1), on pourrait dynamiser une route des forts attirant les nombreux touristes américains et européens pour qui la guerre n'est pas oubliée.

(1) Il s'agit d'un plan global de circulation à l'échelle de la région liégeoise.

"Par des attractions touristiques sophistiquées, on pourrait aussi toucher un public plus jeune et de plus en plus en quête d'infrastructures de loisirs. Alors que les Disney Land, Walibi et autres se servent de l'esprit ludique et du désir du merveilleux, on pourrait ici se servir de l'esprit ludique et du rêve de voyage dans l'histoire, tout en respectant rigoureusement la vérité historique."
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Le courrier des lecteurs

Demande de renseignements
Dans un des locaux du fort de LONCIN on peut relever, parmi les nombreux et précieux graffiti, la signature d'un soldat américain de la 788 AAA (anti-aircraft artillery) en position dans la région liégeoise.
Qui pourrait nous dire où se trouvait cette unité, et à quelle époque?
LE GOUPILLON
"Qu'est-ce qu'un goupillon?" demandions-nous dans le dernier bulletin.
Il s'agit d'un long bâton à l'extrémité duquel étaient fixés plusieurs chaînons terminés par de petites sphères garnies de pointes. C'était une arme de piétons fort usitée en Angleterre et dans les Flandres, et qui demandait une grande dextérité pour être maniée. La figure montre un goupillon qui paraît dater du commencement du XVe s. Le tout est de fer bien forgé; la hampe de bois avait environ 2 m de longueur. Le goupillon servait à fausser les armures de plates, à blesser les chevaux; bien manié, c'était une arme terrible.
Son frère, le fléau est une arme offensive composée d'une masse de fer retenue par un bout de chaîne, par une bande de cuir ou une bielle, à l'extrémité d'un bâton. Cette arme avait l'inconvénient de blesser parfois celui qui la maniait par des chocs en retour.
Trois modèles de fléaux
LE GODENDAC
L'autre question: à quelle arme d'hast pourrait-on penser lorsque l'on dit "bonjour" dans sa langue à un habitant du nord de notre pays
Il s'agit du GODENDAC (ou godendart, ou godendaz), qui ne ressemble pas mal à "goeden dag".
C'est une arme d'hast (arme blanche dont le fer est emmanché au bout d'une longue hampe), employée particulièrement dans les Flandres, où les troupes à pied des villes la maniaient avec assez de dextérité pour causer de graves embarras à la gendarmerie.
Maurice DRUON, dans "Les Rois maudits - Quand un roi perd la France", en relate l'usage à la bataille de Poitiers en 1356, qui vit la défaite de Jean II le Bon. Il l'écrit "gaudendarts": "ces terribles armes à trois fins dont le croc saisit le chevalier par la chemise de maille, et parfois par la chair, pour le jeter à bas de sa monture... dont la pointe disjoint la cuirasse à l'aine ou à l'aisselle quand l'homme est à terre, dont le croissant enfin sert à fendre le heaume.
D'autres godendacs, constitués d'une masse de fer avec pointes, se rangent dans la catégorie des plommées qui, lorsqu'elles sont dotées de pointes, ressemblent pas mal à des goupillons.
Un dernier mot sur la masse. L'arme contondante la plus anciennement connue, la massue n'était qu'une tige de bois jeune à laquelle on laissait la souche. Elle fut considérée comme une arme de vilain. La masse fut cependant bientôt admise par la cavalerie. Son extrémité contondante est garnie d'un morceau de métal, bronze, plomb ou fer. Un coup de cette arme brisait le crâne ou cassait un membre. On couvrit alors la tête d'un heaume épais, les épaules d'ailettes et les bras de plates. Ceci obligea à perfectionner la masse que l'on dota de pointes.
Trois modèles de godendacs
Trois modèles de fléaux
Réponse à "Un problème difficile".
Nous avons reçu ... UNE réponse à l'épineux problème de la "tour de la princesse":
"Après de longues et profondes recherches sur de très épineux problème, je crois qu'une seule solution est possible, à savoir:
- la princesse est dans la tour 2 d'où elle voit, à droite, la tour 1 des chevaliers et devant elle, la tour 4 du roi. Et elle ne peut apercevoir la fenêtre de la tour 3 des domestiques.
- évidemment…, si la princesse est "Berthe au long cou", le problème doit être revu!"
Un des membres "des moins évidents du CLHAM" ou "le Cap. Oral de service"
La solution proposée est adoptée, étant forcément celle du plus grand nombre.
Retour au GOEDENDAG.
En (presque) dernière minute, le Major e.r, DAVREUX nous annonce pour un prochain bulletin quelques lignes sur le "goedendag" que beaucoup confondent avec le fléau d'armes. Le texte que nous publions ci-avant lui coupe peut-être l'herbe sous le pied ?
Il nous adresse également le texte ci-dessous.
"VARIATIONS SUR LES COULEURS"
"Le hasard, lors d'un de mes séjours à Paris, m'a fait découvrir le texte qui suit.
"Que les lecteurs en apprécient l'humour, involontaire et révolutionnaire!
Archives administratives de la Guerre
Arrêtés du Comité de Salut Public - Volume 13
Arrêté du 6 prairial an 3
Le Comité de Salut Public, vu la délibération du Conseil Général de la commune de DOUAI du premier de ce mois, qui constate que c'est sur le général LEBLANC, commandant en chef dans cette place, et non sur le commandant temporaire LEGRIS, que doivent tomber les reproches de faiblesse et de défaut d'énergie que les rapports adressés au Comité ont imputés au commandant de DOUAI relativement à la conduite incivique des deux compagnies d'artillerie légère licenciées et désarmées depuis,
ARRETE
Article premier: Le général LEBLANC est destitué du commandement de la place de DOUAI et cessera d'être employé
Article deux: Le citoyen LEGRIS est réintégré dans le commandement temporaire de la place de DOUAI.
Pour copie conforme
P. DAVREUX

