TOME 3 - FASCICULE 3 - JUILLET-SEPTEMBRE 1986

Sommaire

Editorial

Jules LEBEAU - En ce temps là - Le Corps de Gendarmerie

Le courrier des lecteurs

André GANY - Construction des forts de la Meuse de l'époque Brialmont

Günter SCHALICH - Quelques chiffres concernant le coût de la construction des forts Brialmont

Jules LEBEAU - Les "BRIALMONT"

F. GERSAY - Souvenirs de guerre (13)

A propos de la Légion Etrangère en Tunisie

Editorial

D'ici quelques mois, et pour la sixième fois depuis sa fondation, le C.L.H.A.M. devra se soumettre aux impératifs légaux en tenant l'assemblée générale de ses membres effectifs. Pour la plupart de nos lecteurs, cette obligation légale et statutaire constitue un peu la face cachée de notre a.s.b.l.
Est-il bien nécessaire de préciser que ce sont nos membres effectifs qui procèdent à l'élection d'administrateurs qu'ils considèrent aptes à siéger au conseil d'administration. On attend, en effet, des élus qu'ils soient bénévoles et prêts à faire abstraction de leurs motivations personnelles pour ne se donner qu'un seul but : le progrès de l'association.
Il s'agit en fait de gérer une entreprise culturelle suivant des statuts que le C.L.H.A.M. s'est donné en novembre 1979. Les objectifs à poursuivre impliquent dès lors une répartition judicieuse des tâches entre tous les administrateurs.
Dans une perspective sociale large, il s'agit d'élaborer et de réaliser un projet inédit et de caractère scientifique tout en ne négligeant pas le caractère ludique que doit garder l'action !
Concrètement, la toile de fond de nos activités est constituée par la rencontre de l'histoire et de l'archéologie militaires. D'un contexte général pluridimensionnel dans le temps et l'espace, le C.L.H.A.M. a placé au premier plan l'étude de la fortification tandis qu'il focalise les régions d'où nous tirons nos origines.
Finalement, à l'étude de ce patrimoine collectif devrait succéder une prise de conscience de sa valeur qui aboutirait à sa protection.
Nos objectifs se traduisent dès lors sous les formes écrite, parlée et visuelle Tandis que s'organisent les phases de documentation, de production et de gestion. En clair, il s'agit pour des bénévoles d'assurer, outre la vie administrative de l'association, des tâches ou services tels que : le bulletin, les conférences et projets audio-visuels, la bibliothèque et les archives, les participations à diverses actions et expositions et nous en passons ...
Dans un jargon utilisé actuellement par l'administration, on pourrait dire que le C.L.H.A.M. développe des actions qui s'apparentent à celles préconisées par les services publics en matière d'éducation permanente.
Par ailleurs, en faisant découvrir une des composantes de la mémoire culturelle collective, il participe à l'oeuvre globale qui devrait permettre à tout chacun de mieux distinguer son appartenance culturelle.
Pierre Rocour, Administrateur délégué
Retour au sommaire

Jules LEBEAU - En ce temps là - Le Corps de Gendarmerie

1886 - 1986. Un siècle s'est écoulé et si nous analysons un arrêté royal du 12 juin de cette année fixant la composition du Corps de Gendarmerie, nous constaterons que ce Corps comprenait :
1 Général-major
4 Officiers supérieurs dont un pouvait avoir le grade de colonel et un celui de lieutenant-colonel
1 Capitaine en premier quartier-maître
1 Capitaine administrateur d'habillement
1 Médecin de bataillon
1 Vétérinaire
10 Capitaines en premier, dont un adjudant-major
5 Capitaines en second de 1ère classe
4 Capitaines en second de 2ème classe
13 Lieutenants
12 Sous-lieutenants
4 Adjudants sous-officiers
9 Maréchaux des logis chef
82 Maréchaux des logis à cheval
37 Maréchaux des logis à pied
199 Brigadiers à cheval
100 Brigadiers à pied
1.163 Gendarmes à cheval
587 Gendarmes à pied
Actuellement, ces chiffres semblent irréels, mais à l'époque il était courant de voir une brigade composée de : 1 maréchal des logis et 4 gendarmes ou 1 brigadier et 4 gendarmes.
Insignes du grade.
Capitaine en premier : 3 étoiles en métal doré sur le collet de la tunique et 3 tresses verticales en or sur le turban du bonnet de police.
Capitaine en second : 3 étoiles sur le collet de la tunique, les 2 premières en métal argenté, la troisième en métal doré et 3 tresses verticales sur le turban du bonnet de police, deux de ces tresses sont en argent et celle du milieu en or.
Retour au sommaire

Le courrier des lecteurs

On demande...
Monsieur Bernard PIRSON, architecte restaurateur,cherche tous renseignements concernant les bâtiments métalliques préfabriqués aux usines "S.A. des Forges d'Aiseau". Cette firme qui a existé jusque 1906 a fourni les bâtiments préfabriqués destinés aux militaires du Génie qui supervisaient la construction des forts Brialmont.
QUESTION
Le 17 novembre 1942, en Tunisie, une colonne blindée allemande faisait mouvement vers l'ouest et se présentait devant le village de Djebel Abiod tenu par des élément anglais du Queen's Own Royal West Kent Régiment (régiment dont le colonel est de tradition la Reine d'Angleterre).
Cette colonne blindée était le Kampfgruppe WITZIG, du nom de son chef, le major Witzig. Le groupe comprenait un détachement de techniciens des parachutes jouant le rôle de fantassins, plus une trentaine de chars, de véhicules blindés et quelques canons self-propelled.
(Référence : "Connaissance de l'Histoire - HACHETTE - N° 45 d'avril-mai 1982 - Article : Objectif TUNIS, pages 32 à 37".)
Ce major Witzig était-il l'officier, le lieutenant Witzig, qui, le 10 mai 1940, commandait la section de sapeurs parachutistes chargés de l'assaut du fort d'EBEN-EMAEL ?
UNE DEVINETTE.
Un livre bien documenté présente la photo ci-dessous avec la légende : "En attente d'embarquement pour le jour J, des roues sur la plage.". De quoi s'agit-il en réalité ?
Photo
Retour au sommaire

André GANY - Construction des forts de la Meuse de l'époque Brialmont

Avant-propos
Cette notice a essentiellement pour but de faire connaître au public intéressé la manière dont a été réalisée la double ceinture de fortifications autour de LIEGE et NAMUR en 1888-1891, telle que l'ont conçue et voulue les autorités militaires belges de l'époque.
La vérité historique oblige à reconnaître qu'il s'est agit là d'une véritable révolution technologique et stratégique.
Mariant pour la première fois en fortification le béton de ciment et la coupole blindée en une réalisation de grande ampleur, notre pays a fait à l'époque figure de pionnier.
Dans les pages qui suivent, l'intérêt s'est porté sur les différentes facéties de la construction des massifs bétonnés. C'est ainsi que seront évoqués successivement les plans initiaux, les problèmes d'approvisionnement en matériaux et ciment, les techniques employées pour le coffrage et le bétonnage ...
Cette construction qui constitue une sorte de "première" mondiale est due essentiellement à la ténacité, à l'ampleur de vue et à la compétence technique du Lieutenant-Général BRIALMONT, à l'appui inconditionnel du Roi Léopold II, aux efforts des exécutants civils et militaires qui ont mis tout leur savoir-faire au service de ces ouvrages essentiels pour la défense de la BELGIQUE.
Je tiens à remercier les personnes et organismes suivants pour leur aide précieuse :
- Monsieur DEGRIJSE : Conservateur adjoint au Musée Royal de l'Armée
- Col BEM VAN RUYCHEVELT : Directeur du Service de l'Historique des Forces Armées belges
- Le Service Général des Constructions Militaires dans le chef de ses 3e et 8e Directions Régionales
- Le Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires.
Chapitre 1 - Les prémisses
1. Préambule
- L'artillerie allemande avait fait après 1883 au polygone de CUMMERSDORF des tirs avec obus-torpilles prouvant qu'aucune des voûtes (en maçonnerie) construites jusqu'alors ne résistait au choc et à l'explosion de ces obus.
Mais rien ne transpira du résultat de ces épreuves.
- En 1886, les effets d'un tir exécuté contre le Fort de la MALMAISON avec des mortiers rayés de 220 lançant des obus de 5 calibres de longueur chargés de mélinite parurent si effrayants qu'on en conclut que le temps de la fortification permanente était passé ...
- Pour arriver à une conclusion pratique, on jugea nécessaire d'exécuter de nouveaux tirs avec les mêmes bouches à feu et les mêmes projectiles contre ure voûte en béton de ciment de 1 m 50 d'épaisseur construite sur le polygone de BOURGES. Ces expériences n'étaient pas terminées quand le 1er janvier 1887 nous fûmes chargés de faire les projets de têtes de pont de LIEGE et de NAMUR...
... Mais nous en savions assez pour être convaincu que désormais on ne pourrait plus créer des forts en état de résister aux nouveaux moyens d'attaque sans employer du béton de ciment de Portland pour les voûtes et sans protéger au moyen de coupoles sinon la totalité au moins une grande partie de l'armement (1).

(1) "Progrès de la défense des Etats et de la fortification permanente depuis VAUBAN" Lieutenant-Général BRIALMONT - 1898.

2. Décision gouvernementale
Les prémisses de la construction des fortifications sur la MEUSE remontent à la parution en 1882 d'un ouvrage du Général Henri Alexis BRIALMONT consacré à la "Situation Militaire de la BELGIQUE". Le Général y propose en effet la création d'une ceinture de forts modernes autour des villes de LIEGE et NAMUR afin de contribuer à la défense de la neutralité de la BELGIQUE.
Le 31 Dec 1886, le Ministre de la Guerre invite le Général BRIALMONT à lui faire des propositions fermes à ce sujet. Le 1er février 1887, le Lieutenant-Général BRIALMONT, Inspecteur Général des Fortifications et du Corps du Génie transmet au Ministre de la Guerre les plans-type du fort qu'il propose d'adopter pour les têtes de pont de LIEGE et NAMUR.
Y est joint un devis estimatif de la dépense à faire pour la construction de ces ouvrages.
Voici la description des défenses que BRIALMONT propose au Gouvernement : "Les forts eux-mêmes sont fort simples : un massif central, en béton, protégeant le bureau de tir, - centre nerveux du fort - ainsi que des magasins et des coupoles pour canons de 15 et de 12 et des obusiers de 21. Autour de ce massif, un triangle, également en béton, couvrant des galeries dans lesquelles les fantassins attendent l'assaut à l'abri du canon, est surmonté d'un rempart d'où les défenseurs, à coups de canons-revolvers, mitrailleuses et fusils, faucheront l'assaillant cloué sur place par les "barbelés" ceinturant l'ouvrage. Aux angles du rempart triangulaire, des coupoles à éclipse joignent leur feu à celui des fantassins pour la défense rapprochée. Si, d'aventure, le bombardement de l'ennemi a eu raison des barbelés, l'assaillant, descendu dans le fossé, y sera pris de flanc par le canon des canonnières ou caves à canons. Enfin, un personnel d'observation, répandu dans les clochers du voisinage, sur les points dominants, près des carrefours, suit, téléphone à la main, la marche de l'adversaire, afin de déclencher au moment propice le tir du fort".
Ce système défensif résiste aux pièces de 220 utilisées par les armées allemandes et françaises à cette époque.
Le 01 Juin 1887, après des débats difficiles et houleux, le Parlement belge approuve le concept défensif et vote les crédits nécessaires à sa réalisation, soit 24 millions de francs - or".
En fait ce montant sera rapidement revu à la hausse, compte tenu des expériences de la MALMAISON et de BOURGES pour s'établir à 54 millions de francs-or, le 10 avril 1888.
Près de 4 ans plus tard, les travaux étant terminés, le décompte final plafonnera à 71,6 millions de francs.
3. Mise en adjudication des travaux
- Le 1er mars 1888, BRIALMONT transmet les pièces nécessaires à la mise en adjudication au Ministre de la Guerre par note manuscrite. Cette note contient essentiellement les devis et cahier des charges plus quatre bordereaux de prix (Il s'agit en effet, d'un marché à bordereaux de prix ! ).
Le cahier des charges numéroté 20869 reçoit l'approbation du Ministre le 1er avril de la même année.
Appel est alors fait aux soumissionnaires belges et étrangers.
L'ouverture des offres a lieu le 08 mai 1888 à LIEGE au siège de la 4e Direction des Fortifications.
- Dans l'entre temps, l'implantation exacte des différents ouvrages est définie et les terrains nécessaires sont acquis par actes de vente passés devant les Gouverneurs de province intéressés et transcrits à la Conservation des hypothèques.
On procède également aux travaux de topographie et de sondage indispensables.
4. Firme adjudicatrice
Le 1er juillet 1888, l'entreprise est adjugée dans son entier aux entrepreneurs français MM Adrien RALLIER, LETELLIER Frères et Jules BARATOUX.
Cette firme installe immédiatement son PC à LIEGE.
Dès le 12 juillet, les premières instructions de service sont diffusées et le premier "coup de pelle" est donné le 28 juillet suivant.
Chapitre II - Construction des forts
5. Objet et nature de l'entreprise - Ampleur des travaux
a. L'objet de l'entreprise, aux termes du Cahier des charges, consistait dans la construction de 12 forts défendant la vallée de la MEUSE autour de LIEGE, à savoir : les forts de PONTISSE, LIERS, LANTIN, LONCIN, HOLLOGNE et FLEMALLE, situés sur la rive gauche du fleuve; et ceux de BARCHON, EVEGNEE, FLERON, CHAUDFONTAINE, EMBOURG et BONCELLES, situés sur la rive droite; - et de 9 forts défendant les vallées de la SAMBRE et de la MEUSE autour de NAMUR, à savoir : les forts de MALONNE, SAINT-HERIBERT, SUARLEE, EMINES, COGNELEE et MARCHOVELETTE, établis sur la rive gauche de la MEUSE; et ceux de MAIZERET, ANDOY et DAVE, établis sur la rive droite.
Ces forts répondaient à deux schémas différents, le schéma triangulaire et le schéma quadrangulaire selon la configuration géomorphologique des sites choisis.
Plan-type du fort quadrangulaire de MALONNE
b. Les travaux comportaient essentiellement :
- Les déblais et remblais nécessaires pour l'établissement des ouvrages d'art et la confection des glacis.
- La construction d'ouvrages d'art comprenant des locaux voûtés pour logements, magasins et batteries, des massifs en béton pour protéger les coupoles, des gaines de communication, des revêtements en décharge et des murs de soutènement;
- La construction de puits, citernes, égouts, aqueducs, etc ...;
- Le détournement de chemins pavés et empierrés existant à l'emplacement des forts.
L'ensemble comportait approximativement, en dehors des fournitures diverses de pierres de taille pour escaliers, couronnements de murs, encadrements de portes, etc., ainsi que de ferrures pour les bâtiments, et de pavages ou empierrements pour les routes à détourner, les quantités suivantes :
Tableau
6. Les contraintes
a. L'entreprise des forts de la MEUSE posait un certain nombre de problèmes spécifiques.
- Celui tout d'abord des quantités très importantes de matériaux à mettre en oeuvre.
- Celui ensuite de la dispersion géographiques des sites choisis pour l'implantation des forts, sites généralement placés sur des points dominante du terrain le plus souvent éloignés des voies de communication traditionnelles.
- Mais la condition la plus défavorable était la courte durée imposée pour l'achèvement des deux enceintes.
Cette durée n'était que de trente mois, sur lesquels l'Entreprise ne pouvait guère disposer que de quinze mois de travail effectif pour l'exécution des maçonneries, parce que cette opération devait être précédée de terrassements considérables, et de la mise en oeuvre des installations nécessaires aux services des approvisionnements.
Examinons successivement chacune de ces contraintes.
b. Approvisionnement en matériaux
- Les sables et galets provenaient généralement de draguage en rivière (MEUSE, OURTHE, SAMBRE).
Il a donc été nécessaire de prévoir une flottille suffisante de dragues, remorqueurs et barges.
Le gravier était livré à l'emplacement des forts par le moyen de transport le plus rapide et le moins coûteux.
- La fourniture des ciments qui s'élevait au chiffre énorme de près de 300.000 tonnes, soit 30.000 wagons de 10 tonnes chacun, et devait être livrée dans les délais nécessaires pour arriver à terminer les travaux en trente mois posait évidemment un énorme problème. Cinq usines dont deux françaises, la Compagnie nouvelle de ciments de Portland du Boulonnais et la Société des ciments français de Boulogne-sur-Mer et de Desvres, et trois belges, la Société de Niel-on-Ruppel, MM. Dufossez et Henry, et MM. Locose et Lévie, de Cronfestu, ont concouru à cette fourniture. Il a fallu répartir la fabrication suivant ce que chaque producteur pouvait fournir, et en tenant compte de la situation topographique des usines, de manière à économiser les transports.
- Pour les bois, on devait tabler sur un cube approximatif de 800 mètres pour chaque fort, sans compter les réemplois.
- Il fallait, en outre, les bois et planches nécessaires pour les nombreux baraquements à édifier dans chaque fort, pour les estacades et les ponts de la ligne stratégique et des plans inclinés. L'Entreprise eut recours, pour ces approvisionnements, aux fournisseurs du pays, et fit venir du Havre à Anvers, par expéditions complètes, les bois qui lui appartenaient.
- Les briques, qui devaient être employées à la construction des 22.000 mètres cubes de maçonneries pour murs et égouts, ont été commandées sur les lieux ou fabriquées à proximité des forts, quand on y a rencontré des couches de bonne qualité.
- Les carrières de l'Ourthe ont donné la pierre de taille nécessaire.
- L'eau enfin était puisée sur place ou amenée depuis la rivière la plus proche par conduites de refoulement.
c. Approvisionnement en matériaux

