TOME 1 - FASCICULES 9 et 10 - JANVIER-MARS 1982

Sommaire

Editorial

Informations générales

Vie du Centre, vie des Cercles Associés

En diversion…

5 TTr – L'armée quitte La Chartreuse de Liège …

R. MEYERS, L. BALK – La Chartreuse, couvent, couvent fortifié, fort, caserne

Editorial

LA CHARTREUSE ET LA RENOVATION DU PATRIMOINE IMMOBILIER MILITAIRE
Le patrimoine immobilier militaire disponible à la fin de la dernière guerre mondiale ne répondait plus aux besoins d'infrastructure des Forces Armées qui sont étroitement liés au nouveau matériel et aux nouvelles missions.
- Une grande concentration de quartiers militaires dans le centre d'agglomérations, limitant fortement la mobilité et les possibilités d'entraînement des unités;
- un nombre élevé d'établissements isolés à l'usage de petites unités, ce qui rendait particulièrement difficile le commandement et alourdissait inutilement les frais d'entretien;
- l'âge respectable des bâtiments et leur conception architecturale dépassée qui ne permettaient plus un emploi rationnel.
Ces problèmes furent particulièrement mis en évidence lorsque, par décision gouvernementale, une partie des unités stationnées en Allemagne Fédérale durent rentrer en Belgique. Il s'avéra inéluctable d'étendre et d'adapter le patrimoine immobilier militaire d'une manière rationnelle et économique, compte tenu des besoins spécifiquement militaires de ces unités et du mode de vie actuel.
Par la loi domaniale du 02 juillet 1969, les Forces Armées se virent en mesure de résoudre cet épineux problème. Cette loi prescrivait en son Art 5: "Le produit de l'aliénation ou du transfert des immeubles (désaffectés) est (mis) à la disposition du ministre qui gère ces immeubles en vue de la reconstitution ou de la rationalisation du patrimoine immobilier confié à sa gestion".
Prévu dans un plan décennal (71-81), les travaux vont, bientôt se terminer. Les plus beaux fleurons en sont: ETAT-MAJOR-GENERAL à EVERE, Le centre de Transmission et d'Electronique à PEUTIE-VILVOORDE, l'Hôpital Militaire de NEDER-OVER-HEEMBEEK, la réimplantation de l'Arsenal du Charroi à ROCOURT, et les nouvelles casernes de TIELEN (3 Para), ANS (Centre Logistique n° 3), LIEGE (Centre de Mobilisation), BASTOGNE (1 A) et BELGRADE (Centre Logistique N° 6). On peut y inclure les très importantes réalisations nécessaires au retour de deux brigades en Belgique (LEOPOLDSBURG, MARCHE-EN-FAMENNE et VERVIERS).
Les crédits engagés sont à la mesure des progrès réalisés; ils s'élèvent à 15.365 millions pour le Programme de "Rénovation Domaine"et à 6.677 millions pour le Programme "Retour de deux brigades".
La caserne de La Chartreuse, comme des centaines d'autres quartiers désaffectés est destinée à la vente au profit du MDN. Son futur propriétaire n'est pas connu. Sera-ce la ville de Liège, le Ministère des Affaires Wallonnes ou de la culture française, ou un promoteur immobilier.
L'heure est donc à la vigilance....
A. GANY, Président.
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1. Informations générales

1. Liège et le Royaume des Pays-Bas, une place forte dans un ensemble défensif (1815 - 1830).
Pour éviter que ne se perde le fruit des efforts consentis jusqu'à présent pour étudier la période envisagée, le C.L.H.A.M. a décidé de publier les articles qui lui sont parvenus.
L'ouvrage, dont la parution est escomptée en septembre, se présente au format barlong (L 29 x H 21 cm). Les 186 pages contiennent un texte en deux colonnes et de nombreuses illustrations (1/4 de l'ensemble environ).
Nous pouvons distinguer, au sommaire, les articles suivants:
- P. Rocour, administrateur-délégué du C.L.H.A.M., avant-propos.
- F. Balace, maître de conférences à l'Université de Liège, La barrière belge (1615-1830 ), les fortifications et les hommes, pp. 1-6.
- J. Liénard, enseignant, La situation politique et militaire en 1814-1815, pp. 9-14.
- C. Dury, licencié et agrégé en histoire, La vie quotidienne d'une place forte hollandaise d'après la "Feuille de Tournay" (1814-1830), questions et éléments de réponse, pp. 15-34.
- A. Pirmez, Commandant e.r., conservateur-adjoint du Musée d'Armes de Tournai, La construction militaire à Tournai sous le régime des Pays-Bas, pp. 35-50.
- B. VAN MOL, ingénieur civil aux Ponts et Chaussées à Mons, "Mons, une des plus fortes places de guerre des temps modernes" (Pièrre Larousse), pp.51-60.
- A. Baleriaux, architecte S.A.D.Br., Charle Roy ou la naissance d'une forteresse, pp. 61-72.
- A. Gany, lieutenant-colonel ingénieur, président du C.L.H.A.M.: La reconstruction de la citadelle de Namur sous Guillaume 1er, Roi des Pays-Bas: Problèmes techniques, financiers et domaniaux, pp. 73 - 80.
- M. Suttor, licencié et agrégé en histoire, Huy, une citadelle pour la défense de la Meuse, pp. 81 - 96.
- J. Liénard, enseignant, Le Fort de la Chartreuse, création hollandaise (1616 - 1823) à Liège, pp. 99 - 120.
- P. Delbrassinne, électronicien de la Force Aérienne, Philippeville place forte hollandaise (1815 - 1830 ), pp.121-138.
- P. Vaute, licencié en histoire, Mariembourq aux avant-postes 1815 - 1830. pp. 139 - 142.
- G. Bavay, licencié en histoire, Quand les places fortes deviennent plaques tournantes ou les métamorphoses des remparts médiévaux de deux villes hennuyères voisines: Braine-le-Comte et Soignies (1815 - 1830 ), pp. 143 - 160.
- P. Rocour, commandant e.r., licencié en sciences historiques, Liège et le Royaume des Pays-Bas, une contribution à l'étude de la mentalité liégeoise pendant la période 1814 - 1830, pp. 161 - 184.
2. Musée du Service Médical à LEOPOLPSBURG.
L'ouverture prochaine de ce musée situé dans les anciens locaux de l'hôpital militaire, actuellement désaffecté, nous a été signalée. Le Lieutenant-Colonel Delameillieure, membre du C.A. du C.L.H.A.M. a été chargé d'en assurer la conservation.
3. Visite du palais des Princes-Evêques de Liège (Oct 82).
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
4. Visite du domaine fortifié de Namur-Citadelle.
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
5. Visite de la Ligne Maginot.
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
6. Bibliographie du C.L.H.A.M.
Cet article n’est pas repris car plus d’actualité.
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Vie du Centre et des cercles associés

