TOME 3 - FASCICULE 10 - AVRIL-JUIN 1988

Sommaire

Editorial

Ligne MAGINOT - Ouvrage du FOUR A CHAUX

Courrier des lecteurs

André ALEXANDRE - Les Chasseurs Ardennais

Günter SCHALICH - L'artillerie lourde allemande en action contre les forts de Liège en août 1914

Jules LEBEAU - La construction du fort d'Eben-Emael

F. GERSAY - STANLEYVILLE, le 29 août 1960

G. SALLE - Le Fort d'EMBOURG (suite)

Editorial

LE PLAISIR EST DANS LE PARTAGE
En mars dernier, au terme d'une Assemblée Générale très réussie, je concluais la réunion par l’interrogation suivante :
"La question la plus fondamentale et la plus préoccupante me semble être celle de la mise en commun, de l’exploitation et de la diffusion des connaissances et de l’expérience de chacun d’entre nous pour le plus grand bénéfice de tous !"
Nous avons parmi nos membres des gens d'une rare compétence, dont la science en matière de fortification (surtout contemporaine) est absolument remarquable. Comment faire profiter l’ensemble de nos membres de toutes ces richesses ? Là est la question.
Le moyen le plus sûr, mais certainement pas le plus facile, consiste à coucher sur papier tout ce que l'on sait. Quelques-uns osent et savent le faire. Mais comment pourrait-on aider ceux qui préfèent parler, discuter, montrer des photos ou des documents, commenter une archive, voir et toucher ?
Je fais appel à vos lumières car, j’en suis sûr, là est notre raison d’être et notre avenir. Et de plus le plaisir est dans le partage.
A. GANY
Saviez-vous qui était : GODILLOT, le précurseur ?
L'un des plus anciens catalogues d'équipements militaires et certainement le premier, sous forme de photographies, est l'extraordinaire recueil de 1865 d'Alexis Godillot (qui a donné son nom au brodequin de troupe). On y trouve notamment des panoplies complètes du biffin et du cavalier ...
Tout cela était à vendre, et pas seulement réservé à l'armée française.
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Ligne MAGINOT - Ouvrage du FOUR A CHAUX

Syndicat d'initiative de LEMBACH et environs - F 67510 LEMBACH Tél. 88944316
Depuis plus d'un demi-siècle, les casemates de la Ligne Maginot font partie du paysage de l'Alsace du Nord.
Le Four à Chaux et le Petit Ouvrage de Lembach ont été creusés entre 1930 et 1935 pour défendre la frontière franco-allemande. Première occupation de l'ouvrage en 1938. En mai 1940, intervention de l'artillerie sur des patrouilles ennemies. Le 19 juin 1940, 27 Stukas bombardent le massif de Four à Chaux et le P. 0. de Lembach. Le cessez-le-feu eut lieu le 25 juin 1940 à 00h35.
Le 1er juillet 1940, les troupes du Four à Chaux se rendent avec les honneurs de la guerre et sont désarmées le 2. De 1940 à 1944, l'armée allemande occupe l'ouvrage. De gros travaux de réparation furent effectués de 1951 à 1953 et le "Four à Chaux" a pu être ouvert au public en 1983.
SUPERSTRUCTURES
Ce sont les installations en surface comprenant : des tourelles d'artillerie escamotables (protection éloignée), des tourelles et casemates d'infanterie (défense rapprochée), le tout complété par des barrières de rails antichars, un profond réseau de barbelés et de champs de mines. Des postes d'observation fournissaient les coordonnées des tirs d'artillerie.
LE MUSEE
Dans l'ancienne gare de triage de l'Entrée des Munitions, sont exposés des vestiges de la guerre de 1939 - 1945 : armes individuelles légères, projectiles et munitions, éclats d'obus, affiches de propagande, uniformes, insignes.
HEURES D'OUVERTURE
Mi-mars au 30 avril : 2 visites 10 h et 15 h.
1er mai au 30 juin : 3 visites 10 h, 15 h et 17 h.
1er juillet au 31 août : 6 visites, 9 h, 10 h 30, 14 h, 15 h, 16 h et 17 h.
1er au 30 septembre : 3 visites, 10 h, 15 h, et 17 h.
1er octobre à mi-novembre : 2 visites, 10 h et 15 h.
Dimanches et jours fériés : selon l’affluence, à 9 h, 10 h , 11 h, 14 h, 15 h, 16 h et 17 h.
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Courrier des lecteurs

1. Réponse à la question concernant le monument du pont Albert 1er
La question posée à l'initiative de M. L. LEVAUX nous a valu des réponses de Messieurs BOSMAN, ERLER, W. FRESON, FREUVILLE, MEYERS et VIATOUR.
L'ensemble des réponses et commentaires couvre dix pages. Afin de ne pas lasser le lecteur en lui donnant un véritable cours d'histoire, nous faisons la synthèse des réponses.
Voici donc les événements se rapportant aux dates mentionnées sur le Monument aux Libertés Liégeoises,
Le Monument des Libertés Liégeoises
1106.
Le Prince-Evêque OTBERT soutient son suzerain, l'Empereur germanique HENRI IV, qui avait été chassé de son trône par son fils, Henri V, et qui avait trouvé refuge à Liège (il y est mort le 7 août 1106). A VISE, l'avant-garde allemande de Henri V est taillée en pièces par les soldats liégeois.
1213. La Bataille des STEPPES (ou de la Warde de Steppes).
Le 13 octobre, nos gens des métiers, conduits par l'Evêque HUGUES de PIERREPONT, écrasent le Duc HENRI 1er de BRABANT (Henri le Guerroyeur) à MONTENAKEN. Cette bataille met un terme aux campagnes brabançonnes contre Liège. Pour la première fois, une armée composée de seigneurs est vaincue par des hommes du peuple. L'anniversaire de cette date sera fêté comme Fête nationale liégeoise jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.
1346. La Bataille de VOTTEM.
Le 19 juillet, révoltés contre leur Prince-Evêque, ENGLEBERT DE LA MARCK, les Liégeois et les Hutois, à Vottem, mettent en fuite l'armée de l'évêque où figurent les bannières des Rois d'Allemagne et de Bohême.
Liège bataillait sous l'étendard de Saint-Lambert. Ses milices étaient commandées par RAES, WAROUX, BARTOLE.
1408. La Bataille d'OTHEE.
Le 23 septembre, trois armées liguées, celle du Prince-Evêque JEAN DE BAVIERE, (qui avait été précédemment assiégé dans Maastricht par les milices liégeoises), celle du Duc JEAN DE BOURGOGNE (Jean sans Peur), et celle du Comte GUILLAUME DE HAINAUT, attaquent Liège. HENRI DE PERWEZ, mambour des Liégeois conseille d'attendre le choc à l'abri des fortifications de la Cité.
Il n'est pas entendu et, le 23 septembre 1408, 20.000 hommes des milices liégeoises s'avancent vers l'ennemi. Le choc a lieu à Othée. Le mambour et son fils restèrent parmi les milliers de morts couvrant le champ de bataille.
Jean de Bavière, méritant son surnom de Jean sans Pitié, ordonna les plus atroces représailles. La Meuse charria des milliers de cadavres, y compris de femmes, d'enfants et de prêtres. Les représentants de la nation liégeoise durent signer un acte qui abolissait toutes les libertés.
1468. Le sac de Liège par CHARLES LE TEMERAIRE.
La nuit du 29 au 30 octobre, GOSSUIN DE STREEL tente contre le camp bourguignon établi à Sainte-Walburge un coup désespéré à la tête des 600 FRANCHIMONTOIS". Ils arrivent jusqu'au seuil du logis du Duc de Bourgogne et du Roi de France, LOUIS XI. Exténués, les hommes doivent reculer. Le 30, l'assaut général est donné, la ville n'a plus de défenseurs. Elle est pillée, mise à sac et le 3 novembre, le Duc de Bourgogne ordonne de mettre le feu à la ville (la destruction du pont des Arches commence le 22 novembre).
1790.
Pour rappel, le 14 juillet 1789, en France, prise de la Bastille. En août 1789, sans effusion de sang, l'administration du Prince-Evêque HOENSBROEK s'effondre. Hoensbroeck émigre.
En avril 1790, les Prussiens, entrés à Liège pour exécuter la sentence du Tribunal d'Empire de Wetzlar, qui condamnait le pays à reprendre son évêque, évacuent la Cité et, dès le mois de juin, les députés siègent aux Etats. La majorité du pays adhère à la Révolution. Lorsque le tribunal de Wetzlar envoie de nouvelles troupes, des volontaires accourent de partout. Le 29 juin 1790, s'élèvent pour la première fois les strophes du "VALEUREUX LIEGEOIS".
Nous nous arrêterons ici. Cependant plusieurs de nos correspondants nous écrivent qu'on aurait pu ajouter de nombreuses dates. Par exemple, Messieurs Fréson et Viatour citent 1691 où, du 1er au 7 juin, le maréchal de BOUFFLERS fit bombarder Liège à boulets rouges et où 1500 maisons furent détruites, Amercœur et la Boverie ravagées. (M. Viatour donne comme référence, à ce sujet : Nicolas CHEVALIER, Le bombardement de Liège, Editions L. GASON, Verviers, 1949, brochure d'une vingtaine de pages, rare, tirée seulement à 60 exemplaires).

M. Fréson nous signale qu'il a trouvé les réponses dans "FASTES MILITAIRES DU PAYS DE LIEGE", 1970. Ce volume de 232 pages, 50 planches hors-texte, peut être obtenu au C.L.H.A.M. au prix de 300 francs (plus frais de port). Les lecteurs qui auraient, antérieurement, payé plus cher seront crédités, à leur demande, de la différence.

Deux autres références : Jean LEJEUNE, La Principauté de Liège. Eugène WAHLE, éditeur, Liège 1980, et DD. BOVERIE, Vue par un journaliste, l'Histoire de Liège, Editions Gustave SIMONIS, Liège. 1975.
2. Réponse à la question de M. R. RENARD concernant les "LEBENSBORN"
Monsieur M. VIATOUR nous adresse la réponse suivante :
D'après le remarquable livre écrit par Marc HILLEL ("Au nom de la race", Librairie Arthème FAYARD, Paris, 1975), les "Lebensborn" (de "Leben" = vie et "Born" = source) étaient en réalité de véritables institutions créées par le Reichsführer SS HIMLER dans le but de procréer une "super-race nordique" à l'aide d'hommes et de femmes dûment sélectionnés selon les critères raciaux du IIIe Reich.
Je ne saurais que conseiller à M. RENARD de lire cet intéressant ouvrage, et s'il désire en savoir plus, il pourra très utilement consulter la bibliographie de 3 à 4 pages figurant, à la fin de ce volume.
3. Réponse à la question de M. J. HARLEPIN concernant le "B-Werk"
Monsieur G. SCHALICH nous adresse la réponse suivante :
Le mot "Werk" fait penser au mot "ouvrage" mais un B-Werk n'a rien à voir avec un ouvrage, comme, par exemple, ceux de la Ligne Maginot.
Le règlement allemand "Anweisungen für die Ausbildung der Infanterie in den städigen Kampfanlagen" (Berlin, 1940) donne la désignation exacte :
"Les "Werk" sont des points d'appui fortifiés qui consistent en plusieurs emplacements de tir (c'est-à-dire chambres de tirs ou postes de combat) pour des armes différentes et qui sont appropriés pour la défense circulaire. Ils sont désignés pour la défense de certains secteurs de terrain importants.
Les "Werke" ont un appareillage intérieur pour ventilation, éclairage, alimentation en eau et assèchement.
Dans un "Werk" type "monobloc", les armes sont concentrées dans un bloc.
Dans un "Werk" type "multibloc", les emplacements d'arme sont étirés et reliés par des galeries en béton armé.
Outre les emplacements d'arme, les "Werke" ont encore des aménagements pour PC, observation et transmission. Le nombre et les caractéristiques des armes se règlent sur le terrain ou dans les ordres de combat".
Disons encore que le mot "Werk" signifie plutôt "casemate" et que "Werkgruppe" signifie "ouvrage".
Que veux dire le "B" ? Cette question est toujours discutée en Allemagne.
Il faut dire que le Génie allemand a commencé à construire une ligne d'ouvrages à l'est, l'Oder-Warthe-Bogen. L'entreprise de la sorte de celle de la Ligne Maginot fut arrêtée par Hitler qui avait de nouveaux plans pour l'ouest.
A l'origine, le "B" veut dire "protection B" (2 m de béton armé) pour les blocs de l'Oder-Warthe-Bogen, et le Génie allemand a réutilisé ce terme pour le Westwall pour définir ces bâtiments qui sont des géants, comparés aux autres casemates et abris du Westwall. Mais il faut remarquer que nombre de "B-Werke" et même des casemates plus petites ont reçu la protection "A" (3,5 m et plus tard même 6 m de béton armé). On a aussi changé les chiffres de protection A, B, C et D à la fin des années 30.
Une réponse satisfaisante ne peut pas être donnée. L'expression "B-Werk" est devenue un simple mot.
Disons encore que chaque "B-Werk" a eu normalement deux cloches pour deux mitrailleuses chacune, une cloche d'observation, une cloche pour lance-grenades mécanique (50 mm) et une cloche lance-flammes, il est incorrect de nommer les "B-Werke" comme "ouvrages lance-flammes".
On a construit seulement 32 "B-Werke" et quelques "B-Werke" de type réduit.
La plus grande partie est détruite.
4. LA MEDAILLE DE LIEGE 1914.
Monsieur ERLER nous adresse les notes suivantes :
La création de cette médaille avait déjà été envisagée par le Conseil Communal de la Ville de Liège sous l'occupation allemande, mais de ce fait, les délibérations du Conseil n'avaient pu faire l'objet d'une décision officielle dans un document public. Cette situation fut sans doute perdue de vue à l'Armistice et aucune décision officielle ne semble être intervenue depuis.
En principe, la "Médaille de Liège" a été accordée aux Défenseurs de la Position Fortifiée de Liège. Elle fut distribuée pour la première fois en avril 1920 au cours d'une cérémonie que présida Mgr le Duc de Brabant (Prince Léopold) et à laquelle assista le Général Leman qui commandait la Place de Liège en août 1914.
Actuellement, cette distinction est encore accordée aux militaires qui prirent part à la défense de la Ville de Liège en août 1914. (Réf. H. QUINET 1963)
Aucun diplôme n'accompagne la médaille. Une lettre d'information aux bénéficiaires, émanant du Collège des Bourgmestre et Echevins de la Ville de Liège en tient lieu.
L'Autorité Militaire n'a pas accordé reconnaissance officielle à cette médaille. Le port en était toutefois toléré pour les militaires.

N.B. Il faut d'ailleurs remarquer à ce sujet que les Autorités militaires collaborent à l'enquête menée en vue de la délivrance de cette distinction aux Anciens de Liège.