(1) L'importance considérable des travaux à exécuter sur chaque chantier, tant pour les terrassements que pour le coulage du béton, la répartition des chantiers sur des circuits, l'un de 60 kilomètres à Liège, l'autre de 40 kilomètres à Namur, feront aisément concevoir la nécessité qui s'imposait dès l'origine, à l'Entreprise de réunir un matériel considérable.

Il s'agissait en effet de construire et d'exploiter pour le service des approvisionnements, 100 kilomètres environ de chemin de fer à voie de 1 mètre (dénommé "Voie stratégique"), et d'assurer l'exécution de terrassements s'élevant à plus de trois millions de mètres cubes, concurremment avec la fabrication et le coulage d'environ 1.200.000 mètres cubes de béton.
Le matériel réuni et mis en oeuvre sur les chantiers ne comportait pas moins de 60 locomotives, 75 locomobiles ou machines fixes et 2.000 wagons.
Une bande de terrain de 12 mètres de largeur reliant les forts entre eux à l'exception des forts d'Embourg et de Boncelles (Liège), et des forts de Saint-Héribert et de Malonne (Namur), devait être mise gratuitement par l'Etat, à la disposition de l'Entreprise dans un délai de trois mois à compter du jour où elle aurait pris cours.
Les Entrepreneurs étaient autorisés à exécuter à leur frais, sur cette bande de terrain, les travaux nécessaires pour y établir telles voies qui leur conviendraient, pour desservir les différentes sections des travaux.
Par suite des retards survenus dans la livraison de la bande de terrain qui devait assurer la communication entre les différents forts, le terme d'achèvement des travaux a ultérieurement été prorogé de six mois, et porté au 28 juillet 1891.
d. Application au cas de la position fortifiée de NAMUR
- Les forts de Malonne et de Saint-Héribert que leur situation entre Sambre et Meuse séparait du reste des ouvrages, et pour lesquels le Cahier des charges spécifiait d*ailleurs l'isolement au point de vue de la route militaire, ont été pourvus d'installations spéciales.
Elles ont consisté en un chemin de fer aérien de 1.000 mètres de développement élevant les matériaux nécessaires aux deux forts de la vallée de la Sambre en face de la station de Flawinne sur le chemin de fer de Charleroi à Namur à la cote (85 m) jusqu'au fort de Malonne à la cote (200). Les sables et galets extraits du lit de la Sambre étaient rangés, après triage, le long de la rivière, sur la rive gauche en aval de l'écluse de Flawinne, et le chemin de fer aérien franchissait la partie canalisée pour atteindre les pentes des bois de la Vecquée, où se trouve le fort.
Les ciments y étaient montés par le même procédé et étaient pris aux magasins installés par l'Entreprise à la gare de Flawinne. La capacité de transport du chemin de fer aérien atteignait 800 tonnes par jour.
Ces divers matériaux se déchargeaient sur les voies de la gare du chemin de fer aérien pour le service du fort de Malonne, ou bien étaient directement déversés dans des grands wagons s'ils devaient être employés au fort de Saint-Héribert. Une voie ferrée établie à ses frais par l'Entreprise et dont le développement atteignait 7 kilomètres, reliait les deux chantiers.
- Pour le fort de Suarlée, l'Entreprise a trouvé plus avantageux de profiter du voisinage de la gare de Rhisnes, sur la ligne de Namur à Bruxelles, que de recourir à un prolongement de la route militaire au delà du fort d'Emines. Le raccordement était à voie normale et avait 2.500 mètres de longueur; il amenait au fort sans transbordement, les ciments qui venaient par la voie ferrée. Celle-ci transportait également les sables et galets qu'elle prenait par un raccordement aux cavaliers de dépôts établis sur le quai de Namur en amont du pont du Luxembourg, et alimentés par les installations de draguages fonctionnant sur la Meuse en aval de la ville, vers Samson.
- En ce qui concerne les trois forts d'Emines, Cognelée et Marchovelette, l'approvisionnement des ciments s'effectuait à l'aide d'un raccordement de la voie stratégique avec la ligne de Namur à Tirlemont près de Cognelée. Ce dernier fort possédait des ateliers et des magasins généraux, et servait de centre d'approvisionnement au groupe.
Les sables et galets étaient fournis par le dépôt établi à Namur.
- Les 3 forts de la rive droite (Maizeret, Andoy et Dave) ne formaient qu'un seul groupe. L'approvisionnement des sables et galets se faisait à l'aide d'un plan incliné qui venait prendre les matériaux déposés en cavaliers à Samson sur la Meuse, et les amenait au fort de Maizeret. Ils étaient ensuite transportés aux deux autres forts par la voie stratégique. Quant aux ciments, ils arrivaient au dépôt de Naninne situé sur le chemin de fer de Namur à Arlon, auquel est raccordée la voie stratégique
.
Le fort de Maizeret, qui servait de tête de ligne, était pourvu d'ateliers de réparations.
- Quant à l'alimentation d'eau, elle était assurée : à Malonne par une prise dans la Sambre avec refoulement en conduite forcée; à Saint-Héribert par un captage et refoulement des eaux souterraines de la vallée qui fait face au fort; à Suarlée et à Emines par le puits Sainte-Barbe creusé dans le plateau de Frizet, avec refoulement; à Cognelée par une nappe d'eau souterraine dont on refoulait une partie pour desservir le fort de Marchovelette; à Andoy et Dave, par une prise d'eau en MEUSE via Maizeret.
e. La main d'oeuvre
Hormis les cadres propres à l'entreprise, toute la main d'oeuvre banalisée a été recrutée localement.
Les journaux Namurois de l'époque citent les chiffres de 3.000 à 5.000 ouvriers pour l'ensemble de la position fortifiée de Namur soit 4 à 500 par fort. La grosse majorité des charpentiers, menuisiers, maçons, mécaniciens, terrassiers ... était belge mais 14 % de la main-d'oeuvre était composée d'étrangers.
Le salaire journalier oscillait entre 3 et 5 fr.
La présence d'une telle quantité de personnes étrangères dans les villages des alentours n'a pas été sans inconvénient pour la population locale(vol, maraude, bagarres ...).
Le nombre d'accident s'est élevé à 38 dont 10 tués. Causes habituelles : éboulement, explosion, effondrement de voûtes ou passerelles ...
7. Exécution des travaux
a. Organisation générale
Les caractères communs que présentaient les travaux à exécuter dans les 21 forts ont conduit les entrepreneurs à étudier pour les chantiers une organisation générale susceptible de réaliser à la fois la facilité de conduite pour le service central, la rapidité dans l'exécution, et l'emploi économique des moyens d'action.
Les principes généraux adoptés pour toutes les installations du matériel de fabrication sont exposés de la manière suivante dans l'ordre de service donné par M. Adrien HALLIER à ses agents, en date du 12 juillet 1888 :
Ordre de service du 12 juillet 1888.
M. PAVY, ingénieur principal de la construction des forts de la rive gauche de Liège,
M. PLUMEY, ingénieur principal de la construction des forts de la rive droite,
M. RAIMBAULT, ingénieur principal de la construction des forts d'Embourg et de Boncelles,
M. VASSET, ingénieur principal de la construction des forts de Namur.
Sont invités a faire étudier de suite sur chaque fort les emplacements qui sont nécessaires pour l'installation des chantiers et les dépôts des matériaux en approvisionnement.
On devra chercher à se tenir sur chaque fort, tout d'abord à la gorge pour les installations de fabrication du béton, et ensuite sur l'un des côtés du fort, celui qui pourra le mieux s'orienter par rapport à la voie d'accès des approvisionnements.
Il faudra aussi voir dans les forts, où il y a des excédents de terrain, si on ne pourrait pas se servir de ces excédents.
On devra, en règle générale, chercher absolument a utiliser les glacis. — Pour cela il est nécessaire de s'entendre avec les officiers chefs de chantiers pour les dépôts de terre que le Génie compte faire sur les glacis en dehors des remblais qui seront quelquefois nécessaires pour le règlement de ces glacis; règlement qu'on pourrait au besoin faire de suite s'il était nécessaire avant l'établissement de nos installations.
On devra également, tout en se tenant sur les glacis, se placer a une cote assez élevée pour permettre l'arrivée des dépôts aux installations pour les bétons, sans rampe ascendante autant que possible.
Le plan des installations sur chaque fort se compose :
1° D'une installation pour la fabrication des mortiers et bétons. — Cette installation devra autant que possible se trouver a la gorge de l'ouvrage, et être établie a la même cote de niveau que la crête de la contrescarpe au moins et plus haut si possible.
2° D'un magasin pour les ciments pouvant contenir la consommation pour huit jours, établi à proximité de la fabrication des mortiers et bétons, et en bordure de la voie générale d'approvisionnements.
3° D'un petit magasin pour les huiles et graisses.
4° D'un hangar pour charronnage et pour une petite forge.
5° Des emplacements pour les dépôts de sable et galets. (Importance de ces dépôts : 15.000 m³).
6° Les projets pour chacun des forts devront être remis à la Direction à Liège le 1er août au plus tard, et copies de ces instructions devront être adressées ce jour à MM. Pavy, Plumet, Raimbault et Vasset.
Signé : ADRIEN HALLIER. Liège, le 12 juillet 1888.
b. Exécution des terrassements
Le cube des terrassements par fort a varié entre 100.000 et 175.000 mètres cubes, sans les reprises. (BRIALMONT avait prévu 142.000 m³ dans ses plans-type).
La progression à observer dans l'exécution de cette partie du travail était particulièrement commandée par celle de l'exécution du béton, mais elle dépendait encore des délais possibles, de l'importance des cubes de déblais, de remblais et d'excédents, de la nature des déblais et du matériel disponible, le même genre de matériel ne pouvant être simultanément employé dans chaque fort.
Tout d'abord, il convenait d'éviter autant que possible les reprises, et par suite, de mettre les déblais à leur emplacement définitif, ce qui revenait à n'attaquer les terrassements qu'à l'emplacement même des maçonneries, et à n'enlever les excédents que le plus tard possible.
Le matériel de fouille se réduisait aux moyens ordinaires, pelles, pioches, pics, barres à mines, burins, pinces, etc. Le matériel de transport se composait de petits plans inclinés avec wagonnets à voie de 0,40 m, actionnés par des treuils à vapeur. On a également fait usage de rampes à voie de 1 mètre remontées par des locomotives de 7 à 15 tonnes en service : ces locomotives remorquaient des rames de wagons cubant en général 2 mètres et chargés à la pelle. Dans certains terrains on eût pu employer des excavateurs. Mais le plan des forts ne comportant pas de longs alignements comme les chemins de fer et les canaux, leur emploi aurait été onéreux pour un cube relativement restreint.
Le corps des remblais des glacis et des remparts se faisait avec les décombres, les terres ordinaires et les rocailles. Toutes les terres de remblai ont été soigneusement pilonnées.
c. Fabrication du béton
1. Le mode de confection prescrit par le Cahier des charges comportait le mélange à sec des quantités de sable, de galets et de ciment correspondant à un quart de mètre cube environ, et dans les proportions fixées par les dosages indiqués, puis l'addition au mélange de l'eau nécessaire; enfin, le travail à la griffe ou au rabot.
La fabrication mécanique était également autorisée, au choix de l'Entreprise, sous les conditions suivantes :
1° La vitesse d'écoulement du béton sortant des appareils, et l'arrosage des matières premières devaient être réglés dans chaque fort par l'officier surveillant;
2° Les matières composant le béton devaient être mélangées à sec avant d'être introduites dans l'appareil.
Composition des bétons : p.m. (Ceci fait l'objet d'une autre communication)
Ordre de service du 12 juillet 1888
M. PAVY, ingénieur principal de la construction des forts de la rive gauche de Liège,
M. PLUMET, ingénieur principal de la construction des forts de la rive droite,
M. RAIMBAULT, ingénieur principal de la construction des forts d'Embourg et de Boncelles,
M. VASSET, ingénieur principal de la construction des forts de Namur.
Sont invités à faire étudier de suite sur chaque fort les emplacements qui sont nécessaires pour l'installation des chantiers et les dépôts des matériaux en approvisionnement.
On devra chercher à se tenir sur chaque fort, tout d'abord à la gorge pour les installations de fabrication du béton, et ensuite sur l'un des côtés du fort, celui qui pourra le mieux s'orienter par rapport à la voie d'accès des approvisionnements.
Il faudra aussi voir dans les forts, où il y a des excédents de terrain, si on ne pourrait pas se servir de ces excédents.
On devra, en règle générale, chercher absolument à utiliser les glacis. — Pour cela il est nécessaire de s'entendre avec les officiers chefs de chantiers pour les dépôts de terre que le Génie compte faire sur les glacis en dehors des remblais qui seront quelquefois nécessaires pour le règlement de ces glacis; règlement qu'on pourrait au besoin faire de suite s'il était nécessaire avant l'établissement de nos installations.
On devra également, tout en se tenant sur les glacis, se placer a une cote assez élevée pour permettre l'arrivée des dépôts aux installations pour les bétons, sans rampe ascendante autant que possible.
Le plan des installations sur chaque fort se compose :
1° D'une installation pour la fabrication des mortiers et bétons. — Celte installation devra autant que possible se trouver à la gorge de l'ouvrage, et être établie à la même cote de niveau que la crête de la contrescarpe au moins, et plus haut si possible.
2° D'un magasin pour les ciments pouvant contenir la consommation pour huit jours, établi à proximité de la fabrication des mortiers et bétons, et en bordure de la voie générale d'approvisionnements.
3° D'un petit magasin pour les huiles et graisses.
4° D'un hangar pour charronnage et pour une petite forge.
5° Des emplacements pour les dépôts de sable et galets. (Importance de ces dépôts 15.000 m³.)
6° Les projets, pour chacun des forts devront être remis à la Direction à Liège le 1er août au plus tard, et copies de ces instructions devront être adressées ce jour a MM. Pavy, Plumet, Raimbault et Vasset.
Signé : ADRIEN HALLIER. Liège, le 12 juillet 1888.