1. Echo du Conseil d'Administration
Le Conseil d'Administration (C.A.) s'est réuni six fois durant le premier semestre de 1982. Sont particulièrement à relever:
Le 6 janvier, en raison de difficultés, tant scientifiques que budgétaires, il est décidé de postposer la date d'ouverture de l'exposition dont la préparation avait été confiée au C.S.T.
Le 1er février, nous est acquise la collaboration du cercle "Mars et Mercure" qui sera représenté au C.A. par Monsieur A. SENNEN, son secrétaire pour la province de Liège.
Un exposé du Comité de gestion, relatif à la période écoulée et aux perspectives d'avenir, remet I'organisation du centre en question. Par ailleurs, il est décidé de publier une brochure dont le préfinancement sera demandé aux membres du C.A.
Le 3 mars, il est procédé à la dissolution du Comité de Gestion, ce qui entraîne l'annulation des nominations y faites par le C. A. Le 21 novembre 1979 (article 22 des Statuts), la gestion du Centre reste toutefois assurée par Monsieur Rocour, administrateur-délégué, tandis que Monsieur Beaujean, trésorier, continue à tenir la comptabilité du C.L.H.A.M.
Le problème de la brochure est confié à une commission dont la direction est confiée à Monsieur Herman, Vice-Président. Monsieur Liénard se charge par ailleurs des relations avec les services urbains pour obtenir leur intervention dans l'édition de cet ouvrage.
Le 31 mars, le 4 mai et le 29 juin, l'accent est mis sur la constitution de diverses commissions pour pallier la suppression du C.S.T. tandis que l'appel au bénévolat devient la règle.
- Activités du C.L.H.A.M.: Monsieur Gany, Président, auquel s'ajoutent, pour l'organisation de l'exposition en projet, le groupe de la Chartreuse, présidé par Monsieur Herman, et messieurs Beaujean et Rocour.
- Infrastructure: Messieurs Balck, Maréchal et Meyers.
- Bulletin: Messieurs Beaujean, Delbrassinne et Rocour.
Les articles transmis à la commission doivent, dans la mesure du possible, être dactylographiés. Cette mesure est impérative pour les relevés bibliographiques et les comptes rendus scientifiques.
- Archéologie Militaire: Commission présidée par Monsieur Levaux; membres: messieurs Lebeau et Toussaint. L'accent sera mis sur les périodes 1914-18 et 1939-45.
- Bibliothèque: Monsieur Levaux avec la collaboration effective de mademoiselle Bertrand, qui en accepte la gestion.
Une intervention matérielle de l'O.C.A.S.C.,service de lecture, est en projet. L'organisation de la partie scientifique a été confiée à monsieur Suttor. Toutefois, les ouvrages transmis au C.L.H.A.M. pour compte rendu, suite à l'initiative prise par monsieur Dury, seront gérés suivant une procédure particulière (un registre ad hoc déposé au centre).
Les commissions se réunissent à l'initiative de leurs membres.
Les questions de principe seront soumises à messieurs Gany (éventuellement monsieur Herman), Beaujean et Rocour. Les comptes rendus de ces réunions seront transmis au C.A.
Les autres problèmes de gestion sont par ailleurs résolus en commun par Messieurs Beaujean, Herman et Rocour, Monsieur Juwé assurant éventuellement la liaison sur place.
2. Assemblée générale
En raison des nombreuses activités prévues en septembre (dont une représentation du C.L.H.A.M. à des journées "portes ouvertes"), une date n'a pas encore été retenue pour tenir cette assemblée. Les membres en seront avisés des que possible.
3. Courrier des lecteurs
Ouverte aux curieux et aux chercheurs, cette rubrique est à la disposition de nos membres.
82-PK: Des informations sont demandées au sujet du sergent KODECK Jean Henri François originaire de GLATZ (Silésie), chevalier de l'Ordre Militaire sous Guillaume ler et ayant effectué du service au 7 Li. Il est décédé en 1862 après avoir vécu dans la région liégeoise.
4. Revue bibliographique
Le C.L.H.A.M. a reçu de nombreux ouvrages dont une quantité de numéros de la "Revue des Deux Mondes". La donation couvre environ la seconde moitié du XIXe siècle. Le répertoire est en cours de réalisation.
Par ailleurs, après une réorganisation de la bibliothèque, les périodiques suivants peuvent être mis à la disposition de nos membres:
- Mededelingen van de Simon Stevinstichting, Antuerpen, à partir du n° 1 de mars 61.
- Les amis de la Citadelle, Namur, depuis le n° 1 du Comité namurois 75.
- Génie, Jambes suivant les n°s disponibles.
- Ceux des forts de Liège, Embourg, (périodique de la fraternelle des garnisons des forts de Liège 1914-1940).
- Le Volontaire de Guerre, Herstal, (périodique de la fédération nationale des volontaires de guerre 1914-18, 1940-45).
- Artémis Herstal, Organe trimestriel de l'amicale du 80 A regroupant les anciens des 64e et 80e d'artillerie.
- Rassemblement, Verviers, (périodique de la fraternelle des anciens combattants - 1914-18 et. 1940-45 - des 1er, 21e, 25e, 31e et 51e régiments de Ligne).
- Vox, Bruxelles, hebdomadaire militaire, dont la collection est presque complète depuis 1976.
- Forum forrce terrestre, Bruxelles, id.
- Mars, bulletin de l'A.O.S.A., id.
- Pallas, revue d'intérêt général, depuis 1961. Incomplet. Publié par l'association des officiers en service actif.
- La Belgique militaire, revue bimestrielle de la société royale des officiers retraités. Depuis 1981.
- Bulletin d'information de la Société Royale des Officiers retraités. Depuis 1981.
- Aile et Roue, Bruxelles. Depuis le n° 121 de 1978.
- Mémo, revue historique, Bruxelles. Depuis 1980.
- Association Atlantique Belge, périodique d'information bimestriel, Bruxelles, Depuis mai 1980.
- Association Atlantique Belge, périodique trimestriel de la section de Liège. Depuis mai 1977.
- Le Monde Atlantique, Bruxelles, Depuis mai 1977.
- Revue de l'OTAN, Louvain. Depuis mai 1977.irs de l'épopée napoléonienne, revue de l'association belge napoléonienne, Bruxelles, trimestriel, depuis 1982.
- Bulletin du Crédit Communal de Belgique, Bruxelles, trimestriel, Depuis avril 1977.
- Le combat syndical, Bruxelles, organe du syndicat libre de la fonction publique. Depuis 1980.
- DEMAIN le monde, Bruxelles, bimensuel, le journal de la compréhension internationale et du développement. Depuis 1982.
- Bulletin de la société royale LE VIEUX LIEGE, Liège, publication trimestrielle, Depuis 1980.
- Chronique de la société royale LE VIEUX LIEGE, Liège, publication trimestrielle. Depuis 1980.
- Bulletin du Centre Interdisciplinaire de recherches aériennes, trimestriel, depuis le n° 1978 – 4.
- Les dossiers du C.A.C.E.F., Namur, mensuel, certains n°s à partir de 1980.
- La Gazette Liégeoise de la Figurine Historique, Liège, depuis 1979 (bimestriel).
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5. En diversion… Autres temps.... Autres moeurs ?

(4e Division, N° 101)
Bruxelles, le 1er août 1838
LES CONVALESCENTS D'OPHTALMIE VOYAGEANT PAR LE CHEMIN DE FER DOIVENT ETRE PLACES SUR DES WAGONS COUVERTS OU DES CHARS-A-BANCS.
On a eu lieu de remarquer récemment que des convalescents d'ophtalmie, transportés par chemin de fer, étaient arrivés à destination dans un état moins satisfaisant que celui dans lequel ils se trouvaient au moment de leur départ des hôpitaux d'où ils sortaient.
La raison en est attribuée à ce que ces hommes ayant voyagé sur des wagons découverts, se sont trouvés exposés soit à la poussière que chasse le remorqueur, soit aux pluies froides et au vent, circonstances qui exercent une grande influence sur les individus qui sont ou ont été atteints de l'ophtalmie.
Afin de préserver les convalescents de l'espèce ...etc. (1)

(1) Journal Militaire Officiel, t.4, Bruxelles, 1838, p. 222.

(4e Division, N° 7835)
Bruxelles, le 10 août 1838
MESURES A PRENDRE POUR EMPECHER LA PROPAGATION DE LA GALE DANS LES CORPS DE L'ARMEE.
1. …
2° Lorsque deux hommes couchent dans un même lit, et que l'existence de la gale est constatée chez l'un d'eux, il doit sur le champ être envoyé à l'infirmerie ou à l'hôpital.
Son camarade doit recevoir un autre lit ou une demi-fourniture, et coucher seul pendant quinze jours, durant lesquels il sera soigneusement observé par les médecins.
3° Les visites des officiers de santé doivent s'étendre aux familles des militaires mariés qui logent à la caserne.
… etc. (2)

(2) Ibidem, p. 226

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L'ARMEE QUITTE LA CHARTREUSE DE LIEGE