Le bijou est en bronze, de forme ronde, bordé sur les deux faces par une guirlande de lauriers, large de 3 mm, en relief. Le centre de l'avers reproduit en relief le Perron Liégeois et en exergue " LA VILLE DE LIEGE A SES VAILLANTS DEFENSEURS"; le revers représente une scène de guerre.
La médaille est suspendue par un anneau à un ruban large de 37 mm, divisé exactement en deux longitudinalement; une moitié est rouge et l'autre jaune.
Ces couleurs sont celles de la Ville de Liège.
5. Le cavalier Antoine FONCK du 2e Rgt de Lanciers
En complément de l'article de M. J. THONUS, paru dans le dernier bulletin, M. G. SCHALICH nous communique un témoignage, celui du sous-officier allemand qui a tué le Cavalier FONCK.
A. Benary - Königlich Preussisches Magdeburgisches Husaren-Regiment 10 - Berlin 1934 - Pages 44 à 46 :
"L'escadron (1./10 = premier escadron du 10 Husaren-Regiment) a franchi la frontière avec la compagnie de cyclistes du bataillon de Chasseurs 4, près de Bildchen. C'était le 4 août à 09.00 (heure allemande). Près de Battice, l'escadron a rencontré pour la première fois l'ennemi. Le sous-officier Müller, qui commandait la patrouille, a repoussé avec allant une patrouille de Lanciers belges et a abattu un cavalier :
"J'ai cherché un lieu comme position de couverture, que j'ai trouvé à la bifurcation à 800 m de Battice. Après un certain temps, une de mes sentinelles a signalé une patrouille de cavalerie. Avec mes jumelles, j'ai constaté que c'était des Lanciers belges : un lieutenant et neuf soldats.
Leur ordre de marche était à peu près comme chez nous : 4 - 2 - 4. Moi, j'ai eu l'ordre de marche "2-4-3 avec un soldat en arrière comme liaison.
"J'ai eu l'occasion de laisser s'approcher les Belges avant d'ouvrir le feu. Mais nous étions des Hussards, des cavaliers allemands. J'ai retiré les sentinelles et j'ai donné l'ordre de se mettre en selle pour être prêts. Au moment de l'apparition des 4 Belges à la bifurcation, nous avons attaqué en poussant des hourras.
"Les Belges ont rebroussé chemin et ont emmené les autres cavaliers. Au galop de charge, j'ai tiré avec mon pistolet. Au troisième coup, un cheval s'est abattu dans une mare de sang. Le Lancier a sauté derrière une haie et m'a visé, également avec un pistolet. J'ai eu des difficultés pour parer, car mon cheval s'est cabré. J'ai crié "pardon" au Belge, mais il a continué à tirer. Heureusement, les balles m'ont raté. Enfin, j'ai pu tirer également. Notre premier soldat belge s'est écroulé. Tout ça s'est passé en quelques minutes. En poursuite, nous sommes arrivés jusqu'à 300 m du village de Battice, mes soldats à la même hauteur que moi. Du village, on a commencé à tirer sur nous. J'ai crié à mes Hussards : "Sortez de la route !", et on s'est cachés derrière les haies. La fusillade a attiré notre infanterie et les cyclistes du bataillon de Chasseurs 4. J'ai expliqué la situation au chef du détachement. Trente minutes plus tard, les cyclistes ont chassé la patrouille."
"Vers 15.00 h, l'escadron est arrivé à Herve."
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André ALEXANDRE - Les Chasseurs Ardennais