2. L'importance du cube de béton à fabriquer et la brièveté des délais imposaient naturellement la fabrication mécanique. Mais il y avait lieu de discuter si l'on prendrait le système de bétonnière dite anglaise qui est implicitement indiquée par les prescriptions ci-dessus, ou si l'on adopterait le mode de fabrication employé déjà par les entrepreneurs au HAVRE, et comportant deux périodes distinctes, l'une pour la fabrication du mortier, l'autre pour son mélange à la pierre cassée ou aux galets.
On sait que la bétonnière anglaise consiste essentiellement en un cylindre incliné animé d'un mouvement de rotation. Le mortier n'est pas préparé préalablement : les trois éléments du béton, c'est-à-dire le sable, le ciment et les galets sont introduits simultanément par une trémie placée à l'extrémité supérieure du cylindre le mélange s'effectue donc directement entre eux sous l'influence du mouvement de rotation, et de l'eau, et le béton confectionné est recueilli à l'extrémité inférieure du cylindre.
Avec le second type, la fabrication se divise en deux périodes consécutives : on commence par mélanger à sec le sable et le ciment, et on introduit ces matériaux dans un malaxeur à axe vertical mû par la vapeur, et pourvu de palettes, de râteaux et d'hélices. Pendant la trituration, un filet d'eau arrose le mélange, qui, sous l'action des palettes et les hélices, se convertit en mortier. Ce dernier est recueilli à la sortie du malaxeur par des wagons doseurs. On procède alors à la seconde opération qui consiste à mélanger le mortier et le galet, dosés l'un et l'autre en proportions convenables. Un premier mélange se fait au-dessus du couvercle même de la bétonnière; il se complète par la chute des matières dans celle-ci, qui est constituée par un cylindre vertical armé intérieurement de chicanes disposées en hélice. La hauteur de chute nécessaire pour obtenir une bonne répartition du mortier autour du galet est de 2,40 m.
Apparemment sûrs de la supériorité incontestable des matériaux fabriqués par le second procédé, les entrepreneurs n'ont pas hésité à proposer ce dernier au Génie militaire, malgré l'élévation du prix de revient (la diminution des mains-d'oeuvre de fabrication avec la bétonnière anglaise assurait une économie évaluée à 0fr75 par mètre cube de béton).
Le Génie militaire, après avoir examiné mûrement les propositions qui lui étaient faites par les Entrepreneurs, les a autorisés à faire uniquement usage de la bétonnière française combinée avec l'emploi préalable d'un type de malaxeur vertical perfectionné par eux, et c'est dans ces conditions qu'ont été fabriqués tous les bétons qui forment l'ossature des forts.
3. Les installations à chaque fort comportaient un grand réservoir d'eau en maçonnerie, construit sur le glacis auprès du hangar à malaxeurs. Ce réservoir fournissait l'eau nécessaire aux chaudières, à la fabrication du mortier, au lavage des galets, etc.; les hangars comprenaient le magasin à ciment et le baraquement des malaxeurs, qui étaient, comme nous l'avons dit, au nombre de trois, desservant un nombre égal de bétonnières placées sur une estacade.
Les sables et galets étant triés, les mains-d'oeuvre qui étaient toujours exécutées par les mêmes ouvriers, se réglaient comme suit : le sable chargé sur des wagonnets, était amené dans le hangar aux malaxeurs, et versé sur le plancher en face de l'appareil. Le ciment, dosé en proportions voulues, était tiré du magasin contigu, et mélangé au sable; puis on jetait le mélange dans les malaxeurs où une conduite à débit réglable distribuait l'eau nécessaire. Le mortier sortant des malaxeurs était rechargé dans des wagonnets jaugés et pouvant, suivant les besoins, rouler sur une voie posée entre les malaxeurs et les bétonnières.
Les galets jaugés en wagonnets à claire-voie passaient, avant d'arriver aux bétonnières, au-dessus d'un puisard qui recevait les eaux du dernier lavage exécuté avant l'emploi. L'eau provenant d'un réservoir était lancée avec force sur les galets et assurait leur nettoyage.
La voie d'amenée des galets parallèle a celle du sable arrivait sur l'appontement des bétonnières qui se trouvaient ainsi placées entre un wagonnet de mortier et un wagonnet de galets. Les deux wagonnets étaient alors déversés simultanément dans la bétonnière où le mélange mortier/galets s'opérait. Le béton ainsi fabriqué était alors prêt à l'emploi.
d. Préparation des coffrages
- La première question à résoudre était celle de la nature des matériaux à utiliser pour la confection des coffrages.
Après avoir envisagé l'emploi de panneaux en tôle l'entrepreneur a préféré recourir au bois pour tous ses coffrages. Le bois s'avérait en effet meilleur marché et son réemploi était plus aisé.
- Plutôt que d'établir des coffrages sur toute la hauteur du massif à couler on a préféré d'abord coffrer et bétonner jusqu'à la naissance des voûtes. Après prise du béton on posait les cintres préfabriqués et l'on réalisait le parement à l'aide des bois décoffrés des pieds-droits. Ceci permettait en outre de remblayer immédiatement derrière les piédroits et de raccourcir les étançons.
- Les cintres et les madriers ont fait l'objet de réemploi dans le même fort et dans des forts différents.
Coffrages
e. Bétonnage
1. Le programme de bétonnage était naturellement le problème capital à résoudre.
Il s'agissait en effet d'assurer l'exécution du bétonnage avec un maximum de rapidité compatible avec les capacités de production des bétonnières, les capacités de transport et les possibilités de mise en place, de manière à réaliser une masse monolithique aussi parfaite que possible.
2. Les maçonneries qui devaient être faites en béton comprenaient : les murs de contrescarpe , les locaux de contrescarpe, ceux d'escarpe subdivisés en locaux d'escarpe d'aile droite, du centre et d'aile gauche et reliés au massif central, le massif central avec les coupoles, enfin les coffres de flanquement réunis au massif central par une galerie de communication passant sous le fossé.
3. La progression du coulage comportait les opérations suivantes :
- Remplissage des fondations;
- Exécution des piédroits;
- Exécution des voûtes sur 0,80 m environ d'épaisseur à la clef et remplissage du tympan;
- Achèvement de l'ouvrage.
4. Nous allons maintenant décrire les diverses opérations du coulage du béton.
- Le remplissage des fondations a été exécuté dans les fouilles préalablement à la pose de tous coffrages. A cet effet, la voie d'enlèvement du béton, était prolongée jusque dans la fouille par un plan incliné taillé dans le talus. A d'autres endroits, les wagonnets étaient déchargés par un ou plusieurs couloirs établis sur le talus même et desservis par une voie spéciale posée au fond de la fouille.
- L'exécution des piédroits s'effectuait aussitôt la première opération terminée. On disposait leurs coffrages sur tout le périmètre à remplir, et le béton y était amené par wagonnets circulant sur des ponts légers.
- L'exécution des voûtes a donné lieu à une modification importante des procédés prévus par le Génie militaire. Pour se conformer aux prescriptions du Cahier des charges qui indiquaient que la construction des voûtes devait se faire sans interruption sur toute leur épaisseur (2 à 4 mètres), il aurait été nécessaire d'encoffrer complètement les ouvrages jusqu'à leur couronnement. Ce procédé présentait de graves inconvénients, d'abord au point de vue de l'insécurité et de la lenteur qui en seraient résultées pour le travail proprement dit, de l'importance des charpentes qu'il aurait nécessitées, et surtout à celui de la bonne confection des maçonneries.
On aurait en effet dû employer dans ce cas des charpentes et des cintres de dimensions très fortes pour supporter et soutenir en élévation des masses de béton de 4 à 5 mètres d'épaisseur : c'eût été une véritable forêt de bois au milieu de laquelle le travail aussi bien que la circulation eussent rencontré des obstacles réitérés. De plus, les bétons déversés sur les cintres depuis la rampe d'amenée auraient ébranlé les échafaudages, et l'on aurait toujours eu à redouter un renversement subit des coffrages sous la charge d'une masse aussi importante de maçonnerie. Enfin la lenteur dans le coulage aurait nui à l'homogénéité du massif.
L'Entreprise proposa au Génie militaire et fit accepter par lui un procédé beaucoup plus rapide et donnant toute sécurité pour la prise en masse du béton.
Ce procédé consistait à encoffrer seulement sur une hauteur suffisante pour donner aux voûtes une épaisseur de 0,80 m à 1 mètre à la clef suivant le cas.
Il permettait de disposer les chantiers de manière à exécuter plusieurs voûtes par jour, et de faire les reprises exclusivement sur les piédroits. Puis, quand le béton avait fait sa prise entière, on n'avait qu'à faire le remplissage jusqu'au niveau du couronnement.
A ce moment, il existait des points d'appui convenables pour soutenir les coffrages, toute préoccupation relative à la sécurité des charpentes était écartée, et l'on pouvait ainsi déployer toute l'activité nécessaire pour couler rapidement la masse totale.
Le Cahier des charges prescrivait d'autre part d'exécuter le coulage en divisant les ouvrages d'art en parties de grandeur telle que la maçonnerie pût être montée jusqu'à la hauteur des naissances des voûtes en une seule journée de travail. Chaque couche de béton devait être mise en place sur une épaisseur de 0,20 m, avant que la couche précédente eût fait prise, et les bétonnages de chaque tâche journalière devaient être terminés par des gradins horizontaux de raccordement.
Le Génie militaire estimait que le coulage dans les parties délimitées pour le travail journalier, devait être effectué par tranches horizontales successives de l'épaisseur indiquée, soit 0,20 m. Cette méthode aurait été très défavorable au point de vue de la constitution du monolithe désiré. Elle aurait, en effet, conduit à ébranler le béton pendant qu'il faisait prise, par le pilonnage successif des couches déposées les unes sur les autres, et par le transport des matériaux à la surface des couches qui n'auraient pas encore pris leur consistance. En outre, les reprises auraient été trop nombreuses en raison de la faible épaisseur prescrite pour chacune des couches.
Aussi, au lieu de couler par tranches horizontales, les Entrepreneurs ont-ils proposé et obtenu de procéder par déversement des wagonnets suivant le talus naturel du béton. Les ouvriers dameurs placés sur le talus et au pied, formaient ensuite des gradins qu'ils étendaient sur toute la hauteur du talus et dans le sens de la longueur, au fur et à mesure du déversement des wagonnets.
On damait les parties coulées jusqu'à ce qu'un peu d'eau affleurât la surface; les angles et les coins se garnissaient à l'aide de petits pilons ayant 0,08 m de diamètre au gros bout.
A la reprise du travail, on grattait et on lavait à grande eau les gradins horizontaux laissés en attente.
f. Décoffrage
Le Cahier des charges prescrivait de laisser en place pendant quinze et même vingt-quatre jours (en hiver) les cintres et les coffrages après l'achèvement des maçonneries qui portaient ou soutenaient.
Grâce à la bonne qualité du béton, ces délais ont pu être notablement réduits, et il a suffi généralement de quatre jours pour le décoffrage des piédroits, et de huit jours pour celui des voûtes.
Après l'enlèvement, tous les parements secs ont été passés à la brosse dure, les bavures enlevées, et les trous bouchés au mortier de ciment.
8. Progression des travaux
- La première campagne (fin de 1888) a été généralement consacrée à l'établissement de la voie stratégique, puis, pour chaque fort, aux travaux préparatoires, tels que la déviation des routes d'accès, le décapement des terres végétales, ainsi que les fouilles pour la fosse aux eaux ménagères et le fossé du front de gorge, de manière à préparer le remblai des glacis destinés à recevoir les approvisionnements de matériaux et l'installation des bétonnières.
En même temps, on procédait à la construction des plans inclinés et de leurs débarcadères et voies d'approche, et à celle des chemins de fer aériens.
Enfin, on construisait toutes les installations nécessaires aux chantiers, magasins, cantines, hangars, ateliers de réparations, remises de locomotives, etc.
- Pendant la seconde campagne (année 1889), l'Entreprise a continué les travaux précédents, exécuté les installations de fabrication du béton, et, successivement, les terrassements des fossés, des divers locaux et des massifs centraux avec remblais des glacis ou décharge, puis commencé sur plusieurs forts le coulage du béton.
- La troisième campagne (janvier 1890 à octobre 1891) a été employée à l'achèvement des terrassements et des bétonnages, à la confection des remblais sur les maçonneries, à l'exécution des enduits, et généralement au parachèvement des ouvrages.
- Cette grande entreprise, a donc été exécutée dans de parfaites conditions de régularité, malgré les énormes difficultés de tout genre qu'elle présentait, et les rigueurs exceptionnelles de l'hiver de 1890-1891.
Elle a pu être achevée dans les courts délais imposés par le Cahier des charges, et les 21 forts qui constituent les têtes de pont de LIEGE et de NAMUR ont été remis au Gouvernement belge, le 29 octobre 1891.
9. Reportage photographique
Les travaux dont il a été largement question ci-dessus ont fait l'objet d'un reportage photographique très complet et absolument remarquable pour l'époque.
Durant les années 1889 et 1890 plus de 200 photos des différentes phases de la construction ont été faites.
Elles complètent et confirment les documents écrits relatant les travaux.
Regroupées en atlas, ces photos, ont été remises au Lieutenant-Général BRIALMONT par les soins de l'entrepreneur dès la fin des travaux.
Transmis au Musée de l'Armée peu après la fin de la première guerre mondiale, les 5 atlas photographiques y sont encore heureusement conservés aujourd'hui.
Références
1. Archives du Service Historique des Forces Armées belges.
2. Archives des 3e et 8e Directions Régionales des Constructions Militaires.
3. Le livre "Construction des Forts de la Meuse" par G. RICHOU, Paris " Librairie Polytechnique Ch. BEEANGER, Editeur (1902).
4. Album contenant les vues photographiques prises pendant la construction des forts. Doc Musée Royal de l'Armée.
5. Cours de fortification de l'Ecole Royale Militaire (Bibliothèque de la Défense Nationale)
6. Archives du CLHAM (Centre Liégeois d'Histoire et d'Archéologie Militaires).
Retour au sommaire