Le départ officiel des troupes casernées à la Chartreuse a été marqué par une cérémonie toute simple mais combien émouvante. Au cours de celle-ci, le drapeau du quartier a été confié au C.L.H.A.M., qui en assurera la conservation.
A titre informatif, nous diffusons a l'intention de nos membres, le discours prononcé, ce 7 mai 1982, par le Colonel PIERLOOT, Chef de Corps du 5 TTr.
Mon Général,
Mesdames, Messieurs,
Merci de tout cœur d'avoir fait à notre Chartreuse l'honneur de votre présence.
Je tiens à exprimer tout particulièrement ma gratitude au Général-Major RAES, Commandant la Circonscription Militaire des Provinces Wallonnes et Commandant la Division Mobilisation des Forces de l'Intérieur et au Colonel Fidlot, Commandant la Province de LIEGE et Commandant du Centre d'Instruction N° 1.
Je remercie Monsieur le Chanoine DEVOS, doyen du Chapitre de la Cathédrale et Monsieur l'Abbé MEYERS, ancien aumônier de la Chartreuse, qui ont accepté de concélébrer l'office religieux.
Nous apprécions hautement l'honneur que nous font les personnalités tant civiles que militaires ici présentes.
A tous les délégués des Associations Patriotiques, je rends l'hommage dû à leur amicale fidélité.
Cinquois, Cinquoise,
Dans quelques instants et pour la dernière fois au sein de ce quartier, nous procéderons à la descente de nos couleurs.
C'est vous dire que ce n'est pas sans émotion que nous nous retrouvons aujourd'hui... à la Chartreuse, pour des adieux à un endroit qui fut le théâtre de tant de drames et de hauts faits historiques.
Chaque bâtiment, chaque pierre de la Chartreuse ont été les témoins muets des événements qui ont marqué la vie de cette caserne, de la Cité Ardente, de la Belgique.
Sa situation privilégiée fut rapidement remarquée par les stratèges du Moyen-Age qui en firent une place forte. Ses occupants successifs ne cesseront jusqu'à la fin du XIXe siècle, d'en améliorer les fortifications. Ensuite, l'évolution de l'art militaire aidant, cette place forte fut transformée en caserne.
En fait, les premiers liens entre la Chartreuse et les troupes belges furent noués une nuit de septembre 1830, lorsqu'une poignée de Valeureux Liégeois s'emparèrent du fort de la Chartreuse.
Occupé par les Hollandais, la prise de ce bastion était considérée comme un jalon indispensable sur le chemin de l'indépendance de la Belgique.
C'est durant la première guerre mondiale que la Chartreuse vécut ses heures les plus pénibles, heures qui resteront à jamais marquées au fer rouge dans le cœur des Liégeois.
En effet, la retraite inévitable de la 3ème Division le 6 Août 1914, scella le sort de Liège.
La Chartreuse qui n'était plus défendue tomba dans la nuit du 6 au 7 août et les Allemands entrèrent dans la ville le 7.
Dix jours plus tard, tous les forts de la région étaient tombés et ce ne fut pas sans une amère tristesse que les Liégeois virent passer, entre deux haies de casques à pointe, les artilleurs et fantassins belges capturés qui étaient conduits à la Chartreuse, transformée (pour la cause) en prison.
Les murs des cachots se souviennent encore de ces hommes qui n'ont pas faibli à leur tâche et qui, jusqu'au bout, assurèrent derrière les barreaux, leur devoir de soldat ou de civil animés du même patriotisme.
Quarante neuf d'entre eux, dont deux femmes, y laissèrent même la vie, mourant en héros devant le peloton d'exécution à l'endroit même où nous nous trouvons ce jour.
Les modestes croix alignées autour du Bastion portent le nom de ces quarante neuf Braves.
Au cours de la seconde guerre mondiale, la Chartreuse ne joua aucun rôle primordial. Occupée par l'armée allemande, elle fut reprise le 8 décembre 1944 par l'armée de libération.
Dès 1946, la Chartreuse hébergea à nouveau plusieurs générations de militaires.
De peur d'en omettre une, je ne citerai pas les unités qui y ont été stationnées, mais sachez quand-même, que les noms ou sigles GTA, C Mob, TTr sont intimement liés à celui de la Chartreuse.
Qu'il me soit ici permis de rendre hommage à mes prédécesseurs de ces 20 dernières années.
Au Commandant DELTOUR - Comd 123 Cie TTr
Aux Majors MOTTER et GHIOT, Comd 123 Cie TTr
Au Major CHANTRAINE, Comd 3 Cie TTr
Au Major BLANDIAU, Comd C Mob
Au Lt Col BEM WATTHE, Comd 5 TTr
"Cinquois"
Dans un instant, notre emblème national sera amené pour la dernière fois.
Pendant les quelques secondes que durera la descente du drapeau, je vous demanderai:
- de penser à tous ceux qui ont été casernés dans ces murs, certains d'entre vous n'y ont passé que quelques mois, d'autres 10, 20, 25, voire 30 ans de leur vie.
- de penser à ceux qui ont souffert derrières les barreaux des cellules dans lesquelles ils étaient prisonniers.
- de penser, surtout, à ceux qui furent et resteront toujours pour nous un exemple d'abnégation, de conduite patriotique, à ceux qui n'ont pas reculé, qui ont fait don de leur vie pour que vous viviez, en paix, libres.
Et je terminerai sur une note d'espoir:
Que les générations futures n'oublient pas que derrière ces hauts murs des hommes ont défendu ou ont appris à défendre la liberté de tous.
Quant à nous, nous n'oublierons jamais, car comme l'a dit Chateaubriand; "Rompre avec les choses réelles, cela n'est rien; mais rompre avec les souvenirs, c'est impossible ! ".
En effet dans le livre du temps, il n'est jamais facile de tourner une page, surtout quand certains paragraphes y ont été écrits en lettres de sang.
Vive la Belgique ....
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LA CHARTREUSE... COUVENT - COUVENT FORTIFIE - FORT - CASERNE