"Es sind keine Menschen, sondern grüne Wölfe" (Ce ne sont pas des hommes, mais des loups verts)(Erwin Rommel, commandant la 7e Panzerdivision, à Chabrehez, le 10 mai 1940.)
Il y aura bientôt 54 ans, étaient créés officiellement les Régiments de Chasseurs Ardennais, qui reçurent leurs drapeaux, à Waltzing (Arlon) le 15 septembre 1934.
Des origines à la guerre.
La défense des Ardennes a toujours été l'un des principaux sujets de préoccupation de l'Etat-Major de l'Armée. Ce problème avait déjà été soulevé lors du conflit franco-prussien de 1870.
Bien avant la première guerre mondiale, on reparla de la défense du Luxembourg. Le major Bremer suggérait même, en mars 1914, d'y créer des unités spéciales, chargées de la défense des frontières et de la préparation des destructions.
La question est reposée à nouveau par le général Hellebaut, en 1928, à la Commission Militaire Mixte. Ce général préconise de lutter à la frontière, au moyen d'un système de destructions et d'obstructions tenues par des détachements spéciaux s'appuyant sur des positions préparées, dont l'ossature serait faite d'abris bétonnés.
Le 16 avril 1931, le sénateur libéral Albert Devèze fait adopter, par le Conseil Supérieur de la Défense Nationale, un projet de constitution d'un centre de résistance permanent pour défendre "la trouée des Ardennes". Il demande la création d'un bataillon de Chasseurs Ardennais à six compagnies, à Bastogne.
Monsieur Devèze devient ministre de la défense nationale en décembre 1932. Aussitôt il fait mettre ses conceptions en pratique.
En février 1933, le ministre crée le Commandement des Troupes de Défense du Luxembourg et de Namur (T.D.L.N.) et provoque, en mars, le changement de dénomination du 10e Régiment de Ligne, caserné à Arlon, en Régiment de Chasseurs Ardennais, dont la devise sera "Résiste et mords".
Dès la fin de cette même année, il conçoit le projet de diviser le régiment en trois détachements, établis à Arlon, Bastogne et Vielsalm, avec recrutement et mobilisation locaux. La construction de casernes à Bastogne et Vielsalm décidée, le régiment commence à recruter en Ardennes.
Les trois bataillons cyclistes de Chasseurs Ardennais, formés au moyen de volontaires à Beverloo, rejoignent Arlon à l'issue de leur instruction. Le régiment se fractionne alors en trois détachements :
- à Arlon, le 1 CH A (E.-M. du Régiment et 1er Bn (ex-1er Bn 10 Li) forment le 1er Détachement.
- à Bastogne, le 2 CH A (ex-2e Bn 10 Li) forme le 2e Détachement.
- à Vielsalm, le 3 CH A (ex 3e Bn 10 Li) forme le 3e Détachement.
Le 15 septembre 1934, à Waltzing, près d'Arlon, le Roi Léopold III remet, à chacun des Détachements un drapeau reprenant les citations de l'"ancêtre", le 10e Régiment de Ligne, dont l'étendard sera remis au Musée Royal de l'Armée, à Bruxelles.
En novembre 1934, le Régiment devient Corps des Chasseurs Ardennais, et les Détachements s'appellent désormais Groupements Mixtes des Chasseurs Ardennais. L'Etat-Major du Corps reste à Arlon.
La même année est créé à Arlon, le Groupe d'Artillerie des Chasseurs Ardennais.
En juillet 1935, les Groupements se renforcent par l'arrivée des Bataillons Cyclistes Frontière d'Arlon, de Bastogne et de Vielsalm, qui, constitués à Beverloo, accentuent le caractère d'unité spéciale.
Fin 1935, le Corps devient Division des Chasseurs Ardennais.
De 1935 à 1937, les Ch A poursuivent leur formation.
A partir du 27 mars 1937, les Groupements Mixtes prennent officiellement la dénomination de Régiments :
- 1er Régiment de Chasseurs Ardennais, casernes Léopold et Callemeyn, à Arlon.
- 2e Régiment de Chasseurs Ardennais, caserne Heintz, à Bastogne.
- 3e Régiment de Chasseurs Ardennais, caserne Ratz, à Vielsalm.
On notera qu'à Vielsalm, le 3e Ch A comprend des Belges de langue allemande, originaires des "cantons rédimés".
Le Groupement d'Artillerie devient Régiment d'Artillerie le 18 juillet 1939, et occupe la caserne de Flawinne (Namur).
Les échelons arrière des Chasseurs Ardennais, comprenant les bataillons de recrues et des dépôts de mobilisation des 4e, 5e et 6e Régiments, s'installent dans les nouvelles casernes construites à Flawinne, Seilles et Antheit, tandis que l'Ecole Divisionnaire vient tenir garnison à Namur.
A la mobilisation de septembre 1939, les Chasseurs Ardennais comprennent:
- 6 régiments d'infanterie, numérotés de 1 à 6,
- 2 bataillons de réserve cyclistes,
- 1 bataillon de troupes auxiliaires,
- 1 régiment d'artillerie,
- 1 bataillon du génie,
- 1 bataillon de troupes de transmission,
- 1 compagnie de mitrailleurs anti-avions,
- 1 compagnie médicale,
- 1 compagnie d'intendance,
- 1 compagnie de transport.
Le 22 novembre 1939, l'appellation de T.D.L.N. est remplacée par celle de VIIe Corps d'Armée, avec deux Divisions de Chasseurs Ardennais :
- la 1ère Division comprend les 1er, 2e et 3e Régiments et est commandée par le général Descamps,
- la 2e Division comprend les 4e, 5e et 6e Régiments et est commandée par le général Ley.
Le 11 janvier 1940, le Régiment d'Artillerie prend la dénomination de 20e Régiment d'Artillerie des Chasseurs Ardennais.
Au matin du 10 mai 1940, donc, les Ch A constituent un corps d'armée à deux divisions, avec régiment d'artillerie, bataillon moto et autres troupes de corps d'armée, plus un Centre de Renfort et d'Instruction (CRI) qui serait devenu, si la guerre s'était prolongée, une 3e Division composée des 7e, 8e et 9e Régiments.
La mission des Chasseurs Ardennais.
Le premier projet d'emploi, au moment de leur création, prévoyait, pour chacun des groupements, une phase de première résistance limitée, à proximité de la frontière. Cette résistance devait être articulée sur des systèmes d'abris constitués en points d'appui.
Chaque groupement devait ensuite se replier le long d'un itinéraire principal, en y faisant des arrêts derrière les destructions et obstructions, en les défendant.
Durant l'hiver 39-40, les Chasseurs Ardennais occupent successivement les différents points de défense prévus, et assurent toutes les gardes le long de la frontière, comme les unités Cyclistes Frontière des provinces de Liège et du Limbourg. Ils occupent de petits abris en béton, appelés "abris Devèze", construits dans tout le Luxembourg belge et dans la partie sud de la province de Liège.
Chaque abri est prévu pour une arme automatique (mitrailleuse ou fusil-mitrailleur) et quatre servants, gradé compris. Il doit pouvoir résister au feu du canon de 77 mm. Ces abris ne comportent pas de système de ventilation, ni de cloche d'observation ni de projecteur. Ils sont de dimensions réduites (3,30 m x 3,25 m) et dissimulés dans des couverts naturels ou des bâtiments.
Le colonel Chardomme, premier chef de corps des Ch A, a imaginé un affût spécial de casemate pour la mitrailleuse Maxim, et un autre officier, du nom de Squifflet, a apporté une modification qui permet de fixer le F.M. Mod 30.
Une première ligne de 172 abris est établie près de la frontière, sur une ligne allant de Stavelot à Arlon, par Houffalize et Bastogne; cette ligne s'appuie sur les rivières Salm, Ourthe orientale supérieure et Sure.
Les centres fortifiés d'Arlon et de Bastogne comportent respectivement 28 et 29 abris. Certains noeuds routiers sont défendus par un total de 44 abris.
Habay-la-Neuve (6 abris), Vance (3), Neufchâteau (13), et une ligne d'Amberloup à Recogne (14) complètent le système de défense qui comporte au total 312 abris qui ont coûté 6 millions de francs de l'époque.
Ajoutons encore que, dans la région de Manderfeld - Saint-Vith - Losheimergraben, le peloton du lieutenant Stevelinck (3e Ch A) a utilisé des skis, au cours de l'hiver, pour parcourir toute la région, devenant ainsi, officieusement, la première (et unique) unité belge de "chasseurs-skieurs" !
La campagne des 18 jours.
En mai 1940, les Ardennais remplissent magnifiquement leur devoir, forçant l'admiration de l'ennemi; ils se battent courageusement du début à la fin, faisant ainsi honneur à leur devise. Voici quelques exemples :
- Le commandant Kelecom, à la tête de la 4e Cie du II/1 Ch A, accroche l'ennemi qui se présente à Martelange vers 7 heures du matin le 10 mai et lui occasionne des pertes sensibles.
- A Bodange, la 5e Cie du II/1 Ch A, du commandant Bricart, bloque l'avant-garde de la 1ère Panzerdivision toute la journée; à Strainchamps, le 1er peloton du sous-lieutenant Nemry se maintient même jusqu'à la tombée de la nuit, arrêtant un élément avancé de la 2e Panzerdivision.
- Entre Vielsalm et Houffalize, la 3e Cie du 1/3 Ch A accroche le 7e Panzer et le bloque pendant plusieurs heures à Chabrehez, obligeant Rommel à intervenir en personne.
- A Léglise, les aéroportés allemands transportés par Fieseler Storch sont contre-attaqués par la Cie Motos du 1 Ch A et doivent abandonner le village.
- A Rochelinval, un peloton de la 5e Cie du 11/3 Ch A, commandé par le sous-lieutenant Liégeois, contient pendant 5 heures la 8e Infanteriedivision, l'empêchant de contourner la position de Trois-Ponts.
Pour toutes ces actions, les Chasseurs Ardennais reçoivent une citation "Ardennes 40".
Par la suite, sur la Meuse, le Canal Albert, la Dendre et la Lys, les Chasseurs Ardennais combattront avec un rare courage, contre-attaquant avec succès à Vinkt, à Gottem, à Deynze; ils réoccuperont de nombreuses positions prises par les Allemands.
Pour l'ensemble de la brève Campagne des 18 Jours, les Chasseurs Ardennais auront reçu 6 citations : "Ardennes 40", "La Dendre", "Vinkt", "La Lys 40", "Canal Albert", "Bataille de Belgique 1940".
Les Anglais, impressionnés par les actions des Chasseurs Ardennais, doteront leurs commandos de bérets verts, en hommage à leur bravoure.
Le 1er Ch A recevra en outre, suite aux combats livrés dans la région de Neufchâteau, la Croix de Guerre française avec palme, et la fourragère aux couleurs de l'Ordre de Léopold. Les autres régiments recevront également la fourragère.
Durant l'occupation est créé le Service Social des Chasseurs Ardennais, qui viendra en aide aux Chasseurs et aux familles des prisonniers.
Plusieurs réseaux de résistance adopteront, en signe de symbole, le béret vert des Chasseurs, et certains groupes, comme celui d'Orchimont (Armée Secrète), compteront dans leurs rangs de nombreux Chasseurs rescapés de la Campagne de 40.
Les tenues.
Lorsqu'il s'agit, en 1933, de doter les Chasseurs Ardennais d'un uniforme et d'attributs particuliers, on se soucie de l'implantation géographique des garnisons et du recrutement local.
Des études sont entreprises et il semble que trois projets successifs ont vu le jour.
Le premier attribue aux Chasseurs Ardennais un uniforme gris, du genre de celui de la Grenzschutz allemande; le Musée de l'Armée détient les preuves de l'existence de ce projet, sous forme de planches en couleurs.
Le deuxième projet propose une tenue bleu-marine, comparable à celle des Chasseurs Alpins français.
Le troisième, attribué au Ministre Devèze, est finalement adopté. Les Chasseurs Ardennais se voient dotés d'une tenue à peine différente de celle du reste de l'armée (veste ou vareuse kaki avec culotte des troupes montées ou cyclistes, casque d'acier, ...). Les différences les plus évidentes tiennent à la coiffure et aux insignes.
On notera que, pendant un court laps de temps, le bataillon à pied sera équipé du pantalon d'infanterie avec guêtrons, avant la généralisation de la tenue des troupes montées (culotte et guêtres). La capote réglementaire est celle des cyclistes, très courte, sauf pendant la période où le bataillon susmentionné fut équipé de la capote normale d'infanterie.