"NB: Le 6 prairial an 3 = Lundi 25 mai 1795"

UNE BONNE QUESTION
Pris d'un besoin naturel, ces Libérateurs américains arrivant à Liège par le boulevard d'Avroy voient leur recherche du "petit endroit" facilitée par nos grands hommes: CHARLEMAGNE, d'abord, qui indique "c'est plus loin", GRETRY (place de la République Française) qui leur offre le papier "ad hoc", André DUMONT (place du XX août), enfin, qui leur dit "les feuillées, c'est ici".
Cette plaisanterie bien connue des Liégeois, et généralement dite en un wallon truculent, a été intentionnellement située en 1944. Elle comporte une erreur, une impossibilité matérielle. Laquelle ?
Une (petite) récompense sera offerte à ceux qui, par écrit, avant le 31 octobre, relèveront cette erreur volontaire.
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Photo 2
Photo 3
Photo 4
ARCHIVES ET DOCUMENTS - DONS DE NOS SYMPATHISANTS
Nous recevons souvent des documents anciens, des photos, des cartes postales, qui viennent grossir les archives dont dispose le CLHAM, et qui peuvent être consultées par ses membres.
C'est ainsi que dernièrement, M. Loxhay a apporté un gros paquet de cartes-vues ayant pour sujet la guerre 1914-1918. Précédemment, M. Istase nous avait prêté un album de photos et M. Pâques des cartes-vues ayant le même sujet. Tous deux nous avait permis d'en faire copie. Dans le même ordre d'idées, je cite M. Fréson, mais bien d'autres ont encore remis à l'un ou l'autre membre du CLHAM des documents qui sont soigneusement conservés dans un local dont une équipe sous la conduite de J. Brock assure le rangement et la garde.
Les quelques photos ci-après ont pour but d'attirer votre attention sur:
1° les richesses du CLHAM
2° le fait que si vous disposez de documents intéressants, il ne faut pas craindre de nous les remettre; ils seront en bonnes mains.
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Ci-dessus, une carte-vue de M. Pâques.
Suite à notre exposition "75e anniversaire de la guerre 14-18", nous avions reçu plusieurs séries de photos inédites, prises au front par des combattants. Voici un exemple assez symbolique, de la série "Bos".
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Autre exemple: photo prêtée par Mme Liégeois du tableau représentant le Christ de Battice dans lequel les Allemands ont tiré en 1914.
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La Bataille d'Angleterre