"LA CHARTREUSE". Il n'est pas un Liégeois pour qui ce nom, associé à celui de "LA CITADELLE", aujourd'hui disparue, n'évoque de nombreux souvenirs.
Ces deux noms symbolisaient, jusqu'aux années 58, la vocation de Liège, ville de garnison.
Que de milliers de "ploucs" ont dévalé "Pierreuse" et le "Thier de la Chartreuse" pour se rendre, chaque soir durant quelques heures, dans la Cité Ardente, où ils étaient attendus et bien accueillis.
Souvenirs d'enfance: mes premiers contacts avec "LA CHARTREUSE" datent des années 35-36. A cette époque, le 11 novembre, jour anniversaire de l'Armistice de 14 - 18, toutes les écoles de la ville (les communales et les catholiques) se retrouvaient place St. Lambert et de là, s'en allaient, en cortège, pour défiler à l'Enclos du BASTION devant les tombes des fusillés de "LA CHARTREUSE". Ensuite, nous traversions, au cimetière de Robermont, la pelouse d'Honneur des Anciens, tombés durant la guerre de 14 - 18.
LA CHARTREUSE nous semblait immense, imposante avec ses "tunnels", ses bâtiments, ses soldats "au garde à vous".
Après avoir accompli ce pèlerinage, nous avions congé le reste de l'après-midi !
Depuis, il y a eu 40 - 45. Défaite, occupation, libération.
Le temps s'est écoulé, les mœurs ont évolué ... les souvenirs se sont estompés et ne sont plus que rarement transmis.
Au nom de beaux principes qui n'ont toujours pas fait leurs preuves, de "grands penseurs", de "beaux parleurs" ou de "simples démagogues" ont lentement mais sûrement coupé les racines qui nous rattachaient à un passé, certes pas toujours glorieux, pas toujours joyeux, mais dont nous sommes issus et qui nous a marqué, qu'on-le veuille ou non.
Le résultat: bon nombre d'entre nous sont, maintenant, comme la feuille d'automne, ballottés dans tous les sens, sans attache et que reste-t-il ? Souvent un grand vide et de tristes désillusions.
Maintenant que "LA CHARTREUSE" est appelée, elle aussi, à disparaître et ce dans un avenir plus ou moins proche, nombreux sont ceux qui, un peu tard, s'y intéressent !
Depuis des années "LA CHARTREUSE" s'est lentement mais sûrement dégradée. Les causes sont nombreuses: négligences, manque d'entretien, un certain "je m'enfoutisme", dépradations de plus en plus nombreuses, etc ...
Le plus bel exemple de cet état de chose est la "MAISON LAMBINON" connue également sous le nom de ferme Napoléon, de café Clerment ou tout simplement le "BLOC 22".
Construite vers 1792, elle fut la seule maison à être incorporée dans l'enceinte du fort construit par les Hollandais en 1818.
Toujours intacte en 1960, allez voir ce qu'il en reste. Admirez également le Bloc 20, le musée des Fusillés ! Après cette entrée en matière et les regrets étant superflus, abordons notre sujet et comme il faut rendre à César ce qui appartient à César, vous trouverez à la fin de cet article les différents ouvrages consultés.
"LA CHARTREUSE": COUVENT, COUVENT.FORTIFIE, FORT, CASERNE !
Que de questions et souvent sans réponse.
Comme l'écrit Théodore Gobert dans son livre "Liège à travers les âges, les rues de Liège "T. IV p. 112; "Quoique tous ces restes (de la Chartreuse) soient d'un âge vénérable, ils ne peuvent nous renseigner sur les premiers épisodes de l'histoire militaire de la Chartreuse; les annalistes eux-mêmes nous laissent presque ignorants sur ce point."
Nous allons essayer, modestement, d'éclairer quelque peu notre lanterne et en ne perdant pas de vue les trois remarques suivantes:
1. Le site de la Chartreuse tel que nous le connaissons aujourd'hui et celui que nous allons évoquer n'ont en commun que le nom et le terrain. En effet, plus on remonte le cours des siècles, plus le paysage est différent; pas de routes tracées, l'une ou l'autre masure, des prairies, des chemins de terre, des fondrières, etc... et le long des coteaux, des vignes. Le site se trouvait d'ailleurs en dehors de l'enceinte de la ville.
2. Les premiers dessins concernant la Chartreuse fortifiée datent des années 1692, du moins à notre connaissance.
3. Pour faciliter la compréhension, nous avons divisé l'exposé en quatre périodes:
LA CHARTREUSE - COUVENT; 1106 - 1288
LA CHARTREUSE COUVENT FORTIFIE: 1357 - 1792
LE FORT DE LA CHARTREUSE:1817 - 1892
LA CASERNE "LA CHARTREUSE": 1891 - ?
1. LA CHARTREUSE - COUVENT: 1106 - 1288
En 1106, on érige sur les hauteurs du mont Cornillon - qui deviendra plus tard la Chartreuse - une chapelle. Cette chapelle contiendra, durant un temps, les restes de l'empereur Henri IV. Vers 1126, ce sanctuaire donne naissance à l'institut des Prémontrés.
En 1288, suite à de nombreux actes de violence et de pillage, les Prémontrés quittent leur couvent qui, lui, sera transformé en forteresse sous le nom de château de Cornillon. Ce château sera détruit par les Liégeois dans le premier quart de 14e siècle (Voir note 1 ci-après)
De 1288 à 1360, il n'y a plus de moines, le site est abandonné et redevient désert.
2. LA CHARTREUSE COUVENT FORTIFIE: 1357 - 1792
En 1360, les Chartreux s'installent dans les dépendances de la Forteresse (ancien Château de Cornillon). Le nom de CHARTREUSE allait rester définitivement.
Le couvent englobait l'actuelle maison des Petites Sœurs des Pauvres et s'étendait de part et d'autre de l'actuelle rue du Thier de la Chartreuse. Pour faciliter l'accès de leur propriété, les Chartreux érigent en 1381 un pont de bois qui servait l'ancêtre de l'Arvau actuel, Voir note 2. ci-après).
Durant les périodes de relative tranquillité et, elles sont plutôt rares, le couvent s'épanouit. Durant les périodes troubles, le couvent est occupé militairement et fortifié, comme nous allons pouvoir nous en rendre compte plus en détail.
En 1691, au mois de mai, l'armée française, sous les ordres du Maréchal de BOUFFLERS, envahit le territoire. Le 1er juin, 60 escadrons et 20 bataillons apparaissent devant la Chartreuse. Après 4 jours de bombardement et de plusieurs attaques , les Français s'en emparent et de là, bombardent la ville durant plusieurs jours. Obligé de battre en retraite sous la menace des troupes hollandaises; le Maréchal de Boufflers met le feu à la Chartreuse.
En 1691, le Général Hollandais, ingénieur, est chargé de fortifier la ville. Les travaux dureront trois ans et la Chartreuse est considérablement renforcée.
En 1701, nouveau changement, les Français nous reviennent et s'installent, à nouveau, dans La Chartreuse qui avait été, partiellement démantelée ! ! !
En 1702, cinq bataillons français, sous les ordres de NIELLON, sont prêts à défendre La Chartreuse contre les "troupes confédérées qui, sous les ordres du Duc de MARLBOROUGH, ont commencé une nouvelle offensive contre Liège. L'armée française ayant été battue, la Chartreuse est libérée.
En 1703, les Chartreux reviennent prendre possession de leur couvent. Ils doivent raser les fortifications et, comble de l'histoire, à leurs propres frais ! Le calme règne, le couvent connaît un nouvel essor et les lieux sont embellis.
En 1792, les troupes républicaines françaises envahissent Liège, on connaît la suite... Le couvent des Chartreux est saccagé et pillé, les moines sont expulsés.
En 1796, on expertise les biens.
En 1797, on vend les biens du couvent qui disparaît en tant que couvent.
Telles sont dans les grandes lignes, l'histoire de la Chartreuse entre 1357 et 1797.
Avant de passer à la période du Fort de La Chartreuse, nous pouvons, pour ceux d'entre vous qui s'intéressent davantage à la construction militaire, jeter un coup d'œil sur les différents dessins et textes ayant trait à la Chartreuse et qui furent exécutés durant la période de 1692 à 1744.
En 1692, VILLENEUVE envoie un simple dessin représentant la position fortifiée de La Chartreuse avec cette simple mention: "plan des ouvrages qui ont été fait par les aliés pour fortifier la Chartreuse de Liège." L'orthographe de l'époque a été conservé.
Nous ne devons pas oublier que les alliés dont parle Villeneuve, sont en réalité les ennemis de la France. En examinant ce dessin, ce qui frappe c'est déjà l'étendue de l'enceinte fortifiée: la toise valant 1,949 m, Je vous laisse le soin d'en calculer la superficie. On remarque également l'ébauche d'un chemin avec la mention: "Chemin de la Ville". Photo n° 1. (ndlr: désolé pour la qualité).
En 1694, VILLENEUVE envoie un second dessin intitulé: "Plan de Liège, avec une légende relative aux lignes faites par les Alliés.
Nous ne disposons, malheureusement, pas de la légende. Sur ce dessin, on voit nettement la route qui traverse l'enceinte fortifiée, enceinte qui se trouve située sur le sommet de la colline. Comme il n'y a pas d'échelle de mesure, on ne peut évaluer les distances entre la Meuse, le poste de garde et l'enceinte fortifiée.