Il existe des vestes de cuir de plusieurs modèles et couleurs; les premières sont de couleur noire et les suivantes seront kaki-olive. Des différences (longueur, coupe des poches et du col) résultent des différents contrats passés avec des firmes civiles.
Les pantalons de cuirs sont moins courants que les vestes.
Coiffure et insignes.
A la place du "bonnet à floche", les Ardennais sont dotés du large béret vert-sapin, presqu'identique, couleur exceptée, à celui des Chasseurs Alpins français. Il a un diamètre de 28 cm, soit un peu plus que le béret actuel du même Corps. Sa teinte est aussi légèrement plus foncée. Il se porte davantage sur l'oreille droite qu'à l'heure actuelle.
Les insignes
L'insigne du béret et des pattes de col est la hure de sanglier. Les couleurs des pattes de col sont le vert-sapin avec passepoil écarlate (à l'exception des officiers généraux, du personnel médical et des artilleurs).
Le vert rappelle la couleur dominante de l'Ardenne et l'écarlate, l'appartenance à l'infanterie. La hure rappelle l'animal caractéristique des Ardennes, qui symbolise lui-même la puissance et l'agressivité résumées par la devise : "Résiste et mords"
Revue des Chasseurs Ardennais par le Roi Léopold III
La casquette est rarement portée; dans ce cas, la hure est posée sur le bandeau et le sommet de ce dernier est orné d'un passepoil écarlate. Les aumôniers portent la croix sur la casquette et les médecins, le caducée. Les généraux (le général Ley est vu le plus souvent en casquette) y portent les attributs prévus par le règlement. Cependant, le généraux peuvent porter le béret; dans ce cas, le foudre est porté en principe entre les doubles barrettes. On note cependant que le général Descamps a l'habitude de remplacer le foudre par la hure sur son béret, pratique qu'il avait déjà adoptée en tant que colonel commandant le 1 Ch A alors que, officier breveté d'Etat-Major, il eût dû porter le demi-foudre entre les barrettes.
Sur le béret, les officiers brevetés d'Etat-Major portent donc le demi-foudre et les officiers supérieurs, une barrette verticale de part et d'autre de la hure ou du demi-foudre, selon les cas. Les aumôniers portent la croix, les médecins, le caducée enguirlandé et les infirmiers, le caducée simple.
Les bataillons cyclistes arborèrent au début la roue cycliste surmontée d'un chiffre. Par après, la hure fut généralisée (sauf exceptions ci-dessus), surmontant le chiffre régimentaire.
Le Bataillon Moto portait aussi la hure, posée sur le chiffre romain VII. En effet, le bataillon était directement rattaché au Corps d'Armée; les documents prouvent cependant que le chiffre romain ne fut pas porté par tous.
Une dernière exception : les artilleurs arboraient au béret vert une roue dentée posée sur deux canons croisés. Ceci était destiné à souligner que l'unité était une des rares de toute l'artillerie à être entièrement motorisée. On notera également que les artilleurs ne portent pas de hure aux pattes de col, qui sont d'ailleurs de la couleur traditionnelle de l'artillerie, c'est-à-dire bleu de roi à passepoil rouge.
Divers modèles de hures ont existé, dans l'ensemble un peu plus allongées que les modèles actuels, plus bombées et un peu plus épaisses. Il est à remarquer que sur les pattes de col, les têtes sont placées se regardant et que sur la coiffure, la hure est placée regardant dans la même direction que sur la patte de col gauche.
L'équipement.
L'équipement individuel est en cuir et en toile. Il est porté en grande partie sur le vélo.
Les pionniers artificiers sont munis d'un étui spécial contenant une cisaille repliée en deux parties.
Le personnel des T 13 et T 15, et le personnel motocycliste portent la veste de cuir et le casque moto ou celui du modèle des équipages de blindés. Sur cette veste, et même sur la capote, est portée la gaine du GP avec planchette-crosse, et l'étui pour chargeur de rechange.
Les porteurs de FM ont l'équipement en webbing et les Chasseurs dotés d'une mitraillette (en principe, deux par compagnie) ont un équipement spécial en cuir pour porter les chargeurs.
L'homme porte sur lui l'arme de poing dans son étui s'il en est pourvu, sa pelle et sa baïonnette (dans un étui combiné). Le reste de l'équipement
personnel est porté sur le vélo.
Harnachement du vélo.
Le fusil modèle 35 est fixé le long du cadre par une boîte pour la crosse et une sangle de cuir sur plaque de tôle placée sur le cadre, pour le canon. Deux besaces sont placées de part et d'autre du porte-bagage; sur ce dernier, une couverture, la capote roulée dans une toile de tente, le casque, sanglé sur le tout. Le masque à gaz est attaché sur une des deux besaces, lesquelles contiennent la gourde et tout le reste de l'équipement, qui approche les 40 kilos avec le vélo.
Les vélos sont de lourds engins, fabriqués spécialement pour l'armée par deux firmes : Bury et Van Howard. Ils ont été décrits dans l'article consacré aux Carabiniers Cyclistes.
L'armement.
L'armement des Ch A est semblable à celui de l'infanterie et comprend, au début, le fusil Mauser M 1899, la mitrailleuse Hotchkiss, le FM Mod 30 et le pistolet FN 1910-22 de 7,65 mm. Plus tard, on verra apparaître les fusils Mod 35 ou 36, le GP 35 en 9 mm Para, la mitrailleuse Maxim en calibre 7,65 mm, la mitrailleuse lourde Hotchkiss de 13,2 mm (sur les T 15), le canon de 4,7 cm, le lance-grenades DBT, le mortier d'infanterie de 7,6 mm FRC.
Le matériel roulant.
En plus de leurs vélos, les Ch A disposent de camions de marque FN ou CMC, ou de véhicules civils réquisitionnés.
Les motos, spécialement construites pour l'armée belge, sont des Saroléa, Gillet, FN, 600 cc solo; Saroléa, FN, 1000 cc side-car; tricar FN 1000 cc.
Les véhicules blindés sont des T 13 et des T 15. Les T 13 type III sont des véhicules chenillés, sur châssis Vickers Carden-Lloyd, armés d'un canon de 4,7 cm FRC et d'un FM 30. Le 4,7 est monté en semi-tourelle à révolution totale. Le poids est de 5 tonnes, la longueur de 3,65 m, la largeur de 1,87 m, et le blindage à 9 mm. Le moteur est un Vickers 6 cylindres; vitesse sur route 40 km/h; rapport de 5 vitesses. L'équipage est composé de trois hommes.
Les Chasseurs Ardennais après la guerre.
L'armée mise sur pied après la victoire de 1945 reprend les noms et traditions des vieux régiments.
Le 1er Bataillon de Chasseurs Ardennais est reformé en 1946 et occupe successivement, en Allemagne, les garnisons de Brand, Hemer, Siegen, Siegburg, Spich, avant de revenir en Belgique à Marche-en-Famenne.
Le 2e Bataillon est reformé à Bastogne en 1952, mais sera dissous en 1956, et placé en réserve.
Le 3e Bataillon retrouve sa garnison de Vielsalm en 1952 et y est toujours stationné. On remarquera d'ailleurs qu'hormis les années de guerre, cette unité n'a jamais quitté sa garnison, fait trop rare pour ne pas être signalé.
Les 4e, 5e et 6e Chasseurs Ardennais sont des bataillons de garde mis en réserve.
Tous ces bataillons reprennent les couleurs et insignes des Chasseurs Ardennais.
Le 20e Régiment d'Artillerie des Chasseurs Ardennais est reconstitué en 1951, à Aix-la-Chapelle, sous le nom de 20e Bataillon d'Artillerie. Au contraire des autres unités citées ci-dessus, il adopte le béret bleu de roi propre à l'artillerie, mais garde ses traditions ardennaises en arborant un foulard vert.
Le bataillon moto n'a pas été reconstitué après la guerre.
ORGANIGRAMMES DES UNITES
COMPOSITION DES DETACHEMENTS DE 1934 A 1937
Un bataillon de miliciens à pied à quatre compagnies, dont une de mitrailleurs; une compagnie de mortiers F.R.C. de 7,6 cm; une compagnie de canons antichars de 4,7 cm; quatre autos blindées.
En 1935, les Groupements se renforcent par l'arrivée des Bataillons Cyclistes; les Chasseurs reçoivent des T 13.
COMPOSITON DES REGIMENTS EN 1937
Deux bataillons, dont un cycliste, de deux compagnies, à deux pelotons; une compagnie d'engins composée d'un peloton de quatre mitrailleuses, un peloton de quatre T 13, une section de deux mortiers 7,6 FRC et une section de deux T 15.
En mars 1938, les compagnies passent de deux à trois pelotons, par l'appoint de quatre mitrailleuses, et la compagnie d'engins perd ses mitrailleuses et ses mortiers; elle reçoit, en contrepartie, neuf T 13 et un peloton de motocyc1istes. La même année, les bataillons de recrues des échelons arrière sont mis à vélo, et tous les Chasseurs Ardennais reçoivent une instruction multiple comprenant les qualifications de pionnier et d'artificier.
COMPOSITION DES REGIMENTS EN 1940
Etat-Major régimentaire et Cie médicale
1er Bataillon : Etat-Major, 1ère, 2ème, 3ème Cie
2ème Bataillon : Etat-Major, 4ème, 5ème, 6ème Cie
3ème Bataillon : Etat-Major, 7ème, 8ème, 9ème Cie
10ème Cie Motos et 11ème Cie Engins (T13 et T15).
La compagnie comprend trois pelotons de fusiliers à deux groupes de combat et une équipe DBT, un peloton de mitrailleurs à quatre pièces, un peloton hors-rangs.
Le peloton comprend 46 hommes (contre 65 à l'infanterie de ligne), formant deux groupes de combat et un groupe de trois lance-grenades (même organisation que les CyF de Liège et du Limbourg). La puissance de feu est cependant sensiblement égale à celle de l'infanterie de ligne car le groupe de combat est à deux F.M. chez les Ardennais. Le peloton de mitrailleurs comprend deux sections, armées chacune de deux mitrailleuses.
COMPOSITION DU GROUPE D'ARTILLERIE (1934 à 1938)
A sa formation, le Groupe d'Artillerie comprend : 3 batteries de canons 75mm Bofors M34 à quatre pièces, remorqués par des tracteurs à chenilles Vickers Carden Lloyd; ces canons sont d'un type spécial permettant une action efficace dans les sites parfois tourmentés de l'Ardenne. Dans le film de l'époque, de Gaston Schoukens, "Ceux qui veillent", on voit les Chasseurs Ardennais porter à bras les différentes pièces des canons (tubes, affûts, boucliers, bêches).
COMPOSITION DU REGIMENT D'ARTILLERIE 1938
Le Régiment comprend un groupe à deux batteries de canons Bofors 75mm M34 et un groupe à deux batteries d'obusiers 105 mm. Ces pièces sont remorquées par des tracteurs FN de 3 tonnes. En outre, les Chasseurs Ardennais disposent d'artillerie lourde, les batteries de Neufchâteau et de Libramont, qui comptent chacune quatre obusiers de 6 pouces.
Le 10 mai 1940, la composition est la suivante :
1er Groupe de canons de 75 mm à deux batteries
2ème Groupe de canons de 75 mm à deux batteries
3ème Groupe d'obusiers de 105 mm à trois batteries de deux pièces
4ème Groupe d'obusiers de 105 mm à trois batteries de deux pièces
Une batterie école.
COMPOSITION DU BATAILLON MOTOS 1940
Deux Compagnies Motos à trois pelotons de fusiliers et une compagnie d'engins de deux pelotons de mitrailleurs à quatre pièces et deux pelotons de canons de 4,7 tractés à quatre pièces (traction par camions GMC). La mission du Bn Motos ChA est la reconnaissance, la sûreté et le renseignement.
COMPOSITION DU CRI ChA; 7ème REGIMENT ChA (1940)
Trois bataillons, un de recrues et deux de renforts; une compagnie de services et une compagnie école.
Le premier type de véhicule automoteur pour le canon de 4,7 (Vickers Carden Lloyd MkVI)
Pièce de 75 mm Bofors Mle 34, avec son équipe et le tracteur FN 4x4
Le mortier de 7,6 FRC avec ses servants
T 15
Les mitrailleurs et leur Hotchkiss lors d’un défilé
Cycliste du Groupement Mixte, en 1934. A remarquer la fixation du fusil sur le vélo
Tir anti-aérien au FM 30. Au centre, un officier, à droite, un sous-officier
Une section de cyclistes des Chasseurs Ardennais
Un Peloton d’une des 10 Cie Motos. Tous ne sont pas dotés du casque moto
Les Chasseurs Ardennais à la revue
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Günter SCHALICH - L'artillerie lourde allemande en action contre les forts de Liège en août 1914