Günter SCHALICH - Quelques chiffres concernant le coût de la construction des forts Brialmont

Introduction
Lorsque l'on recherche des documents ayant trait aux nouveaux forts de Liège, ou aux transformations effectuées aux anciens forts de cette ville, ou à ceux de Namur, on s'aperçoit, qu'il est, de beaucoup, plus facile d'obtenir des informations exactes sur la construction des forts de 1887 à 1892 que sur celle des forts de 1940; car, pour ces derniers, beaucoup de documents ont été détruits par le feu.
Il est surprenant de trouver à l'étranger, de très bonnes relations à ce sujet, comme par exemple, un livre allemand du Lt-Col. du Génie Reinhold Wagner, qui s'étend sur le coût des forts de Liège et de Namur et démontre les avantages des fortifications cuirassées.
Ci-après quelques détails qui pourraient intéresser le lecteur.
Historique
Déjà en 1882, le général Henri Alexis Brialmont, dans son livre "Situation Militaire de la Belgique", exigeait des fortifications sur la Meuse. En particulier, les villes de Liège et de Namur devaient être entourées d'une ceinture de forts des plus modernes, afin de contribuer à la défense de la neutralité de l'état, créé en 1830: Liège contre l'Allemagne et Namur contre la France. Brialmont attaquait les politiciens belges responsables, parce qu'ils n'étaient pas prêts à suivre ses propositions. Lorsque, vers le milieu des années 80, les relations déjà tendues entre l'Allemagne et la France s'aggravèrent, les responsables se décidèrent très vite, car la situation de la Belgique avait déjà tenté plusieurs fois ses puissants voisins.
Le 31 Dec 1886, Brialmont fut invité par le Ministre de la Guerre à faire des propositions, concernant les fortifications de la ligne de la Meuse. Le Roi, le lendemain, lors de la réception du Nouvel An, exigea de Brialmont une solution rapide, afin que le Gouvernement puisse faire les propositions aux Chambres. Brialmont avait fait depuis longtemps des travaux sur ce thème et put présenter le 15 jan 87 un projet, qui contenait aussi les premiers calculs du coût de l'opération.
La ville de Liège devait recevoir une ceinture, comprenant six grands forts et six petits; la Citadelle et la Chartreuse pouvaient être abandonnées.
Namur recevait sept nouveaux forts, la Citadelle étant maintenue. Le 01 Fev 87, on décidait que la Citadelle serait elle aussi abandonnée, mais on prévoyait maintenant quatre grands forts et cinq petits autour de la ville.
Le même jour, Brialmont présentait aussi les plans généraux des deux catégories de forts à construire.
Sous restrictions de ne pouvoir calculer exactement le coût des travaux qu'après avoir reçu un rapport géologique, et un rapport sur les forts qui pourraient être construits sans murs de revêtement (le fossé devant être creusé dans le roc), il établit un devis de 2.088.000 frs par grand fort et un de 956.000 frs par petit fort.
Le 11 Fev 87, le Ministre de la Guerre présenta aux Chambres des devis de 2 et de 1 millions par fort et n'exigea que 24 millions au lieu des 51 prévus. Visiblement on voulait, comme cela s'était déjà passé pour le budget des fortifications d'Anvers, amener les Chambres à admettre le projet. On ne commençait donc pas avec un "gros ballot", mais on voulait avancer par "petits paquets", car le Gouvernement d'alors s'appuyait sur une majorité cléricale, qui avait toujours prôné un budget militaire restreint.
Entre-temps on aurait eu connaissance des graves effets des torpilles, en particulier de celles lancées, pendant l'été 1886, sur le fort de la Malmaison en France. Ceci amena fatalement de nouvelles planifications et de nouveaux frais; les murs de revêtement devenaient maintenant irrémissibles et l'artillerie, qui devait être entièrement sous cuirasses, devait être augmentée.
Fin février 1888, Brialmont mit le Ministre de la Guerre au courant de la nouvelle situation et présenta, le 01 Mai 88 un nouveau devis, ainsi que des prescriptions pour les entrepreneurs ("le devis et le cahier des charges").
Le 06 Mar 88, le Ministre de la Guerre reçut du Col Tournay, Directeur du Département Génie du ministre, une note intitulée "Evaluation de la dépense pour la construction des forts de Liège et de Namur, d'après le devis et le cahier des charges, présentés par l'Inspecteur Général du Génie, pour ce qui concerne les quantités."
Suite aux sommes évaluées, reprises dans le texte, les premières divergences apparurent entre Brialmont et le Ministre de la Guerre. Les points principaux des nouveaux calculs du coût étaient les suivants:
Le Ministre de la Guerre ne s'attendait pas à de pareils frais. On était si consternés, qu'on voulut arrêter les travaux.
Le 10 Avr 1888, un crédit de 54.000.000 Frs fut toutefois demandé.
La "Section Centrale", un office qui avait à contrôler les "budgets spéciaux", demanda des données exactes. Sans que Brialmont ne le sache, elle reçut le rapport Tournay, duquel la souscription importante avait été écartée. Ce fut une nouvelle déception, due à de pures raisons tactiques de la politique. Il est donc surprenant, avec le recul, de constater que les 54 millions furent finalement accordés sans aucun autre contrôle.
Les travaux commencent
En mai 1888, des contrats furent conclus avec des entrepreneurs en bâtiment, ce qui permit de commencer les travaux en juillet 1888. Les recherches géologiques étaient en partie terminées (dans un cas, elles ne furent seulement terminées qu'en mai 1889). Très tôt, on s'aperçut que les estimations étaient totalement insuffisantes. Qu'on devait s'attendre à de nouveaux frais supplémentaires, cela allait de soi.
Par la suite les entrepreneurs rencontrèrent pas mal de surprises désagréables.
1. Pour deux forts, des puits de mine plus profonds étaient nécessaires pour arriver à poser les fondations sur le roc.
2. Pour 2 forts, des renforts essentiels du revêtement étaient nécessaires.
3. Pour six forts, des talus plats étaient nécessaires pour éviter des éboulements.
4. Pour un fort, le revêtement de l'escarpe dut être entièrement rénové.
5. La construction calculée pour un fort en terrain rocheux dut être complètement recalculée pour un terrain normal de terre.
6. Pour plusieurs forts, des parties rocheuses non prévues durent être enlevées.
7. Pour d'autres forts, les bonnes terres nécessaires manquaient; il fallait les y apporter péniblement.
8. Pour trois forts, on fit la désagréable découverte qu'on se trouvait sur d'anciennes mines de charbon, de minerai de fer ou de marne.
9. Finalement pour quatre forts, on tomba sur des sources ou sur des eaux souterraines. Pour trois de ces forts, on dut ériger un système de drainage et un canal d'évacuation de l'eau. On dut même construire une galerie souterraine tout autour d'un des forts.
Il apparut aussi, qu'un projet aussi gigantesque était, pour les firmes qui en avaient entrepris la construction, un domaine totalement nouveau. Le manque d'expérience en la matière ne permit pas de tenir les délais de construction de 30 mois, qui avaient été prévus. On dut en effet manipuler plus de 3.000.000 m³ de terre et de roc, dont 900.000 m³ plus d'une fois et transporter 1.200.000 m³ de béton.
En mars 1889 on s'aperçut qu'un fort supplément de ciment serait nécessaire et, déjà fin 1889, on constata qu'aux 54 millions de frs on devrait encore ajouter un supplément de 9 millions de frs. Le Gouvernement et les membres des Chambres en furent informés ou pouvaient facilement s'en informer eux-mêmes.
On se tut cependant pour raisons politiques. C'est seulement à l'été 1891 qu'arriva le gros coup : avec une indignation simulée on prit connaissance du coût final de 71,6 millions de frs; les prévisions avaient été dépassées de 4.452.000 frs pour le terrassement, de 3.838.000 frs pour le bétonnage et de 451.000 frs pour les achats de terrains.
Les politiciens responsables ne se manifestèrent pas, ou bien, ils rendirent Brialmont responsable; celui-ci avait pourtant toujours attiré l'attention sur l'insécurité des prévisions de coûts de ce genre.
Il faut aussi faire remarquer qu'aucune agitation de ce genre n'était intervenue lors d'autres grands projets, par exemple les prévisions du coût pour le Canal du Centre. Là, les 30 millions prévus étaient passés à 70 millions, sans qu'aucune protestation ne voie le jour.
Le coût du blindage
Concernant les coupoles cuirassées, il y eu d'abord, en Sep 1887, une proposition. de la firme allenande Gruson. Les Allemands proposaient d'abaisser le prix des coupoles en moyenne de 10%, si on leur assurait une commande minimum de 12,5 millions de frs. Le total des 171 coupoles aurait coûté 17.409.378 frs, sans compter le transport à partir de Magdeburg ni le montage sur place.
Contre ces proposions allemandes s'éleva bientôt une résistance; les industriels belges de l'acier, qui jusqu'à ce moment n'avaient jamais fabriqué de constructions cuirassées, ainsi que des firmes françaises de constructions cuirassées voulaient participer à la transaction. Comme le Gouvernement ne voulait pas et ne pouvait pas entrer en conflit avec sa propre industrie ni avec l'ambiance francophile de la Wallonie, on répartit la livraisons entre toutes les firmes étrangères, à condition qu'elles s'associent aux firmes belges, afin que ces dernières puissent acquérir la technique de finition de cette spécialité. Cette répartition avait l'avantage de diminuer les délais de livraison, mais aussi le désavantage d'occasionner des frais plus élevés. Les 171 coupoles arrivèrent à un coût de 21.210.775 frs, auxquels il fallait ajouter 3.000.000 frs pour les essais, le transport et le montage. La décision de doter chaque fort d'une coupole à éclipse pour phare et observation fit monter le coût du blindage à 26,1 millions de frs. Ainsi on arriva à 45,5 millions pour le coût de la construction, sur les 71,6 millions cités précédemment.
Le tableau suivant donne le coût du blindage par catégorie de fort :
Les petits forts
Les grands forts
Comparaison entre fort cuirassé et fort normal
Il n'est pas question ici de faire la liste des avantages et des désavantages des forts construits suivant les données de Brialmont. Revenons-en, encore une fois, au livre prodigieusement intéressant du Lt Col. du Génie allemand Wagner.
Les critiqueurs de l'introduction du blindage dans les fortifications étaient alors encore très nombreux, même au moment de la crise déclenchée par les torpilles, alors qu'on entreprenait les essais contre le fort de la Malmaison.
A Bucarest, une coupole allemande et une française, testées un mois durant (conseiller du Gouvernement roumain : Général Brialmont), démontraient que l'acier et le béton étaient le seul avenir des fortifications.
Wagner prouve par d'intéressantes comparaisons que la construction de coupoles n'est pas seulement économique du point de vue financier et que les forts normaux, avec bouches à feu de rempart, ne reviennent pas moins chers.
Les grands forts de Liège et de Namur pouvaient intervenir avec 12 pièces d'artillerie sur le front, 8 sur chaque flanc et sur l'arrière (ça veut dire : 56 possibilités pour les pièces d'un fort, pas 56 pièces par grand fort); les petits forts, 9 à 8 pièces de front, 6 sur chaque flanc et 5 sur l'arrière. Pour obtenir une capacité de feu identique avec des bouches à feu de remparts ouverts, les grands forts auraient dû être construits pour 52 pièces, les petits pour 21 ou 22 pièces. Dans le cas de Liège et de Namur, pour 21 forts normaux on aurait eu besoin de 562 bouches à feu de rempart, alors que les forts du modèle Brialmont de la Meuse n'exigent que 212 pièces cuirassées (77 légères et 135 lourdes), d'où une économie de 4 millions frs pour le matériel d'artillerie, ainsi qu'une économie en personnel: au lieu de 4.400 hommes sans relève pour 562 bouches à feu de rempart on n'aurait besoin que de 1.200 hommes sans relève pour les pièces des forts cuirassés, le reste des soldats pouvant être épargné ou employé à d'autres tâches.
Notons aussi, ici, une économie dans le budget de la Défense et dans le budget des troupes en temps de paix. Beaucoup moins d'infanterie sur le fort, du fait que les coupoles à éclipse de 57 mm assuraient une défense rapprochée effective; une économie en achats de terrains et en matériel de construction pour les forts cuirassés, qui étaient moins étendus que les forts à remparts.
Pour terminer ce petit article, quelques tableaux serviront à apporter quelques éclaircissements en ce qui concerne les coûts de constructions, supplémentaires des forts de Liège et de Namur et rendre plus claire la courte comparaison précitée.
I. Coût d'un grand fort pour 32 bouches à feu de rempart
a) avant l'introduction des torpilles
Tableau des coûts
b) Après l'introduction des torpilles
Tableau des coûts
II. Les Coûts principaux des forts de Liège et de Namur
Tableau 1
Tableau 2
Après tout ceci il ne faut pas s'étonner que, le blindage mis à part, de fortes différences de frais apparaissent par fort séparé, malgré qu'ils appartiennent à une même catégorie.
On en arrive, l'achat du terrain y compris, à :
Bibliographie
1. Reinhold Wagner - Die Panzerbefestigung in ökonomischer Hinsicht, beleuchtet durch das Beispiel von Lüttich und Namur - Berlin 1895
2. H. A. Brialmont - Situation Militaire de la Belgique - Bruxelles 1882
3. Emile Banning - Considérations Politiques sur la Défense de la Meuse - Bruxelles et Paris 1918
4. Hans Schwalb - Belgische Schießversuche gegen Panzerplatten und eine Panzerkuppel – de : Mitteilungen über Gegenstände des Artillerie- und Geniewesens - Wien 1910
5. G. Schalich - Bas Fort Loncin als Teil der Gurtelfestung Lüttich im August 1914 - paru dans : IBA-Info 1/85 et 11/85 - Köln 1985.
L'auteur tient à exprimer sa gratitude à Messieurs FRISSON, qui a eu l'amabilité de traduire le texte allemand et TOCQUIN, qui l'a dactylographié (tous deux membres du C.L.H.A.M)
un fort
Un fort
LEGENDE DU PLAN
a. Coupole de 15 - Canon Krupp de 15 cm - Modèle 1887
b. Coupole de 12 - Canon Krupp de 12 cm - Modèle 1887
c. Coupole de 12 - Canon Krupp de 12 cm - Modèle 1887
d. Projecteur
e. Coupole de 21 - Canons Krupp de 21 cm - Modèle 1891
f. Coupole de 21 - Canons Krupp de 21 cm - Modèle 1891
g. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896
h. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896
i. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896
j. Coupole de 5,7 - Canons Nordenfells de 57 mm - Modèle 1896
k. Coffres flanquants de tête. Canons caponniers de 5,7 - Modèle Cockrill-Krupp 1899
l. Coffres flanquants de tête. Canons caponniers de 5,7 - Modèle Cockrill-Krupp 1899
m. Coffres flanquants de tête. Canons caponniers de 5,7 - Modèle Cockrill-Krupp 1899
n. Voûtes d'emmagasinage des obus des coffres flanquants
o. Coffres battant la poterne d'entrée
p. Magasin pour matériel de campagne des batteries intermédiaires
q. Magasin pour matériel de campagne des batteries intermédiaires
r. Logement des troupes
s. Lieux d'aisance
t. Buanderie
u. Corps de garde
v. Poterne d'entrée
w. entrée du fort proprement dite
x. Ponts roulants
y. Entrée du fort
z. Embrasures d'aérage pour les chambres de la troupe
Coupole 120
Retour au sommaire