COMMENTAIRES: Pour que puisse avoir une chance de réussite le débarquement allemand sur les côtes anglaises, il fallait impérativement que l'aviation allemande eût la maîtrise du ciel.
"Donnez-moi cinq jours", avait dit GOERING. Cinq mois plus tard, des milliers d'Anglais étaient morts et les villes anglaises fumaient sous les bombes ... mais il n'y avait toujours rien de fait. Les aérodromes de départ de la flotte aérienne allemande étaient très nombreux en Belgique entre Bruxelles et Gand et au nord de la France. Les Allemands les avaient camouflés avec tant d'ingéniosité que les reconnaissances anglaises ne les apercevaient pas.
L'assaut commença le 25 juillet 1940. Ce fut le combat pour la Manche. La Luftwaffe devait attirer la chasse ennemie pour la détruire et endommager les navires. La région de Douvres devint invivable, mais la chasse britannique ne céda pas et les destructions restèrent limitées.
Le 13 août commença la deuxième phase, baptisée "Jour de l'Aigle". Cette fois c'était le grand jeu. Les Allemands visèrent les aérodromes, les usines de constructions aéronautiques, les bases de la RAF; il y eut pendant cette période qui dura jusqu'au 24, deux vagues principales, le 12 et le 15, et ce, sans succès. La RAF ne se rendait pas.
Le 24, GOERING changeait encore la tactique. Celle-ci consistait maintenant à concentrer les attaques sur des objectifs très précis et à maintenir sans arrêt la chasse anglaise en alerte. C'était la bonne, mais les Allemands y renoncèrent au bout de quelques jours sans que l'on sache pourquoi. Il était temps! Les équipages anglais étaient à genoux et la RAF au bord de la rupture. Commencèrent aussi le 24, avec une attaque sur les docks de Londres, les bombardements stratégiques, s'en prenant aux villes, pour saper le moral de la population. C'était la première fois que les bombes tombaient sur la capitale anglaise.
CHURCHILL riposta en envoyant 80 appareils lourds sur Berlin. Les Berlinois furent frappés de stupeur. "GOERING leur avait juré que jamais cela ne se produirait".
Représailles pour représailles, le 15 septembre, pendant 12 heures, 625 bombardiers allemands protégés par autant de chasseurs revinrent sur Londres. Plus de 1.000 incendies s'allumèrent et la journée fit 430 morts. Les Allemands récidivèrent les jours suivants et notamment le 15, mais à présent la chasse anglaise était prévenue et interceptait les bombardiers avant leur arrivée au-dessus de l'objectif.
LES CHIFFRES au cours de cette période:
Allemands: 450 appareils perdus.
Anglais: 250 appareils perdus.
Il est admis que cette comptabilité est le relevé approximatif des pertes du 07 au 30 septembre inclus.
Les Allemands comprirent qu'ils ne passeraient pas. L'opération SEELÖWE (débarquement) fut ajournée.
CHURCHILL déclara: "Jamais autant d'hommes n'ont dû à un si petit nombre", tant la RAF s'était illustrée par son courage et le sang-froid "British".
La victoire anglaise s'explique: les bombardiers allemands n'étaient pas tous d'une efficacité supérieure; les STUKAS ne dépassaient pas le 410 Km/h et ne pouvaient tenir l'air plus de 90 minutes. Compte tenu du temps nécessaire à l'aller et au retour, il ne leur restait que peu d'instants sur l'objectif pour protéger les bombardiers. En nombre, la chasse anglaise égalait d'ailleurs la chasse allemande et, en performances, les Hurricanes et les Spitfires de la RAF étaient supérieurs. Les Allemands avaient en outre négligé le radar qui existait pourtant depuis 1936. Les radars britanniques suivaient les vagues d'assaut de la Luftwaffe dès leur rassemblement sur la côte française. Les chasseurs anglais connaissaient l'altitude, la vitesse et la direction de l'adversaire et se jetaient sur lui avec le maximum de chance. A cela s'ajoutaient une DCA particulièrement redoutable, un fort réseau de projecteurs et des barrages de ballons de défense ancrés par des filins d'acier.
Vint alors la vengeance aveugle tous les soirs et pendant une période de 75 nuits jusqu'au 11 mai 1941. Les bombardiers lâchèrent des bombes incendiaires sur les grandes villes: Londres, Plymouth, Liverpool, Bristol, Birmingham et Coventry (rasé).
Rien que pour Londres: 14.000 morts. Pour le reste du pays: 23.000 morts.
La légende du premier ministre au cigare et au noeud papillon indique que 90 % des Anglais l'approuvaient pour sa détermination et son héroïsme, malgré son caractère irascible et versatile. Il obtint tous les pouvoirs et créa la HOME GUARD constituée d'un demi million de personnes affectées à des missions de garde et de défense au sol.
Une conséquence de la bataille d'Angleterre fut, l'Angleterre ayant survécu, de changer les données de cette guerre en transformant son sol en arsenal de démocratie pour aboutir à la coalition des alliés.
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