Première Partie - Matériel et dispositif de l'artillerie lourde allemande à Liège.
Préface
Le coup de main ('Handstreich') allemand contre Liège du 5 (soir) et du 6 août ne fut pas un grand succès. Les troupes belges à Liège, supposées peu nombreuses, ont souvent repoussé les attaques des six brigades allemandes. Uniquement la 14ème brigade, commandée par Ludendorff après la mort de von Wüssow à Retinne, a percé le cordon de défense et a repoussé les Belges.
L'ordre de retraite du Général Leman aux troupes belges a déchargé les Allemands de l'obligation d'écarter l'obstacle principal : les troupes de campagne belges. Il reste seulement 12 obstacles - les forts !
Les Allemands se rendent compte qu'ils ont besoin de l'artillerie lourde. L'artillerie légère et les quelques mortiers des brigades sont impuissants contre ces forts de béton et d'acier.
La première partie de cet article s'occupe du matériel d'artillerie allemand employé contre les forts de Liège. Nous parlerons principalement de l'artillerie lourde, et nous voulons seulement effleurer le sujet de l'artillerie légère. Nous allons aussi expliquer le dispositif d'un régiment d'artillerie allemand.
La deuxième partie de l'article comprend l'action de l'artillerie lourde allemande contre les forts. En cette occurrence, on parlera des toutes nouvelles armes, comme le mortier 'M' et le lance-mines lourd, mais aussi de la batterie mystérieuse du Parc d'Avroy. (Pour éclaircir cette énigme, beaucoup de recherches ont été nécessaires).
A. L'artillerie légère
1. L'obusier léger Mle 98/09 - Leichte Feldhaubitze (l.F.H.) 98/09
Ce canon était développé du L.F.H. 98, qui avait un système de recul rigide comme le Feldkanone 96 (F.K. 96). Il était nécessaire pour les usines Krupp et Rheinmetall d'introduire le système à recul sur affût. En 1909, l'A.P.K. (Artillerie-Prüfungs-Kommission, c.-à-d. commission de vérification de l'artillerie) a adopté l'obusier proposé. A la mobilisation, 1.260 de ces obusiers étaient disponibles, c.-à-d. 20 % de la force totale de l'artillerie légère.
Renseignements divers
2. Le canon de campagne Mle 96 n/A - (Feldkanone 96 n/A)
Le Feldkanone (F.K.) 96 a eu un système à recul rigide. A cause des expériences de l'époque avec les premières pièces à recul sur affût, on a considéré le F.K. 96 comme démodé, mais l'A.P.K. n'a pas tenu compte de ce fait. Grâce à Rheinmetall et son constructeur génial Ehrhardt on a commencé à faire des essais de tir, qui ont duré de 1900 à 1902.
En 1904, l'A.P.K. a adopté le système, et le F.K. 96 fut réadapté avec le système reculant 'Ehrhardt' et le dispositif d'arrêt hydraulique 'Krupp' pour pièce à recul sur affût. La pièce reçut l'appellation 'F.K. 96 n/A' (neue Ausführung, c.-à-d. nouveau modèle).
Renseignements divers
B. L'artillerie lourde
1. L'obusier lourd Mle 02 - (schwere Feldhaubitze (s.F.H.) 02)
En 1895, on a adopté un obusier de 15 cm 'Krupp', avec culasse à coin plat. Une décision impérative, dite 'Allerhöchste Kabinetts-Order' (A.K.O.), a imposé d'améliorer cet obusier (dénommé s.F.H.). Déjà en 1897, l'A.P.K. s'est mis en relation avec Krupp et l'A.K.B. (Artillerie-Konstruktions-Büro, c. à. d. bureau d'études de l'artillerie) pour la réalisation d'un obusier de 15 cm avec système reculant. Deux ans plus tard on a proposé le V.H. 99 (Versuchs-Haubitze, c.-à-d. obusier expérimental), jugé avec bienveillance, mais finalement refusé comme trop lourd.
Tout d'abord il était nécessaire d'alléger le poids du tube et le poids de l'affût. Après on a amplifié le recul de 540 mm à 650 mm. En 1902, le s.F.H., plus tard si bien connu, fut adopté. Peu à peu l'obusier fut affecté à l'artillerie à pied ('Fußartillerie'). Le s.F.H. de 1895 fut affecté aux parcs de forteresse comme artillerie mobile de place.
Renseignements divers
L’obusier lourd Mle 02 (s.F.H. 02)
2. Le canon de 10 cm Mle 04 - (10 cm Kanone 04)
Les usines de Krupp ont réalisé ce canon, qui fut adopté en 1905. Le canon fut une amélioration de ses prédécesseurs et avait une meilleure mobilité, une vitesse de tir plus grande et une équipe de pièce plus réduite. Le canon a travaillé avec un système à recul invariable et avec une culasse à coin vertical.
Renseignements divers
Le canon de 10 cm Mle 04 (10 cm Kanone 04)
3. Le canon de 13 cm - (13 cm Kanone)
Avant 1914, les Allemands ne tenaient pas beaucoup à avoir des pièces lourdes à tir tendu et à grande portée. On s'était éloigné du calibre éprouvé de 15 cm pour réaliser le canon de 13 cm qui fut seulement un canon de compromis.
L'armée a exigé un canon de siège pour tirer sous le radier des coupoles. Des essais furent couronnés de succès. En 1909 on a adopté le canon pour l'artillerie de siège, mais c'est seulement au début de la guerre de 1914 que Krupp a pu fournir quelques canons, qu'on a fait très vite entrer en action.
Renseignements divers
Renseignements divers
Le canon de 13 cm (13 cm K.L/35) en 1916
4. Le mortier de 21 cm - (21 cm Mörser ou seulement 'Der Mörser')
La genèse de cette arme bien connue fut de longue durée. Elle fut accompagnée par des améliorations incessantes et d'une concurrence serrée entre Krupp, Rheinmetall et l'A.K.B.
En 1899 on a seulement voulu améliorer l'affût du vieux mortier. Bientôt on s'est rendu compte de la nécessité de réaliser une arme toute nouvelle, car le système reculant et la structure d'un affût sont toujours étroitement liés. On était aussi contraint de satisfaire aux exigences d'une artillerie moderne•
Entre 1905 et 1908 l'A.P.K. a refusé trois mortiers d'essai de Krupp et un mortier d'essai de Rheinmetall. Tout de suite, Krupp et Rheinmetall ont construit deux autres mortiers d'essai, cette fois avec des affûts sur roues et une portée maximum énorme.
Enfin, en 1910, on a adopté le mortier 'Krupp', car cette usine avait une plus grande expérience. Toutefois Krupp était contraint de céder une partie de la fourniture des pièces détachées à Rheinmetall, car ce 'Mörser' n'aurait jamais été construit sans l'ingénieur Ehrhardt.
Le mortier fut affecté à l'artillerie à pied. L'ensemble de la pièce, tiré par des chevaux, était transporté en trois fardeaux :
- un chariot avec les "accessoires" (Gürtelwagen)
- un avant-train
- le tube
En plus des munitions conventionnelles, cette pièce fut pourvue d'obus anti-béton.
Renseignements divers
Mortier de 21 cm : chariot avec tube
'Der Mörser' avec angle d'élévation de 70°
5. Le mortier de côte de 30,5 cm (matériel type B) - (schwerer Küstenmörser L/8 (B-Gerät))
Après l'introduction des obus torpilles, la fortification fut contrainte de se munir de béton et de fer. L'armée s'est rendu compte que les pièces existantes étaient impuissantes contre la fortification moderne. Il fallait des pièces très lourdes à trajectoire plongeante et des projectiles perce-cuirasses pour malmener le béton.
L'usine Krupp a fait plusieurs proposions. Un mortier de 30,5 cm fut essayé à partir de 1895. En 1896, il fut adopté. Plus tard, on fit quelques améliorations. En 1914, les Allemands disposaient de 9 mortiers du matériel type B (s.Kst.Mrs.).
Le mortier était transporté sur chemin de fer. Pour arriver à son emplacement de tir, il fallait une voie Decauville. A cause du poids du mortier, les rails devaient être assemblés très soigneusement. Ils devaient reposer sur une plate-forme de trois couches en bois pour servir comme support au pivot central de l'affût.
Le mortier avait un frein de recul hydraulique. Plus tard, ce mortier n'a jamais été transformé en pièce à recul sur affût, car il était plus économique d'appliquer le nouveau système aux constructions nouvelles.
Le mortier de côte de 30,5 cm (schwerer Küstenmörser L/8 ; B-Gerät)
Chariot avec tube et chariot avec affût sur chemin de fer
Autre vue du chariot
Des obus de 30,5 cm
6. Le 'Canon Court de Marine Mle 14' (matériel 'M') - (Kurze-Marine-Kanone 14, M-Gerät)
II est curieux de savoir qu'à l'origine, on a voulu construire un matériel du genre lance-mines géant (Minenwerfer), qui devait tirer un obus à paroi mince avec une forte charge explosive. Seulement le 'M' (pour 'Minenwerfer') est resté.
Pendant que Rheinmetall a réalisé les Minenwerfer sous conservation du secret très sévère, Krupp a réalisé un mortier de 42 cm sur affût sur roues, capable de tirer un projectile d'environ 1•000 Kg avec une portée de plus de 10.000 m.
Le professeur Rausenberger, un autre constructeur génial, y prit une partie prépondérante, comme au matériel 'Y' ou, plus tard, au 'Paris-Geschütz'.
Les premiers essais de tir eurent lieu en décembre 1915. Il s'est avéré, qu'il fallait une plate-forme spéciale pour supporter les roues. Il s'est également avéré, que l'artillerie lourde n'avait pas de tracteurs spéciaux pour tirer le mortier, et on a dû avoir recours aux locotracteurs à vapeur.
A la déclaration de guerre, seulement deux mortiers du type 'M' étaient prêts, et ils sont partis en guerre le 9 août 1914.
canon court de marine
Un précurseur des mortiers géants allemands : le canon de côte de 42 cm (42 cm Kst.K.L/33), construit par Krupp en 1886 et exposé à l’exposition universelle à Chicago en 1889
canon de cote 420
Le mortier 'M' (Kurze-Marine-Kanone 14, M-Gerät) en position de tir (M-Batterie Nr. 10, Hauptmann Stollberg)
Chariot avec tube
Une batterie 'M' en route (… mais où ?)
Une batterie 'M' est arrivée à son emplacement de tir
7. Le lance-mines lourd. - (Schwerer Minenwerfer)
Cette arme fut réalisée sous conservation du secret le plus sévère. Elle fut une autre mauvaise surprise pour l'ennemi au début de la guerre, principalement au début de la guerre des tranchées (fin de 1914), car l'adversaire ne disposait pas encore d'une telle armée.
En 1907, on a donné la commande à Rheinmetall. Après plusieurs essais infructueux avec des armes sans recul, on a réalisé un exemplaire de ce 'Minenwerfer', qui était simple, pas trop lourd et robuste.
En 1910, l'arme fut adoptée, mais fut affectée aux parcs du génie et pas à l'artillerie lourde. En 1914, le génie disposa de 44 lance-mines lourds.
C'est à Liège, que le lance-mines lourd est entré en action pour la première fois.
Lance-Missile
Le lance-mines lourd en position de tir (Schwerer Minenwerfer L/3 250 mm)
Epreuve officielle de réception
C. Dispositif d'un régiment d'artillerie à pied en août 1914
A titre d’exemple : Schleswig-Holsteinisches Fußartillerie-Regiment Nr.9
SOURCES
1. Bas Ehrenbuch der Deutschen Schweren Artillerie - Berlin 1952/54
2. Schirmer - Das Gérät der Schweren Artillerie - Berlin 1957
3. Bulletin "Die Schwere Artillerie" (plusieurs fascicules) - Berlin
4. Schindler - Eine 42 cm Batterie im Weltkrieg - Breslau 1954
5. Heydemann - Schleswig-Holsteinisches Fußartillerie-Regiment Nr. 9 - Oldenburg/Berlin 1921
6. Justrow - Die Dicke Berta und der Krieg - Berlin 1955
Photos
1. à 14. : cliché Schirmer
15. à 17. : cliché Schindler
REMERCIEMENTS
L'auteur tient à exprimer sa gratitude à M. Tirtiat, qui a eu l'amabilité de corriger le texte français.
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Jules LEBEAU - La construction du fort d'Eben-Emael

Certains récits qui défigurent l'histoire ont paru sur la construction du fort d'Eben-Emael.
Un compte rendu précis du Major du Génie MERCIER sur les travaux de construction de ce fort, détruit certaines légendes qui sont encore perpétuées actuellement.
Il a paru intéressant de diffuser ces informations, difficilement contestables, car qui serait plus crédible que le Major MERCIER qui, d'avril 1932 à septembre 1935, alors revêtu du grade de Commandant du Génie, assuma la direction des travaux de construction du fort.
Son adjoint était le Lieutenant du Génie DUBUISSON qui à partir de septembre 1935, reprit cette direction.
Le personnel civil surveillant des Bâtiments Militaires (B.M.) comprenait trois agents techniques et une vingtaine de surveillants de travaux.
Les travaux de construction du fort d'Eben-Emael ont commencé le 1er avril 1932, le gros oeuvre était terminé fin 1935 de même que l'équipement électrique et les différentes machines (ventilation, monte-charge ...).
Fin 1935, les armements de défense rapprochée étaient installés de même que ceux des casemates. Le montage des coupoles était en cours.
La garnison a occupé le fort dans le second semestre de 1934.
Les principaux travaux exécutés de 1936 à 1940 furent :
- Construction d'un fossé artificiel entre le coffre 2 et la pointe Nord.
- Equipement des chambres de l'infirmerie de la caserne souterraine.
- Installation du poste de T.S.F.
- Remplacement des 3 moteurs Diesel existants par 6 autres.
- Installation d'une cabine de transformation.
- Modification du réseau électrique intérieur.
- Installation d'un groupe de ventilation pour mise sous pression totale du fort.
- Chauffage intérieur du fort (en cours le 10 mai 1940).
- Construction d'une citerne à mazout supplémentaire.
- Construction d'une cheminée de secours.
Les plans d'exécution ont été élaborés au fur et à mesure de la construction. Ce fait est illustré par le grand nombre de clauses additionnelles modifiant en cours d'entreprise les dispositions prévues à l'origine. Les travaux ont été divisés en plusieurs entreprises pour les échelonner dans le temps et donner du travail à plusieurs entrepreneurs (Crise économique).
La première entreprise a eu pour objet la construction de tous les puits destinés à relier les organes de surface aux galeries.
Son exécution devait permettre d'entreprendre par la suite, simultanément les travaux en surface et le creusement des galeries.
Elle fut confiée à la Société Construction, Etude et Ouvraison de Bruxelles. Elle a coûté 1.840.000 frs.
La deuxième entreprise confiée à l'entreprise Limere Frères de Bassenge a eu pour objet la construction du réseau de galeries (étage haut).
Cette entreprise, commencée avec un simple schéma a été la plus difficile au point de vue technique, les galeries devant fatalement réunir les puits déjà construits. Elle a donné lieu à des opérations topographiques minutieuses.
Des expériences furent faites pour déterminer la nature et l'épaisseur des revêtements. A cet effet, on fit exploser une charge à l'aplomb d'un réseau de galeries d'essai dont l'une n'était pas revêtue, une deuxième avait un revêtement de 0,15 m de béton simple, la troisième un revêtement de 0,25 m en béton armé. La profondeur et le poids de la charge avaient évidemment été choisis pour dépasser la pénétration et la charge des plus forts projectiles connus.
La galerie non revêtue ayant à peine été touchée par les effets de l'explosion (un coin de terrain détaché à une pénétration de voûte), il fut décidé de revêtir en 0,15 m de béton simple.
Le creusement des galeries ayant révélé la présence de poches de dissolution dans le terrain et des écoulements sérieux se produisant, il fallut étudier le renforcement de certains éléments de galerie, c'est ainsi que certains tronçons furent armés et que les épaisseurs dans ces tronçons furent augmentées jusque 0,40 m dans certains cas.
De plus des sondages systématiques furent prescrits dans les piédroits de manière à connaître le terrain en arrière des piédroits.
Les locaux les plus pénibles à construire furent :
- Magasin du coffre 6.
- Magasin de la casemate Ma 1.
- Magasin du coffre Mi Nord.
- Complexe de locaux ascenseur.
- Salle de ventilateur.
- Galerie, Escalier de la caserne souterraine.
- Deux locaux (chambre troupe) de la caserne souterraine durent être raccourcis pour pouvoir contourner une poche sans risque d'éboulement.
Ces avatars portèrent à 5.734.681 frs le prix de cette entreprise dont le montant primitif était de 4.162.126 frs.
Il n'y eut pas moins de 11 clauses additionnelles.
La troisième entreprise comportant la construction des organes de surface des casemates et de la coupole de 120 mm fut confiée à la Société Construction, Etudes et Ouvraison.
Montant initial de 3.457.152 frs porté à 3.700.975 frs par 6 clauses additionnelles. Quelques ennuis en fondations, celles-ci ayant dû être renforcées par puits parce que l'extrémité des casemates posées sur le puit d'accès était somme toute fondée à grande profondeur, des puits de fondation ont été ajoutés à l'extrémité opposée pour équilibrer et éviter qu'un léger tassement en cours de construction n'incline les berceaux des pièces.
La quatrième entreprise comportait la construction des organes de surface des coffres Mi Sud, Mi Nord, 2, 4 et 6.
Ce fut exécuté par l'entreprise Limere Frères de Bassenge. Montant initial 2.333.465 frs passé à 2.762.464 frs par 5 clauses additionnelles.
La cinquième entreprise exécutée par l'entrepreneur de Wergifosse d'Angleur, comportait le bâtiment d'entrée (coffre 1), les coffres du Canal et le coffre 01. 3.934.897 frs porté à 4.649.487 frs par 8 clauses additionnelles.
La sixième entreprise confiée à l'entrepreneur Pieters de Retinne comportait la construction des coupoles 3 et 5. (respectivement coupole Nord et coupole Sud). Montant initial de 2.556.000 frs porté à 2.723.426 frs par 5 clauses additionnelles.
La septième entreprise. Entreprise Trabeka de Bruxelles comportait la construction de la caserne souterrainne pour 2.289.684 frs porté à 2.460.245 frs par 7 clauses additionnelles.
La huitième entreprise confiée à l'entrepreneur Spinette d'Andenne, comportait la constitution des fossés et la mise en place des terrassements. Montant 1.904.000 frs y compris 2 clauses additionnelles.
D'autres entreprises, de moindre importance, participèrent à des travaux de terrassement et de bétonnage.
Les travaux relatifs aux coffres furent contrariés par la non-fourniture en temps voulu des cuvelages d'embrasures (canons, Mi, phares). Pour ne pas bloquer les entreprises, il fallut bien laisser béants les murs de masque et placer les cuvelages par après.
L'obligation de laisser le passage au Chemin de Commune pour permettre la pose des pièces pondéreuses des coupoles, fut la cause du maintien d'un bouchon barrant le fossé entre les coffres 4 et 5 jusqu'à l'achèvement des coupoles.
La mise en place de l'armement y compris les plaques de blindage des casemates (35 tonnes par pièce) fut assurée par du personnel de la Fonderie Royale des Canons (F.R.C.) sous la direction du Capitaine I.F.M. Philips et de l'Agent Technique Collard, ou par des entreprises civiles dirigées par la F.R.C.
Qu'il soit permis de féliciter ces entreprises belges, la direction et le personnel qui ont participé à la réalisation de cet ouvrage.
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F. GERSAY - STANLEYVILLE, le 29 août 1960