Photo n° 2 (ndlr: désolé pour la qualité)
Examinons, maintenant, le "Plan de la Ville et Citadelle de Liège édité à Paris chez la Veuve du Sr Du Val, Géographe Ordinaire de Sa Majesté sur le Quay de l'Orloge" Cette carte date de 1694.
Photo n° 3 (ndlr: désolé pour la qualité)
La première chose qui surprend: on ne parle pas de "Chartreuse" mais de "Citadelle", citadelle renforcée par de nouvelles fortifications.
En partant du pont de "Mercoeur" nous avons le "Réduit ou Château Neuf" flanqué de "Citadelle ou ouvrage à couronne", à l'extérieur, il y a le "Trou des Chartreux" et, en avant-plan, l'Enceinte de l'Hospital, Fossé plein d'eau" qui devait être la première ligne de défense. On constate, à nouveau, l'étendue de ce que nous appelons, aujourd'hui, le domaine militaire. La Chartreuse occupe apparemment tout le plateau: le réduit et ses fortifications font environ 125 toises soit 243 m.
Entre le début du réduit et l'enceinte de l'Hospital, il y a plus de 200 toises ce qui nous fait presque 400 m. Ces chiffres sont approximatifs.
Chose surprenante également, ce fameux "Fossé plain d'eau", qui rejoint, d'une part, "l'Ourt" et, d'autre part, "la Rivière Meuse". Où pourrait-on le localiser maintenant ? Voir note 4 ci-après.
Note n°4
En regardant la carte, nous avons l'impression d'un fameux complexe fortifié et, cependant, comme nous aurons l'occasion de le voir, en un rien de temps, tout change. Une seule explication: à part le réduit central qui devait être construit en dur, le reste devait être construit en matériau peu solide: palissades en bois, remblais de terre, etc...
En 1691, COEHORN, ingénieur militaire hollandais, est chargé de renforcer la défense de la ville de Liège et, tout spécialement La Chartreuse. En 1696, il envoie le "Plan et Profils des Fortifications de La Chartreuse de Liège avec Légende". Nous ne disposons, malheureusement, pas de toute la légende. En examinant ce plan, nous constatons:
Photo n° 4 (ndlr: désolé pour la qualité)
A - La Chartreuse fortifiée, avec en avant-plan deux saillants fortifiés: n° 13
B - A droite de La Chartreuse: situé à environ 200 toises (380m) tout un dispositif fortifié qu'on ne retrouve plus sur les dessins suivants. D'après le plan, il semblerait que ce fort ou redoute se trouvait vers l'ancienne plaine de tir ? Avis aux chercheurs.
C - l'ampleur de tout l'ensemble des fortifications. Ne pas oublier qu'une bonne partie de cet ensemble se compose de matériaux légers.
Quand aux différents numéros, nous avons:
N° 15 - maisons en forme de petites tours carrées.
N° 16 - retranchement du fort et redoute.
N° 17 - descente au fossé et chemin couvert.
N° 18 - chemin couvert avec les palissades au bas de la banquette seulement mais dans les places d'armes elles sont doubles.
N° 19 - second chemin couvert avec son parapet.
N° 20 - chemin couvert en talus du "costé" de la place.
N° 21 - petit cloître des religieuses de Cornillon situé au pied de la montagne (Ancêtre de l'actuel couvent des Carmélites).
N° 22 -ligne qui communique à la ville d'un seul chemin couvert de glacis.
N° 23 - vignes.
COEHORN fait aussi remarquer que "les tenailles ont leur fossé bordé d'une "haye" avec la palissade à 6 pieds de la banquette comme dessus."
En dessous du n° 6, il y a deux traits qui enjambent la route, il s'agit certainement de l'Arvau. La route traverse le complexe fortifié, elle se sépare en deux tronçons face au saillant fortifié de droite (N° 13) et va se perdre dans les campagnes.
En 1701, lors de l'occupation du territoire par les troupes française, DE LA COMBE envoie, le 26 décembre, "Un projet des ouvrages à faire à La Chartreuse".
Photo n° 5
Par rapport au plan de COEHORN, les deux saillants fortifiés (N° 13) et la redoute (N° 16) ont disparu. Quant à La Chartreuse elle-même, il y a aussi de fameux changements.
Voici le texte de la lettre envoyée par DE LA COMBE:
"Monseigneur,
Je prends la Liberté de vous rendre Compte ou ie suis partie de Liège le 13 du courant par ordre de Monsg Le Maréchal de Boufflers pour me rendre à Bruxelles. L'informe de l'eta de la Citadelle et de la Chartreuse ie lui ai présente le plans de ces endrois il madit qu'il verroit avan peu de jour de qui il ordonneroit a ce Sujet, quand ien serais informe jaurais momen Monseigneur devois en rendre Compte, en attendans ie preens La liberté de vous envoyé les plans et projet des deux Endroit toute ce qui est marque de Jaune à la Chartreuse est Entièrement demoly et le restans. des Bastions ne vaus plus grand chose, il fau compte quil faudra retablire ces pies entierement. Les trois demylune sont toute Entière de mesme que les chemins couvers ou il ni aura que quelque peu de réparations a y faire.
Vous veré Monseigneur par le plan les ouvrages que ie propose de faire à le Citadelle si vous jugé apropos d'y changer ou augmenter quelque chose vous me feré Ihonneur de me faire informe de votre intention que ie suivray très régulièrement.
Vostre tres humble et tres obeissans Serviteur
de LA COMBE."
Durant toute cette période, les projets concernant l'aménagement de La Chartreuse, continuent à paraître.
En 1702, FILLEY envoie tout un dossier avec légende au Maréchal Boufflers en vue de rétablir "les fortifications de Liège" et indique les travaux à effectuer à La Chartreuse...
II est peut-être intéressant, en se référant au dessin de FILLEY, de voir les aménagements conseillés.
Photo n° 6 (ndlr: désolé pour la qualité)
"Je ne voy rien de mieux que de rétablir de terre cette enceinte comme elle étoit auparavant, gazonner extérieurement tout le corps de place bastionné comme il est 1.3.5.7. Il faut que le gazonnage commence du fond du fossé attendu qu'il n'y avoit qu'une très petite berne auparavant qui ne paroit presque plus, que ce gazonnage soit élevé jusqu'à la fraize de la hauteur de 17 pieds et audessus de la fraize de trois pieds. Il est nécessaire que les parapets soient gazonnez intérieurement en donnant 20 pieds despaisseur aux parapets des bastions et 18 a ceux des courtines, la banquette de 4 pieds de largeur et le rampart de 3 et 4 toises sans les talus, bien fraizer tout ce corps de place a planter un epalissage panchée dans le fossé a 3 pieds près du gazonnage."
Longueur du corps de la place bastionnée 1.3.5.7.; 590 toises (soit 1.153,910m). L'angle formé des deux bastions 1.7. ferment cette enceinte de place contre un très bon mur de maçonnerie l'on peut conter toue la gorge de cet ouvrage très bien escarpé; outre cela doublement fermé de bons murs de maçonnerie, de maniers qu'il n'est pas croyable qu'elle puisse être attaquée de ce coté là; il faut seulement faire deux coupures sur lavenue de la ville avec deux ou trois petits escarpemens a droite et a gauche de peu de dépense.
Les Demilunes 2.4.6. sont presque dans leurs entiers, il faut seulement en nettojer le fossé, y mettre une fraize, rétablir et gazonner les parapets intérieurement tout de même que le parapet de la place, et fermer la gorge de ces Demilune d'une palissade.
Il faut rétablir entièrement le pont de charpente qui va de la place à la Demilune 4, de même celuy de la Demilune 4 ay chemin couvert.
Tous les glacis de chemin couvert sont dans un assé bon estât, il est seulement nécessaire d'en gazonner le parapet et en faisant le Deblay pour ce gazonnage donner une figure aux Places d'armes qui soit plus convenables, et pour remblayer le Parapet dévier le gazonnage d'enfoncer dans le chemin couvert partout ou il en sera besoin, observant que cela se fasse avec régularité afin de n'avoir jamais plus de trois pieds d'hauteur de banquette.
La banquette aura 6 pieds de hauteur, sur laquelle il sera planté une palissage à l'ordinaire, et une double palissage dans les places d'armes... Il reste encore quelques vestiges de la porte de maçonnerie au milieu de la couetine entre les bastions 3.4. qui pourroit très bien servir en rétablissant cette porte de même qu'elle estoit auparavant, observant d'y manager un Pont Levis avec Tappe Cul, fermer le passage de cette Porte d'une grosse porte de charpente a l'ordinaire. Je ne proposeray pour le présent de faire aucun bâtiment dans cette Encainte de Place, l'on pourra très bien se servir de Ceux qui sont dedans et au bas de la Chartreuse, C,
L'endroit, II, cest une petite paroisse ou il y a un beau bâtiment, 12, occupé par des Béguines qui ne sont point enfermées, ou l'on pourroit faire un très bel hôpital ou y loger des troupes.