Jules LEBEAU - Les "BRIALMONT"

En 1988, un siècle se sera écoulé depuis le début de la construction des forts de la Meuse. (Liège et Namur)
Si cette majestueuse entreprise pour l'époque fut effectuée par les entrepreneurs de Travaux Publics, Messieurs Adrien Hallier, Letellier frères et Jules Bartoux, le fervent promoteur de cette idée, fut le lieutenant-général Henri - Alexis BRIALMONT, qui est aussi surnommé "Le Vauban belge".
Il nous a paru intéressant d'en savoir plus sur cette famille liégeoise, qui en une génération, a donné trois généraux à la Belgique.
Si le plus connu est Henri-Alexis, nous constaterons à l'analyse des biographies qui suivent, que le père et l'oncle occupèrent également des fonctions très élevées.
Certes, à la lecture de ses campagnes et des blessures encourues, le père (Mathieu-Laurent-Joseph) est le plus décoré et le plus guerrier.
L'oncle, (Nicolas–François-Edouard) tout comme son frère (Mathieu–Laurent-Joseph) participe aux Campagnes contre la Hollande qui scellèrent la volonté d'exister du jeune Etat Belge.
Des recherches effectuées dans les registres d'état-civil ainsi que dans les registres paroissiaux de l'époque, nous donnent ce qui suit :
BRIAMONT Mathieu né à Seraing le 17 octobre 1747 épouse PETITJEAN Anne-Marie (décédée le 29 décembre 1795); de ce mariage naquirent :
Mathieu-Laurent-Joseph le 17 février 1789.
Anne-Marie-Lambertine en 1792.
Marie-Antoinette en 1794. (La reine de France du même nom fut décapitée en 1793)
BRIAMONT Mathieu (le même) en 1813 épouse CAJOT Jeanne alors âgée de 38 ans; de ce second mariage, naît à Seraing le 9 janvier 1813
Nicolas-François-Edouard.
Les registres manuscrits consultés, mentionnent bien BRIAMONT et CAJOT sans "S" à la fin, puis ces noms deviennent BRIALMONT et CAJOTS.
1. Biographie militaire du Général BRIALMONT (Père)
BRIALMONT Mathieu-Laurent–Joseph, fils de Mathieu et de PETITJEAN Anne–Marie, né le 17 février 1789 à Liège
DETAIL DES SERVICES
En France
Engagé comme Soldat au 86ème Régiment de Ligne le 14 septembre 1808
Fourrier le 7 mai 1810
Sergent au Régiment de Belle-Ile (devenu 36ème Régiment de Ligne) le 23 mars 1811
Sergent-Major le 1er juin 1811
Sous-Lieutenant le 21 août 1812
Lieutenant le 28 janvier 1813
Capitaine provisoire aux états-majors d'Italie le 18 février 1814
Confirmé le 19 mars 1814
Démissionne, honorablement le 28 janvier 1816
Aux Pays-Bas
Entré au service le 13 mars 1816
Capitaine au 42ème bataillon de milice nationale (devenu 14ème division d'Infanterie) le 16 août 1817
Mis en non-activité à 2/3 de solde le 1 mars 1819
Passé par permutation à la 14ème division d'Infanterie par arrêté royal du 1 mai 1820
Mis en non-activité à 2/3 de solde par arrêté royal du 16 août 1829
Démissionne honorablement à la date du 12 novembre 1830 par arrêté royal du 6 mai 1849
En Belgique
Désigné pour commander provisoirement la place de Venloo le 11 novembre 1830
Commandant de place, par arrêté du Gouvernement provisoire du 24 décembre 1830
Lieutenant-Colonel par arrêté royal du 30 septembre 1831
Colonel honoraire et Commandant Supérieur de Venloo par arrêté royal du 24 juillet 1832
Colonel par arrêté .royal du 7 janvier 1836
Désigné pour commander la place d'Anvers par disposition ministérielle du 28 novembre 1836
Aide de Camp du Roi par arrêté royal du 21 juillet 1842
Général-Major Commandant la Province de Brabant par arrêté royal du 17 octobre 1842
Aide-Major général par arrêté royal du 22 juin 1843
Déchargé des fonctions de Commandant de Province par arrêté royal du 18 juillet 1845
Lieutenant-Général par arrêté royal du 26 avril 1849
Désigné pour commander la 4ème division territoriale et la 4ème division d'Infanterie par disposition ministérielle du 2 mai 1849
Ministre de la Guerre par arrêté royal le 12 août 1850
Démissionné sur sa demande des fonctions de Ministre par arrêté royal du 20 janvier 1851
Désigné pour commander la 4ème division territoriale et la 4ème division d'Infanterie par disposition ministérielle du 27 janvier 1851
Admis à faire valoir ses droits à la pension de retraite par arrêté royal du 24 février 1854
Pensionnné par arrêté royal du 14 mars 1854
Décédé à Anvers le 15 avril 1889
CAMPAGNES
1808 en Espagne
1809 en Espagne
1810 en Espagne
1811 en Espagne
1812 en Russie
1813 en Saxe et en Italie
1814 en Italie
1815 à Waterloo
1830 contre la Hollande
1831 contre la Hollande
1832 contre la Hollande
1833 contre la Hollande
1839 contre la Hollande
BLESSURES
Blessé d'un coup de feu à la jambe gauche au siège de Astorga le 28 mars 1810.
Blessé d'un coup de lance à la jambe droite à la bataille de Malo-Iarovlavetz le 23 octobre 1812.
Blessé d'un coup de feu au bras gauche et à l'épaule droite à la bataille de Bautzen le 21 mai 1813.
DECORATIONS.
Chevalier de la Légion d'honneur le 7 septembre 1812
Chevalier de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 15 décembre 1833
Décoré de la Croix de Fer par arrêté royal du 2 avril 1835
Officier de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 31 mars 1846
Officier de la Légion d'honneur par ordonnance du Roi des Français du 5 novembre 1846
Commandeur de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 13 septembre 1853
Commandeur de la Légion d'honneur par décret de S. M. l'Empereur des Français en 1854
Grand'Croix de l'Ordre Royal du Christ par décret de S. M. le Roi Régent du Portugal en 1855
Décoré de la Croix Commémorative par arrêté royal du 20 juillet 1856
Grand'Croix de l'ordre de la branche Ernestine de la Maison de Saxe par S. A .R. le Duc régnant de Saxe-Cobourg-Gotha en ?
Décoré de la médaille de Ste Hélène par décret de S. M. l'Empereur des Français du 12 août 1852
Grand Officier de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 21 juillet 1860
Grand'Croix de l'Ordre de la Rose par décret de S. M. l'Empereur du Brésil du 7 octobre 1867
Grand Cordon de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 25 septembre 1878
2. Biographie militaire du Général BRIALMONT (Frère, Oncle)
BRIALMONT Nicolas - François – Edouard, fils de Mathieu et de CAJOTS Jeanne, né le 9 janvier 1813 à Seraing (Liège)
DETAIL DES SERVICES
Engagé pour 6 ans comme Fourrier au 5ème Régiment de Ligne le 19 décembre 1830
Sergent-Major le 31 janvier 1831
Sous-Lieutenant par arrêté royal du 20 juin 1832
Lieutenant par arrêté royal du 1 juillet 1838
Adjudant Major par arrêté royal du 21 décembre 1838
Déchargé des fonctions d'Adjudant Major et nommé Aide de Camp auprès du Général Aide Major Général de l'armée Brialmont par arrêté royal du 14 novembre 1845
Capitaine de 2ème classe avec continuation des fonctions d'Aide de Camp par arrêté royal du 3 octobre 1847
Désigné pour le 10ème Régiment de Ligne par disposition ministérielle du 4 octobre 1847
Capitaine de 1ère classe avec continuation des fonctions d'Aide de Camp par arrêté royal du 24 juin 1853
Déchargé des fonctions d'Aide de Camp par arrêté royal du 1 avril 1854
Major par arrêté royal du 16 novembre 1854
Désigné pour le 6ème Régiment de Ligne par disposition ministérielle du 21 novembre 1854
Lieutenant-Colonel par arrêté royal du 26 octobre 1863
Désigné pour le 6ème Régiment de Ligne par disposition ministérielle du 31 octobre 1863
Désigné pour commander le 5ème Régiment de Ligne par disposition ministérielle du 21 septembre 1866
Colonel par arrêté royal du 3 juillet 1867
Désigné pour commander titulairement la 1ère Brigade de la 2ème Division d'infanterie par disposition ministérielle du 25 décembre 1870
Général-Major à la Section de Réserve par arrêté royal du 23 mars 1871
Placé à la Section d'Activité par arrêté royal du 16 mai 1871
Désigné pour commander la 3ème Brigade d'infanterie par disposition ministérielle du 24 juin 1871
Admis à faire valoir ses droits à la pension de retraite par arrêté royal du 16 février 1876
Pensionné par arrêté royal du 10 mars 1876
Décédé à Liège le 21 janvier 1881
CAMPAGNES
1830 contre la Hollande
1831 contre la Hollande
1832 contre la Hollande
1833 contre la Hollande
1839 contre la Hollande
1870 en Belgique.
DECORATIONS
Chevalier de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 9 avril 1852
Décoré de la Croix Commémorative par arrêté royal du 14 mars 1859
Officier de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 17 août 1869
Commandeur de l'Ordre de Léopold par arrêté royal du 21 février 1876
Décoré de la Croix Commémorative des volontaires de 1830 par arrêté royal du 23 septembre 1878
3. Biographie militaire du Général BRIALMONT,
BRIALMONT Henri–Alexis, fils de Mathieu–Laurent et de VERWINS Anne–Marie, né le 25 mai 1821 à Venloo.
DETAIL DES SERVICES
Admis à l'école militaire en qualité d'élève par décision ministérielle du 18 octobre 1838
Arrivé à l'école militaire le 12 janvier 1839
Engagé pour 6 ans conformément à la loi du 18 février 1832 le 8 février 1840
Elève Sous-Lieutenant pour prendre rang au 15 février 1841, par arrêté royal du 19 mars 1841
Désigné provisoirement pour le Génie par décision ministérielle du 9 avril 1841
Admis définitivement dans le Génie par arrêté royal du 23 septembre 1843
Désigné pour le Régiment du Génie par disposition ministérielle du 10 octobre 1843
Adjudant du directeur des fortifications dans la 2ème Division territoriale par disposition ministérielle du 4 décembre 1844
Désigné pour l'état-major du Génie par disposition ministérielle du 26 janvier 1845
Désigné pour le Régiment du Génie par disposition ministérielle du 4 septembre 1845
Mis en non activité par arrêté royal du 10 avril 1846
Rappelé à l'activité par arrêté royal du 24 juin 1846
Désigné pour le Régiment du Génie et pour prendre rang du 29 avril 1841 par disposition ministérielle du 26 juin 1846
Désigné pour l'état-major du Génie et adjoint au Commandant du Génie à Charleroy par disposition ministérielle du 26 septembre 1846
Lieutenant par arrêté royal du 8 avr 1847
Désigné pour le Régiment du Génie et rester adjoint du Commandant du Génie à Charleroy par disposition ministérielle du 8 avril 1847
Désigné pour faire partie de la brigade d'officiers chargée du levé des plans des places fortes par disposition ministérielle du 30 juin 1847
Attaché au cabinet du ministre de la Guerre par disposition ministérielle du 20 août 1847
Désigné pour l'état-major du Génie et adjoint au Commandant du Génie à Anvers par disposition ministérielle du 23 avril 1850
Désigné pour le Régiment du Génie et rester adjoint au Commandant du Génie à Anvers par disposition ministérielle du 25 janvier 1853
Désigné pour l'état-major du Génie par disposition ministérielle du 21 novembre 1854
Capitaine de 2ème classe dans le corps d'état-major par arrêté royal du 5 février 1855
Attaché au 4ème Régiment d'artillerie par disposition ministérielle du 7 février 1855
Désigné pour commander provisoirement le génie dans les places d'Ypres et de Menin par disposition ministérielle du 25 juin 1855
Attaché au 1er Régiment de Chasseurs à cheval par décision ministérielle du 18 octobre 1856
Adjoint à l'état-major de la 1ère division d'infanterie par disposition ministérielle du 28 octobre 1857
Attaché provisoirement au dépôt de la guerre par disposition ministérielle du 29 mai 1858
Capitaine de 1ère classe par arrêté loyal du 23 avril 1859
Membre du comité consultatif permanent du corps d'état-major par arrêté royal du 30 mai 1859
Major par arrêté royal du 8 mai 1861
Lieutenant-Colonel par arrêté royal du 11 décembre 1864
Désigné pour remplir les fonctions de chef d'état-major de la 4ème division d'infanterie par disposition ministérielle du 9 janvier 1867
Directeur de la 1ère Division (opérations militaires) au Département de la Guerre par arrêté royal du 7 juillet 1868
Colonel par arrêté royal du 30 décembre 1868
Chef d'état-major du Commandant de l'armée d'Anvers par disposition ministérielle du 17 juillet 1870
Repris ses fonctions au Département de la Guerre par disposition ministérielle du 29 septembre 1870
Général-major par arrêté royal du 25 mars 1874
Déchargé des fonctions de directeur des opérations militaires au ministère de la guerre et désigné avec l'approbation du Roi pour être Directeur des fortifications dans la 1ère Circonscription militaire par disposition ministérielle du 28 décembre 1874
Inspecteur général des fortifications et du corps du génie par arrêté royal du 22 septembre 1875
Lieutenant-Général par arrêté royal du 26 mars 1877
En non-activité par mesure d'ordre, par arrêté royal du 14 juillet 1883
Rappelé à l'activité, par arrêté royal du 14 janvier 1884
Prend rang d'ancienneté du 26 septembre 1877 et il est désigné pour être inspecteur général des fortifications et du corps du génie par disposition ministérielle du 16 janvier 1884
Chargé du commandement temporaire de la 1ère circonscription militaire tout en conservant ses fonctions actuelles par arrêté royal du 12 septembre 1884
Déchargé sur sa demande du commandement temporaire de la 1ère circonscription militaire tout en conservant ses fonctions actuelles par arrêté royal du 8 octobre 1885
Chef du corps d'état-major tout en conservant ses fonctions actuelles par arrêté royal du 2 mars 1886
Déchargé, sur sa demande, des fonctions de chef du corps d'état-major par arrêté royal du 8 septembre 1887
Admis à faire valoir ses droits à la pension de retraite, par arrêté royal du 30 mai 1892
Pensionné par arrêté royal du 7 juin 1892
Décédé à St Josse-ten-Noode le 21 juillet 1903
CAMPAGNES
1870 en Belgique
DECORATIONS
Chevalier de l'ordre de Léopold par arrêté royal du 19 juillet 1856
Officier de l'ordre de Léopold par arrêté royal du 2 septembre 1859
Commandeur de l'ordre de Léopold par arrêté royal du 5 novembre 1870
Chevalier de 2ème classe, avec plaque, de l'ordre de la Couronne Royale de Prusse, le 24 mars 1876
Grand officier de l'ordre de Léopold par arrêté royal du 8 décembre 1880
Décoré de la croix militaire par arrêté royal du 25 mars 1885
Grand cordon de l'ordre de Léopold par arrêté royal du 11 juin 1888.
Henri-Alexis Brialmont
(à suivre)
Retour au sommaire