F. Gersay, le narrateur, a adopté, comme dans ses récits précédents, le pseudonyme de Yasreg.
Le texte ci-dessous constitue une suite à l'article de F. Gersay, publié dans le bulletin Tome III, fasc 6 de juin 1987, où l'auteur, désigné comme contrôleur aérien par le gouvernement belge pour assurer la sécurité du trafic aérien à l'aérodrome de Stanleyville, assiste à la prise d'assaut, par la populace, d'un avion affrété par l'O.N.U. pour amener une tour de contrôle de remplacement.
Les Ethiopiens de l'O.N.U. ont dû intervenir et plusieurs membres de l'équipage ont été transportés à l'hôpital, les autres étant emmenés par des soldats de l'A.N.C. (Armée Nationale Congolaise). La place est dégagée pour l'arrivée du premier ministre Lumumba qui descend de l'Iliouchine 14 offert par les Russes et qui marche dans le sang des aviateurs américains, qu'on n'a pas eu le temps d'éponger, tandis que tournent toujours les moteurs de leur Globemaster abandonné sur le tarmac.
Quelque temps après, le décor est resté le même, mais les acteurs de la comédie ont changé de costume. Le "sauveur", Patrice LUMUMBA a revêtu une tenue kaki toute neuve. FINANT, le gouverneur de la Province Orientale dont Stanleyville est le chef-lieu a, lui aussi, adopté un aspect guerrier pour prendre place à côté de l'orateur. Tous deux ont grande allure sous le casque. L'état-major les entoure. On va passer aux choses sérieuses.
LUMUMBA a beaucoup de choses à dire, en français d'abord pour rassurer les Européens quant à ses intentions, en kiswahéli et en lingala pour ceux qui vont exécuter les instructions et n'ont pas besoin d'être rassurés. Des haut-parleurs placés un peu partout vont lui permettre de propager la bonne parole.
Après l'orage d'il y a un quart d'heure, on s'est ressaisi. Les diffuseurs grasseyent, crachotent et font leur possible. Des ordres tonitruants mais indistincts s'échappent de toute cette technique. Puis soudain, les ondes s'éclaircissent et le discours "oracle" attendu se fait entendre.
On s'adresse au bon sens d'abord ... en tout optimisme. On parle de la collaboration indispensable entre Congolais d'origine - le terme Zaïrois viendra beaucoup plus tard avec le Général MOBUTU SESE SEKO - et les Congolais blancs dont on ne saurait se passer sans se priver de l'indispensable. Les visiteurs, originaires d'ailleurs, Africains ou autres, ne sont là que pour mémoire. Il faudra de toute façon les flanquer à la porte à la première occasion. Mais il convient d'abord de parer au plus pressé, en l'occurence se débarrasser du sinistre Moïse Tchombé, cet empêcheur chronique et obtus de krouchtchevtiver en rond. On va, toutes affaires cessantes, aller lui casser les reins au Kasaï. Avec des trémolos dans la voix, le "Sauveur" se transforme en chef d'armée éclairé. Les Européens qui comprennent ce que l'orateur raconte, constatent que ce que le "Sauveur" dit ne correspond pas du tout à ce qu'il a affirmé en français.
Les 15 Iliouchine 14 russes promis ne devraient plus tarder à arriver pour transporter ses troupes comme convenu, mais hélas, il y a eu un pépin; cet appoint logistique est toujours bloqué à Djuba au Soudan par les Ethiopiens de l'O.N.U. Un message parvient au service des télécommunications de l'aérodrome : les appareils n'arriveront, si tout va bien, que demain matin aux premières heures. Ce message est relayé aussitôt au colonel éthiopien par l'officier sur place. Immédiatement la piste est obstruée par des tonneaux à mazout; pas question d'atterrir; la confiance règne !
Pendant ce temps-là, Patrice Lumumba, probablement informé, va faire une démonstration de valeur combative agressive, afin de soulever l'enthousiasme des troupes qui viennent de défiler et qui trépignent d'impatience. On n'a pas d'avions, qu'à cela ne tienne ! On s'en passera ! On ira sur place par la route. L'O.N.U. va voir ce qu'elle va voir !
Sur le tarmac, pendant ce temps, l'avion américain est toujours là, à côté du CO.COM de Monsieur K., l'appareil qui a amené Lumumba en grande pompe à Stan. Le moteur du Globemaster tourne toujours au ralenti. Personne n'a accepté de prendre la responsabilité de couper le contact. On est sans nouvelles des victimes, transportées par l'O.N.U. à l'hôpital de Stan. C'est ce qu'on dit !
De son perchoir, toujours en première loge, Yasreg contemple la suite de la pantomime. Les Ethiopiens sont là, sur la plate-forme adjacente, à côté d'un walkie-talkie ou quelque chose qui en a l'air. Ils attendent les instructions qui ne vont sans doute plus tarder.
Le discours fleuve de Patrice Lumumba se termine dans l'enthousiasme. On entend toujours parmi la foule des "URUHUS" pleins d'allégresse qui promettent encore bien du plaisir pour plus tard.
Puis on assiste au clou de la cérémonie.
Des rafales de mitrailleuses crépitent de partout. Des explosions en série pétaradent au milieu d'une trouille générale qui se répand dans la cohue. Les mamas ne savent plus à quel fétiche se vouer. Les blindés démarrent. On tiraille à partir des jeeps qui font semblant de surgir de partout à la fois. Les gens s'éclipsent à quatre pattes, s'engouffrent dans les hangars occupés par les troupes du Négus. C'est la toute grande pagaille. Patrice a déserté son micro.
Mais voilà Yasreg rassuré. Le planton, un petit Mangbetou, ridé et impeccablement propre dans son uniforme de toile bleue et sous sa casquette officielle à bande rouge, celui qui s'occupe des messages quand il y en a et quand il y pense, est bien renseigné : "Pas la guerre, Buana, ... toi pas peur ! Soldats tirer à l'exercice".
Il apparaît que cette démonstration bruyante de volonté belliqueuse s'exerce dans le seul but de prouver à Lumumba que ses troupes sont derrière lui et prêtes au sacrifice suprême.
Et tout le monde s'en va. Les troupes font mouvement vers le sud et les gens regagnent la brousse. Une paix sereine s'est rétablie au Soviet de Stan, dans la chaleur qui monte sur la ville, débarrassée momentanément de ses troublions.
Les heures passent. La journée s'étire dans la chaleur et dans un silence insolite parfois troublé par des rumeurs sourdes en provenance de la brousse toute proche. C'est le calme après la tempête.
Plusieurs messages sont arrivés de Léo. Voilà qu'on pose des questions en haut lieu : qu'est-il advenu d'un ministre qui, apparemment, n'a rien à voir avec Patrice et son expédition ? Il devrait être arrivé à Stan ... On ne peut répondre qu'une chose ; cet important personnage n'est pas là. Comme l'autonomie de son appareil (l'essence qu'il emmène à bord) est dépassée depuis deux heures, on ne peut que supposer qu'il est quelque part dans la nature, en l'occurrence la brousse, la savane ou la forêt tropicale. La dernière alternative serait très grave.
Un autre message confirme ce que l'on savait déjà : l'arrivée des 15 Iliouchines russes de K... pour le lendemain au petit matin.
Yasreg fait ce qu'il doit avec célérité et ponctualité. Le colonel éthiopien est avisé par message écrit de la disparition du ministre et de l'arrivée des "techniciens russes". Le téléphone est devenu muet.
Depuis l'incident de ce matin, on a multiplié au moins par trois l'effectif des Ethiopiens qui occupent la tour de contrôle. Du matériel belliqueux est entreposé partout où on trouve de la place. Un officier de l'O.N.U. signale à Yasreg, à titre d'instruction, qu'il n'est pas question de tolérer la présence des Russes dans les locaux de l'aérodrome, et surtout pas dans la tour de contrôle. Les 15 appareils sont toujours à Djuba. Comme ils ne sont plus destinés à transporter des troupes au Kasaï, du moins en principe, ils sont autorisés par les Ethiopiens à venir apporter, toujours en principe, des vivres, des médicaments et une assistance technique médicale. Cette dernière est la bienvenue ... au point où on en est.
A Stan, il ne reste plus qu'un médecin belge, complètement débordé et dénué de moyens, face à des files de femmes enceintes, et secondé, comme faire se peut par quelques infirmiers noirs qu'il a formé lui-même sur le tas. La chirurgie artisanale se pratique à tous les niveaux. On est à court d'analgésiques et de narcotiques et on se verra bientôt forcé d'opérer à sec. Cette situation sera décrite tout à l'heure à Yasreg par le médecin en personne.
La panique a secoué les gens en place au point d'abandonner tout. La ville de Stan n'est plus qu'une sorte de cité fantôme sinistre et vide. De nuit, l'impression est lugubre, on se croirait dans un cimetière brillamment éclairé. On éclaire en effet les rues et les magasins pour "éviter" les pillages, sur ordre de l'autorité congolaise. A part une voiture occasionnelle, rien ne bouge. Ce n'est pas que la vie ait disparu. Les gens, y compris les indigènes, se cachent parce qu'ils ne se sentent pas en sécurité et qu'ils s'attendent à n'importe quoi.
L'élément féminin européen a pratiquement disparu de la ville avec les enfants. La destination choisie par ces gens inquiets est souvent la Tanzanie, ou, selon le point de départ, la Rhodésie. Seuls se cramponnent ceux qui perdraient tout s'ils s'en allaient.
Dans ce calme inquiétant, on rencontre fatalement une ou deux patrouilles éthiopiennes qui quadrillent on ne sait pas très bien quoi, mais le font avec ordre et discipline.
Il faut fouiller et bien connaître les recoins discrets de la ville pour trouver un restaurant. Mais avec de l'argent, ça se trouve encore.
INCIDENTS DE SEJOUR AU GUEST-HOUSE SABENA
C'est là qu'on prend ses repas quand tout est normal. On y mange relativement bien, si l'on ne va pas voir aux cuisines ce qui s'y concocte.
Il faut s'habituer aux empreintes digitales sur le bord des assiettes. Le soir, on peut écouter la radio si on le désire mais il s'agit d'une friture le plus souvent indéchiffrable. Ce sont les perturbations atmosphériques qui s'imprègnent sur les ondes à longues distances. On est sans nouvelles de l'expédition Lumumba. Le whisky est de rigueur pour un Européen à quinine, qui a été averti de se méfier de tout ce qui est liquide et soi-disant buvable. La dysenterie amibienne est endémique en temps normal ... Que dire dans la situation actuelle ?
La nuit est chaude, d'un noir d'encre; les fauteuils de rotin sans coussins sont profonds et relativement confortables. Comme ce jour-là la Sabena a abandonné quelques journaux, ceux sur lesquels on n'a pas déjà fait main basse donnent une idée de ce qui s'est passé les jours écoulés, dans le monde.
Soudain quelqu'un surgit de l'obscurité, un Européen. Il n'est pas rasé, il est sale, et il tient à la main une serviette assez lourde. C'est le toubib de l'endroit, le dernier. Sans moyens, n'étant plus reconnu par personne, il n'est plus payé et il est à la recherche d'un dépannage. Il n'a pas soupé et, comme tout le monde, il a soif.
Qu'à cela ne tienne, on arrange cela. Yasreg fait comme s'il se trompait dans ses comptes. C'est lui en effet qui est chargé, puisqu'il est le seul fonctionnaire belge sur place, de délivrer, quand c'est nécessaire, les bons de repas et de logement aux Belges en détresse qui relèvent de l'administration coloniale en déconfiture. Le médecin n'est pas fonctionnaire, mais il se verra "par erreur" doté de suffisamment de bons pour se débrouiller quelques jours. Il dormira cette nuit au Guest-House. On réglera les comptes plus tard, quand Yasreg ne sera plus là, de toute façon.
Cela fait plaisir quand même d'entretenir une conversation sensée avec un interlocuteur valable. La chose est assez rare pour être appréciée.
Ereinté mais nourri, l'homme de l'art, qui a apprécié, soit dit en passant, une solide dose de décapant interne, décide d'aller se coucher. Il s'attend à des problèmes le lendemain. Il est déjà au courant de l'arrivée des Russes qui vont lui prêter main forte. Yasreg se décide, lui aussi, à rejoindre sa chambre : demain, les problèmes seront aussi pour lui.
Mais dans la République de Kasavubu, les chose ne se passent jamais comme prévu et son repos sera retardé.
Car un autre acteur de la comédie vient subitement de sortir du décor. Il s'agit d'un Congolais, bien vêtu à l'européenne. Il a l'air éduqué et s'exprime en un français passable. Il s'arrange ostensiblement pour que Yasreg puisse constater qu'il est armé d'un revolver fixé à sa ceinture. Il est, prétend-il, "Officier de Police", et veut avoir sans délai une conversation discrète avec le "Contrôleur de l'Aérodrome". Mais ce dernier devra l'accompagner à son bureau situé au centre de la ville. Une voiture attend dehors pour hâter les choses.
Yasreg n'a même pas le temps de répondre à ce fonctionnaire qu'il n'a nullement l'intention de l'accompagner. Cinq gendarmes congolais à bande rouge sur le casque surgissent et le moins qu'on puisse dire est qu'ils n'y vont pas avec le dos de la cuillère. En trois secondes, l'individu est empoigné, désarmé et tabassé par des spécialistes de la manière forte. Le malheureux se retrouve la tête en bas, les pieds en l'air, suspendu par les bras dans l'espace. Les gentlemen qui le manipulent lui maintiennent les bras le long du corps. A chaque velléité de protestation, ils le laissent carrément tomber la face la première sur le parquet. Il est finalement jeté comme un sac de linge sale dans une jeep qui démarre sans plus attendre.
Tout cela s'est passé en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. Yasreg se lève de son fauteuil et regarde à la ronde. Il y a quelques spectateurs noirs sidérés et cinq soldats éthiopiens, le fusil braqué devant eux. Ces gens, sans qu'il le sache, assuraient sa sécurité. Rentré dans ses appartements, cet homme protégé constate qu'une garde discrète s'exerce devant sa porte. Le voilà rassuré.
Les Il 14 sont en route depuis une demi-heure déjà. Ils arriveront dans le circuit avant le lever du jour. Les Ethiopiens ne dorment pas. On a enlevé les fûts vides qui empêchaient l'atterrissage. Le balisage est allumé et on a dégagé le tarmac en éliminant à la machette la végétation aux abords de la piste afin de pouvoir parquer, sans trop de problèmes, les "techniciens" de Monsieur K ...
A la pointe du jour, le premier contact est établi. Les conditions d'atterrissage sont bonnes. Les communications radio se font en un français passable du côté russe. C'est le même pilote qui répond pour tout le monde. Il atterrira le dernier. C'est lui aussi qui sera autorisé à monter à la tour de contrôle pour faire viser ce qui semble, chez les Russes, l'équivalent des carnets de bord de ses équipages. C'est une formalité internationale que même l'Aéroflot applique. Les autres arrivants sont regroupés poliment sur le tarmac et surveillés plus ou moins discrètement par les Ethiopiens. Les instructions de l'E-M de l'O.N.U. seront scrupuleusement suivies.
Les Il 14 qui viennent d'arriver sont des appareils tricycles bimoteurs. Ils ont comme particularité de disposer sur les parois vitrées du cockpit de globules en verre qui permettent une observation plus aisée de ce qui se passe dans tous les azimuts. Le pilote et le copilote disposent de ce gadget spécial qui doit être bien utile quand on décide de photographier quelque chose d'une position élevée.
Aidés par le personnel de manutention de l'aérodrome, les Russes sont maintenant occupés à décharger ce qu'ils ont apporté. Ces mouvements déambulatoires sont surveillés. L'O.N.U. et son charroi sont mis à contribution. Il semble que tout ait été concocté d'avance.
Et voilà qu'au milieu de toute cette activité, un message en provenance de Kamina arrive, presqu'en même temps que l'appareil qu'il annonce entre en contact avec la tour de contrôle. Il y a eu apparemment une bavure quant à la remise à temps du document. Il est trop tard pour protester : l'avion est dans le circuit. Il s'agit d'un Globemaster américain qui amène un groupe électrogène et du matériel destiné à la future tour de contrôle. Il amène aussi, sans doute, un équipage qui va s'occuper du départ de l'avion resté sur le tarmac avec ses moteurs en marche depuis deux jours, et à côté duquel apparaît, beaucoup plus petit mais aussi plus élégant, l'Il 14 civil blanc de P. Lumumba.
On annonce aussi à ce moment un élément supplémentaire à la comédie : le Congo de Kasavubu et de Lumumba vient, semble-t-il, de déclarer la guerre au Ruanda-Burundi, qui est toujours sous administration belge officielle avec l'accord international.
DANS LA TOUR DE CONTROLE
C'est l'endroit où Yasreg officie. Une plaque de béton d'environ un mètre carré sert de table et même de bureau. Pour plus de confort et pour diminuer les aspérités, on a recouvert ce béton de carton. C'est là que les pilotes viennent rédiger leur plan de vol. Ce document destiné à assurer leur sécurité, contient les renseignements dont l'essentiel sera transmis à l'aérodrome de destination par radiotélégraphie. Ce sera le message de départ. A l'arrivée de l'appareil à destination, un message d'arrivée sera transmis à l'aérodrome de départ. Ne pas remplir ce contrat de sécurité serait s'exposer à se retrouver dans la brousse sans que personne ne le sache. Le contrôle est renseigné sur le type d'appareil, ses performances, et la quantité de carburant qu'il transporte, ce qui permet de déduire la distance qu'il peut parcourir.
Le pilote russe de l'OO.COM, membre de l'Aéroflot, vient remplir le document réglementaire avant de mettre le cap sur Léo. Il est occupé à le rédiger laborieusement quand les pilotes des deux Globemaster se présentent eux aussi, dans l'intention de joindre Kamina, base militaire toujours contrôlée à l'époque par les forces belges.
La rencontre est impromptue. On se regarde d'abord en chiens de faïence. On est gêné aux entournures mais on se salue et on essaye de sourire. L'espace disponible n'est pas plantureux à la tour de contrôle de Stan. Il faut que quelqu'un cède sa place pour qu'un autre s'y mette. En attendant son tour, on n'évitera pas les ronds de jambes pour se laminer vers la sortie. Non décidément, cet aérodrome du bon vieux temps n'est pas outillé pour recevoir le tout gros trafic qu'on lui impose. Vigilants mais impassibles, les soldats éthiopiens qui manipulent l'arsenal déployé sur les deux plateformes de flanquement de la tour, contemplent cette rencontre insolite.