Le terrain devant le bastion 3. 4. vaun peu en montant, les Ennemis y avoient fait sur les hauteurs deus espèces d'ouvrages 13. 14.15 de terre qui sont très ruinez et tout a fait contre la Place, mon avis est de bien applannir touts ces sortes de méchans ouvrage qui occupent la hauteur, conservant celui 16 devant le bastion, I, le rétablir et la palissader.
Applanir aussy les méchans retranchemens, 17, qui ne sont soutenu de rien. Il y a aussi un petit bâtiment quarré 18 en matière de redoute devant le bastion qui est attaché a une enceinte de maçonnerie qui joint lescarpement, autour duquel il est très neccessaire de faire un retranchement de terre bien palissade afin de voir dans les fond qui sont a la droite, et devant toute cette partie, ce Poste est très avantageusement placé et d'un très difficile accès.
Il y a une Espèce de Retranchement 19 qui occupe la hauteur de l'Abbaye de Robermont, ou l'on peut risquer un poste supposé qu'il y ait assé de trouppes dans la Chartreuse seulement pour la Découverte des grands fonds qui abordent a cet endroit là, mais il ne faut pas penser soutenir ce poste, je le crois trop éloigné Total de la Chartreuse: 70252 tt.
Pour tous les ouvrages de la Citadelle et de La Chartreuse il faut au moins 30000 fascines."
"Ce rapport fut envoyé par FILLEY le 24 Janvier 1702".
Personne ne sera surpris en apprenant que Mr VAUBAN s'est intéressé tant à la Citadelle qu'à La Chartreuse.
Le 24 Juin 1702, soit cinq mois après le rapport de Filley, VAUBAN adresse un nouveau document a Mr. le Mar. de BOUFFLERS: "Estât auquel sont les ouvrages de la Citadelle et de la Chartreuse de Liège".
Dans sa lettre, accompagnant les dessins, Vauban se plaint: "il y a une Jérémiade sur la fin au sujet de l'Entrepreneur que le soutiens de ma foible éloquence tam que je puis et de mes vives solicitations vers Monsieur de Chamillart de qui je tache vainement de tirer quelque chose, et vers Mr. le Prince de Tserclaes pourque celuy cy presse les exécutions mais a vous parler franchement je ne vois pas cela fasse un grand'progrés, les gens de ce pays souffrent constamen les exécutions sans beaucoup s'en émouvoir ce qui me persuade qu'il y abien de la mauvaise volonté dans leur fait."
En ce qui concerne La Chartreuse:
"La face et flanc droit du demy Bastion (1) sont gazonnes et fraizer. Resta a achever le parapet... les terres s'y transportent par les Pionniers Paysans qui sont les plus grandes Canailles du monde et les plus mauvais ouvriers!!!"
"La Courtine entre (1 et 3) est entièrement gazonnée et fraisée, reste a faire la communication dela a la Demilune (2)."
"La Demilune (2) est achevée, il y manque une gueritte a l'angle. Le Bastion (3) est achevé a la Barbette près. La Courtine entre (3 et 5) est gazonnée et fraisée, resta a achever les Corps de gardes sur le passage de la porte. On travaille a faire les piles et la Culée de Maçonnerie pour dresser la charpente du Pont."
La Demilune (4) est achevée.
Le Bastion (5) est achevé.
a Courtine entre (5 et 7) est achevée. Reste a faire la communication a la demilune.L
La Demilune (6) est entièrement achevée.
Le Demy Bastion (7) est entièrement gazonné et fraisé. Tout le chemin couvert est achevé.
Les parties (11 et 12) sont achevée."
Vauban conclut: "du fort des Chartreux a qui il restera a faire les communications de la ville au fort qui doivent envelopper tout le faubourg Damercoeur dessus et dessous et tous les batimens nécessaires a la garnison et les munitions".
Dans son livre: "Het Staatsche Leger", le DR J.W. WIJN, se réfèrent à de nombreuses sources, décrit la prise de La Chartreuse, en 1702, par les armées confédérées, sous les ordres du Duc de MARLBOROUGH.
"Aussitôt après le chute de la Citadelle, les dispositions furent prises pour l'action contre La Chartreuse. Il était certainement utile de profiter au maximum du temps favorable qui régnait encore. Le commandement des troupes chargées de l'investissement était assurée par le Prince FREDERICK von HESSEN - KASSEL:
Le 24 octobre, la force fut encadrée par quatre escadrons et, un jour plus tard, suivie d'environ 40 bataillons d'infanterie. Les deux jours suivants, le temps était plus ou moins à la tempête, comme conséquence: le pont de bateaux sur la Meuse ne fut pas prêt et l'artillerie ne put être transportée. Cependant le 27, les tranchées furent ouvertes et, le 29, à 10 Hr du matin, les mortiers commencèrent leur travail.
Peu de temps après, les bâtiments situés à l'intérieur de l'enceinte du fort étaient la proie des flammes.
Après-midi à 2 Hr les canons étaient prêts à faire entendre leurs voix mais cela fut à peine nécessaire. Après la première salve, le son de la chamade et le hissement du drapeau blanc annonçaient la fin du combat.
Après avoir échangé, réciproquement, des otages, on se mit, rapidement, d'accord sur les conditions de la capitulation...
Le Gouverneur de MILLON avait agit selon sa mission, laquelle comprenait de ne pas mettre en péril la garnison, confiée a ses soins, en attendant l'assaut final. Les cinq bataillons dont se composait la garnison de La Chartreuse, dont, au moins, une partie de l'armée française furent sauvés.
Le 31 octobre, la garnison forte de 1.500 hommes et de deux pièces légères, partit, avec les honneurs militaires, vers Anvers via Tongres, à l'exception de 300 à 400 Suisses et sept compagnies de Wallons Liégeois qui abandonnèrent le service français et réintégrèrent la ville de Liège.
21 pièces de métal et deux mortiers tombèrent aux mains des vainqueurs".
Vous aurez, sans doute, remarqué qu'entre la prise de La Chartreuse, par les troupes confédérées en 1702, l'envahissement de Liège et la destruction de La Chartreuse par les troupes républicaines françaises en 1792, il y a un vide ! La raison en est simple: nous n'avons pas de documents concernant cette période sauf un dessin de La Chartreuse envoyé par Mr. de LACOMBE en 1744, ce dessin n'est accompagné d'aucune légende :
Photo n° 7
Photo n° 7b
Avant de passer au point trois: le fort hollandais, certains d'entre vous vont, peut-être et à juste titre, se poser la question suivante: Quel rapport y a-t-il entre la Chartreuse des moines (Couvent fortifié Complètement démoli en 1794) et le fort construit par les Hollandais en 1817 ?
A première vue, aucun rapport sinon le nom.
Nous en voyons un autre.
Si nous faisons abstraction du site tel que nous le connaissons maintenant, si nous examinons attentivement les différents dessins et le plan hollandais, une chose nous parait évidente: à l'origine, le fort hollandais (nettement plus étendu que La Chartreuse actuelle) a dû englober une partie du couvent-fortifié, tout au moins ses avants-postes.
Il devrait encore, normalement, subsister des fondations mais où ?
Il y a là, sans doute matière à discussion mais il nous semble peu vraisemblable que des constructeurs militaires tels que VILLENEUVE, COEHORN, VAUBAN et autres, n'aient pas renforcé et englobé dans leur système de défense une bonne partie du plateau et se soient contentés de fortifier uniquement le versant où se trouvait le couvent des Chartreux.
Encore une fois, si nous examinons bien les divers dessins, le couvent fortifié englobait une fameuse surface à certaines époques.
Les recherches sont d'autant plus difficiles qu'en 1794, tous les biens des Chartreux furent vendus au plus offrant et que tout ce qui pouvait subsister comme fortifications a été rasé.
3. LE FORT HOLLANDAIS: 1817 - 1891
Le 30 Août 1817, le Roi Guillaume de Hollande décide la construction du fort de La Chartreuse. Cette construction fera partie d'un plan d'ensemble de défense comprenant la ville de Nieuwpoort et la Citadelle de Dinant. S'y ajouteront par la suite, le fort de Huy et la Citadelle de Liège.
Dans sa déclaration faite à Bruxelles le 30 Août 1817, le Roi écrit notamment: "Vu le rapport et les prévisions de notre Commissaire Général de la guerre qui a fait une inspection pour le Feld-Maréchal Prince de Waterloo et de l'Inspecteur Général des Fortifications... nous avons décidé et décidons : de consacrer une somme de deux millions cinq cent mille florins pour la construction du fort de La Chartreuse à Liège et les achats (propriétés privées)."
Il s'agit des expropriations.
Les plans furent dressés par le Colonnel CAMERLINCK.
Lors de sa visite à Liège le 31 Juillet, le Duc de WELLINGTON, le vainqueur de Waterloo, visita le site de la Chartreuse et en approuva pleinement les plans. Les fortifications ne furent achevées qu'en 1823.
En octobre 1817, la 5e Direction des Fortifications envoie son rapport mensuel n° 10: "Des travaux extraordinaires pour fortifier la frontière méridionale du Royaume des Pays-Bas" suivent 11 pages avec tous les travaux à exécuter à la Chartreuse et leurs prix détaillés: total: 2.500.000 florins.