F. GERSAY - Souvenirs de guerre (13)

LE 22 JANVIER 1943
La nuit est glaciale. Un clair de lune implacable, livide, éclaire tout. Il impose aux choses un aspect sinistre. Tout semble irréel et inquiétant. On ne dispose plus de rien pour se, couvrir : les couvertures, capotes, toiles de tentes ... sont restées en arrière. Il faut se serrer les uns contre les autres, en dépit de la puanteur corporelle, de la vermine. Personne ne peut dormir. On attend, engourdis par le froid, que la lune s'en aille, que le jour se lève, que la comédie cesse, que quelque chose se passe ... On va être bien servis.
Comme personne n'a de montre, on a perdu la notion de l'heure. Un silence total règne. Les goumiers, postés dans la nature, ont été choisis comme guetteurs à cause de leur vue perçante de primitifs. On prétend qu'ils voient clair la nuit.
Avec le lever du soleil, la température monte et la brume sèche qui estompe les détails s'esquive et se cantonne pour quelque temps encore dans les creux et les oueds. Des bruits indéfinissables se font entendre dans le lointain. Les Boches ne dorment plus : ils nous préparent quelque chose de gratiné que l'on va déguster tout à l'heure.
En attendant, chacun s'efforce du mieux qu'il peut d'assurer sa protection personnelle. Elle se bornera à l'érection d'un muret de protection, dérisoire, mais, comme l'autruche, on n'a rien de mieux. Les plus chançards aménagent quand même un trou, mais, pour ce faire, il faut disposer d'un outil et de la force pour le creuser. Les autres, fatalistes acceptent leur destin.
Les mortiers sont en place, sur plaque de base. Tout ce qu'on a coltiné avec tant de peine à travers la montagne, comme obus et munitions, regroupé, se résume à bien peu de chose.
P ... et L ..., les deux Espagnols inséparables ont, sur instructions, sans doute, braqué leurs pièces sur une tranchée naturelle, un oued creusé par les pluies, profond de plusieurs mètres. Ce défilé semble être un moyen d'approche idéal pour l'attaquant. S'il se hasarde dans ce coupe-gorge, il sera reçu avec "grâce et élégance", si toutefois, les munitions des deux mitrailleuses ne font pas "plouf" comme elles ont trop souvent l'habitude de le faire.
Le temps passe, l'attente somnolente continue dans le silence, le cauchemar s'éternise. La faim et la soif sont là, éternelles compagnes. Les poux, réveillés par Mohammed qui chauffe à, présent, recommencent à grouiller dans l'intimité des héros ...
Et puis, soudain, c'est la fête pour l'escadron. Les chars allemands, enterrés dans la plaine, révèlent leur présence par une série de salves et de tirs roulants qui se perdent d'abord dans la nature, puis se précisent et font monter en l'air le sommet des crêtes.
Tout le dispositif de retraite est visé, mais particulièrement le côté droit, semble-t-il. Les guetteurs se planquent. Les éclats brûlants pleuvent. Le tir, trop tendu, n'atteint personne mais permet à l'infanterie allemande de progresser sans problème jusqu'à portée efficace de mortiers. Elle déferle, en profitant d'un terrain particulièrement propice, probablement amenée à bonne distance par des engins chenillés. La situation devient critique ...
C'est alors que les chars cessent leur bombardement et sont remplacés par des "Minen" (pour Minenwerfer).Ces engins très efficaces tirent un projectile qui éclate au-dessus du sol. Peut-être l'obus rebondit-il ? Le résultat est que l'homme, embusqué dans son trou, s'il en a un, n'est plus protégé que par sa bonne étoile. Il a le choix, ou bien déguerpir toutes voiles dehors, ou se faire trucider sur place.
D'emblée, plusieurs légionnaires sont tués ou blessés. Yasreg ne peut rien pour sauver V ... qui a la carotide sectionnée et meurt exsangue à côté se lui. Il n'y a ni médecin, ni aide médicale, et Pillula, l'homme des situations désespérées, a le poumon droit traversé de part en part par une balle. Yasreg le reverra avec plaisir plus tard à l'ambulance chirurgicale d'Aïn Beïda. Personne n'a plus de pansement individuel. Bref, la fête si bien commencée se présente sous de riants auspices ...
La pagaille s'installe. Les goumiers paniquent. Ces hommes simples ne comprennent pas. Ils s'imaginent que c'est Allah qui leur envoie une dégelée. Le capitaine hurle ses ordres, couverts par le bruit des explosions. "C'est le triomphe de la nullité : Faites sauter le Minen ou il va nous avoir tous."
C'est alors que le lieutenant V ..., inconnu de Yasreg, s'empare d'une baïonnette et en quelques bonds atteint le sommet de la crête, d'où il peut voir l'ennemi. Il plante l'arme pour servir de jalon de visée et crie une hausse. Frappé d'une balle explosive au plexus solaire, il s'écroule en arrière et on le traîne comme on peut. La gorge serrée, impuissants, sans moyens, et menacés de mort à chaque seconde, les témoins de cette scène emportent pour le reste de leur vie la vision d'un héros.
Tout cela s'est passé rapidement. Le mortier de 81 est pointé sur la baïonnette et la hausse est appliquée de main de maître. Le 81 tire et, par miracle, un guetteur crie les résultats entre deux explosions. Au troisième obus, le Minen saute avec ses servants.
On se ressaisit. Les mortiers de 60 tirent à présent sur les fantassins allemands qui se sont approchés des positions, malheureusement la quantité de munitions est trop limitée. Il va falloir foncer droit devant et attaquer carrément à la grenade et à la baïonnette.
Pendant ce temps, les deux Espagnols F ... et L ... lâchent rafales sur rafales dans l'oued décrit précédemment. Là les Fritz prennent quelque chose sur le museau car, encombrés de mulets et de matériel, ils ne peuvent gravir les parois. Ces dernières, à pic et composées de calcaire friable, n'offre aucune prise à celui qui tente de grimper pour sauver sa peau. On entend leurs cris. Ils espèrent sans doute que leurs chars interviendront en leur faveur. Mais ces derniers sont occupés à bombarder ailleurs et ne s'occupent plus du côté droit du dispositif, dans leur optique, déjà virtuellement éliminé. Ici aussi les munitions sont vite épuisées. Yasreg ignore l'importance des pertes allemandes en cet endroit.
Mais d'autres Minen s'approchent. La Légion saigne de nouveau. Le capitaine Ville est grièvement blessé par un éclat de mortier au visage. Hors d'état d'assurer le commandement, il est remplacé par le lieutenant Michel, qui donne l'ordre de se porter en avant et d'accrocher l'ennemi.
Il n'est pas question de reculer. Les munitions n'existent plus. Alors la Légion, en loques, crevée, mais toujours debout, fonce sur l'infanterie allemande qui n'en croit pas ses yeux. On prend avantage de tout abri naturel pour progresser. Une lutte inégale s'engage entre les "zombies" démunis de tout et les "rats du désert", bien armés, bien nourris et très efficaces. Ils sont "mimétisés" au point de devenir invisibles. Chaque arme automatique est flanquée d'un ou plusieurs tireurs d'élite armés d'un fusil de précision à lunette. Cette arme, qui tire des balles explosives, ne pardonne pas ...
A cela la Légion peut opposer quelques grenades à main, des mousquetons rescapés de la guerre 14-18 et de munitions peu sûres. Mais pourtant, quand les armes étaient suffisamment efficaces, notre défense valait leur attaque : le Minen démoli et ses servants charcutés en étaient un exemple.
Du côté de la Légion, personne ne s'est dégonflé ... Le lieutenant Michel est mort lui aussi après avoir descendu les quatre servants d'un Spandau. Yasreg n'a pas vu ce fait d'armes personnellement. Ce n'est que longtemps après, quand, les derniers survivants du 1er Escadron du G. A. se retrouvèrent en seconde ligne pour se regrouper qu'il l'apprit de la bouche d'un témoin. Un second Spandau, attaqué à la grenade, avait bloqué son tir sur le lieutenant pour tenter de dégager le premier.
C'est alors que l'ennemi porta le coup fatal. Les mitrailleuses allemandes balayèrent le terrain en tir croisé, fauchant tout ce qui bougeait ou dépassait le ras du sol. En quelques secondes tout le bel élan cessa, faute de combattants. Yasreg, plaqué au sol derrière une arête rocheuse qui lui sauva la vie, constata la présence, dans un buisson épineux, d'une mitraillette Sten anglaise et sut immédiatement que le maréchal des logis Shaffer était mort. Il était en effet le seul à détenir une arme semblable dans tout le contingent. Il s'était redressé pour arroser de balles une mitrailleuse dont il avait vu bouger les servants. Le tireur à lunette ne l'avait pas manqué !
Un peu en arrière de sa position, un Espagnol se tordait de douleur. Le pauvre type avait été frappé d'une balle qui lui avait ouvert le bras dans le sens de la longueur. Partout des êtres gémissent, clament leurs souffrances, mais aucun espoir n'est à attendre, sauf peut-être de la générosité de l'ennemi. Si, bien sûr, cette dernière se manifeste à temps.
Il n'y a plus d'officiers ni de chefs dignes de ce nom. Toute résistance équivaut au suicide inutile. Il faut s'esquiver, prendre refuge dans la montagne, éviter d'être fait prisonnier. Il faut enfin penser à soi et plus nécessairement aux autres.
Le lieutenant V ..., cité plus haut, avait pensé à donner une idée générale de la position avant de mourir. Il avait indiqué aux limites de l'horizon l'échancrure de la piste de Siliana. En cas de débandade, de "chacun pour soi", c'était là un point de repère qu'on ne pouvait manquer.
En attendant, pour le rejoindre, il fallait d'abord sortir de l'immédiat et extirper sa peau en rampant au milieu des balles qui continuaient à siffler. Donc Yasreg rampe car il ne veut surtout pas, au point où il est arrivé, se retrouver aux mains des Boches. Dans les circonstances dramatiques exceptionnelles qu'on est amené à affronter, il semble que l'organisme puise en lui-même de quoi se dépasser, physiquement et moralement. La fatigue, la faim, la soif, la vermine, rien de tout cela n'est plus ressenti.
Yasreg a toujours cinq cartouches dans son mousqueton. Il est décidé à tirer si nécessaire pour ne pas être pris. Sa vieille compagne est, comme toujours dans les circonstances difficiles, à ses côtés, fidèle au poste. Yasreg progresse dans une sorte de rigole creusée par les eaux et qui doit normalement déboucher dans une tranchée naturelle. Il est en sécurité relative à condition de ne pas manifester sa présence.
La tranchée s'élargit et aboutit dans une sorte de défilé au fond duquel coule un filet d'eau. Le calcaire déboule en même temps que lui et il se retrouve les quatre fers en l'air dans le trou. Le halètement sourd mais caractéristique d'un obus de mortier qui s'approche lui interdit tout mouvement. Collé dans la boue, il accepte stoïquement les giclées de débris calcaires qu'il avale et respire. Numérotant ses abattis, il constate qu'il est indemne. Complètement abruti par l'explosion, il lui faut plusieurs dizaines de secondes pour phosphorer lucidement. Finalement les trois commandements du "plouc" parfait refont surface dans ses neurones malmenés.
A cinq mètres de Yasreg, juste en face, les parois rocheuses d'un oued, à pic, sont érodées graduellement par le ruissellement des eaux de surface et des anfractuosités encombrées d'une végétation rabougrie s'y sont aménagées. Yasreg sait qu'il est repéré puisqu'on lui a tiré dessus. Il n'a cependant pas la prétention de croire qu'on lui a envoyé un obus de mortier pour lui tout seul. Il y a sans doute d'autres fuyards dans le secteur. Il décide de faire le mort, de ne plus bouger, de reprendre haleine avant de foncer et chercher refuge dans une anfractuosité idoine.
Plusieurs minutes se passent. La fusillade continue en s'éloignant. Des tirs d'armes automatiques crépitent par-ci par-là, sans possibilité de localisation. Le moment est venu de foncer.
Premier réflexe : empoigner le mousqueton recouvert de boue. Ensuite, bander tout ce qui reste de forces, arc-bouter ses jarrets sur quelque chose de dur pour éviter dans la mesure du possible le cafouillage dans la boue de l'oued. On n'a pas le temps de penser à la trouille, de la sentir travailler les boyaux, avec l'aide efficace de l'eau salpêtrée qu'on a naguère absorbée.
C'est toujours le mauvais rêve lucide, mais la carcasse est contrôlée : elle fera ce qu'on lui fera faire. Pourtant la tentation est forte de lui laisser la direction des opérations. Cela permettrait de capituler, de dormir ...
Yasreg se ramasse en boule et fonce, fait trois pas, atteint l'échancrure visée mais, pris dans une rafale de balles, il est touché à l'épaule droite et perd conscience ...
Yasreg rêvasse. La tête lui tourne et, chose bizarre, il distingue des brindilles qui se meuvent devant ses yeux. Puis quelque chose lui gratouille l'occiput. L'effort qu'il fait pour éliminer cette démangeaison intempestive lui remet abruptement en mémoire ce qui s'est passé. Mais entre temps, plusieurs heures se sont écoulées, le soleil est descendu dans le ciel.
La fusillade a cessé. Il se rend compte qu'il peut à peine bouger le bras et que ce dernier ne lui est plus d'aucune utilité pour l'instant. Les restes de sa chemise sont imbibés de sang. Il s'efforce de se redresser et, titubant, il y parvient. Ses genoux le soutiennent à peine. Mais l'idée qui s'impose dans ce qui lui reste de conscience de la réalité, c'est qu'il faut sortir de là, s'en aller, essayer de rejoindre Siliana.
Appuyé sur son mousqueton, seul dans une nature peu accueillante, notre homme cherche à s'orienter. Pour se situer, il faut sortir de l'oued, chose impossible, compte tenu de l'escarpement. Il faut donc remonter le courant, se diriger vers la montagne. Ensuite il faut repérer la piste de Siliana et prendre cette direction.
C'est alors que la Providence lui vient en aide. Il était temps ... Yasreg voit soudain surgir devant lui ... un mulet ... tout harnaché et bâté. L'animal abandonné en pleine retraite transporte des outres en peau contenant de l'eau, un gros bidon italien contenant du vin rouge et un sac contenant du sel. Rien à manger, mais de quoi boire : c'est revivre.
Yasreg ignore si ce mulet appartient à l'armée française ou à l'armée italienne mais, pour lui, c'est un coup de chance inespéré. L'animal se laisse approcher sans difficultés. On aurait dit que la pauvre bête attendait l'arrivée d'un être humain.
Yasreg a perdu du sang et son état de faiblesse ne lui permet pas de se hisser sur la monture. Il se borne à s'agripper à elle en la tenant par le bridon. Cahin caha l'homme et la bête progressent en remontant la tranchée naturelle vers la source. En effet, un mince filet d'eau serpente au fond de l'oued.
Mais des visions moins poétiques se précisent : des cadavres recouverts d'éboulis. Plus loin, d'autres encore, qui attestent que la bataille est arrivée jusqu'ici. Yasreg évite de s'attarder. L'atmosphère macabre jointe au silence presque total et au soleil qui descend sur toute la nature pousse les deux fugitifs à hanter ces lieux le moins longtemps possible.
Finalement, on abandonne l'oued et ses découvertes pour aborder une "route" plus directe pour Siliana. Mais alors, survient le trou noir. Yasreg ne se souvient plus de rien ...
Décor : une sorte de hutte, assez grande, en pisé, étayée par des poutres et des planches. Le sol est en terre battue, tassée et comme pétrifiée par les mouvements de ses occupants. Les pieds nus et les babouches ont creusé une sorte de rigole dont on a. dégagé la poussière, et qui entoure un gros feu de braises. Au-dessus, un récipient noir de suie laisse échapper des fumées et des vapeurs. Quelque chose cuit là-dedans ... Accroupie à côté de ce feu, une minuscule petite vieille femme voilée s'affaire pour l'alimenter. Elle n'a littéralement que la peau sur les os.
Les relents, fumées et vapeurs quittent les lieux par une ouverture pratiquée dans le toit. Une lumière parcimonieuse s'insinue dans le local par l'entrée. Au dehors, le soleil brille.
Yasreg se voit couché sur un tas de loques et de sacs vides, recouverts en partie d'une peau de mouton. Un long moment lui est nécessaire pour se rendre compte de l'endroit où il se trouve et se souvenir clairement de ce qui lui est arrivé. Puis ... est-ce un rêve ? Voilà Smolarski, un légionnaire de son escadron, assis à côté de quelques bergers arabes. Tous gesticulent et font ce qu'ils peuvent pour se comprendre. Ce sont ces pauvres gens qui offrent leur hospitalité.
Pour Yasreg, tout ceci réapparaît dans sa mémoire avec une sorte de halo semi-lumineux. Ces gens l'ont soigné et remis sur pied par des moyens qu'il ignore. Ils lui ont, en tout cas, donné le peu qu'ils avaient. Yasreg en a pleinement conscience : sans Smolarski et ces anonymes, il n'aurait jamais eu l'occasion de rédiger ce pensum.