INVITATION AU RESTAURANT
Ce soir, une station-wagon Mercedes a conduit Yasreg en ville. Il est invité à dîner par quelqu'un d'important dans le monde des assurances. Ce monsieur a fait construire, sur la rive du fleuve Congo, une villa de rêve où il a ses aises. Cette demeure est aussi une ménagerie petit format et une volière. De plus, le propriétaire y a accumulé tout un véritable musée d'objets d'art indigène. Il y vit avec ses serviteurs noirs dans une solitude relative, puisque son épouse et ses deux enfants sont en Rhodésie en attendant des temps moins perturbés.
Ses occupations professionnelles lui ont fait parcourir l'Afrique du nord au sud. Il la connaît comme peu la connaissent. C'est un potentat dans son milieu, généreux mais pas toujours commode. En dépit de la raréfaction de certaines denrées, il ne manque de rien chez lui. L'homme est titulaire d'une licence de pilote professionnel. Ce "vieux broussard", comme se dit lui-même cet homme comblé, vient souvent faire quelques circuits limités en distance, à partir de l'aérodrome. Comme il dépend de Yasreg pour ses plans de vol et sa sécurité, il le caresse dans le sens du poil et lui a proposé de souper chez lui. Mais finalement, compte tenu du peu de prise qu'il peut encore exercer sur sa domesticité, sa femme n'étant pas là pour veiller au grain, il remet cette invitation à plus tard et emmène Yasreg en ville.
La nuit est tiède. Il fait idéalement bon ce soir-là. Une brise légère souffle sur les terrasses où l'on prend l'apéritif. Il y a beaucoup de monde. L'endroit est un des rares établissements encore ouverts. Déjà le whisky traditionnel a été servi à plusieurs reprises et a dispensé l'euphorie. Puis un son de cloche discret avertit chacun d'avoir à prendre place dans la salle du restaurant. Elle est comble. Les nappes sont blanches et impeccables et il y a des fleurs fraîches partout où c'est possible.
On sert les frites et le bifteck traditionnels. Certains préfèrent les "capitaines du fleuve" fraîchement péchés. Les serveurs pieds nus s'affairent. Les cuisiniers font ce qu'ils peuvent pour satisfaire les appétits d'une clientèle exigeante et gratinée, habituée des lieux.
Mais hélas, depuis "UHURU", quelque chose s'est tassé dans les traditions. Le mot "BWANA" est banni. Les Noirs deviennent arrogants. Ils se montrent moins empressés. Ils sont tout juste polis. Ils se permettent même des réflexions inadmissibles, si l'on se réfère aux traditions et au bon vieux temps. Le respect fout le camp, comme dirait la bonne vieille duchesse d'Uzès. On se permet de lambiner. Des voraces payants attendent des frites, les biftecks ne sont pas conformes à la commande. Le pinard est buvable mais n'a qu'un faible goût de "revenez-y". Tout cela n'est pas admissible, il faut réagir avec l'énergie qui s'impose.
C'est ce que décide de faire celui dont Yasreg est l'invité. Exaspéré, il se lève subitement et, le visage rougi par la colère et le whisky, il réclame véhémentement la présence du patron. Il fait appel au respect des traditions et prend tout le monde à témoin du relâchement. Le propriétaire de l'établissement est occupé à cuire à la chaîne tout ce qui doit être cuit. Il n'est pas disponible d'emblée. Le personnel qui virevolte entre les tables, portant plats et bouteilles, est surchargé et n'est pas qualifié pour recevoir les protestations des clients mécontents.
Mais la patience du plaignant a des limites. On n'a pas idée de se trouver à court de frites au milieu du repas. Les réflexions et les ricanements qui fusent de toutes les tables ne sont pas de nature à rasséréner l'atmosphère. Ulcéré par le manque évident d'égards à son endroit, Monsieur L ... se voit contraint d'agir : il empoigne un flacon à vinaigre dressé au milieu de la table et le fracasse délibérément par terre. C'est une réussite, les débris de verre se propulsent partout.
Evidemment, comme moyen de hâter le service, on aurait pu trouver mieux. Car les gens qui servent le font pieds nus. Plus aucun n'ose se déplacer avant que le parquet ne soit balayé. Pendant ce temps-là, dégoûtés, quelques clients, chaussés ceux-là, vident les lieux, tandis que d'autres font leur entrée et s'installent.
Tout le monde attend. Les serveurs ne bougent plus, ne veulent plus bouger. Les minutes passent et finalement, on voit surgir de la cuisine le maître de céans armé d'un balai. Il faudra une bonne dizaine de minutes pour que, la circulation étant rétablie, les plats de frites accumulés soient livrés à l'appétit des noctambules.
Quelque chose a changé au Congo !
RETOUR A L'AERODROME
En dépit du conditionnement d'air, la chaleur moite imprègne les êtres et les choses. Tout est calme sur l'aérodrome de Stan. Tout le monde est installé à l'ombre dans le silence et l'inaction. Les heures s'étirent. Vers deux heures de l'après-midi, un grésillement dans le récepteur radio amorce une entrée en contact avec la tour de contrôle.
Il s'agit du pilote d'un appareil venant d'Usumbura. C'est l'homme qui, périodiquement, transporte des fonds, des valeurs et souvent de l'or, ainsi que des documents transactionnels destinés aux banques. C'est l'explication qui circule. Il a, bien entendu, droit à la protection des autorités dès son atterrissage. Car en dépit de l'"état de guerre" entre le Congo et le Ruanda-Burundi, des initiatives courageuses s'efforcent de promouvoir les activités économiques. Il est urgent de faire renaître la vie, l'espoir en l'avenir.
Prudemment, le pilote cherche à se renseigner sur le situation à Stan. Il attend la confirmation de la possibilité d'atterrir sans risque et demande si la protection habituelle lui est acquise. La réponse est affirmative. Pour Yasreg, rien ne bouge nulle part et on ne distingue pas de troupes congolaises dans le voisinage.
L'avion entame sa procédure d'approche finale, survole la ville et se pose sans encombre. C'est un magnifique Cessna bimoteur, un de ceux qui parcourent l'Afrique dans tous les sens. Il prend place à l'endroit qu'on lui désigne et le pilote s'apprête à descendre pour les formalités d'atterrissage et de départ.
Mais le voilà subitement entouré d'une douzaine de militaires à bande rouge sur le casque; des gendarmes paraît-il ! Empoigné à droite et à gauche, le voilà emmené manu-militari, non pas vers la sortie ordinaire gardée par les sentinelles du Négus, mais vers celle qui passe par les locaux du rez-de-chaussée de la tour.
Les militaires essayent d'ouvrir la soute arrière de l'avion. Ne disposant pas des clés, ils se heurtent évidemment à des problèmes. Tout cela s'est passé très rapidement. On a visiblement tenté de régler l'opération sans alerter l'O.N.U., mais les soldats éthiopiens qui occupent la tour disposent d'un walkie-talkie et entrent en contact avec leur poste de garde qui intervient. L'appareil est dégagé et gardé, les soldats congolais empêchés de nuire et expulsés. On palabre et on fait appel au droit des Etats de faire ce qui leur plait chez eux. Le Congo et le Burundi sont en guerre et le pilote est prisonnier de guerre. De plus, l'avion a atterri illégalement sur le territoire de la République du Congo. Il doit donc être confisqué et ce qu'il contient devient butin de guerre. Tant pis ... !
Les casques bleus refusent de livrer l'avion mais ne peuvent rien pour le pilote qui a été emmené vers la caserne congolaise la plus proche pour interrogatoire et détention. L'incident a attroupé les badauds et les commentaires vont bon train parmi les mamas et les "uhurus" conscients du droit qu'ils ont de faire chez eux ce qui leur plait.
LES RUSSES
Les Russes prennent beaucoup de place; il n'y en a plus de libre au Guest-House pour dormir. Il ont également installé une centrale radiotélégraphique qui envoie message sur message, en code, on ne sait où.
Le restaurant du Guest-House s'avère trop petit pour recevoir en une fois, en plus de ses clients habituels, cette cohue d'hommes, venus de si loin, qui ne parlent ni le français ni l'anglais. Le dîner se fera donc en deux temps.
Les Russes sont des techniciens civils, paraît-il, mais au premier coup d'oeil, on peut constater qu'il s'agit bien de militaires déguisés. Il ont peine à se dépêtrer de leurs habitudes; les saluts et les garde-à-vous sont encore vaguement esquissés, en dépit des instructions reçues, un peu comme si on s'excusait.
L'accoutrement est à peu près le même pour tous. Ces gens-là ont eu le choix, si l'on peut dire, entre trois type de chemises Lacoste. Il y a aussi trois types de pantalons différents; ils sont en toile et ces ploucs russes sont à l'aise dedans, c'est le moins qu'on puisse dire. Bref, on a laissé l'élégance à Brest-Litovsk, mais on fait son possible pour paraître au mieux. Certains sont dotés d'un genre de chapeau de brousse, d'autre n'en ont pas. On voit aussi, que quelque part, un fourrier s'est décarcassé pour leur trouver des godasses du plus pur style colonial.
Mais on est souriant; on vit bien groupés, et si on ne comprend pas grand chose à ce qui se raconte à la ronde, on salue à droite et à gauche. Cependant l'attitude à table donne l'impression d'une foire d'empoigne à la cosaque. Les plats se vident avec une rapidité consternante. Les Noirs n'en reviennent pas.
Le soir, une demi-douzaine d'infirmières en tenue viennent souper. C'est l'O.N.U. qui assure leur transport. C'est un autre genre de personnes. Plusieurs d'entre elles parlent un français correct et semblent heureuses d'avoir l'occasion de le pratiquer. Elles paraissent être de gentilles filles un peu timides, qui font ce qu'elles peuvent pour sourire mais qui n'ont pas l'air très à l'aise.
LA DETENTE
Plusieurs jours se passent dans la routine journalière. Le calme est revenu. On n'a plus de nouvelles de rien. Signe évident de détente, le petit commerce indigène refait surface. On vend des limonades, des papayes, des figurines taillées dans l'ébène ou dans l'ivoire. La présence militaire est plus discrète, plus tolérante. La vie ordinaire reprend, la ville de Stan respire. Les Wagénias sont de nouveau présents à leurs nasses. Quelques rares bateaux circulent sur le fleuve. Le courrier, oh miracle, arrive par la voie ordinaire. L'aviation de tourisme utilise ses licences.
Seul le trafic avec Usumbura et Kigali est dans l'impasse.
Puis subitement les choses se précipitent. Les Ghanéens qui protégeaient Lumumba ont été priés de rentrer chez eux. Leur intervention en faveur du Premier Ministre a provoqué trop de morts. Le colonel MOBUTU, officier jusque là inconnu, est parvenu à rassembler autour de lui une grande partie de la Force Publique Congolaise. Il a pris le pouvoir aux côtés du Président KASAVUBU. Il faut dire que tout le monde dans l'A.N.C. a été payé. Beaucoup d'esprits se sont relativement calmés.
Il était temps. Le Premier Ministre LUMUMBA avait innové en matière militaire : chaque membre de l'ancienne Force Publique s'était vu gratifié d'un grade d'officier ou de sous-officier. Des sergents fourriers se sont transformés en généraux, des premiers sergents cuistots et des caporaux infirmiers sont subitement hissés au sommet de la pyramide hiérarchique. Tout cela, aux yeux de l'O.N.U., et même des Russes, manque de sérieux.
Les troupes partent à grand fracas de Stan pour régler une fois pour toute l'affaire Tchombé, rencontrent des problèmes logistiques, encaissent, piétinent, créent la terreur partout, commettent tous les excès, mais sont toujours bloquées au Kasaï. La frontière du Katanga n'est toujours pas franchie.
Et puis on apprend que P. LUMUMBA est accusé de haute trahison par son Président et est arrêté. Il a délibérément confié le pouvoir de décision aux techniciens russes. On l'emprisonne à Thysville sous la garde de soldats balubas. Les luttes tribales étant ce qu'elles sont, l'ethnie à laquelle appartient le Premier Ministre déchu est à couteaux tirés avec celle des Balubas. Ces derniers n'ont jamais digéré le fait que LUMUMBA, lors de sa prise de pouvoir, a fait tirer dans la foule, tuant une bonne vingtaine de Balubas. Les conséquences s'avéreront très graves pour le prisonnier, et pour ceux qui l'avaient suivi.
LE DEPART DES RUSSES
Par ordre du colonel MOBUTU, les techniciens russes sont invités à quitter le Congo sur le champ. Les appareils Il 14 dispersés seront rassemblés à Stan pour un ultime plein d'essence avant de mettre le cap sur Djuba au Soudan et ... rentrer chez eux ... ?
A la tour de contrôle, un colonel congolais intime l'ordre à Yasreg de faire décoller tout ce monde dans les plus bref délais, à la chaîne. Cet officier n'a manifestement aucune idée en ce qui concerne la sécurité aérienne et les règlements internationaux draconiens en la matière. Ses injonctions volubiles vont jusqu'à l'ordre formel et militaire. Ces manifestations d'énervement, pour spectaculaires et désagréables qu'elles soient, ne hâteront pas d'une minute le départ de ceux qui doivent s'en aller.
On ne peut en effet expédier dans la nature, sans précautions, des gens qui ne connaissent pas l'Afrique, sur un itinéraire dangereux dénué d'infrastructure radio et d'aides à la navigation. L'aérodrome de Djuba est à la limite d'autonomie d'un Il 14. Il faut aussi tenir compte des montagnes de l'Ituri et du réglage altimétrique spécial qu'elles impliquent pour ceux qui les survolent. Et il convient aussi de ne pas oublier les conditions climatiques qui peuvent s'avérer difficiles. On séparera les appareils dans le temps et en altitude (1000 pieds et 15 minutes de séparation). Comme ce sont des avions de même type pratiquant la même vitesse, ils ne poseront pas de problème à leur arrivée au Soudan.
Finalement tout se passe bien. L'interprète russe qui décolle à bord du dernier avion, était sur place lors des injonctions de départ. Le malheureux n'en menait pas large à ce moment-là. Il passera un message d'adieu à la radio pour remercier pour l'accueil et le respect strict des règles de sécurité.
Suite sans doute à l'intervention du colonel MOBUTU, le pilote venu d'Usumbura, qui avait été arrêté, vient faire son plan de vol. Il est libéré.
LA FIN DE LA MISSION
Quelques jours se passent encore, dans le calme. Puis un message de l'O.N.U. signale que du personnel de l'O.A.C.I. va remplacer Yasreg, dont la mission sera alors terminée et qui pourra envisager son retour à Léo, puis en Belgique.
Dûment remplacé, Yasreg va présenter ses respects au colonel de l'O.N.U., WALDAYO, avant son départ. Tout est en règle avec le contentieux congolais et il est autorisé à quitter la Province Orientale et "à y revenir", dès que sa mission à Léo sera terminée.
EPILOGUE, OU CE QU’IL ADVINT, paraît-il, de P. LUMUMBA, l’homme qui avait suscité tant d’espoirs et de déceptions
Emprisonné à Thysville par ordre du Président KASAVUBU, P.L. avait harangué ses gardiens, des Bantous ... Ces derniers avaient failli lui rendre la liberté sur sa promesse d'avancement et d'augmentation de solde. Le bruit de sa libération avait suffi pour provoquer la fuite à Brazzaville de plusieurs centaines d'Européens. Le colonel MOBUTU fait alors resserrer le régime du captif. Les gardiens douteux sont remplacés par des Balubas enflammés de haine contre lui. Pendant trois jours, étroitement ficelé, il est laissé à même le sol, sans manger, ni boire.
Le 14 janvier 1961, on l'embarque sur un petit avion d'Air Brousse, en compagnie d'OKITO et MPOLO, ses lieutenants. L'appareil fait escale à Moanda. Les prisonniers sont alors transférés sur un DC4 d'Air Congo. Le commissaire KAZADI et dix soldats Balubas montent à bord, destination Bakwanga, capitale du Sud Kasaï. Un deuxième DCA transporte Pierre FINANT, ancien gouverneur de Stan, et cinq militants lumumbistes. Il a la même destination.
A la verticale de Bakwanga, KAZADI apprend par la tour de contrôle que l'aérodrome est occupé par des Ghanéens. Craignant qu'ils ne libèrent les captifs, il donne ordre au commandant BAUWENS, le pilote, de gagner Elisabethville. KASAVUBU est averti du changement de destination. Le deuxième DC4, pendant ce temps, atterrit à Bakwanga. Les Ghanéens se désintéressent du chargement de l'avion. Pierre FINANT et ses cinq compagnons sont immédiatement fusillés.
TCHOMBE est appelé au téléphone par KASAVUBU : "Je t'envoie trois colis, tu verras !".
Quelques minutes plus tard, le Ministre de l'Intérieur, Godefroid MUNONGO, annonce au Président TCHOMBE qu'un DC4 d'Air Congo demande l'autorisation d'atterrir : "Il ne me reste que 10 minutes d'essence. J'ai à mon bord le Commissaire KASADI, LUMUMBA, OKITO et MPOLO.". Pitoyables colis, rossés pendant tout le voyage. Le commandant de bord a dû demander aux gardes de se modérer, leur zèle déséquilibrait l'appareil.
Dès que la porte de l'avion est ouverte, les trois hommes sont jetés dans une jeep. Les gendarmes katangais les ruent de coups. Un détachement de mercenaires européens, commandés par le capitaine belge Julien GAT relève les gendarmes katangais. Les trois prisonniers ne sont plus que des moribonds. Ils meurent les uns après les autres. On a peut-être abrégé leur agonie. Contrairement à ce qu'on a prétendu, les cadavres ne furent pas dissous dans l'acide sulfurique, mais jetés au fond d'un puits de mine abandonné.
Le 10 février 1961, MUNONGO annonce par radio que LUMUMBA et ses compagnons se sont évadés d'une ferme près de Kolwési. 400.000 francs belges sont promis pour leur capture.
Le 12 février suivant, MUNONGO annonce qu'ils ont été abattus par des villageois qui recevront la récompense promise mais resteront anonymes pour ne pas s'exposer à des vengeances.
On ne révélera pas où les trois hommes sont enterrés.
Laisser-passez
Attestation
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G. SALLE - Le Fort d'EMBOURG (suite)