On remarque, p. 10 qu'il faut construire trois ponts: Totaal voor de bruggen: 19.509 florins.
En Janvier 1819, le rapport mensuel indique: Fort de La Chartreuse.
Pendant le mois de février on a continué à La Chartreuse le Déblai et le Remblai du Bastion n° 2 et de quelques ouvrages du dehors.
Les maçons ont continué à tailler des pierres de parement pour la maçonnerie du printemps prochain.
En 1820, rapport mensuel avec les prévisions pour 1821. Le rapporteur écrit: "On n'a pu fermer le fort cette année à cause de la grand route qui traverse le fort, au lieu de cela on a porté tous les murs du rempart capital à la hauteur de 30 pieds.
Il faut aussi noter que la construction du fort entraîna pour la population civile de nombreuses servitudes. On note dans l'arrêté loi du 4 février 1815: Art 1er - II est défendu à toutes personnes de construire ou reconstruire des maisons ou murailles, former des élévations, faire des caves, creuser des puits ou faire toute autre excavation dans la distance de 300 toises (1.800 pieds) de l'extrémité du glacis le plus avancé des places fortifiées existantes dans la Belgique, sous peine que tous les dits ouvrages seront détruits aux frais de ceux qui les auront faits."
Cet article s'étendait aux plantations d'arbres ou de haies.
A l'origine la superficie du fort était de 43 ha 85 ares et 78 centiares. Dans son tome I "Liège à travers les âges", Th. GOBERT écrit à propos du fort de La Chartreuse: "Moins élevé que la citadelle de Saint-Walburge, le fort de La Chartreuse forme un pentagone bastionné: deux fronts font face à la ville. Trois autres étaient destinés à défendre le fort et la ville contre toutes attaque venant de l'est. La forteresse renferme tout ce que doit contenir une oeuvre militaire semblable: vastes cours, fossés secs très profonds, bâtiments voûtés servant à la caserne et à l'arsenal, pavillon du génie, magasins à poudres, casemates, hangars aux affûts, laboratoire voûté encore, etc… Tout à l'entour des fortifications s'étendent les glacis. Ils joignent au nord le Thier de la Chartreuse, au nord-est la route de Robermont, au sud la rue de la Piclerotte, au sud-ouest I''impasse du Chera".
On utilise pour la construction des pierres provenant de la grande tour de l'Eglise St. Lambert. La Cathédrale St. Lambert se trouvait à l'emplacement de l'actuelle Place St. Lambert. Elle fut détruite, lors de la révolution française par les Liégeois !
En parcourant le site du fort de La Chartreuse, on peut, encore très bien se rendre compte de l'ampleur des travaux.
Le fort était entouré d'un fossé sec. D'après ce qu'il en reste, sa largeur devait mesurer entre 15 et 20 m.
Le mur intérieur (Escarpe) est en briques. Ses soubassements et angles sont en pierre. Sa hauteur varie entre 8 et 10 m. Les poternes d'accès entre le fort et le fossé ont 23 m. de longueur, 3,50 m. de largeur, 3,50m. de hauteur. Toutes les poternes sont voûtées. Il en existe encore plusieurs.
Le mur extérieur (Contrescarpe) est construit de la même façon mais semble moins élevé. Il y a, aussi, des poternes d'accès dont certaines ont 18 m. de longueur. Cette enceinte extérieure était parcourue, sur toute sa longueur, par une galerie voûtée permettant l'accès aux réduits et saillants. La galerie a une largeur de 1,30 m. et une hauteur de 2 m. Elle est voûtée. En parcourant certaines de ces galeries, on voit encore, nettement, les meurtrières permettant la défense et les feux croisés, ainsi que les bouches d'aération.
A notre époque mécanisée, on ne se rend plus bien compte de la somme d'efforts et de travail exigée pour ériger ces remblais, creuser ces fossés, aménager ces galeries et ce, à la force du poignet.
Le corps des bâtiments était, lui aussi, entouré d'un fossé dont la largeur devait faire une dizaine de mètres et la hauteur, 4 m.
Le mur extérieur, entourant le fossé, était parcouru d'une galerie voûtée avec meurtrières et orientées vers le fort. Partant, certainement, d'une casemate, située à droite de l'entrée du fort, la galerie aboutissait dans une casemate située à côté et en contre-bas de l'actuel musée des Fusillés de 14 - 18.
Ce fossé a été comblé mais on peut, encore, apercevoir, sortant des bâtiments et presqu'à fleur du sol, des gargouilles permettant l'évacuation des eaux. Aux deux angles, entre les bâtiments 1, 2 et 3, il devait exister un terre-plain avec pièces d'artillerie orientées vers la plaine. Voir dessin ci-après.
Dessin n°1
Deux tunnels et deux ponts permettaient l'excès vers la plaine et les remparts. Ce ne sont pas les deux tunnels existant actuellement.
A l'origine, le fort ne comprenait qu'un étage, étage voûté et à l'abri de la bombe. L'épaisseur de la voûte doit être de 2 m. L'ensemble du fort était recouvert de terre.
L'épaisseur des murs, à la base, est de 2 m. Ils ont, encore 1,40 m au premier étage, coté plaine. Les chambres mesurent 24 m de longueur et 6 m. de large. Le mur donnant vers la plaine n'avait pas de fenêtres mais uniquement des embrasures, meurtrières permettant le tir. Nous en avons dénombrés 100 au premier étage: 28; 44; 28. On peut encore voir, au premier étage, les banquettes de tir, flanquées de chaque côté de rainures où l'on pouvait glisser des madriers pour fermer les meurtrières.
L'entrée du fort se trouvait au-dessus du Thier de la Chartreuse.
La devise du fort se trouve toujours au-dessus de la poterne d'entrée: "NIHIL INTENTATUM RELINQUIT VIRTUS"
Le ravitaillement en eau potable était assuré par de nombreux puits artésiens. Nous en avons retrouvé cinq.
1. à la ferme Lambinon (bloc 22). A côté de la porte d'entrée, il y avait une vasque avec une ancienne fontaine. N'existe plus.
2. Un à droite de l'entrée, entre le corps de garde et le bloc 14 (disparu). Le puits a été comblé lors de la destruction du bloc 14. Ce puits communiquait avec l'ancien couvent des Chartreux (Voir note 5)
3. Un près de l'ancienne forge. Il a été comblé.
4. Un derrière le bloc 40. Ancienne ferme aménagée par les Hollandais comme abri pour les pièces d'affûts.
5. Un sous l'escarpe, derrière le bloc 20, un peu à droite. Il existe toujours.
En 1930, la révolution éclate contre le régime hollandais.
La Chartreuse fut prise par les Liégeois. Ce fait d'armes a été décrit dans le Journal de Province du 21 Septembre 1830 en ces termes: "La nuit du 19 au 20 Septembre (1830), quelques patriotes sans artillerie et même dépourvu d'outils de siège, manquant d'échelles, essayèrent de s'emparer du fort de la Chartreuse. Leur tentative hardie fut repoussée. Ils ne réussirent qu'à détruire une des barrières.
Le lendemain, une soixantaine de bourgeois, dont la plupart faisait partie de la compagnie d'artillerie de la garde, réussirent à s'emparer de la forteresse. Le frère de ce Wibrin qui venait d'être tué par les Hollandais arbora le drapeau Liégeois sur un terre-plein de la Chartreuse. Dix soldats hollandais fait prisonniers furent amener à l'Hôtel de ville.
Le commandant de la Citadelle, irrité de la prise du fort de la Chartreuse, fit déclarer aux autorités de Liège qu'il allait bombarder la ville. La régence démontra l'iniquité d'une pareille mesure, représailles barbares d'un acte spontané que n'avait point commandé le chef militaire. Aucune suite ne fut donnée aux menaces du Général hollandais, et la forteresse de la Chartreuse resta au pouvoir des Liégeois.
Le butin de guerre s'éleva à 39 canons dont 7 pièces de 24, sept de 18, six de 12, douze de 6, cinq mortiers et deux obusiers plus quatre-vingt affûts qui servirent à parquer les canons à la Fonderie de Saint-Léonard.
Dès la fin de la révolution et durant les premières années de l'indépendance de la Belgique, les Français se sont fortement intéressés au fort de la Chartreuse.
En Septembre 1831, LAFAILLE fait une reconnaissance du fort de la Chartreuse, et de la Citadelle.
Son rapport comprend 12 pages (32 22) de texte de croquis. Il écrit au sujet de la caserne de la Chartreuse: "Je suis sûr que les chambres du cavalier de la Chartreuse n'ont pas d'avantage de dimension. Celles-ci n'ont de fenêtres que du côté du Bastion: de l'autre côté des créneaux et des ouvertures rondes, 2 par chambre... Ces chambres sont encore plus puantes et sombres que celles de la Citadelle. Les ophtalmies qui règnent dans les garnisons de la Belgique, ne paraissent pas tenir seulement au séjour des troupes dans les casemates ou dans les bâtiments voûtes; on a voulu en trouver la cause dans l'eau, dans le collet ouvert sur le devant, ces ophtalmies sont graves et nombreuses."