Yasreg n'a plus souvenance du temps qu'il a passé dans ce village perdu. C'est de nuit que, hissé sur le mulet qu'il avait rencontré, qu'il tenta, avec Smolarski, de rejoindre Siliana.
Pour ce faire, il fallait évidemment traverser les lignes allemandes.
DEUX HOMMES AVEC UN MULET
On laisse derrière soi les figuiers de Barbarie qui entourent le douar et on fait son choix parmi les sentiers filandreux qui en sortent tous azimuts. Le clair de lune est fidèle au poste ... tant mieux ! L'oreille aux aguets, on progresse relativement vite, aidé par le mulet qui, comme chacun sait, ne met jamais le pied où il ne faut pas. L'animal a été libéré de sa charge. Il ne porte plus que Yasreg et une outre d'eau. Les arabes ont accepté le sel avec gratitude.
Les kilomètres s'ajoutent aux kilomètres dans le silence. Puis des bruits indéfinissables s'entendent dans un proche voisinage. Des gens parlent, chantent, s'esclaffent. On doit être en plein dans les troupes allemandes. Bientôt, il sera nécessaire d'abandonner l'animal, car on ne peut penser sérieusement traverser les lignes avec un compagnon de cette dimension. De plus, il suffirait qu'il hennisse pour renverser les projets les plus mirobolants.
Finalement, on se résigne à s'en séparer. Yasreg dégringole de sa position élevée et reprend le bâton du pèlerin, en l'occurrence, une solide trique que Smolarski lui a procuré. Il n'est plus armé que du pistolet Beretta qu'il a toujours à la ceinture. Smolarski possède une grenade et un revolver d'ordonnance. Il ne peut être question, dans ces conditions, de défier les rats du désert de Rommel. Il faudra user sa matière grise pour éviter d'être pris.
Smolarski est juif. Né dans un ghetto de Varsovie, il sait ce qui l'attend dans cette éventualité. La progression se fait "sur des oeufs" littéralement. Les Allemands s'abandonnent à la nostalgie. Les chants mélancoliques alternent avec les éclats d'hilarité suscités par le schnaps et la gaudriole à bon marché. Ces preuves de présence se révèlent de plus en plus proches. Dans l'obscurité, des formes inquiétantes se précisent. Des gens vont et viennent. Des bouts de cigarettes se distinguent ça et là. Pourvu qu'on ne trébuche pas sur un Boche endormi ou occupé à soulager son trop plein derrière un figuier.
Bref, ce monde est là, tout proche. On le côtoie, on l'évite de peu. On progresse avec le sphincter à triple zéro. On s'attend au fatidique "Wer ist da ? Halt ! qui sonnera le glas des espoirs farfelus. Mais heureusement, la végétation est complice des fuyards; ils lui doivent une fière chandelle.
La fameuse piste est passée enfin. On traverse un douar bombardé. Le jour se lève et il serait malsain de vouloir continuer à découvert. Il faut se planquer dans un gourbi abandonné et y attendre le coucher du soleil.
Yasreg s'allonge et remarque dans les éboulis des formes cylindriques qu'il confond d'abord avec des douilles d'obus. Mais il s'agit en réalité de boîtes de conserves américaines. Ils sont donc venus jusqu'ici ! Et ils ont vidé les lieux ! Yasreg et Smolarski ne sont pas longs à trouver un moyen d'ouvrir une boîte, qui contient ... o miracle ..., de tout, même du chocolat. C'est la ration du plouc américain pour la journée.
Les heures passent. Les deux hommes ont perdu conscience de la réalité extérieure. Les restes de parois du gourbi leur assurent une protection relative contre le repérage. Heureusement, car à quelques dizaines de mètres, un poste médical de campagne est installé. On y amène du monde et de nombreuses civières chargées attendent les ambulances pour le transport vers l'arrière.
Mais des bruits insolites troublent le calme apparent des choses. Des cris, des ordres, des grondements de moteurs s'amplifient et, avec perplexité et appréhension, on quitte le confort ouaté du semi-néant pour reprendre contact avec ce qui est.
Des camions passent, des blindés. Pas d'erreur possible, ce sont des Allemands. On voit leurs croix noires. Tout reflue vers l'est. Il doit se passer quelque chose ... Il va falloir filer d'ici au plus vite, mais dès que possible. Anxieux, les deux fuyards constatent finalement que tout se liquéfie autour d'eux. Les blessés ont disparu.
On ramasse les boîtes dont on partage le poids et on met le cap sur Siliana dont on distingue l'échancrure toute proche. Smolarski trouve des oeufs qu'il coltine dans une vieille cafetière. Ils trouveront leur utilité tout à l'heure. On titube un peu, mais on a l'impression d'être soudain libérés ... on approche des positions françaises.
On n'a pas la moindre idée de ce qui va se passer. Qu'est-ce que c'est que ces fantassins, en tirailleurs, qui s'amènent et qui les mettent en joue. Smolarski lève les mains en l'air, Yasreg, une seule, celle qui est valide. On s'approche, on pense d'abord qu'il s'agit d'Allemands, mais finalement, on se rassure, ce sont des goumiers français. Méfiants, ces terribles soldats ne se laissent approcher par personne et les seuls Européens qu'ils tolèrent sont les sous-officiers et officiers français qu'ils connaissent et qui parlent leur langue. Ce sont les mêmes qui amenaient les prisonniers à vingt francs pièce, à poil, dans les lignes.
Mais si l'accueil n'est pas chaleureux, il signifie la fin du périple. On est sauvés, du moins en principe.
Nouveau décor : dans une ferme abandonnée, un hangar sert d'hôpital. Des bottes de paille par terre, sur lesquelles ce qui reste de quelques héros fatigués a été allongé en attendant les soins, s'ils arrivent ... Une sorte de momie pue à plein nez : elle contient un homme vivant encore et qui, paraît-il, en sortira peut-être ! Le malheureux était chenillard et il a sauté sur une mine. On ne distingue de lui qu'une ouverture dans une masse de pansements rougis par endroits : c'est par là qu'il respire. Une autre ouverture dans les mêmes conditions, mais au verso, remplit un rôle d'exutoire. Le pus et les matières fécales créent une pestilence insoutenable pour qui ne se sent pas l'âme d'un rat d'égout.
Ceux qu'on jugera capables de résurrection seront dirigés vers l'ambulance chirurgicale d'Aïn Beïda, où on s'efforcera de raccommoder ces survivants pour qu'ils puissent prester d'avantage. On attend un camion qui, paraît-il, ne peut tarder, depuis le temps qu'on l'attend. Mais la vertu est une longue patience … !
Yasreg cherche Smolarski des yeux, mais ce dernier a disparu, récupéré par le système. Comme il n'est pas blessé, il n'a évidemment rien à faire ici ... c'est la vie. Sans savoir comment les choses se sont réellement passées, Yasreg se rend compte qu'il doit d'être toujours en vie à ce garçon foncièrement simple et bon, contraint par le destin a accepter la ségrégation et l'humiliation. Yasreg voudrait pouvoir remercier ce Juif pour qui il professe une profonde estime et une gratitude qui ne s'éteindra pas.
Mais dans ce décor de misère, quelqu'un surgit. Yasreg croit l'occasion venue de crier "hourrah" mais il se contrôle à temps. Qui est ce personnage à califourchon sur une moto side-car ? Tout simplement son compatriote Bogaerts J. qui lui paraît être dans une condition parfaite. Merveilleux ...
Bien sûr, Yasreg se souvient du bon temps de Saïda, où ses compatriotes pleins d'espoir et d'illusions juvéniles disparaissaient pour quelque temps dans une nature hostile et mouchardière, avant de se faire ramener au bercail avec les honneurs du pied.
J. B., proclamant tout haut son enthousiasme face au revenant, offre ses services pour transporter son compatriote mal en point dans son véhicule. Mais des objections sont formulées d'emblée : bien sûr, Yasreg est un "brave" (sic) mais on ne peut faire d'exception pour un deuxième classe. Le reste des blessés, témoins, croiraient que Yasreg qui n'est qu'un blessé comme les autres, se fait, en quelque sorte, caresser le ventre dans le sens du poil. Que se passerait-il si, par hasard, Touf-Touf apprenait ce favoritisme inadmissible ?
Ces critiques sont fondées, il convient de le reconnaître. Il le regrette, mais Yasreg attendra le camion et sera trimbalé en groupe, comme tout le monde.
Pourtant les oeufs que Smolarski avaient découverts dans la dernière phase de la fuite n'ont pas été perdus et vont être bien utiles. Le brigadier qui tenait la comptabilité de l'escadron et qui, comme tout le monde, avait participé à la dégelée mémorable du 1er Esc, s'était vu gratifié d'une balle, ordinaire heureusement, qui lui avait fracassé la mâchoire. Le malheureux, sans soins depuis plusieurs jours, souffrait en silence et ne pouvait rien avaler. La cafetière, dont Yasreg a parlé plus haut, servit donc de récipient pour accommoder et servir les oeufs crus avec du sel. Cet homme comblé n'eut pas besoin d'ouvrir la bouche pour se nourrir : on lui versa ce "lait de poule" carrément et directement dans l'oesophage.
Un autre aussi qui avait "bonne mine", c'était Pillula, le thérapeute artisanal, qui avait pris une balle à travers le buffet. A part quelques ennuis de respiration, compréhensibles en l'occurrence, il tenait toujours debout. Ceci remet en question l'adénite que Yasreg trimbalait fièrement partout où le sort voulait bien l'envoyer. En réponse à ceux qui s'intéresseraient à sa petite santé au point de se demander ce qu'il était advenu de ces boursouflures malencontreuses, si peu propices au maniement des caisses de munitions, Yasreg répondra que, dans les circonstances qu'on connaît, il fallait passer outre aux desiderata de la carcasse, et, comme il n'avait matériellement pas le temps de s'en inquiéter, elles ne constituaient plus qu'un embêtement supplémentaire dont il fallait tenir un compte relatif, face à tout le reste.
A présent que la tension ambiante avait baissé, cette bavure dans l'organisme se manifestait de nouveau avec une insistance accrue. Car il ne pouvait être question d'une nourriture valable et équilibrée, seule manière de se débarrasser d'une adénite.
AÏN BEÏDA
L'ambulance chirurgicale de cette localité reçut en vrac les héros malmenés qu'on lui envoyait. On ne peut dire que l'enthousiasme était délirant. Bien sûr, on faisait ce qu'on pouvait dans les milieux médicaux en campagne, avec peu de choses. Compte tenu de l'affluence, les résultats étaient remarquables : rendons à César ce qui appartient à César. Mais tout ou presque devait s'étayer sur des moyens issus de l'ingéniosité. Des scènes parfois atroces faisaient pâlir ceux qui, par la force des choses, devaient y assister. A vingt-trois ans, Yasreg croyait avoir touché le fond de la souffrance et de la misère humaine, mais il n'en avait réellement distingué qu'une facette.
La guerre continuait et il fallait d'abord sauver la peau de ceux qui étaient encore récupérables. Ceux qui ne valaient plus tripette prenaient de la place, au détriment de ceux qu'il était encore possible de rafistoler suffisamment pour qu'ils puissent reprendre, dans les plus brefs délais possibles, les chemins de la gloire. Il y avait une distinction à faire, qui réclamait des solutions pragmatiques envisagées sans excès de sentimentalisme.
Les Américains avaient prêté des tentes. Elles étaient en permanence pleines a craquer.
Dans une de ces tentes, un lit parmi les autres. Un homme y est étendu sur le ventre. Pourquoi sur le ventre ? Les raisons valent leur pesant d'or de souffrances : l'homme a eu le dos labouré par un éclat d'obus ou de mortier.
Le blessé est un goumier des montagnes. Il ne parle pas le français. C'est un athlète maigre, un magnifique spécimen d'humanité fière. Yasreg n'a jamais oublié les traits réguliers de ce Berbère, avec son regard d'aigle, franc et empreint d'une sorte d'orgueil naïf.
A ses côtés, deux infirmières françaises font ce qu'elles peuvent pour contrôler leur émotion. Malgré l'endurcissement professionnel, leurs mains tremblent. La blessure est affreuse : une tranchée profonde a labouré la chair. Ceux qui l'ont soigné sur place en plein combat, n'ont pu donner que ce qu'ils avaient : ils ont fait cesser l'hémorragie en empilant dans la chair arrachée des sachets de pansement individuels. Ces bandages ont joué leur rôle, sans doute, mais le malheureux est resté sans soins pendant plusieurs jours. La matière de ces pansements fait, à présent, corps avec la chair même. De plus, une infection s'est déclarée et la plaie est devenue purulente. Elle dégage une odeur pestilentielle. La seule chose à faire pour sauver l'homme, c'est d'enlever le tout, les pansements . . . la chair pourrie aussi. Or il n'y a pas d'anesthésiques et la pharmacie de l'endroit ne dispose que de l'éternel permanganate.
On comprend l'émoi de ces deux admirables femmes. Elles disposent d'une sorte d'aiguière d'eau chaude mêlée de permanganate. Le liquide se verse dans la plaie même et, armées de pinces, les deux infirmières enlèvent le tout. Tout cela semble bien banal, mais ce qui l'est moins, c'est l'attitude de l'homme qu'on écorche vif.
Pour ce Berbère, pétri et nourri de Coran, le fait seul d'être soigné par des femmes est profondément humiliant face à tout ce monde qui le regarde souffrir, à qui il ne peut parler et dont il ne peut espérer, dans son optique, rien de bon. Il serre les dents, empoigne l'armature métallique de son grabat et, le visage inondé de sueur, le teint gris, il supporte tout. Le sang, le pus et le reste dégoulinent de partout; la plaie réapparaît, horrible mais propre. L'homme n'a pas dit un mot.
Cette scène atroce laisse dans l'assistance un sentiment de profonde pitié. Personne ne sait approcher cet homme dans sa cage d'incommunicabilité. On voudrait lui venir en aide, le faire entrer dans la collectivité de ceux qui souffrent comme lui. C'est difficile, mais peut-être pourrait-on lui offrir quelque chose qui prouverait qu'on est de ses amis. La frugalité du Berbère est exceptionnelle. Il ne mange presque rien, pas ce qu'on lui présente, en tout cas. Que faire ? Les marchands de dattes ne manquent pas. Yasreg en a acheté la veille pour quelques francs. Elles pourraient peut-être lui faire plaisir. L'essai est fructueux En les offrant à son compagnon d'infortune, il éprouve la joie de distinguer sur ce visage creusé par la souffrance, comme l'esquisse d'un sourire, un regard reconnaissant et quelques mots murmurés qu'il ne comprend pas ...
Même décor : les gens défilent, en provenance de partout où on se tabasse. Tout le monde est soigné avec le même dévouement. Les deux infirmières sont sur la brèche presque en permanence. Cette présence féminine est un réconfort pour tous. Elles imposent un respect sans bavure parmi la faune qui les entoure, et ce n'est certes pas un mince résultat. Les médecins, surmenés, sont admirables d'abnégation et de courage.
On va extraire une balle de la colonne vertébrale d'un soldat allemand qui semble totalement paralysé des membres inférieurs. Yasreg regarde cet homme qui a 23 ans comme lui, probablement infirme jusqu'à la fin de sa vie. De quoi se poser des questions.
Le suivant, c'est un sergent du 1er R.E.I.. Il fait une entrée remarquable et remarquée dans le temple de la récupération des héros charcutés qu'est Aïn Beïda. Sans complexe, il exprime à la cantonade ce qu'il ressent, ce qu'il pense de lui, des autres, des médecins et du personnel qui s'efforcent de le soigner. Son langage et ses hurlements de douleur feraient dresser les cheveux sur la tête d'un lauréat de concours d'injures.
Atteint aux mains et à l'avant-bras, soigné au combat par les moyens disponibles, il se trouvait dans la même situation que le Berbère cité plus haut, mais moins grièvement atteint. Les pansements se sont incrustés dans la chair. L'infection doit être traitée d'urgence si on veut éviter la gangrène. Cette fois, un médecin est présent, mais il faut la participation de quatre hommes solides pour tenir en place ce légionnaire exaspéré de fureur et de douleur. Finalement on y parvient, non sans peine, mais les deux infirmières, en dépit de leur endurcissement, se voient initiées à une verdeur de langage qui sort des normes.
A présent, les mains complètement enveloppées de bandages, le pauvre type s'est calmé. Comme un pauvre chien qui s'est oublié dans un coin et attend la remontrance, il s'excuse maladroitement pour tout ce qu'il a sorti. Cet homme rude a finalement la larme à l'oeil en cherchant ses mots pour remercier ceux qui l'ont sauvé de l'amputation.
Aïn Beïda, dans sa cruauté efficace, a ouvert les yeux de Yasreg sur un facette de "la peine des hommes". Il pourrait relater d'autres cas, mais il convient d'abréger le discours. Il a pleinement conscience de l'insignifiance de ce qu'il a à dire. Tout cela n'a que le mérite d'être vrai. Le pathos est dérisoire, la gaieté est absente ... En ce qui le concerne, la balle de mitrailleuse qu'il a reçue dans l'épaule y restera. Elle y est toujours. Il a eu de la chance. Son heure n'avait pas sonné ...
(à suivre)