EXTRAITS DE DOCUMENTS SECRETS ALLEMANDS DATANT DE 1939/1940 RELATIFS A LA POSITION FORTIFIEE DE LIEGE
Provenant des archives de la Bundesarchiv-Militärarchiv de la République Fédérale Allemande (traduits par le Colonel-Médecin Mathar)
1. GENERALITES
La forteresse de Liège a été construite par le Général Brialmont au cours des années 1888-1892, connue forteresse de ceinture comportant douze forts. La ligne de ces forts se trouve à une distance de cinq à neuf kilomètres de la ville et forme un dodécaèdre de quarante six kilomètres de pourtour. La Meuse partage la ligne en deux parties sensiblement égales.
La mission de la forteresse était, en liaison avec la forteresse de Namur et le vieux fort de Huy, de bloquer les passages de la Meuse et elle devait, en tant que tête de pont, permettre à l'armée belge de passer d'une rive à l'autre. Elle contrôlait les passages de la Meuse pour le trajet depuis l'Allemagne vers le centre de la Belgique.
Sur la rive droite de la Meuse, la ligne des forts assurait les sorties des ravins et la partie Ouest du plateau de Herve.
Lors de l'attaque allemande de 1914, il a été constaté que la forteresse ne répondait pas aux exigences des temps modernes. Le manque de positions avancées bien équipées, l'absence de fortifications permanentes au sein de la ligne même et, enfin, le fait qu'il n'existait aucune défense directe du bord de la ville et des rives de la Meuse, favorisèrent la prise étonnamment rapide de Liège.
Sur la base de ces expériences, Liège a déjà pendant la guerre, été mise en état de défense par les troupes allemandes.
Après la guerre, la position fortifiée a été fondamentalement transformée. Sa mission était totalement différente. Le traité avec la France permettait de développer la forteresse unilatéralement avec le front vers l'Est. Elle allait constituer dorénavant le noyau de la défense nationale belge.
Une position avancée et un réseau de minages et de barricades préparés à l'avance sont destinés à empêcher une approche inattendue.
Derrière cette position, une toute nouvelle ligne de Groupe de fortifications tenant compte des trajets de tirs plus longs de l'artillerie, est destinée à soustraire du feu de celle-ci les ponts de la Meuse à et près de Liège.
De nombreux ouvrages dans le champ intermédiaire sont destinés à rendre plus difficile une percée à travers ces groupes de fortifications. En même temps, un développement harmonieux de tous les côtés doit permettre à la position fortifiée de résister à une attaque venant de l'arrière.
Finalement, comme troisième ligne, l'ancienne ligne des forts a été développée, dans le sens d'un renforcement du blindage et d'une augmentation du calibre des pièces d'artillerie.
Un obstacle continu contre l'Infanterie et les chars a été déjà construit en temps de paix ainsi que de nombreuses positions articulées en profondeur dans les brèches, qui doivent rendre impossible une percée rapide à travers la ligne des forts.
Enfin, une prise de la ville sans résistance après percée de la ligne des forts doit être empêchée au moyen d'une série de positions en bordure de la ville.
Les fortifications à la frontière Sud-Est (barrage des Ardennes) et Nord-Est (fortifications sur la Meuse et le Canal Albert) sont destinées à empêcher un contournement de la forteresse par le Sud ou le Nord.
Afin de rendre impossible la traversée de la Meuse au Nord de Liège une ligne de défense a été créée à cet endroit. Elle se compose d'ouvrages articulés en profondeur, d'une importance moyenne et située dans les brèches, le groupe fortifié d'Eben-Emael doit être considéré comme la pierre angulaire de cette ligne de défense.
2. SUBDIVISIONS DE LA FORTERESSE ET DE SON EQUIPAGE
Les missions de la forteresse peuvent être déduites de l'aperçu historique.
Est particulièrement remarquable l'articulation en profondeur du champ de bataille de la forteresse sur le front Est : au total 40 kilomètres.
Bien qu'il y ait des positions de combat dans l'ensemble du champ de bataille, on peut distinguer 5 zones :
a. la ligne avancée
b. la ligne des groupes de fortifications
c. la ligne des forts
d. la défense des abords de la ville
e. la défense de la Meuse au Nord de Liège.
L'ensemble du territoire de la forteresse (limité au Sud par l'Amblève et l'Ourthe, au Nord par le groupe de fortifications d'Eben-Emael) se trouve avec toutes les troupes qui y opèrent, sous les ordres du Commandant de la Position Fortifiée de Liège. En temps de paix, c'est le Général Commandant le IIIème Corps d'Armée.
Font partie de cette position, sur pied de guerre :
a. provenant de l'armée de campagne :
- les troupes de corps d'armée du IIIème Corps d'Armée
- les 3ème, 4ème et 11ème divisions d'Infanterie (peut être renforcées par des unités de la 8ème division d'Infanterie)
- des parties de l'artillerie d'armée
- le Régiment Cycliste-frontière à quatre bataillons appartenant probablement à la 2ème D.C.
- le 1er Lanciers (motorisé)
- 2 régiments de Carabiniers-cyclistes.
b. provenant des troupes de forteresse :
- le régiment d'artillerie de forteresse de Liège
- une compagnie anti-chars
- une compagnie de transmission.
Avant la guerre, la position était subdivisée en 4 secteurs (divisionnaires) qui existent encore maintenant :
1. Meuse inférieure-Vesdre (peut-être secteur 3ème Division Infanterie)
2. Vesdre-Meuse supérieure (peut-être secteur 11ème Division Infanterie)
3. Meuse supérieure-Hollogne (inclus) - pas occupé
4. Loncin (inclus)-Meuse inférieure - peut-être secteur de 4ème Division Infanterie et d'unités de la 8ème Division d'Infanterie.
Chaque secteur est subdivisé en :
- sous-secteurs (régimentaires)
- quartiers (par bataillon)
Cette subdivision est probablement valable non seulement pour la région de forteresse, mais également pour toute la profondeur du champ de bataille de la position fortifiée depuis la frontière allemande.
3. SECURITE DE LA FRONTIERE
La sécurité de la frontière face à la position fortifiée, soit depuis Maestricht jusqu'à la région d'Elsenborn, est aussi soumise à l'autorité du Commandant de la position fortifiée.
Elle est assurée par le Régiment Cycliste-frontière, renforcé de deux compagnies mixtes du 2ème Carabiniers cyclistes et deux compagnies du 1er Lanciers.
Leur mission consiste à :
- surveiller la frontière et alerter l'équipage, de concert avec la gendarmerie, en cas d'attaque ennemie. Ceci se fait par l'intervention de postes d'alerte situés sur des routes importantes et à des endroits bien dégagés à proximité de la frontière, qui sont équipés de téléphone et de radio et qui ont en outre à s'occuper des barrages routiers installés sur les voies de communications importantes.
- déclencher les minages des routes préparés en grand nombre et détruire les bâtiments dans l'avant-champs, de même que déplacer les champs de mines afin d'éviter le contournement des destructions. Les postes d'alerte et de destruction sont placés dans les bâtiments de surveillance de la frontière, dont les caves renforcées assurent une résistance relative.
- éviter une percée inattendue en offrant de la résistance dans la ligne avancée.
4. DESCRIPTION DU PAYSAGE AUTOUR DE LIEGE
La ville de Liège est située profondément dans la vallée de la Meuse et certains quartiers remontent le long des pentes raides jusqu'au plateau. Les localités avoisinantes s'interpénètrent, de sorte que la vallée de la Meuse en amont et en aval de Liège est couverte de maisons. Entre les localités s'élèvent des crassiers hauts et raides et des installations d'exploitation minière. Du haut des collines riveraines on peut très bien observer la ville proprement dite.
La rive droite de la Meuse au Nord de la Vesdre se présente comme un terrain plat, légèrement ondulé, qui n'oppose guère de résistance à une avance venant de l'Est. Les vallées sont d'abord peu profondes et ce n'est qu'à proximité de la vallée de la Meuse qu'elles deviennent plus raides et aboutissent dans celle-ci sous forme de ravins. La même chose vaut pour la vallée de la Vesdre, dont le parcours est en partie fort profond, étroit et tortueux. Les affluents de la Vesdre se trouvent aussi dans des vallées rétrécies en forme de ravins, ce qui rend plus difficile l'approche de certaines parties de la position fortifiée.
La vue d'ensemble est restreinte par suite de l'existence de jardins étendus, de nombreuses localités et d'habitations dispersées. Les haies en bordure de route et les clôtures en fil de fer rendent difficile les mouvements de troupes en dehors des routes.
C'est surtout au Nord de Liège que la vue sur la vallée de la Meuse et sur la ville est bloquée par plusieurs ponts étroits, de sorte qu'en général, l'observation n'est possible que depuis la bordure directe de la vallée.
Le territoire situé entre la Vesdre, l'Ourthe et la Meuse est très boisé et imperméable à la vue; il est coupé par de nombreux ravins, qui facilitent l'approche, mais réduisent la carrossabilité. Des tentacules de la ville se prolongent loin dans ces vallées et ravins.
Du côté de la rive Ouest de la Meuse, il existe une grande différence entre le paysage au Sud et celui au Nord de la ligne de chemin de fer Liège-Bruxelles.
Au sud de cette ligne jusqu'au delà de la ligne des forts, la contrée est très habitée et farcie de mines et de carrières, de sorte qu'il n'est pas possible de s'y orienter. En outre le paysage est fort déchiré par les ravins qui descendent vers la Meuse.
La partie au Nord du chemin de fer est notablement plus ouverte et plus dégagée, mais fort habitée aussi, surtout la vallée mosane. La vue et la praticabilité sont meilleures que dans les autres secteurs. Le terrain est plat, ondulé et ne devient raide qu'en descendant vers la Meuse.
Les forêts étendues sont presque exclusivement constituées par des espèces feuillues à hautes tiges. En combinaison avec le caractère accidenté du terrain, ces forêts offrent à l'attaquant la possibilité d'une approche couverte.
La praticabilité des routes est en général bonne. Le sol est pierreux et argileux, en profondeur dur comme du rocher; à la surface des prairies et des prés fermes permettant la circulation des canons. Dans les champs et par temps humide, le sol est mou et non carrossable. A beaucoup d'endroits, le fond rocheux affleure.
5. COURS D'EAU ET PONTS SUR LA MEUSE
1. La Meuse
La Meuse est large de 100 à 160 mètres et est profonde jusque jusqu'à 5 mètres, la vitesse du courant est de 700 millimètres à un mètre au niveau habituel. Le fleuve forme de nombreuses îles. Le sous-sol est ferme et constitué en général par du gros gravier. On ne rencontre pas de difficultés particulières pour jeter un pont sur la Meuse.
Seul l'accès du fleuve n'est pas facile partout à cause de la raideur des rives. Le passage à gué n'est pas possible. Depuis la frontière française, la Meuse est canalisée. Dans le territoire de la forteresse de Liège, il y a 5 écluses. Les bassins de ces écluses sont longs de 80 à 100 mètres et larges de 12 mètres. Ils peuvent recevoir 4 des péniches habituelles jusqu'à 432 tonnes, ainsi qu'un remorqueur.
2. L'Ourthe
L'Ourthe et la Vesdre divisent en trois le territoire situé à l'Est de la forteresse. Moyennant de nombreuses sinuosités, l'Ourthe perce les contreforts Nord des Ardennes. Au sud de Poulseur, elle reçoit de droite l'Amblève et près de Chênée, la Vesdre. Près de Liège, elle se jette par trois bras dans la Meuse. La vallée étroite, profondément encaissée et fermée par des pentes abruptes constitue un obstacle important. Le chemin de fer qui suit la vallée traverse en plusieurs endroits par des tunnels les nez des montagnes qui s'approchent très fort de la rivière.
Près de Chênée, l'Ourthe a une largeur d'environ 50 mètres et est profonde jusque 2 mètres; en cas de pluies abondantes, elle déborde facilement.
3. La Vesdre
A environ 3 kilomètres de Liège, la Vesdre se jette dans l'Ourthe. La disposition de la vallée ainsi que tout le cours d'eau est la même que pour l'Ourthe. Sa largeur est de 18 mètres, profondeur 2 mètres. La route et le chemin de fer le traversent sur de nombreux ponts. La ligne de chemin de fer Aachen-Herbestal-Liège, qui parcourt la vallée, comporte de nombreux tunnels.
4. Le Geer
Le Geer est large de 7 à 9 mètres et a une profondeur moyenne de 50 centimètres. En bloquant le passage inférieur des ponts, on peut créer, dans la partie terminale, de petits barrages.
5. Cours d'eau moins importants
Ces ruisseaux, qui coulent dans les nombreux ravins et vallées encaissées, peuvent être traversés, avec le niveau d'eau habituel, par l'infanterie et la cavalerie partout, par l'artillerie seulement sur les nombreux ponts.
6. Le Canal Albert
Ce canal est décrit dans un autre rapport où l'on trouvera les données requises.
7. Ponts sur la Meuse dans la région de Liège
Pour mémoire
6. LES CINQ ZONES DU CHAMP DE BATAILLE DE LA FORTERESSE DE LIEGE
1. La ligne avancée
Cette ligne se situe à une dizaine de kilomètres de la frontière allemande et suit approximativement l'ancienne frontière du Reich. Elle parcourt dans un arc pointé légèrement vers l'Est le territoire étendu des Ardennes et des Hautes Fagnes. Cette position s'étale depuis la frontière hollandaise près de Sipenaeken vers le Sud par Hombourg-Henri-Chapelle-Limbourg jusqu'à Jalhay où elle rencontre la ligne de barrage avancée des Ardennes. Elle comporte une série d'abris légers articulés en profondeur (mitrailleuse servie par 3 hommes); de même que des abris moyens (mitrailleuse et canon anti-char, servis par 8 hommes). Tous ces abris se flanquent mutuellement. Leur nombre est plus dense de manière à former des groupes du côté de Hombourg, Henri-Chapelle, Limbourg, Jalhay, Hockay et à l'Ouest de Malmédy. Il faut aussi compter avec des barrages de mines. En avant de cette ligne, sans aucune liaison entre eux, il existe des abris isolés armés de mitrailleuses et un certain nombre de barrages minés.
Dans sa partie Nord, la ligne avancée traverse la région fort accidentée au Sud-Ouest d'Aachen. Les différences d'altitude sont importantes. La vue est en général assez limitée. A cet endroit, la ligne avancée suit, dans son ensemble, le côté Ouest de la crête entre la Gueul et la Gulp, parfois aussi la pente Ouest de la Gulp et, plus au Sud, longe un affluent Nord de la Vesdre. Dans sa partie Sud, elle traverse les contreforts Nord des Ardennes. Ici, les vallées sont étroites, profondes, à pentes raides (contrairement à ce que l'on voit plus au Nord : pays plat, vallées larges, peu profondes, pentes peu accentuées). Au devant d'une grande partie du front on trouve l'immense Hertogenwald, où des routes sont sérieusement barrées. La ligne de barrage utilise au Sud de Limbourg comme obstacle d'abord la Vesdre, ensuite la Gileppe et son barrage et domine finalement les marécageuses sorties Ouest de l'Hertogenwald et des Hautes Fagnes.
Troupes en opération :
Dans cette position seront probablement alignés : le Régiment Cycliste-frontière (3 bataillons) et deux compagnies mixtes du 2ème Carabiniers cycliste et deux compagnies mixtes du 1er Lancier. Il est fort douteux que de l'artillerie soit mise en oeuvre à ce niveau, mais l'appui par les canons des Groupes de forti-fications est fort probable.
Mode du combat :
Il y a des raisons pour croire que les troupes de la ligne avancée ne s'engagent pas dans des combats sérieux et qu'en cas d'attaque par un ennemi supérieur, elles se replieront à travers les groupes de fortifications jusque derrière l'ancienne ligne de forts.
2. Groupes de fortifications avec Neufchâteau, Battice et Tancrémont
Battice et Tancrémont
Cette ligne s'étend de la frontière hollandaise (rive Sud de la Voer) par Neuf château - Battice et Tancrémont (Pepinster) jusqu'aux hauteurs de Theux. La construction du groupe Sougné-Remouchamps, qui devait terminer cette ligne de fortifications dans le Sud (vallée de l'Amblève) a été définitivement abandonnée. Vers le Sud-Ouest, il existe une liaison avec la ligne de barrage de l'Amblève. Au Nord, il y a une suite serrée d'abris moyens (mitrailleuse et canon anti-char servis par 8 hommes) jusqu'à la Meuse.
Il faut compter avec de nombreux barrages, dont certains minés, dans et devant la ligne des groupes de fortifications.
Description du paysage :
Comme pour la ligne avancée, le terrain n'est pas le même au Sud qu'au Nord. Au Nord de la route Aachen-Herve-Liège, le terrain descend en pente douée vers le Nord. Les hauteurs permettent une bonne vue, qui est cependant limitée par des surfaces boisées étendues. Les secteurs de la Voer et de la Berwinne s'étendent en direction générale Nord-Ouest. Leurs vallées sont des pentes douées et offrent un champ de tir favorable à de nombreux postes du groupe de fortifications. Le paysage a un caractère nettement agricole et héberge de nombreux et riches villages.
Au Sud du groupe de Battice, près de la route Aachen-Herve-Liège, le terrain porte les caractéristiques de la partie Nord des Ardennes. Il existe de grandes différences de niveau; le pays est fort coupé, boisé, l'observation peu aisée. Les vallées de la Vesdre, Hoegne et Amblève et de leurs affluents sont très sinueuses et ont des pentes raides. Elles sont couvertes sur de grandes étendues par des installations industrielles (spécialement Verviers). Les rivières et ruisseaux coulant en direction du Nord-Sud assurent aux groupes de fortifications (notamment à celui de Tancrémont) une grande puissance locale.
D'autre part, il est vrai aussi que les nombreux ravins, la densité des constructions et la richesse des forêts permettent de s'approcher de certains ouvrages tout en restant couvert.
a. Secteur Nord
La partie Nord de cette ligne avec le groupe de Neufchâteau et les abris situés de part et d'autre, a comme mission de couvrir le front Nord-Est de Liège. Il domine en particulier la route Aachen-Visé.
Le groupe Neufchâteau comprend les installations de combat tout à fait modernes ci-après, reliées entre elles par des voies souterraines.
Près de l'entrée, il y a des casernes et un abri armé, camouflé en maison, pour la défense de l'accès.
Au milieu du groupe, il y a une coupole en béton d'environ 2 mètres de diamètre, percée de trois ouvertures, larges chacune d'environ 5 mètres (tir à la verticale). De plus, il existe une coupole blindée au-dessus de l'entrée et six coupoles blindées de 3 mètres de diamètre (une dans le coin extérieur Nord, une dans le coin Est, deux sur les ouvrages en béton, ceux-ci étant pourvus chacun de deux brèches pour des pièces d'artillerie; enfin, il y a une coupole blindée sur le massif central en béton et une près de la coupole blindée de 5 mètres de diamètre.
A l'extérieur des installations, il y a encore, du côté Ouest 5 coupoles blindées de 2,50 mètres de diamètre. En outre, on compte 4 postes anti-chars pour garder les trois fossés latéraux secs.
Les installations sont ceinturées par un fossé anti-chars (largeur au fond : 10 mètres environ, aux bords : 25 mètres) entouré de fils de fer barbelés. Elles sont protégées par deux batteries d'artillerie anti-aérienne.
( à suivre)
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