Note 5: Fin du XIV s. les Chartreux ont fait percer dans la montagne environnante une galerie par laquelle l'eau alimentaire arrivait salubre et abondante. Cette galerie fut mise à jour pendant les fouilles opérées au fort de la Chartreuse en 1908. Une autre galerie ancienne plus ample passe partiellement sous les propriétés de droite de la section inférieure de la rue du Thier de la Chartreuse. Th. Gobert : T. IV p. 342.

"Point de mises à la Chartreuse, seulement des portes dans les galeries de contrescarpe pour entrer en galerie ? "
Laffaille décrit ensuite les places d'armes, les glacis etc...
En 1838, AVANZO, envoie une vue d'ensemble de la Chartreuse.
Le 27 avril 1864, "Le Ministère de la guerre renvoie à l'examen du Comité la reconnaissance du fort de la Chartreuse, près de Liège, faite par le Capitaine du génie BEGHIN, à la date du 30 Sep 1863. Ce travail comprend un mémoire et deux feuilles de dessins.
"L'objet de cette reconnaissance était de compléter les renseignements que le dépôt de fortifications possède sur le fort de la Chartreuse.
Voici la conclusion du Comité: "Le Comité est d'avis qu'il y a lieu:
1. de classer dans les archives au dépôt des fortifications la reconnaissance du fort de la Chartreuse, près de Liège, faite le 30.09.1863 par le Capitaine Beghin.
2. de prier le Ministère de la guerre, d'adresser à cet officier un témoignage de satisfaction au sujet de la manière distinguées satisfaisante dont il s'est acquitté de ce travail.
Le rapport du Capitaine BEGHIN comprend 20 pages (format 30/20) avec de nombreux dessins et deux plans de la Chartreuse. Il écrit: "Le programme qui m'a été adressé pour me servir de guide dans l'exploration du fort de la Chartreuse à Liège, détaillait de la manière suivante les principaux points sur lesquels devaient se porter les observations:
1 Hauteur des escarpes, contrescarpes et leur nature.
2.Raccordement des flèches en avant des Saillants 1 et 4 avec les chemins couverts.
3 S'il y a des réduits de Place d'armes, comment faire leurs communications ?
4 Les communications des demi-lunes.
5 Communications de l'intérieur du fort avec les bastions détachés, détails de leurs gorges.
6 Communication du fort avec le réduit côté 5.
7 A-t-on construit des casemates sur les remparts ?
Bien que je sois parvenu à pénétrer trois fois dans le fort de la Chartreuse, la surveillance, ou mieux, la défiance à l'égard des visiteurs y est telle qu'il m'a été impossible d'y prendre aucune mesure, toutes les dimensions que l'on trouve dans le mémoire ne sont qu'approximatives".
Suit la description des différents fronts.
En ce qui concerne l'emplacement du fort, Beghin écrit: "J'ai dit que cette fortification est entourée de haies, de jardins particuliers parfaitement clos, que les glacis sont plantés d'arbres, de hautes futaies, que leurs crêtes sur la plus grande partie de leur pourtour, sont plantées d'arbustes formant d'épais taillis. De l'extérieur on ne voit donc point l'ouvrage. D'ailleurs, si ces obstacles artificiels étaient enlevés, à peine pourrait-on distinguer quelques lignes de cette fortification, tant elle est rasante: j'ai pu constater en passant sur les parapets, combien peu ils ont de commandement sur la campagne. Il m'a été impossible de constater si les galeries de contrescarpe ne se rattachent point à des systèmes d'écoute placées sous les glacis du fort. Je n'ai pu tirer aucun renseignement à ce sujet du casernier, un sous-officier qui m'avait raconté qu'il y avait des galeries de mines qui s'étendent fort loin, jusque sous la ville de Liège (?), qui m'avait dit en outre les avoir visitées, interrogé par moi sur la manière dont il avait pu s'y diriger, m'a répondu que partout en était éclairé par des ouvertures placées sur le côté: il n'avait évidemment parcouru que les galeries de contrescarpe."
En ce qui concerne le fort.
En 1891, la Chartreuse est déclassée comme fort. Sa superficie est réduite à 31 ha 23 ares.
L'ouvrage fut en partie démoli et le reste servit de caserne.
4. LA CASERNE "LA CHARTREUSE" 1891 - 19...
1891 – 1914: le fort de la Chartreuse devient caserne et subit de nombreuses transformations et aménagements. En 14, y sont casernées des troupes du Génie, de l'Artillerie et du 1er Régiment de Ligne.
Août 1914, la Belgique est envahie par les Allemands. Durant la guerre, les soldats qui étaient casernés à la Chartreuse vont payer un lourd tribut. Trois monuments érigés à l'entrée de la Chartreuse rappellent leur sacrifice.
1914 – 1918: La Chartreuse va acquérir une sinistre réputation.
Elle sert de prison pour des centaines de Belges qui osent se dresser contre l'envahisseur et lui résister. C'est à la Chartreuse que sont conduits, la veille de leur exécutions, les condamnés à mort par l'autorité militaire allemande. Ils furent 49 à y être fusillés et enterrés. Le plus jeune avait 18 ans.
Nous vous rappelons le nom de ces obscurs mais vaillants compatriotes:
1. BARTHELEMI, Fr-Jos
2. BOURSEAUX, Jean
3. BEGUIN, Aug-Jos
4. BURY, Germain
5. COLLARD, Louis
6. COLLARD, Ant
7. CONICK, Henri
8. DEFECHEREUX, H-Jos
9. DELARGE, Oscar
10. DERACHE, Joséphine
11. DESCHEUTER, Jules
12. FRANÇOIS, J-Bapt
13. GAROT, André
14. GIKINET, Amédée
15. GILLET, Charles
16. GILLOT, Joseph
17. GRANDPREZ, Cons
18. GRANDPREZ, Elis
19. GREGOIRE, André
20. HENROT, Dieudonné
21. HERCK, Constantin
22. HESSE, Pierre
23. HICK, Joseph
24. KERF, Joseph
25. LAMBRECHT, Dieudonné
26. LE JEUNE, Jean
27. LEGRAND, Jean
28. LECOQ, Clément
29. LELARGE, Jacques
30. LEMOINE, Charles
31. LENDERS, Justin
32. MONFORT, Cassian
33. NOIRFALIZE, Henri
34. PAQUAY, François
35. PEIFFER, Pierre
36. RAMET, Alphonse
37. RICHTER, Adrien
38. SACRE, Oscar
39. SIMON, Adam
40. SIMON, Orphal
41. SMEESTERS, Aug
42. SMEESTERS, Jos
43. VAN der SNOECK, Jean
44. SOHERS, Pierre
45. WATHELET, Henri
46. WAUTHY, Jacques
47. WIERTZ, God
48. XHONNEUX.Guillaume
49. ZILLIOX, Joseph
Le 14 décembre 1919. la plupart d'entre eux furent inhumés à la pelouse d'honneur du cimetière de Robermont. A l'enclos des fusillés de la Chartreuse, 49 croix rappellent leur sacrifice.
Les deux frères COLLARD reposent toujours à l'enclos des fusillés.
1918 - 1940: La Chartreuse redevient caserne et s'agrandit.
Nombreuses transformations.
En 1939, les blocs 19 et 20 sont achevés. Durant la mobilisation la chartreuse regorge de soldats: Plus de 2.000 hommes.
1940: nouvelle invasion allemande. Durant la campagne des 18 jours des hommes du 15e Régiment d'Artillerie et du 3e Génie tombent pour la Patrie 1940 - 1944: La Chartreuse sert de caserne pour les troupes allemandes. Nouveaux aménagements: II subsiste toujours de cette époque certaines inscriptions en allemand, notamment "Rauchen Verboten!"
Septembre 1944: un événement tragique a marqué la libération du quartier de Robermont. Un jeune scout a été abattu, le 08.09.44, par un soldat allemand, alors qu'il hissait le drapeau belge sur le clocher de l'église de Robermont, située en face de l'enclos des fusillés de 14-18: voici le texte inscrit sur l'église: "Liégeois, souvenez-vous de JACKIE JANSEN frappé à mort par des balles allemandes le 08.09.1944 alors qu'il hissait le drapeau au clocher de cette église pour saluer la libération de Liège.
"En 1980, peu s'en souviennent encore".
Septembre 44 - Juillet 45: La Chartreuse sert d'hôpital pour l'armée américaine durant l'offensive des Ardennes, un V1 est tombé sur le centre de triage des soldats blessés, je ne connais pas le nombre des victimes. A droite à l'entrée du côté du Thier de la Chartreuse, il y a une plaque commémorative avec cette inscription : "28th Général Hospital. The 28th General Hospital US Army occupied this Site of La Chartreuse - Sep 26 44 to july 5 45". Le texte devient de plus en plus illisible.
1945 - 1955 La Chartreuse a abrité des milliers d'hommes.
Depuis lors, elle a été de plus en plus abandonnée et maintenant elle est appelée à disparaître.
LES MONUMENTS AUX MORTS DES DEUX GUERRES
Lorsque vous arrivez à la Chartreuse après le Thier, vous avez, en débouchant de la rampe d'accès:
à droite
LE MONUMENT DU GENIE en forme d'arc de triomphe.
D'un coté on peut lire: "Aux héros tombés pour la défense de la Patrie et l'honneur de leur arme: 8 officiers, 10 sous-officiers, 133 caporaux et soldats du Génie de la 6e Division d'armée. Aan onze die vielen voor de verdediging van het Vaderland en de eer van hun wapen: 8 officieren, 10 onderofficieren, 133 korporaalen en soldaten van de Génie der 6e Legerdivisie."
De l'autre côté: "Aux nôtres tombés pour la défense de la Patrie et l'honneur de leur arme: 10 officiers, 18 sous-officiers, 190 caporaux et soldats de la 3e Division d'armée et de la position fortifiée de Liège."
Aan onze die vielen voor de verdediging van het Vaderland en de eer van hun wapen: 10 officieren, 18 Onderofficieren, 190 korporaals en soldaten van de Génie van der 3e Legerdivisie en de versterkte Stelling Luik.
On y a apposé une plaque: "Aux morts du 3e Génie 1940-1945"
à gauche
Le MONUMENT du 1er REGIMENT DE LIGNE: comme inscription: "Le 1er Régiment de Ligne aux morts des 1 et 21 tombés pour la Patrie 1914 - 1918. Het eerste Linie Régiment aan de Dooden van het 1e en 21e gevallen voor het Vaderland 1914 - 1918"
Faisant face au monument du Génie nous avons le MONUMENT de l'ARTILLERIE.
Comme inscription: "Aux morts glorieux de l'Artillerie du 3e Corps d'Armée: 15A - 16A (126 Morts): 15e Régiment d'Artillerie, campagne 1940 - 1945 (59 morts)
Sur les bâtiments de l'ancienne caserne (ancien fort) ont été scellés les noms des différents batailles auxquelles prirent part, durant la guerre 14 - 18 ceux de la Chartreuse. Voici ces noms: LA LYS - LIEGE - STADENBERG - ANVERS - MERCKEM - OOST-NIEUWKERKE.
Les deux derniers souvenirs de ceux de 14 - 18:
Le MUSEE des FUSILLES: installé dans une casemate voûtée de l'ancien fort. Il contient encore quelques souvenirs: textes et documents ainsi que des photos.
Le dernier couloir voûté que traversaient les condamnés à mort en se rendant à l'enclos existe toujours avec certaines inscriptions.
Malheureusement le tout est laissé à l'abandon.
L'ENCLOS DES FUSILLES: avec sa grande croix, son autel, de pierre, son monument où se trouve l'inscription suivante: "AUX FUSILLES DE LA CHARTREUSE".
A l'endroit exact de leur exécution, un gros morceau de rocher brut sur lequel se trouve gravé: "ICI tombèrent sous les balles allemandes 48 HEROS victime de leur Dévouement à la PATRIE. Passant, garde fidèlement le Souvenir de ces Nobles Martyrs du Devoir: 1914 - 1918".
Une chose nous a surpris, Th. Gobert cite le nom des 49 Fusillés et sur le roc se trouve inscrit le chiffre 48 ?
Nous voici arrivés au terme de ce bref survol historique et militaire du site de LA CHARTREUSE.
En écrivant cet article notre but est double:
1. Attirer votre attention et susciter votre intérêt sur ce petit morceau de notre patrimoine militaire et historique et, ce, avant que les bulldozers ne le fassent complètement disparaître.
2. rassembler les documents et photos sur la Chartreuse. Documents et photos qui, souvent, traînent dans un tiroir et risquent dès lors d'être jetés. Ce sera peut-être l'occasion pour certains d'entre vous de compléter, par vos souvenirs, vos remarques, la période de 1920 à 1955. En rédigeant cet article, nous avons, souvent, pensé à tous ceux qui, tant le 4 août 1914 que le 10 mai 1940 ont quitté "LA CHARTREUSE" pour faire tout simplement leur Devoir: DEFENDRE NOTRE PAYS.
Nombre d'entre eux ont donné leur vie afin que nous puissions encore, maintenant vivre libres. C'est à eux que nous dédions ce modeste travail.
R.MEIJERS, Aumônier
L.BALCK, Cap. Chef
1978 - 1980
BIBLIOGRAPHIE et SOURCES:
- Th. GOBERT: Liège à travers les âges, les rues de Liège.
- Dr. J. WIJN: Het staatsche léger.
- Archives du Génie, Château de Vincennes, France: nos remerciements à Mlle LACROQ, Bibliothécaire et à Mlle SALAT.
- Algemeen Rijksarchief's Gravenhage, Nederland; nos remerciements à Mrs HOSTE et van LAAR.
En guise d'ultime conclusion: 1982, la Chartreuse est toujours domaine militaire mais pratiquement à l'abandon.
Comment a-t-on pu laisser se détériorer et abandonner un tel site. Question sans réponse.
R. Meijers
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