Note de la rédaction: Ecrit sous une forme différente, parce que rédigé à un tout autre moment de son existence, le récit de la bataille du 22 janvier 1943 par F. GERSAY a paru dans le bulletin d'information Tome I, Fasc. 11 de juillet-septembre 1982. sous le titre "Mémoires du légionnaire de 2e classe, matricule 1531, du Groupe Autonome du 1er Etranger de Cavalerie de FES".

Retour au sommaire

A propos de la Légion Etrangère en TUNISIE - F. B.

Les lecteurs intéressés par le récit de F. GERSAY et qui voudraient le placer dans l'ensemble des opérations en TUNISIE, fin 1942-début 1943, pourraient, entre autres références, lire dans le fascicule N° 45 d'avril-mai 1982 de "Connaissance de l'Histoire - HACHETTE", l'article intitulé "Objectif TUNIS - novembre 1942 - les Alliés tentent un coup d'audace : prendre TUNIS".
D'autre part, le général Jean COMPAGNON, ancien du 1er R.E.C., donne le récit complet des opérations de la Légion Etrangère dans la campagne de TUNISIE dans la Revue Historique des Armées, numéro 1-1981 Spécial, consacré à la Légion Etrangère 1831 - 1981.
Nous en extrayons ceci, limité à l'unité à laquelle appartenait YASREG.
"Le 20 janvier 1942, le G.A. du 1er R.E.O., sans l'escadron d'A.M., donc réduit à l'escadron porté du capitaine VILLE et au P.C., quitte le col du Karachoum et se joint au I/3eR.E. I. sur les djebels BELLOUTE et TOUILA..
A l'est, des éléments d'infanterie italiens et allemands (division Superga et 334e division allemande de montagne), solidement appuyés par des "Minen", d'abord repoussés, finissent par isoler le détachement de la Légion qui reste sans liaisons, ni avec la division marocaine, ni avec la division d'Alger, plus au sud.
Le 21, la Légion se replie progressivement vers le sud mais n'arrive pas à desserrer l'étreinte.
Le 22 à 10 heures, le commandant du détachement décide de rompre en force l'encerclement, droit au sud, en colonne double, l'escadron porté du capitaine VILLE flanquant la colonne à l'ouest.
Ceux compagnies allemandes sont bousculées, de nombreux prisonniers faits et des armes récupérées. Un officier allemand fait prisonnier dit n'avoir jamais vu, ni en France, ni en Russie, une attaque menée avec un tel mépris du feu, tant des armes automatiques que des obus.
La bataille dure jusque vers 16 heures.
Le commandant du détachement et quelques 220 hommes sur 700 parviennent, à la faveur de la nuit, à franchir les quelques kilomètres qui les séparent de la route de Kairouan (à Ousseltia) où se trouvent des éléments de la division d'Alger.
De l'escadron VILLE, le sous-lieutenant LABRUYERE ramène, au cours de la nuit, une cinquantaine d'hommes.
Le 23 janvier, le G.A./1er R.E.C. regroupé dans la région de SILIANA, continue sur les pistes de la région de REBAA, une activité de patrouilles, dangereuse en raison de la supériorité aérienne allemande.
Les matériels étant à bout de souffle et périmés, il est renvoyé au Maroc, en mars, pour s'équiper pour les campagnes futures
Retour au sommaire
RETOUR AUX PERIODIQUES
© CHLAM 2019 - Tous droits réservés